Je suis Sandrine Le Breton. Je suis directrice technique du Centre Pierre Aicard pour les Chiens Guides d’Aveugles de Provence Côte d’Azur Corse. Je suis aussi éducatrice et tutrice d’élèves. Ça va faire bientôt treize ans que je fais ce métier.
J’ai toujours aimé les animaux, les chiens en particulier. Je me suis mise à aller faire des stages, au collège, chez le vétérinaire du quartier. Quand j’ai eu seize ans, la vétérinaire m’a proposé de m’embaucher l’été puis je suis devenue assistante vétérinaire, sur le tas.
Dans la patientèle de la clinique vétérinaire dans laquelle je bossais, il y avait un maître de chien guide et sa chienne. J’ai trouvé ça juste extraordinaire, donc je me suis renseignée et j’ai découvert le métier d’éducateur de Chiens Guides à ce moment-là. J’ai postulé dans toutes les écoles de France. Un an après les demandes que j’avais faites, je suis devenue assistante dans une autre clinique à mi-temps. Lors de mon premier jour dans cette nouvelle clinique vétérinaire, j’ai reçu un appel de la directrice de l’école de Nice me demandant : « Est-ce que vous êtes toujours intéressée pour devenir éducatrice de chiens guides d’aveugles ? ».
Voilà, j’ai commencé le 2 juin 2009 aux Chiens Guides d’aveugles de Provence Côte d’Azur Corse. Puis, il y a maintenant cinq ans, j’ai commencé à avoir des élèves éducateurs ; je suis donc devenue tutrice. Et maintenant je suis responsable de centre et ce depuis 2019. Aussi, j’ai une autre casquette : l’année dernière j’ai été formée pour les chiens de médiation. Le but de l’association, c’est aussi de pouvoir réorienter nos chiens qui sont sur le point d’être réformés. De réorienter nos chiens guides en chiens de médiation : en EHPAD ou autres établissements. C’était déjà en route depuis un petit moment et, là, on vient de rentrer dans Canidea et on travaille vraiment sur ce projet.
Moi, je venais du monde du chien, initialement. La déficience visuelle, je n’y avais jamais été confrontée réellement. J’ai tout appris en formation et aux Chiens guides. Je me souviens parfaitement des premiers mois où j’étais à l’école, je n’osais pas aller vers les gens. C’était vraiment la peur de mal faire qui faisait que je préférais ne rien faire plutôt que de mal faire. Parce qu’on n’est pas sensibilisé, parce qu’on ne sait pas comment faire. Et que finalement c’est tout bête. Car j’ai fini par comprendre que les déficients visuels ne viendraient pas vers moi, qu’il fallait que je me présente à eux. Il suffit d’un échange pour qu’il se passe des choses. Finalement, ça s’est fait naturellement et ça m’a fait aussi sortir de ma coquille à ce niveau-là. Ça a été une grande ouverture pour moi.
Les cours de locomotion et le monde de la déficience visuelle, ça a été vraiment quelque chose que j’ai découvert grâce aux Chiens Guides. Et maintenant, je passe mon temps à voir des chiens guides, à voir des cannes, à voir des déficients visuels même quand je suis en vacances.
On ne devient pas éducateur juste pour le chien, parce que l’humain est hyper important. L’éducation de ton chien, tu ne la fais pas pour toi, tu la fais pour quelqu’un d’autre même si ça peut être dur car parfois tu as des accroches avec certains. Et ça, il faut le savoir dès le départ : ce sont mes chiens de travail, ils ne sont pas pour moi, ils sont pour quelque chose de plus grand que moi.
Mais pour autant, ma passion, ça a toujours été eux. C’est ça que j’aime faire. C’est ça qui me fait vibrer, c’est ça qui me donne de l’énergie. C’est pourquoi, quand on m’a proposé de devenir directrice technique, pour moi, il était hors de question d’arrêter le chien. Je trouve que c’est hyper important de rester présente et de rester dans ce qui se passe réellement. Je ne veux pas être enfermée dans un bureau et gérer des choses de façon théorique si finalement je ne les vis plus concrètement. Je pense que c’est important de garder ça en tête, de rester humble sur le travail d’éducateur pour pouvoir le défendre en connaissance de causes.
