Aujourd’hui je vous présente Dominique qui est présidente de l’Association Nationale des Maîtres de Chiens Guides qui soutient mon podcast ce trimestre, et qui est accompagnée de Pop, son sixième chien guide ! Et qui dit 6 chiens guides, dit une longue histoire avec les chiens guides à travers les années, et toutes leurs évolutions. D’ailleurs son premier chien ne venait pas d’une école de chiens guides, pourquoi ? Car il n’en existait pas en fait. C’est vrai qu’aujourd’hui leur existence fait largement partie de l’univers des chiens guides, mais avant d’en arriver là, il a fallu trouver des solutions comme nous le raconte Dominique.

Transcription intégrale

 

Transcription générée automatiquement par Happy Scribe

E.

Salut à tous, je m’appelle Estelle et je suis passionnée depuis toujours par les chiens guides d’aveugles. Bénévole pour cette cause à Paris depuis des années et aujourd’hui à Lyon, j’ai lancé le podcast futur Chien Guide, étant persuadé que l’univers des chiens guides d’aveugles mérite d’être mieux connu par tous, afin que chacun puisse y trouver sa place. Mais savez-vous que seuls 1% des déficients visuels sont accompagnés d’un chien guide ? Alors, pour mieux comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi pour découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, je vous partage deux fois par mois mes échanges avec un invité issu de cet univers, maître de chien guide, bénévole et tant d’autres. Pour en savoir encore plus, n’oubliez pas de vous inscrire à ma newsletter mensuelle pour découvrir les coulisses du podcast, les actualités des chien-guides et bien sûr, des nouvelles de mes invités. Aujourd’hui, je vous présente Dominique, qui est présidente de l’Association nationale des maîtres de Chien Guide, qui soutient mon podcast ce trimestre. Et qui est accompagné par POP, son sixième Chien Guide, et qui dit: Si, Chien Guide dit une longue histoire avec les Chien Guide à travers les années et toute son évolution.

 

E.

D’ailleurs, son premier Chien Guide ne venait pas d’une école de Chien Guide. Mais pourquoi ? Car il n’en existait pas. C’est vrai qu’aujourd’hui, leur existence fait largement partie de l’univers des chien-guides. Mais avant d’en arriver là, il a fallu trouver des solutions, comme nous le raconte Dominique. Et maintenant, place à l’épisode. Bonjour Dominique.

 

D.

Bonjour.

 

E.

Merci d’avoir accepté mon invitation sur le podcast futur Chien Guide et de m’accueillir en plus dans cette belle structure qui est l’ANM Chien Guide, l’Association nationale des maîtres de Shein Guide. Comment vas-tu ce matin ?

 

D.

Ça va. Ça va comme d’habitude.

 

E.

Comme d’habitude, en forme, à Paris toutes les deux pour l’occasion. Et toi, tu es bien On entend une petite clochette dans le coin. Tu es venue en compagnie de ton chien guide, bien sûr. Est-ce que pour commencer, tu peux nous donner trois mots pour te décrire et trois mots pour décrire justement ce petit toutou, ce grand toutou, j’ai envie de dire.

 

D.

Alors, trois mots pour me décrire. Joyeuse à l’écoute, réservé.

 

E.

Et alors, pop, est-ce qu’il te ressemble ?

 

D.

Je ne sais pas. Pop, il est tendre, il est brutal et c’est un grand professionnel.

 

E.

Alors, tendre et brutal dans la même phrase ? Comment tu expliques ça ?

 

D.

Il est tendre, c’est-à-dire qu’à la longue, dès que la relation a pu s’établir et a pu se stabiliser, il s’est révélé tel qu’il est. Et c’est vrai qu’il s’est révélé qui est un chien extrêmement tendre, extrêmement attentif, extrêmement à l’écoute lui aussi. Par contre, il garde sa brutalité de chien très costaud. Et dès qu’il remue, dès qu’il commence à s’agiter, c’est une bombe.

 

E.

Oui. C’est vrai qu’il est assez imposant pour les gens qui nous écoutent. Comment tu le décrirais ton pop ?

 

D.

Je le décrirais comme un labrador qui fait 70 centimètres au garrot et qui pèse 47 kilos et qui est très, très, trèsJe ne peux pas dire remuant parce qu’il est capable de rester très longtemps, par exemple dans le train, il reste 5 heures sans bouger, mais qui, quand il se met à bouger réellement, il était très actif, voire brutal, parce qu’il bouge comme Ça peut être bien bâti.

 

E.

Oui, il est un peu imposant, on peut dire. Mais en tout cas, à côté de toi, ça, on l’impose, justement, parce qu’il guide tes pas depuis combien de temps, Pop, maintenant ? Deux ans et demi. Deux ans et demi. Mais je crois que ce n’est pas ton premier chien de guide.

 

D.

C’est le sixième.

 

E.

Le sixième. Est-ce qu’on peut reprendre un petit peu le fil de l’histoire ? Au tout début, comment ça s’est passé ? Est-ce que tu connaissais les chiens guides ou pas ? Comment tu as découvert les chiens guides ? Il y a si longtemps, du coup ? C’était une découverte un peu par hasard ou pas du tout ?

 

D.

C’était par hasard. Je ne savais pas que ça existait. Nous en avions à la maison, mais c’était des chiens de compagnie. Et quand ma sœur était interne dans un établissement pour déficient visuel et quand on est allé la chercher, j’ai rencontré le chien guide du directeur.

 

E.

Ce qui est assez intéressant, c’est quand on a échangé un petit peu en amont de l’épisode, c’est ton sixième chien, mais ce n’était pas il y a six ans, c’était il y a plus longtemps. Et à l’époque, les chiens guides, ce n’était pas tout à fait la même chose qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, tu es d’ailleurs présidente de l’Association nationale des maîtres de chiens guides, où on est aujourd’hui. On en parlera un petit peu après. Mais à l’époque, il y avait pas toutes ces structurations-là. Et quand tu découvres ça, le chien du directeur, tu sais d’où il venait ?

 

D.

C’était en 1960 ou 1961. Et il a été éduqué par Paul Corteville.

 

E.

Directement, OK.

 

D.

C’était un chien noir, un groendal.

 

E.

Et donc, Paul Corteville, il est à l’initiative du Centre de… Qu’on appelle les chiens du Nord, le Centre Paul Corteville. Là, c’était lui qui éduquait lui-même les chiens de ce directeur-là. Ça t’a donné quoi comme impression, toi ? Tu étais déjà déficient de visuel ?

 

D.