Après si on doit trouver un point négatif à mon évolution sur le poste de directrice technique, il y a le côté où même si je reste dans l’équipe, je n’ai plus le même statut dans la hiérarchie. Même si clairement je n’ai pas changé, cette casquette supplémentaire joue forcément sur ma place dans l’équipe malgré le fait que j’ai gardé mon rôle d’éducatrice en parallèle.
A chacune de mes remises – il y en a eu une cinquantaine – ce sont toutes des histoires de vie différentes, toutes émouvantes. Je garde en tête le parcours de ces personnes qui ont vécu les événements d’une façon qui leur est propre : des récits qui te touchent profondément. Et même si aujourd’hui certains n’ont plus de chien guide ou qu’ils sont guidés par un chien qui a été éduqué par quelqu’un d’autre, on garde l’affect et on gardera toujours ce lien. Dans une remise de chien guide, tu passes quinze jours avec la personne “collé-serré” et tu crées un lien qui est hyper important. Finalement, on fait bien plus que remettre un chien parce que c’est avant tout une question de confiance et d’humain. Les gens doivent avoir confiance en toi car tu dois les amener à avoir confiance dans le chien et donc il y a plein d’émotions qui se passent. Il y a plein de choses qui sont dites à ce moment-là : de vrais échanges, de beaux échanges. Et je pense que si je n’avais pas été aux Chiens Guides, ces échanges là, je les aurais jamais eu.
Des moments compliqués, j’en ai eu plusieurs. J’ai eu un cas de maltraitance, une fois. J’ai été chercher mon chien et là il n’y a aucun échange possible, il n’y a pas de discussion.
Sinon, la chose la plus difficile, c’est quand tu perds un chien et j’ai perdu trois jeunes chiens… Ce qui est dur dans ces situations, c’est que tu dois agir en tant qu’éducateur avant tout. C’est-à-dire qu’il faut gérer sa peine et faire bonne figure pour aider les autres à gérer la leur. Car c’est un moment difficile pour la famille d’accueil ou pour la personne déficiente visuelle. Il faut bien leur expliquer que ce n’est pas leur faute et qu’ils ont fait tout ce qu’ils ont pu. Ça c’est compliqué.
Le premier a eu une maladie au bout d’un an et il nous a quittés en une semaine. La deuxième, ça m’a marquée parce que c’était une des première petite que je gérais de A à Z, c’est-à-dire de ses 2 mois à la remise. Elle est partie à la suite d’une parvovirose à quatre mois. Et la dernière, ça a été vraiment violent parce que ça s’est passé à un moment clé dans la construction des binômes. Après la remise, je l’ai laissée et quinze jours après, elle a fait un arrêt cardiaque. C’était le premier chien guide pour sa maîtresse. Evidemment, elle a été très marquée. Là, elle est en train de revenir, quatre ans plus tard ! J’ai réussi à la convaincre de repartir dans l’aventure pour un nouveau chien. Donc maintenant, je croise les doigts pour que tout aille bien, parce qu’il ne faut surtout pas que ça s’arrête sur ça.
Sinon, toutes les remises sont de beaux moments. Lorsqu’on présente le bénéficiaire à la famille d’accueil c’est toujours hyper émouvant à voir. La famille se rend compte que son chien est avec quelqu’un de bien car il reste juste au pied de son nouveau maître. Il ne veut pas être avec nous, éducateurs, il veut pas être avec la famille d’accueil, il est avec son nouveau maître. Et ce côté “cercle vertueux” est magnifique.
Mais je crois qu’il y en a une qui me restera gravée, c’était une de mes premières remises. Le bénéficiaire était papa de trois enfants, célibataire. Il devait emmener sa petite fille à la maternelle, ça faisait partie des trajets les plus importants de la remise. C’est ce trajet qui m’a particulièrement marquée, c’était le trajet de fin. Et j’ai toujours cette photo où je suis derrière alors qu’il est avec son chien guide d’un côté, et sa petite à la main, de l’autre. Voir cette finalité donne sens à tout ce travail. Moi, je suis derrière : je les regarde et eux, ils vivent.
E.
Bonjour et bienvenue sur le podcast futur chien guide, le seul podcast sur l’univers des chiens guides d’aveugles soutenu depuis cette année par la FFAC et l’ANM Chiens Guides. Je m’appelle Estelle. Je suis passionnée par les chiens guides d’aveugles et bénévoles pour cette cause à Paris. Je suis d’ailleurs persuadée que l’univers des chiens guides d’aveugles mérite d’être mieux connu. En tant qu’amoureux des chiens, futurs bénéficiaires ou autres curieux comme moi, vous croisez parfois des chiens guides d’aveugles et leurs maîtres en vous demandant : « Mais comment font-ils pour se déplacer dans nos rues toujours plus agitées ? ». Ce podcast est le seul qui vous propose, au fil de rencontres enrichissantes, de décrypter l’univers des chiens guides d’aveugles pour comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi de découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, ou encore comment agir quand vous croisez un tel binôme ? Je suis ravie de vous proposer aujourd’hui un troisième épisode avec un éducateur, ou plutôt, une éducatrice de chien guide. Ainsi, après Thibault il y a un an dans l’épisode 12, Audrey dans l’épisode 31, je vous propose de rencontrer Sandrine de l’école des Chiens Guides Provence Côte d’Azur Corse.
E.
Après quelques remises en question dans son parcours étudiant, elle se tourne finalement vers le métier d’éducatrice de chien guide et finit par intégrer l’école de Nice jusqu’à devenir aujourd’hui une des deux responsables des centres d’éducation. Mais comment devient-on éducatrice de chiens guides et quel est le rôle d’une responsable de site. De sa première chienne guide à son projet de chiens médiateurs, Sandrine revient pour nous sur les dix dernières années de sa carrière en tant qu’éducatrice, rôle auquel se sont rajoutées quelques responsabilités de plus. Elle nous raconte aussi comment ce métier canin est résolument tourné vers l’humain, but collectif de l’ensemble de ses équipes. D’ailleurs, si vous aimez ce podcast, le plus simple est de le soutenir en mettant cinq étoiles sur Apple Podcast et Spotify et d’en parler autour de vous. Et maintenant, place à l’épisode.
E.
Bonjour Sandrine.
S.
Bonjour Estelle.
E.
Merci d’avoir accepté de discuter avec moi aujourd’hui sur mon podcast futur chien guide. Est ce que pour commencer, tu pourrais te présenter ?
S.
Oui, mais alors déjà c’est un plaisir. Moi je suis Sandrine Le Breton. Je suis directrice technique du Centre Pierre Aicard pour les Chiens Guides d’Aveugles de Provence Côte d’Azur Corse. Je suis aussi éducatrice et tutrice d’élèves. Ça va faire bientôt treize ans que je fais ce métier.
E.
Comment t’en est arrivée à faire ce métier ? Est-ce que tu connaissais les chiens guides avant ? Est-ce que c’était une vocation pour toi ? Comment tu es rentrée dans l’univers des chiens guides ?
S.
Alors moi, j’ai toujours aimé les animaux, les chiens en particulier. Je me suis mise à aller faire des stages, au collège, chez le vétérinaire du quartier.
E.
J’ai fait pareil.
S.
J’y ai été pendant toutes mes vacances scolaires. J’y allais tout le temps. Quand j’ai eu seize ans, la vétérinaire m’a proposé de m’embaucher pendant mes vacances scolaires pour remplacer son assistante.
E.
Génial !
S.
Grave ! Oui, oui, d’accord. Et donc je suis devenue assistante vétérinaire, en fait, sur le tas.
E.
Mais tu faisais assistante vétérinaire, du coup uniquement chiens, chats ou un petit peu de tout ?
S.
Chiens, chats, uniquement. Et des NAC un tout petit peu.
E.
Dans les NAC, les nouveaux animaux de compagnie, il y a les lapins, les rongeurs…
S.
Et en fait, moi, je voulais être vétérinaire depuis toute petite. Donc j’ai passé le concours véto, qui est le concours véto que je n’ai pas réussi.
E.
Ah, comme moi ! Dis donc, je ne savais pas !
S.