Je pense qu’inconsciemment, ça m’a ouvert les yeux concernant le chien guide. J’ai su que le fait d’être chien guide, de pouvoir guider, pouvait joindre l’utile à l’agréable. Un chien pouvait donc être compagnon 24 heures sur 24. Je savais que je travaillerais, je savais que j’aurais une activité professionnelle et je savais donc que j’aurais un chien guide. Et là, ça m’a donné des ailes.

 

E.

Oui, alors que tu n’avais que sept ans. Oui.

 

D.

Et pendant toute mon adolescence, quand j’étais en internat. Ce chien, je l’ai imaginé tous les jours à côté de moi. C’était un chien imaginaire. Il y a des enfants qui ont des amis imaginaires. Moi, j’avais un chien imaginaire à côté de moi. C’était un gros chien. Comme pop. Comme pop. Après, en fac, j’ai été sans chien, mais je n’avais plus de disponibilité d’esprit pour penser au chien imaginaire. Et dès que je suis sortie de la fac et que j’ai eu mon activité professionnelle, j’ai eu mon chien.

 

E.

Ton tout premier chien, on en avait parlé l’autre jour au téléphone. Et étonnamment, il ne venait pas… Nous, on pourrait se dire, il vient d’une école de chiens guides comme on les connaît, etc. Mais à l’époque, il n’y avait pas tout ça. Comment ça s’est passé pour toi ? Comment tu as eu ce premier chien guide ?

 

D.

Par l’intermédiaire d’une personne que nous connaissions, nous avons eu vent qu’un dresseur de chien se trouvait dans les environs. Nous sommes allés chercher un chiot dans une ferme des environs. Nous l’avons servi de famille d’accueil pendant quatre mois et nous l’avons confié à ce dresseur qui l’a donc dressé et je l’ai récupéré à 10 mois. C’était un croisé de et de bergers belges, malinois.

 

E.

Et c’était un dresseur de chien-guide ou un dresseur de chien classique ?

 

D.

Non, un dresseur de chien classique.

 

E.

Comment on en vient à se dire ?

 

D.

Il nous avait dit qu’il avait déjà dressé des chiens-guides. À l’époque, on disait dressé. Maintenant, on lui dit éduquer.

 

E.

Déjà, rien que ça, ce changement de mots veut bien montrer toute l’évolution qu’il y a eue. Bien sûr. Qu’est-ce qui faisait ce dresseur de chien ? Vous aviez un peu échangé avec lui, j’imagine, pour lui confier le chien en tant que tant.

 

D.

Oui, bien sûr, mais on n’avait pas le choix. C’était le seul dans la région qui pouvait nous rendre ce service. Il n’y avait pas beaucoup d’écoles à l’époque. Et puis, elles ne communiquait pas. Voilà, on a fait au plus utile.

 

E.

Et donc ce premier chien, tu nous disais que c’était un grand chien.

 

D.

Oui, un peu comme Pop. Il avait le même stature, mais il n’était pas castré, il était agressif. Mais bon, ça ne m’a pas gêné plus que ça.

 

E.

Ça a réussi à matcher entre vous, on va dire. Oui. Et tu nous as dit, là, c’est quand tu es sortie de la fac. Donc, tu as eu le chien et puis tu as pris ton indépendance en même temps, je crois. Voilà.

 

D.

À 500 kilomètres de chez moi, j’ai pris un appartement, mon activité professionnelle et le chien.

 

E.

Grand changement de vie.

 

D.

Et ça a roulé, oui.

 

E.

Comment ça s’est passé, ces premières années de guide avec Niki ?

 

D.

C’est comme quand on débute dans un lieu inconnu, c’était un peu de solitude. C’était le travail, le trajet, le domicile. Puis après, peu à peu, les connaissances, les amitiés, les aventures. Tout est parti de là, comme tous les jeunes qui s’installent.

 

E.

Ça a été un peu ton premier guide dans tes vies indépendantes ? Oui. Niki t’a accompagné combien de temps ?

 

D.

Dix ans. Oui, quand même. Il est mort à 13 ans, quand même. Tous mes chiens sont morts à 13 ans.

 

E.

Ok. Comment tu voyais la vie après Niki ?

 

D.

La vie continue. Je voyais la vie avec un autre chien guide. Et j’ai gardé Niki à la retraite. Tous mes chiens, j’ai gardé à la retraite.

 

E.

Et donc après, par contre, une fois que tu avais eu Niki, c’était quand même plus simple. Tu savais que les écoles existaient ? Parce que dans ces 10 années, tu as dû croiser du monde.

 

D.

Dans ces 10 années, il y a eu peut-être un peu plus de communication et j’ai eu mon deuxième chien à l’école de Limoges.

 

E.

Donc là, les écoles commençaient à se structurer. Oui. Comment tu as perçu, toi, de ton point de vu de bénéficiaires, futurs bénéficiaires de ces chiens, la structuration des écoles ?

 

D.

Il y avait un peu de communication, il n’y en avait pas beaucoup, tout de même. Je n’ai perçu l’organisation des écoles qu’à partir des années 2000, quand l’école de Toulouse a vu le jour. Je suis rentrée dans le système parce qu’en 2006, j’ai eu le quatrième Chien Guide à l’école de Toulouse. Et c’est là, je me suis intéressée à la structure des écoles. Il y avait déjà quasiment toutes les écoles. Ça a été très vite. Ce système d’écoles de couverture du territoire a été très vite installé. Je ne peux pas dire quand je ne le sais pas. Je n’ai cette connaissance. Je pense que c’est dans les années 90 que ça a commencé réellement à couvrir tout le territoire.

 

E.

De ton point de vue, en tout cas, de bénéficiaire, les écoles te sont appérues un peu dans le paysage au début des années 2000. C’est là Il faut dire que je m’y intéressais pas tellement.

 

D.

Le principal, c’était que je trouve une école pour me fournir un chien. Je voyais les choses à mon échelle.

 

E.

Oui, c’est intéressant aussi de voir ça comme ça. C’est-à-dire que le premier chien, vous l’avez fait dresser à côté. Les deux chiens après, ils ont été…

 

D.

Le deuxième, c’était une école fédérée, l’école de Limoges, qui a été fédérée à partir de la naissance de la fédération. Et le troisième, c’était un particulier aussi, qui avait fondé un centre d’éducation non fédéré à Perpignan.

 

E.

Comme ça, tu as pu découvrir différents types d’éducation. Et puis, je crois que tu es tombée amoureuse du berger australien. Tu en avais déjà eu un à Limoge.

 

D.

Non, à Limoge, c’était un labrador. J’en ai eu deux à Toulouse.