Et dans la patientèle de la clinique vétérinaire dans laquelle je bossais, il y avait un maître de chien guide et sa chienne. J’ai trouvé ça juste extraordinaire et je me suis renseignée sur comment on devient chien guide. Je trouvais ça merveilleux et je ne savais pas du tout. Donc je me suis renseignée et j’ai découvert le métier d’éducateur de chien guide à ce moment-là. A ce moment-là, je voulais encore être véto, donc je l’avais dans un coin de ma tête, mais sans plus que ça. J’ai adoré cette chienne qui malheureusement est décédée à un moment donné parce qu’elle a eu une tumeur. Donc c’était très triste.
E.
Elle s’appelait comment cette petite chienne ?
S.
Ortega. Et après il y a eu le renouvellement de son chien. J’ai passé mon concours véto que je n’ai pas eu. Et après je me suis dit ‘Mais qu’est-ce que je vais faire maintenant ?’ Parce que assistante véto, ça me plaisait bien si on veut. Mais ce n’était pas pour moi un métier que j’allais faire toute ma vie. Et je me suis dit tiens, pourquoi pas essayer de former des chiens guides d’aveugles ? Parce que je trouve ça vraiment trop génial. Et donc j’ai postulé dans toutes les écoles de France. La seule école à m’avoir répondu, c’est l’école de Nice, pour me dire nous ne recherchons pas. Donc j’ai arrêté de postuler à l’école de Nice et j’ai continué à postuler dans toutes les écoles de France. Et à l’époque, la petite histoire, il y avait une école non fédérée juste à côté de là ou j’habitais, et j’étais allée en me disant ‘Bon, je vais y aller’. J’étais hyper timide, c’était super dur. J’étais partie avec mon cv pour aller amener mon cv et cette école n’existe plus, je tiens à le préciser. Et je suis arrivée, j’ai toqué à la porte, pn m’a ouvert une baie vitrée. J’ai dit ‘Voilà, je viens pour postuler pour être éducatrice de chien guide’. On m’a ouvert la porte, on m’a dit ‘Il faut avoir 18 ans et le bac !’ et on m’a refermé la porte. J’avais 23 ans et une licence de sciences de la vie. Donc je suis repartie de là en me disant ‘Bon ben si c’est ça les chiens guides, je ne suis pas sûre’.
E.
Ca t’a un peu refroidie quand même.
S.
Je me suis dit bon, alors j’ai continué à postuler dans les écoles fédérées en disant on verra bien. Et en attendant, je suis devenue assistante dans une autre clinique à mi-temps. Et le premier jour ou j’ai commencé dans cette clinique, j’ai été appelée par Corinne, qui est maintenant notre directrice générale mais qui à l’époque était notre chargée de communication, et qui m’a dit, donc c’était un an après les demandes que j’avais fait, en tout cas à l’école de Nice, en me disant ‘Est-ce que vous êtes toujours intéressée pour devenir éducatrice de chiens guides d’aveugles ?’ Oui, oui, toujours.
E.
T’as la réponse, là, c’est le genre de questions où t’as pas de doute.
S.
Et donc j’ai commencé dans cette clinique ce jour-là et je leur ai dit ‘Je suis pas sûre de rester longtemps’. Je suis restée trois mois, le temps de faire mon entretien d’embauche et tout ça et je suis repartie. Et voilà, j’ai commencé le 2 juin 2009 aux chiens guides d’aveugles de Provence Côte d’Azur Corse.
E.
Alors Provence Côte d’Azur Corse, je voudrais qu’on s’arrête là-dessus parce qu’en fait c’est pas les chiens guides d’aveugles de PACA. C’est les chiens guides d’aveugles de PCAC ?
S.
C’est exactement ça, de PCAC. Parce qu’en fait on est la deuxième école de France à avoir été créée. À l’époque, il y avait Corteville et nous, on est devenus la deuxième école.
E.
Donc Corteville, le nord.
S.
Ouais : Roncq le nord. Enfin Wasquehal à l’époque même, c’était pas Roncq. Mais c’était : le nord et le sud, on a été créés. Et en fait, à cette époque-là, la découpe de la France n’était pas celle d’aujourd’hui.
E.
Bien sûr.
S.