 

E.

C’est Toulouse.

 

D.

J’ai eu deux bergers australiens à Toulouse. Oui, ce sont des chiens exceptionnels, les bergers australiens, mais des chiens très particuliers.

 

E.

Et du coup, tu t’es investie un peu ? Toi, tu étais dans le coin de Toulouse, à cette époque-là, tu as eu ton quatrième et ton cinquième chien ? Oui. Tu t’es un peu investie dans l’école ? Comment ça s’est faite cette découverte un peu ?

 

D.

Oui, j’ai fait beaucoup de sensibilisation et je suis administratrice.

 

E.

D’accord, donc depuis ces années-là.

 

D.

Oui.

 

E.

Comment était la structuration des écoles ? Est-ce que ça a beaucoup évolué depuis les années 2000 par rapport à ce qu’on connaît aujourd’hui ?

 

D.

Je pense que ça n’a pas beaucoup évolué côté administratif. Après, côté éducation, dans la mesure où les écoles ont été fédérées, il y a eu des structures communes, communes à toutes les écoles. Donc, les modes d’éducation ont été harmonisés. Tout a été harmonisé. Donc, disons que ça a été une politique plus nationale dans tous les domaines. J’ai fait beaucoup de sensibilisation.

 

E.

En tant que bénévole, du coup ? Oui. Aux côtés de tes deux bergers australiens ? Oui. Et comment tu as découvert l’ANM ? Est-ce que c’est à ce moment-là aussi que tu as découvert l’ANM ?

 

D.

J’étais adhérente en 1987, quand j’ai eu mon chien de limoche. Après, je ne l’ai plus été, je ne sais pas, par flemme ou je ne sais pas. Et je l’ai été à nouveau en 2006, quand j’ai eu mon premier Australien, comme je travaillais, quand j’ai pris ma retraite, j’ai été contactée par un ami qui m’a convaincu de me présenter en 2012.

 

E.

Donc oui, ça s’est fait dans l’évolution aussi des différents chiens que tu as eus. Et là, Nathalie, j’imagine que tu n’es pas rentrée tout de suite par la porte de la présidence. Comment ça s’est passé pour toi ?

 

D.

Quand je suis rentrée en 2012, je suis devenue trésorière et je suis restée trésorière jusqu’en 2017.

 

E.

Et là, c’est là où tu as passé le cap de la présidence ?

 

D.

Là aussi, j’ai été poussée.

 

E.

Oui. Et au final, ce rôle de présidente te convient, te sciait. En tout cas, moi, je vois qu’avec Paupe, vous formez un duo. Parce qu’entre temps, tu as eu ton sixième guide. Oui. Paupe qui t’accompagne dans ton avis. En 2021. En 2021. Et là encore, nouvelle aventure, nouvelle école.

 

D.

Et Paupe est le résultat d’une mutualisation.

 

E.

Donc, il t’a été remis…

 

D.

À Bordeaux. Et maintenant, il est suivi par Toulouse.

 

E.

Et là, par rapport à tout ça, sur les évolutions des écoles, si on peut revenir deux minutes, parce que moi, je suis passionnée par le fait que tu aies vécu toute cette histoire. Moi, de ma petite échelle. Je connais les écoles depuis une dizaine d’années, mais au final, elles se sont structurées bien plus les années d’avant que ces dizaines d’années, je pense. Comment se sont faites les relations entre les différentes écoles, toi, à ton échelle de bénéficiaire ? Est-ce que c’est quelque chose qui t’intéressait ou c’était plutôt juste d’avoir le chien ?

 

D.

Non, avant d’entrer à l’ANM, je ne m’intéressais pas parce que je manquais d’informations. On ne peut s’im que si on est informé. Donc vraiment, je ne savais pas. Et même quand j’ai commencé à participer à l’école de Toulouse, j’avais des informations venant de l’école de Toulouse, à la limite de la fédération, mais pas des autres écoles. Je ne peux pas dire si ça a beaucoup changé actuellement. Peut-être. Je ne m’avancerai pas sur ce terrain.

 

E.

Tu imaginais qu’il y avait autant de personnes impliquées au niveau des écoles, au niveau du National, où tu as Tu as plutôt découvert tout ça avec passion, on va dire ?

 

D.

J’ai découvert tout ça avec curiosité, intérêt, passion, oui, modérément. Parce que l’ANM représente déjà beaucoup d’investissement. Et puis parce que je n’ai pas été tout de suite administratrice de la Fédération. Je l’ai été je ne sais plus quand, mais d’ailleurs, je ne sais plus depuis combien de temps.

 

E.

Je me demandais quel était ton quotidien de présidente à l’ANM ? Et est-ce que c’est beaucoup de réunions, d’équipes ou d’extérieurs ?

 

D.

C’est beaucoup de réunions, d’expo ou d’extérieur. C’est beaucoup de réunions, beaucoup de Zoom. C’est connaître tous les sujets, tous les dossiers. C’est connaître très bien les salariés. C’est être réactive tout le temps, être toujours joignable. Quand je dois partir, je le dis, c’est toujours avoir un fil qui relie à la NM. Et les salariés, c’est pareil, ils savent qu’en Tout le temps, même la nuit, si l’association brûle, ils peuvent m’appeler, je répondrai. Ils savent. C’est un lien. Je suppose que ce lien se nourra avec le président suivant.

 

E.

Oui, ce rôle de présidente que tu as investi depuis quelques années maintenant, c’est vraiment être en lien. Là, aujourd’hui, on est sur Paris. Je sais qu’après, vous partez dans diverses réunions, représentation, sensibilisation. On a d’ailleurs parlé avec Stéphane, le directeur maintenant de l’ANM, dans l’épisode 76. On a un peu parlé des missions de l’ANM, donc on ne va pas s’étendre aujourd’hui sur la question. Mais en deux mots, cette représentation et cette défense des droits et de l’accès du chien guide et de la présence du chien guide aujourd’hui dans notre société, t’occupent du coup aujourd’hui au quotidien. Elle t’occupe plutôt bien, on va dire. Tu ne t’ennuies pas, je pense. Et puis, vous avez vraiment des missions qui sont très diverses, là, entre les différentes réunions qui arrivent, les sensibilisations, des choses un peu plus administratives et légales aussi, parce que ça tourne aussi autour de la loi, j’imagine.

 

D.