Et voilà. Et donc nous, on remet aussi des chiens en Drôme Ardèche. Donc en fait, si tu veux, c’était l’ancienne découpe. Donc pendant très longtemps, on a été Provence Côte d’Azur et il y a quelques années, en fait, on remettait des chiens en Corse depuis longtemps. Mais ce n’était pas écrit dans notre nom. Et donc, il y a quelques années on a rajouté. Donc c’est PCAC
E.
Ok d’accord. Donc la Corse était là depuis longtemps mais n’était pas affichée. Donc pour la com.
S.
Exactement.
E.
C’était plus simple j’imagine, pour les demandeurs, aussi surtout, les déficients visuels, d’identifier que c’était une possibilité de faire appel à vous.
S.
C’est ça. Il n’y a pas beaucoup de personnes déficientes visuelles en Corse qui demandent. Mais on a quelques demandes et on a quelques chiens sur place.
E.
OK, donc tu es arrivée en 2009 là-bas ?
S.
Ouais, je suis arrivé en 2009. À l’époque, la formation se faisait sur trois ans. Donc formation d’éducatrice. 2012 remise de mon diplôme lors du congrès international à Paris. Et puis après, mon petit bonhomme de chemin en tant qu’éducatrice classique, qui fait ses armes et qui fait ses remises. Et puis, il y a maintenant cinq ans, j’ai commencé à avoir des élèves.
E.
Des élèves, des moniteurs, des humains ?
S.
Des élèves éducateurs. Bien évidemment, des élèves humains. Je suis donc devenue tutrice…
E.
Parce qu’on parle beaucoup d’élèves, d’école, de tout ce qui est diplôme, etc. pour les chiens. Mais il y a aussi du coup le même pour les humains qui vont éduquer les chiens.
S.
Exactement. Donc là, cette fois-ci, des élèves humains. Et iIl y a quatre ans, j’ai eu deux élèves qui sont rentrés en formation. Donc maintenant, la formation elle est 2 ans moniteur, 2 ans éducateur. Et elles ont été diplômées l’année dernière, en 2021, éducatrices. Et donc je continue en ce moment, j’ai un élève moniteur et si tout va bien, il y aura une nouvelle élève monitrice en septembre. Là, elle est en période d’essai.
E.
Ok. Et donc ce rôle-là, tu l’a acquis au fur et à mesure du temps, on a proposé de devenir tutrice. Tu étais déjà au pôle de Nice, alors je sais pas comment vous vous partagez un petit peu le travail sur les deux pôles qu’il y a PACA, parce qu’il y a ça aussi comme particularité, on le retrouve aussi dans d’autres écoles, il y a deux pôles d’éducation
S.
Exactement. Alors en fait, excuse moi, mais j’ai mon chien qui veut jouer avec ma minette, évidemment, c’est aujourd’hui qu’on fait ça et donc c’est un berger blanc suisse, donc ça s’exprime. Donc si on entend des chouinneries, c’est…
E.
Je vois tout à fait !
S.
Je suis désolée.
E.
Mais je me souviens de mon beau Folio qui parlait beaucoup, oui, en effet.
S.
Voilà. Et puis il aime bien quand je suis au téléphone ou quand je suis en train de parler à quelqu’un d’autre, s’exprimer encore plus. Voilà, je suis désolée. Donc euh…
E.
Je te disais les deux pôles d’éducation à Nice et…
S.
Au départ, quand moi j’ai commencé, il y avait que le Centre Pierre Aicard, donc à Eze, on a une particularité par rapport aux autres écoles, c’est qu’on a le siège social qui est sur Nice, donc on est sur trois sites en réalité. À l’heure actuelle, il y a l’espace Fred Farrugia qui est le siège social donc sur Nice, le Centre Pierre Aicard à Eze et le Centre Joseph Micoud à Lençon-Provence. Et le centre Joseph Micoud il a ouvert il y a cinq ans. Quand ça a ouvert, nous, on avait encore un fonctionnement avec des pôles. On avait un pôle pré-éducation, un pôle éducation. Donc moi, à cette époque-là, vraiment, j’étais sur l’éducation des chiens, et il y a quatre ans, on est passés sur un fonctionnement de A à Z. Donc depuis, on s’occupe de nos chiots, à deux mois quand ils arrivent du REF (réseau d’élevage national de la Fédération Française des associations de Chiens Guides (FFAC)) , et on les remet et on les suit et on va jusqu’à la retraite avec nos chiens.
E.
Donc ces deux pôles maintenant, tu dis Eze pour situer pour ceux qui ne sont pas sudistes.
S.
Alors Eze, c’est dans les hauteurs de Nice. L’école avec la belle vue, c’est nous, enfin c’est chez moi.
E.
Ok. Et pour le coup, Lançon-Provence.
S.
Lançon-Provence, c’est entre Aix et Marseille.
E.
OK, très bien. Du coup, ça permet de mieux situer. Moi je vais à Marseille la semaine prochaine, donc je regarderai sur la carte.
S.
Voilà, exactement, donc c’est par là. Donc, après on a ce fonctionnement qui est aussi différent par rapport aux autres écoles. C’est que donc on est deux co-directrices techniques. On fonctionne vraiment en binôme avec Sandy de façon à avoir vraiment le même fonctionnement sur les deux centres, même si on n’est pas côte à côte. Et donc ça veut dire qu’on a un cheptel commun avec les chiens de Eze et les chiens de Lançon, et on a une seule liste de personnes en demande de chien guide. Donc ça veut dire que là, par exemple, j’ai une collègue de Lançon qui en ce moment est en remise à Vence dans le 06 parce que son chien correspondait à la personne qui est dans le 06 alors que finalement ça aurait été plus simple que ce soit un chien de chez nous, de Eze, parce qu’on est juste à côté. Mais en fait, on a un seul cheptel et un seul foyer de demandeurs, si tu veux. Et donc en fait, on est la même école, on a deux centres d’éducation, mais on est la même école.
E.
Ce que tu dis, c’est que c’est pas forcément les chiens qui sont éduqués au plus près des déficients visuels qui sont remis. C’est toujours cette histoire de faire les meilleurs binômes. Et du coup, vous regardez dans tous les élèves et futurs chiens guides du coup qui sont au sein de l’école, dans les deux pôles, pour voir justement qui peut être attribué à qui.
S.
Exactement. Le meilleur chien pour pour la personne. Et effectivement ben, même si elle doit venir à Eze, si elle travaille à Lançon et qu’elle doit venir à Eze, ben elle viendra faire sa remise ici parce que c’est pour les gens qu’on cherche vraiment le meilleur binôme.
E.
Oui, c’est vous qui bougez, pas forcément les gens qui sont en demande de chien guide. Ok, donc tu es passée tutrice il y a quelques années. Et tu viens de nous parler du dernier rôle que tu as endossé un petit peu cette dernière année, je crois.
S.
Oui, juste avant, en 2019, je suis devenue responsable de centre. Sandy aussi sur Sur Lançon-Provence parce qu’on avait un directeur technique qui faisait la navette entre les deux centres. C’était un peu compliqué. Ça faisait que la moitié du temps on n’avait personne en gestion et donc on a mis des responsables de centre pour avoir quelqu’un qui est là le reste du temps.
E.
En appui.
S.
Exactement. Et donc là, notre ancien directeur technique est parti l’année dernière et on a fait une proposition de devenir codirectrices avec Sandy de façon à ce qu’il y ait toujours quelqu’un sur le centre. Et donc depuis janvier, cette année, c’est la dernière casquette que je porte.
E.
Est-ce que tu peux nous en dire plus sur en quoi ça consiste d’être directrice de centre ? Parce que encore, j’avoue que sur les épisodes que j’ai faits, et avec Thibault il y a un an tout pile avec l’épisode 12, et avec Audrey sur le métier d’éducateur, c’est vrai que tous les deux étaient éducateurs, alors on avait beaucoup parlé de justement, qu’est ce que c’était le fait d’être moniteur puis éducateur dans les épisodes 12 avec Thibault et 31 avec Audrey. Mais cette casquette de directrice technique, qui était ta casquette un peu petit déjà de responsable technique, qu’est ce qu’elle rajoute, qu’est ce qu’elle englobe de plus que éducateur ?
S.