Oui, c’est vrai que les missions sont très diversifiées. Les missions administratives, évidemment, pour faire tourner l’association, le cœur du métier de l’association, c’est quand même la défense des utilisateurs, surtout dans la défense du droit d’accès. Après, c’est un la marche d’une entité qui s’occupe d’une population de 1 400 personnes. Donc, c’est les appels téléphoniques aux adhérents. Il y a aussi des relations politiques qui ne sont pas les plus faciles. Avec peut-être les écoles et puis avec les associations externes comme justement Andy Chien, les chiens du silence. Toutes les entités qui peuvent avoir les mêmes buts, je ne peux pas dire que nous, mais les mêmes buts de remises de chien à des personnes qui en ont besoin. Et nous avons deux conventions, une avec Handi-Chien et une avec les chiens du silence. Et d’après ces conventions, nous défendons aussi les droits des ressortissants d’Andy Chien et du chien du silence.

 

E.

Ça, c’est vrai que c’est une vraie évolution. Et en même temps, c’est C’est quelque chose que vous faisiez déjà, mais sans qu’il y ait de convention. Parce que quand on parle de chien-gui, de chien d’assistance, derrière, les lois, elles ne vont pas cibler que les chien-guis.

 

D.

C’est les mêmes.

 

E.

Voilà, c’est les mêmes lois. Ça me fait faire un parallèle avec mon ancien métier. Moi, je défends C’est les éleveurs de chèvres, les producteurs fermiers. Donc, on était sur 3 000 dans la population, 3 000 producteurs fermiers de chèvres. Et au final, on défendait la réglementation pour la transformation à la ferme. Et de fait qu’il y ait des chèvres, des brebis ou des vaches dans la ferme, ça ne changeait pas grand-chose sur cette partie réglementaire. Ça me fait toujours penser à cette situation que j’ai vécue au quotidien pendant de nombreuses années, où on parle pour tous et en même temps, les gens en face, des fois, ont du mal à comprendre que de toute façon, la législation, elle s’applique à tous les chiens d’assistance et chiens guides de la même manière. Elle ne va pas discriminer à la porte un chien guide vs un chien d’assistance, malgré ce qu’on peut voir parfois sur les petites lignes des écriteaux qui ne sont pas tout à fait raccord avec cette réglementation.

 

D.

C’est vrai, C’est vrai. Nous avons eu un exemple où un chauffeur de bus, je ne sais plus quelle société c’était, disait que oui, d’accord, pour les chiens guides, mais pour les chiens d’autres personnes handicapées, c’était non, pas d’accès.

 

E.

Et là, du coup, il faut ramener un petit peu dans le bon sens. Mais c’est le quotidien d’une association qui représente justement des personnes. C’est une fois qu’on a mis le pied, et je le dis souvent dans mes échanges que j’ai des fois, avec les auditeurs. Justement, des fois, certains s’offusquent de dire: C’est bien, il y a les chiens guides, mais il n’y a pas les chiens d’assistance. De mon point de vue, en tout cas, c’est plus simple de continuer la discussion une fois qu’on a fait accepter une partie de la population, on va dire, que la marche est plus grande pour tout ce qui était les lois d’accès, les lois refus d’accès, etc. Tout ça, je pense que c’est plus difficile, mais ça, c’est à toi de me le confirmer, d’écrire noir sur blanc que les chiens guides peuvent aller quelque part, que de rajouter le mot chien d’assistance à côté chien pour préciser la loi ou dans la discussion.

 

D.

Dans la loi, c’est écrit: Les chiens accompagnant une personne handicapée. Voilà.

 

E.

Et ensuite, c’est les gens, comment ils la transcrivent dans leur réalité qui peut être un peu différente. Et c’est là tout le métier, justement.

 

D.

Mais les chiens guides ont quand même des siècles, voire des millénaires d’existence. Et donc c’est vrai que c’était le bon moment pour les chiens guides. C’était peut trop tôt pour les chiens d’assistance. Un des chiens est né en 1992.

 

E.

Oui, c’est vrai qu’au regard de l’histoire des chiens d’assistance… Je continue mon parallèle dans ma tête, c’est que les éleveurs de chèvres sont toujours connus depuis très longtemps pour faire du fromage à la ferme. Et les éleveurs de vaches et de brebis en ont toujours fait aussi, mais sont un peu moins dans les mœurs. Et du coup, on embarquait tout le temps tout le monde dans nos discussions. Et pourtant, on était la Fédération des éleveurs de chèvres. J’adore faire ce parallèle et moi, je le fais au quotidien quand je vous écoute, parce que ça permet de montrer que ce n’est pas le nom qui fait la mission. Ce n’est pas que le nom qui fait la mission, en tout cas. Enfin, si tu es d’accord avec moi.

 

D.

Tout à fait.

 

E.

Je me demandais, on a parlé pas mal de ton lien avec les chiens guides d’aveugles, avec tes nombreux compagnons qui t’ont guidé, avec POP aujourd’hui. Est-ce qu’il y a quelque chose que tu as pris ou découvert dans cette aventure auprès des chiens guides d’aveugles dont tu nous ne doutais pas du tout quand vous êtes allé chercher ce petit chiot dans une ferme dans les années 70 ?

 

D.

Je savais que le chien me guiderait, que je ne me posais pas de questions. Et je savais surtout que je pourrais emmener mon chien de compagnie partout. Et ça me suffisait Après, le reste, je savais que je le découvrirais comme je savais que je découvrirais tout, tout ce que j’avais à découvrir.

 

E.

Donc, autant l’univers, les écoles, tout ce qui t’amène aujourd’hui.

 

D.

Oui, mais l’important à l’époque, c’était le chien. Les structures, Je n’étais pas en état, ça ne m’intéressait pas. De toute façon, je pense que les structures existent. Quelques écoles existaient.

 

E.

C’est vrai que c’est bien plus tard que tu as appris et découvert, au final, comment ça fonctionnait ?

 

D.

Oui, autrement, là, soit premier, deuxième ou troisième chien, je n’avais pas assez de temps, ni d’énergie, ni de disponibilité pour m’impliquer.

 

E.

Oui, je pense que c’est aussi en fonction du quotidien de la personne. Tout à fait. Ce n’est pas une obligation de devenir président ou administrateur d’une structure et de se renseigner sur les moindres détails de la structure. Et c’est ce qu’on peut voir. Il y a beaucoup de gens avec qui je discute qui sont bénéficiaires de chien-guide, de chien-assistance.

 

D.

Et qui n’y connaissent rien, oui.

 

E.

Et ce n’est pas grave.Non.

 

D.

Ce n’est pas grave. Du moment qu’il y a les vieux pour s’en occuper, ça va.

 

E.