Cette casquette-là en fait elle rajoute toute la gestion du centre, que ce soit l’équipe ou les rendez-vous qu’il peut y avoir pour maintenir le centre en forme, on va dire ça comme ça, donc ça peut être la gestion des espaces verts, le dératiseur par exemple. Ce matin, j’étais avec le dératiseur au téléphone. C’est vraiment toute la gestion du centre. Faire en sorte que ça fonctionne bien, vérifier qu’il n’y a pas de problème au niveau des véhicules, que tout le monde est présent. Gérer aussi les demandes de congés payés ou de récup, s’assurer que tout le monde n’est pas parti en même temps et qu’on se retrouve pas avec le centre vide. Voilà. Gérer les absences, les maladies, ce genre de responsabilités plus administratives finalement, faire en sorte que ça roule bien. Il va y avoir toute la gestion d’équipe aussi. Être présent en soutien s’il y a une problématique sur l’éducation, sur un problème vétérinaire, si les éducateurs ont besoin de venir me voir en soutien, je suis là. Nous, on a une particularité, c’est qu’on fait des évaluations d’éducation. Donc, c’est-à-dire qu’on a des temps, dans la durée d’éducation qui est de 6 à 8 mois, ou on vient checker ou en est le chien dans son travail pour vérifier que tout va bien, qu’il fonctionne bien et qu’il avance bien de façon à soit apporter des conseils, soit dire ‘attention, ça tu l’avais pas vu, mais ça, il faut que tu le récupères’ ou ce genre de choses. Je le fais sur mon centre comme ça je suis vraiment avec mon équipe dans le travail. On fait après passer les certificats d’aptitude pour avoir vraiment un côté impartial. Je fais passer les certificats d’aptitude sur Lançon et Sandy les fait passer sur Eze.
E.
Ok. Donc en fait tu as une partie vraiment, on va dire, un peu logistique, bâtiment parce qu’il y a quand même plusieurs bâtiments sur ton centre. Il y a quand même des bureaux, tout ce qui est un peu la vie de l’équipe. Il y a tout ce qui est aussi le logement des personnes déficientes visuelles quand vous avez les stages de remise sur place.
S.
Tout à fait.
E.
Le chenil, bien sûr. Ça, on y pense forcément quand on pense école chiens guides. Et puis il y a tout plein de logements, logements de fonction, sellerie, tout ce qui est espace de stockage, parce qu’il faut les nourrir aussi, ces petites bêtes. En fait, il y a toute une partie qui est vraiment sur la gestion du centre en tant que bâtiment, équipe, etcs T’as aussi un axe un peu RH, j’ai envie de dire, ressources humaines. C’est ce que tu nous disais par rapport à l’équipe, alors je n’ai pas compté les petites photos, vous êtes quand même une petite dizaine sur le centre d’éducation ?
S.
En fait, on est à peu près cinq et cinq, cinq sur Eze, cinq sur Lançon.
E.
Tu as cette équipe-là en responsabilité. Et puis, derrière l’impartialité d’une éducatrice de chiens guides mais qui n’a pas éduqué les chiens en allant du coup sur l’autre pôle faire les passages, donc de certificat d’aptitude à guider, donc le CAG qui est donc le diplôme qui permet d’officialiser que le chien est un chien guide et non plus un futur chien guide ou un élève chien guide. Il est désormais un chien guide. Et puis c’est pas la fin. Après, il y a la remise et la vie avec son bénéficiaire.
S.
Il passe son bac et après il y a le travail, c’est vraiment ça.
E.
C’est ça. C’est un peu le bac de l’élève chien guide. Toi tu les fais passer, pour être très impartiale, sur l’autre site pour justement, tu connais leur nom mais ne pas les avoir vu au quotidien dans le travail.
S.
Exactement, et en plus ça me permet de découvrir ces chiens que je ne connais pas. Et donc quand on fait les commissions d’attribution pour trouver…
E.
Savoir qui va aller avec qui.
S.
…les bénéficiaires, eh bien ça me permet vraiment d’avoir un oeil sur tout le cheptel. Et vice versa pour Sandy de se dire ok en fait on les connaît tous finalement. Soit parce que je les ai suivis en évaluation, soit parce que je leur ai fait passer le certificat. Et je vois comment ça fonctionne.
E.