Heureusement que les vieux sont dynamiques. Alors si je reprends ton expression. Et c’est vrai qu’en général, c’est aussi dans la vie. Des fois, on bénéficie de choses et on s’intéresse qu’un peu plus tard, on se pose des questions qu’un peu plus tard et puis on s’implique aussi quand on a du temps. C’est ce que tu disais, au tout début, ce n’était pas la priorité. La priorité, c’était d’avoir un chien à tes côtés pour te guider.

 

D.

Je me souviens de la première sortie avec mon premier chien. J’ai encore dans les oreilles le vent et j’avais l’impression de voler. J’avais l’impression d’être un oiseau, un volatil quelconque. Et je me disais: Cet oiseau doit ressentir ce que je ressens. Il doit ressentir le vent qu’il traverse, le vent de la vitesse. Parce qu’on allait très vite et c’était merveilleux. Et cet émerveillement, je le ressens encore chaque fois que je sors avec mon chien guide. Et chaque fois que je sors avec mon chien guide, que je circule sur le trottoir, je repense. J’ai toujours une pensée pour cette première sortie avec mon premier chien guide, parce que c’est toujours la même sensation. Je ne peux pas dire de liberté, parce que la liberté, c’est beaucoup plus grand que ça, mais la sensation de vitesse, oui, de vitesse, même si on ne marche pas trop pas trop vite avec POP, mais de pouvoir circuler seul, sans assistance humaine. Alors après, je circule beaucoup avec assistance humaine, ça ne me dérange pas. Mais le fait de me dire que Je suis là, seule avec mon chien. Je vais où je veux. Je n’ai même plus besoin de lui donner d’indication: Va à droite, va à gauche.

 

D.

Il le sait rien qu’avec mon attitude. Si je lui donne les ordres pour les lignes, parce que ça, il tendance lui à vouloir aller tout droit. Donc, quand il y a des passages piétons et que je veux le traverser, il faut que je lui dise. Mais je peux lui parler doucement, sans crier. Il est à l’écoute. Nous ne faisons qu’un. Nous ne faisons qu’un individu circulant. Et ça, c’est une sensation d’un précieux indéfinissable. Et pour moi, c’est ça le chien guide. C’est ce qui me restera du chien guide quand je ne pourrai plus en utiliser, c’est cette faculté d’autonomie dans la circulation et de pouvoir aller au bout du monde.

 

E.

Tu me parles des lieux un petit peu… Tu me parles du bout du monde. Est-ce qu’il y a des lieux un peu exceptionnels où tu es allée, où tu ne serais jamais allée si tu n’avais pas été accompagnée d’un chien guide ?

 

D.

Non, non, non, non, je ne suis pas une aventurière. Non, non, non, non.

 

E.

Mais rien que de prendre le train toute seule et tout, peut-être que…

 

D.

Je le prenais. J’ai pris le train toute ma vie. Quand j’étais étudiante, je n’avais pas de chien, donc je prenais quand même le train. Non, non. Le chien, non. Il n’y a pas de lieu. Là, tu en trouveras des utilisateurs de chien-guide qui font des tas de choses avec leur chien. Et moi, je ne suis pas une aventurière.

 

E.

Mais tu vas quand même au bout du monde avec pop.

 

D.

Oui, c’est dans un cadre défini. C’est vrai, on fait beaucoup de choses. J’ai Il y a beaucoup de choses avec mes chiens guides.

 

E.

Tu es allée où avec eux ?

 

D.

Je suis allée en montagne, avec des potes quand même. Je suis allée en montagne, je suis allée en bateau avec mes chiens guides, mais je l’aurais fait sans aussi. Ce n’est pas le chien-guide, le Le chien guide ne m’a pas, disons, poussé. Si je n’avais pas eu de chien guide, je l’aurais fait quand même. Je serais allé en bateau, j’aurais fait de la montagne, j’aurais fait tout ce que j’ai fait avec chien guide. Il ne m’a pas ouvert ce genre d’horizon parce que je n’en ai pas besoin. Par contre, il m’a donné des ailes dans ce que je faisais.

 

E.

C’est vrai que le faire avec eux, ça n’a pas la même sensation ?

 

D.

Non, ce n’est pas du tout la même chose. Ce n’est pas du tout la même chose.

 

E.

Et est-ce qu’avec l’ANM, par contre, tu as dû aller dans des lieux un peu… Je ne sais pas, des ministères, des choses où là, pour le coup, quand tu en veux ton chien à tes côtés, chien de guide imaginaire, je ne sais pas comment tu veux l’appeler, quand tu étais jeune, tu n’avais pas envisagé de les emmener jusqu’à ces lieux un peu de discussion, de négociations parfois, de sensibilisation ?

 

D.

On m’aurait dit quand j’étais jeune: Tu iras au ministère de la Santé, tu iras à l’Assemblée J’aurais dit: Bon, soit. J’irai. Ça m’aurait pas impressionné plus que ça, non. J’y vais pour la cause, pas pour moi.

 

E.

Du coup, ça te paraît logique ?

 

D.

C’est logique.

 

E.

Je me demandais s’il y a quand même un moment où il y a un de tes chiens, ou POP, si tu le veux, où t’as été bluffée, qui reste un souvenir marquant à un moment où tu es un peu restée sans voix dans ton aventure avec tes chiens.

 

D.

Oui, mais ce n’est pas un moment, c’est plusieurs moments et avec tous mes chiens, c’est quand on traverse les travaux. Parce que les travaux, ça bouleverse le paysage, le paysage quotidien. Il faut qu’on passe soit sur des passerelles, soit sur la route, soit qu’on contourne un grand périmètre. Et là, les chiens, ils savent. Et même si on doit faire demi-tour parce qu’on s’est fourvoyé, qu’il y a une barrière, qu’on ne peut pas passer. S’il faut qu’on fasse demi-tour pour retrouver notre sens de circulation, ils retrouvent le sens de circulation parce qu’ils savent où on va. Et ça, ça m’a toujours bluffé. Le chien soit à ce point force de proposition et souvent de proposition à bon escient.

 

E.

Oui, il ne se plante pas quand ils font ça.

 

D.

Non, il ne se plante pas. Il peut y avoir du bruit. On peut passer à 5 centimètres d’un marteau-piqueur ou d’un camion, d’une remorque. Les chiens, enfin du moins les miens, ils ont toujours géré. Et ça, je trouve que c’est bluffant. Et c’est de l’héroïsme au quotidien. Alors, je ne sais pas si tous le font. Quand on arrive à former une équipe avec son on obtient quasiment tout ce qu’on veut. Enfin, quasiment. Parce que parfois, il y a des petits… Moi, je n’ai jamais eu de clash particulier. Je sais qu’il en existe.

 

E.

Et toi, en tout cas, ça a matché avec chacun de tes chiens ?

 

D.

Oui, mais parce que ça a matché, parce que c’est moi qui m’adapte à eux. Et au final, c’est eux qui s’adaptent à moi. Et voilà, on fait chacun une partie du chemin, mais c’est toujours moi qui commence. C’est toujours le maître qui doit commencer.

 

E.

C’est vrai que tu vois, les travaux, je pense que ça, c’est une grande différence entre l’emploi de la canne et du chien. C’est ces situations un peu inhabituelles, un peu, je n’ai pas envie de dire, spontanées, parce que les travaux n’apparaissent pas en un claquement de doigts. Mais en tout cas, ils apparaissent sur un trajet d’un jour à l’autre, ou presque. Tout à fait. Et ça, j’imagine que quand tu es parfois à la canne, si ça t’arrive de temps en temps…

 

D.

Non, ça ne m’arrive pas.

 

E.

Ça ne t’arrive plus. Mais moi, je sais que ça m’arrive d’aider des gens, que je vois que là, ça va être compliqué à la canne, parce que tu as des travaux avec des barrières, des barrières et des barrières Et oui, le chien, là-dessus, est absolument bluffant, comme tu dis, parce que pour lui, c’est un petit challenge en plus, mais au final, c’est toujours la réussite au bout. Il te mène toujours au bon endroit.

 

D.

Il amène toujours à un endroit sécurisé. C’est Et il amène généralement au bon endroit, dans le bon prolongement du chemin que l’on était en train de parcourir.

 

E.

Il te corrige la trajectoire, entre guillemets.

 

D.

Il évite les obstacles. En fait, ça fait partie des deux missions du chien: éviter les obstacles et pointer les éléments dans l’espace. Et c’est vrai que quand les bénéficiaires sont à la canne, c’est un peu plus compliqué de savoir s’il faut partir à droite, à gauche.

 

E.

Et là, moi, je sais que quand les gens croisent, je propose mon aide, en tout cas, mon coude surtout, pour orienter, parce que nous, on voit un peu comment s’organisent les travaux dans l’espace, ce qui est très difficile de détecter à la canne.

 

D.

C’est une vue… C’est cité, c’est une vue analytique.

 

E.

Oui, c’est ça. Là, le chien… Il en parle global. Oui, le chien, lui, il voit à peu près d’où ça commence et où ça finit ou au moins, où ça continue, parce que des fois, il n’y a pas forcément de fin dans le bon sens où on voudrait aller. Mais comme tu dis, il trouve une solution et souvent, il te met au bon endroit. Et ça, Pop le fait aussi bien que les autres, j’imagine.

 

D.

Oui, Pop le fait bien, d’autant plus qu’il travaille avec la tête en l’air et qu’il est grand. Donc, il a peut-être un meilleur angle de vue que certains qui travaillent avec la tête baissée.

 

E.

Oui, et puis il est imposant. Comme tu le disais, 70 au garot C’est un petit bonnet, un peu, non ? C’est quoi ses petits surnoms à Pop ?

 

D.

C’est garçon. Garçon ? Garçon. Oui.

 

E.

Un gros garçon, en tout cas. Ou Popop.

 

D.

Popop. Ou Potpote. Potpote aussi ?

 

E.

C’est vrai que dans toute ton histoire, tu nous as pas trop parlé. Je sais pas si tu veux nous en parler de ce que tu faisais un peu dans la vie. Parce que pour moi, ça a aussi un sens par rapport à ton histoire, à ton vécu. Tu nous as parlé de ton premier boulot, mais sans nous dire trop ce que tu faisais. Quand tu m’en as parlé en préparant cet épisode, j’ai été absolument admirative de comment ça s’est passé. Parce que toi, tu as fait des études en sciences éco, si je me trompe pas.En droit.En droit. Et puis finalement, le poste que tu as appris au tout début et qui t’a animé tout au long de ta carrière était un petit peu différent que ce que tu avais peut-être envisagé.

 

D.

J’ai postulé pour enseigner les sciences éco. J’ai postulé dans ma région, en Auvergne. Avant d’avoir la réponse, j’ai eu une proposition de du lycée où j’avais fait mes études et une proposition de travailler avec des élèves déficients visuels. Donc, pour moi, ça faisait sens parce qu’en plus, c’est ce que je voulais faire quand j’étais ado, m’occuper des personnes déficientes visuelles. Donc, je me suis empressée d’annuler ma demande au niveau des sciences éco et j’ai été prof de sciences éco, mais détachée à l’enseignement des déficients visuels, à l’enseignement des aides techniques pour les déficients visuels.

 

E.

Ça, c’était une création de postes ?

 

D.

C’était une création de poste et ça a été une création dans la vie, comme tout enseignement d’ailleurs, parce que pendant toute ma carrière, j’ai aidé des ados, plus ou moins en souffrance, à acquérir les moyens qui les rendraient autonomes. Il y en a beaucoup, quelques-uns, pas mal d’ailleurs, ont fait beaucoup mieux que moi dans la vie.

 

E.

C’est vrai ?

 

D.

Oui, j’en suis très contente.

 

E.

Tu as des beaux exemples de Il y en a un, par exemple, qui est Sophian, qui est patron d’une succursale de vente de matériel spécialisé à Toulouse.

 

D.

Il est très fort en informatique. Une élève aussi qui est prof de maths. Moi, je suis très contente pour eux.

 

E.

Tu peux être super fière.

 

D.

Il y en a beaucoup qui sont venus au chien guide, parce qu’ils avaient toujours un chien qui ronflait dans la salle, donc ça les a incités à trouver que c’était apaisant.

 

E.

Tu penses que tes chiens guides ont eu un rôle tout particulier dans leur propre aventure avec les chiens guides ?

 

D.

Je pense, oui. Ils aiment avoir un chien, mais la présence des chiens est bénéfique partout dans les maisons de retraite. Je suppose que dans les classes, ça pourrait être pareil.

 

E.

C’est vrai que les chiens d’accompagnement scolaire, ça commence un peu à se développer sans pour autant qu’il y ait de la déficience visuelle en face. Ça aide aussi les élèves. Ces chiens-là, il n’y en a pas un par classe dans les lycées ou les collèges, mais il peut y en avoir un dans le lycée-collège, c’est déjà beaucoup. On a encore du progrès à faire, mais là, c’est vrai que toi, tu enseignais…

 

D.

J’enseignais tout ce qui pouvait les aider.

 

E.

Tu as dû un peu créer ton programme.

 

D.

Je n’ai pas créé mon programme. Si, un peu, mais j’ai fait en fonction de ce dont les collègues avaient besoin. C’est-à-dire, il fallait tout connaître: le braille mathématique, le braille scientifique, le braille littéraire. Il fallait aussi connaître l’abrégé, qui est une manière d’écrire le braille, mais c’est un peu comme une sténo. Ça, il fallait qu’ils le connaissent en fin de sixième pour pouvoir prendre des notes plus vite. Il fallait leur apprendre la géométrie, à décrypter les figures et à les représenter, les figures. Il fallait qu’ils connaissent aussi l’écriture en noir, des voyants, pour pouvoir, par exemple, nommer les angles des figures. Et puis, les cartes de géographie, je me souviens d’une séance mémorable où on a décrypté, parce que moi, je ne la connaissais pas bien non plus, la carte de l’Asie du Sud-Est. Parce que l’Asie du Sud-Est, c’est plein de tout petits pays minuscules. Et sur une carte en relief qui a un format A4, ce n’est pas évident.C’est.

 

E.

Un gros challenge.

 

D.

Oui, et puis surtout l’informatique.

 

E.

Ça, tu t’y es intéressée déjà ou c’est vraiment via ce poste-là ?

 

D.

À partir des années 80.

 

E.

Toi, c’était quelque chose qui a vraiment été… C’était l’avenir. Et tu l’utilises… Là, on enregistre, tu es à l’informatique devant toi aussi. Ça fait partie de ton plus que ton quotidien. Ça t’a permis de faire de grandes choses.

 

D.

Des grandes choses ? Seigneur, je n’y vais pas jusque-là. J’ai fait mon métier très modestement. Je pratique ma mission de présidente très modestement aussi. Je n’aime pas les représentations. Donc, je ne parle pas de grandes choses.

 

E.

Non, mais ce que je veux dire, c’est qu’en effet, dès ton premier poste, qui t’a mené toute ta vie, tu as dû trouver des outils pour aider ces jeunes. Et tu parlais de curiosité tout à l’heure. Je suis extrêmement curieuse aussi et je pense que tu l’as compris dans mes questions de toute façon. Mais c’est vrai qu’il a fallu aller chercher des moyens. Tu nous parlais des différents brailles qui sont en fait… Dis-moi, si je me trompe, des alphabèts un peu annexes du braille.

 

D.

Non, c’est la même chose, mais c’est comme l’écriture en noir. Il y a un signe différent pour chaque élément. En maths, il y a supérieur, inférieur, supérieur ou égal. En braille, c’est pareil. Le braille étant un système de combinaison de points, on les combine comme on veut.

 

E.

Tu as le alpha, le bêta et tout.

 

D.

Oui, on met un signe devant, devant le a, ça devient alpha. L’alphabet hébraïque aussi. Alors, quant à l’alphabet Cyrillique, japonais, je sais que ça existe, mais je ne l’ai jamais vu.

 

E.

Et donc, tout ça, tu as dû un peu mettre à disposition des jeunes en fonction de leurs besoins. Oui. Et puis, j’imagine, travailler, comme tu le disais, avec à tes collègues enseignants.

 

D.

En fait, tu étais une multi-preuve. Oui, de la sixième à la terminale. Alors, les maths de terminale, parfois, je demandais à l’élève: Ça veut dire quoi, ça ? En même temps, si tu devais tout savoir, c’est déjà exceptionnel.

 

E.

Il y a dû avoir plein de choses à ingérer et à adapter, surtout.

 

D.

C’était très diversifié. C’était intéressant. Après, les élèves étaient contents de venir parce qu’avoir un prof pour tout seul ou pour deux, c’était bien aussi.

 

E.

C’est ce que j’allais te demander, en nombre d’élèves sur…

 

D.

Il y en avait jusqu’à cinq. Les élèves, généralement, c’était un lycée qui accueillait tous les Il doit exister encore ce lycée. Tous les handicaps: les handicaps physiques, les sourds et les déficients visuels. Et les déficients visuels étaient très, très minoritaires. Donc, il y en avait un ou deux par classe. Il fallait que je m’occupe de cela, mais on était deux profs à faire ça. Donc, c’était généralement des petits groupes qui étaient contents. J’ai même eu parfois des élèves qui n’avaient pas besoin du braille et qui venaient me dire: Je veux faire du braille, parce qu’ils voulaient être tout seuls avec le prof.

 

E.

Et du coup, oui, ça a permis aussi de sensibiliser, j’imagine, les camarades de classe à l’importance de tout ça, tout simplement l’adaptation avec les plages brailles. C’est vrai que moi, à mon petit niveau, j’ai accueilli Anaïs en stage. Anaïs qui a Mozart, donc un beau Saint-Pierre de la Fondation Frédéric Gaillonne, que tu connais peut-être ou pas. Et on en avait parlé, pendant qu’elle était en stage avec moi pour Les éleveurs de chèvres, on a fait un épisode, l’épisode 35. C’est vrai que moi, j’ai aussi découvert, par ma curiosité, j’avais plein de petites infos sur la plage braille que tu as, les outils adaptés, comme tu l’as dit. Mais là, j’avais au quotidien avec moi Anaïs et donc c’était un puits de savoir et d’adaptation de comment on fait pour travailler ensemble. Quand on l’a pas vécu, je pense que c’est conceptuel par rapport à la pratique quotidienne.

 

D.

Tout à fait. En plus, elle avait dû suivre l’enseignement, le même enseignement que je dispensais, mais dans un autre établissement.

 

E.

Exactement. Moi, je lui ai envoyé des fichiers. Bien sûr, il y a des limites. Tu disais la carte d’asile, moi, je peux pas faire tous mes documents comme ça, en relief, en bosser, etc. Mais c’était très, très intéressant et c’était aussi l’objet de son stage d’avoir vraiment un regard extérieur sur notre communication, sur les mots qu’on employait, sur les descriptions. Et ça nous a beaucoup apporté sur comment elle percevait tout ça. Je vous invite vraiment à aller écouter l’épisode 35 avec Anaïs, parce qu’on a en plus eu l’occasion de le faire en fin de journée, un soir de semaine de son stage. Donc on était vraiment dans l’ambiance. Et voilà, toute cette technique-là, aujourd’hui, Ils le permettent.

 

D.

C’est bien, oui, c’est bien. Parce que ce sont des élèves qui doivent passer le bac comme tout le monde. Et oui, il n’y a pas du tout d’adaptation à part le tiers-temps. Mais donc, ils ont les mêmes sujets que tout le monde.

 

E.

Et puis là, moi, je continue de citer Anaïs, mais elle, elle devient éleveuse de chèvres. Alors, elle sait très bien qu’elle ne pourra pas faire le check de l’élevage, regarder les comportements des chèvres, etc. Il y a quand même quelques limites. Mais alors moi, j’ai hâte de goûter ses fromages. Je sais qu’elle a commencé à en faire chez son maître de stage. Parce que pour ça, tous les autres sens ont une vraie importance. Et au final, la vue, pour moi, avoir fait du fromage, la texture, l’odeur donnent beaucoup plus d’indications que la vue. Et donc franchement, Anaïs, si tu nous écoutes, hâte de manger un jour tes fromages dans ta ferme parce que je sais que ce sera une grande réussite. Comme quoi, comme tu disais, on peut aller au bout du monde.

 

D.

Oui, on Il faut aller au bout du monde, même sans y aller. C’est ça. Le tout, c’est de se dépasser.

 

E.

C’est ça. Et Momo est même devenu un chien de berger/cianguy parce qu’il avait très peur des chèvres au début. Et puis, à force de s’adapter, de s’habituer, et tout en douceur, elle me confiait dernièrement qu’il allait lui chercher les chèvres au pré.

 

D.

C’est bien.

 

E.

C’est un labrador ? C’est un Saint-Pierre de la Fondation Frédéric Gaillonne. Et moi, j’ai hâte de voir ça en vrai. Comme tu dis, il n’y a plus de limite à partir du moment où on s’adapte, on arrive à faire de…

 

D.

Oui, le bout du monde, il peut être très, très proche dans la mesure où on se dépasse.

 

E.

Ça peut être le bout du pré.

 

D.

Oui, c’est ça.

 

E.

C’est déjà beaucoup. Je prends un exemple, mais j’imagine que comme tu le disais, les élèves que tu as pu avoir au cours de ta carrière se sont tous dépassés pour faire justement des projets qui…

 

D.

Tout à fait, oui. Peut-être pas tous, mais beaucoup.

 

E.

Je vois que le temps passe. Je me permets de venir à ma dernière question que je pose à tous mes invités sur: est-ce que tu peux nous confier ton pire et ton meilleur moment avec les chiennes guides, en commençant par le pire pour finir sur le meilleur ?

 

D.

Je crois que le pire, c’est quand j’étais dans les Pyrénées avec une amie, on a dû traverser un troupeau de vaches. Il y avait deux taureaux. Et à l’époque, j’avais un berger blanc, plus grand que Pop. Et ce berger blanc, il était en liberté. Mais je ne sais pas pourquoi, les des vaches ont commencé à le charger. Donc, il est parti.

 

E.

Il était en liberté ? Il n’était pas au harnais ?

 

D.

Il était en gilet. Ok. Non, il était en détente. Il est parti, mais des vaches sont restées et Il y en a une qui est arrivée par derrière et qui m’a donné un grand coup dans le dos. À toi ? Oui. J’ai valsé en l’air et quand je suis retombée, je me suis cassée. J’avais la jambe gauche cassée. Et donc, J’ai passé quatre mois en fauteuil roulant à l’hôpital. Heureusement, on a retrouvé mon chien. Ce qui me reste, c’est que j’étais couchée au milieu du chemin avec les vaches autour pendant que mon ami était parti chercher Ninja, mon chien, et chercher du secours. Et j’avais autour de moi les vaches qui tournaient. Je les sentais passer à peut-être 30 centimètres de ma tête. Elles tournaient autour de moi et il y avait plus loin le taureau qui soufflait des nazos, qui raclait ses pattes, ses intérieurs au sol. Je me disais que j’étais peut-être un petit peu mal barrée, mais comme j’étais couchée, je savais qu’elle ne me ferait rien. Mais il n’empêche, ce n’est pas un très bon souvenir. C’est un souvenir que je relativise maintenant parce qu’il y a 20 ans, il y a 22 ans.

 

D.

Et puis tu connais la chute. Voilà, je connais la fin. Mais sur le moment, j’avoue que c’était un petit peu, disons de plaisant à vivre.

 

E.

J’imagine.

 

D.

Le meilleur souvenir, de toute façon, ça restera toujours la première sortie avec mon premier chien. Celle dont tu nous parlais tout à l’heure. C’était l’aboutissement de mon rêve de gamine, de mon obsession de gamine. Et c’est le départ de tout. Donc ça, ça restera toujours le meilleur des souvenirs. Après, j’ai tellement de bons souvenirs. Je n’ai quasiment que ça. Je n’ai pas de mauvais souvenirs. Tu vois, le plus mauvais souvenir que j’ai, c’est quand il était même pas au travail. C’était à cause de lui, parce que c’est lui qui avait attiré les vaches, mais il travaillait pas.

 

E.

Oui, mais c’est parce que c’est un chien. Ça aurait été un chien à un Le chien, ce que je veux dire, c’est que la situation…

 

D.

Je n’ai pas de mauvais souvenir avec un chien guide.

 

E.

Ils t’ont apporté que de la joie et on t’espère en tout cas. Que du bon pour la suite avec Pop, mais moi, je sais que c’est relativement très bien parti. Et que vous formez, comme tu le disais, un. Et que ça, c’est l’essentiel pour la suite aussi.

 

D.

Mais ça, c’est pareil pour toutes les équipes. J’espère.

 

E.

J’espère aussi. Moi, c’est ce que je souhaite, en tout cas. Écoute, Dominique, merci beaucoup. Bonne route Dominique pour la suite. Et puis on se recroisera, je le sais. À très bientôt.

 

D.

À très bientôt, en effet. Moi, je suis toujours ravie de parler du chien guide. Avec l’équitation, ça a été les deux passions de ma vie. C’est toujours utile, fructueux de porter la bonne parole.

 

E.

Merci à toi d’avoir pris ce temps pour cette bonne parole, en tout cas. Et voilà, c’est la fin de cet épisode. J’espère qu’il vous aura plu. J’espère aussi qu’il vous aura permis de prendre du recul sur l’histoire et l’évolution des Chiennes guides d’Aveugles et aussi de l’AENM Chiennes guides. Et si vous avez apprécié cet épisode côté présidente, je vous conseille de découvrir celui avec Stéphane, de l’épisode 76, sur son rôle de directeur de l’AENM Chiennes Guides, diffusé à l’occasion du podcast. De mon côté, je vous dis à bientôt pour le prochain épisode, non pas sur l’univers méconnu des Chiennes Guides, mais sur les champs d’assistance, avec le grand retour des Horséries de l’été.

 

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