Dans le cadre de ces commissions aussi, toi, ça te permet d’avoir un peu un œil global avec Sandy, comme tu dis, en termes de codirectrices techniques, pour dire ben voilà, il y aurait plutôt cette personne, mais vous n’êtes pas toutes seules toutes les deux, j’imagine qu’il y a aussi les éducateurs autour de la table, etc., mais ça permet d’avoir un avis un peu plus neutre en effet sur un moment donné de se dire ‘ah bon moi j’aurais pas cru’, forcément et vous avez pensé à… J’imagine que c’est…
S.
Exactement, c’est ça. Il y a aussi telle personne, je pense que ça pourrait le faire. Et d’avoir le débat avec l’instructeur de loco, l’éducateur du chien, l’éducateur qui a vu la personne, etc., etc. Ces échanges-là sont très enrichissants aussi.
E.
On voit très bien ce que disait… Je l’avais même titré comme ça, l’épisode avec Thibault qui disait que éducateur de chien guide, c’est un travail collectif en fait.
S.
Tellement.
E.
C’est pas un travail individuel du tout.
S.
C’est tellement ça, c’est tellement ça. Il y a tellement de choses à faire. Tu fais jamais la même chose tous les jours. Tu arrives le matin, tu sais pas ce qui va se passer dans ta journée, même si t’as les mêmes chiens sur la semaine. Il y a tellement de choses qui peuvent se passer que tes journées ne sont jamais les mêmes.
E.
Moi ce que j’ai l’habitude de dire dans mon métier, c’est que la seule chose que je fais tous les jours, c’est que j’allumes mon ordinateur et que je regarde mes mails.
S.
À peu près. Les chiens je les mets dans ma voiture et on y va, ouais, c’est ça. On après voit ce qui se passe dans la journée.
E.
C’est ça. C’est la seule chose que je… et encore il y a des journées ou ça peut ne pas m’arriver. A part ça, les journées sont toutes différentes aussi dans mon métier, auprès des éleveurs de chèvres. Donc en fait cette dernière casquette, mais qu’est-ce qu’on peut te souhaiter de plus, j’ai envie de dire, c’est hyper intéressant de voir, de se dire, parce qu’on entend beaucoup parler de cette volonté d’être éducateur de chien guide. Moi-même aussi, j’y ai pensé dans un coin de ma tête avant de m’orienter vers véto. Puis finalement, j’ai bifurqué à l’agro de se dire, voilà, c’est un métier, j’aime les chiens. Mais on avait beaucoup partagé cette notion de, oui il faut aimer les chiens, mais il faut aimer les gens aussi, que ce soit avec Thibault et avec Audrey, je sens que tu partages aussi ce constat parce que c’est pas des chiens pour des chiens.
S.
Ouais, c’est hyper important. Si tu viens juste pour le chien, ne viens pas, parce que la personne, elle est hyper importante. L’éducation de ton chien, tu la fais pas pour toi, tu la fait pour quelqu’un d’autre. Et ça, il faut le savoir dès le départ. Je suis hyper sensible. Au tout début, je me suis dit : « bon, je vais avoir un problème parce que si je dois tous les garder, je vais avoir un souci quoi ! ». Et je me suis mis, on va dire une barrière émotionnelle. C’est mes chiens de travail. Il ne faut pas leur faire du mal parce que vraiment je peux devenir très méchante. Mais par contre, c’est mes chiens de travail, je les garde pas, ils sont pas pour moi, je les adore, je les aime même toute leur vie et je suis très triste quand ils s’en vont, quand ils sont malades. Mais c’est mes chiens de travail, ils sont pas pour moi, ils sont pour quelque chose de plus grand que moi.
E.
Mais c’est joliment dit, c’est que ça va au-delà de l’intérêt personnel en fait.
S.
C’est ça. Tu apportes du bonheur et de l’autonomie dans la vie des gens, quoi. Je peux pas rêver mieux en fait que ça. Un jour, je me souviens, j’étais en remise. Il y avait un restaurateur qui me dit ‘non, mais ce que vous faites, c’est extraordinaire. Ce que vous faites, c’est trop trop bien. Vous apportez du bonheur dans la vie de ces gens!’ Mais vous aussi avec vos pizzas, vous apportez du bonheur dans la vie des gens! ‘Oui mais moi, comparé ça n’a rien à voir’. C’est gentil, mais c’est vrai. C’est vrai que tu peux être triste, tu peux avoir des journées ou t’es pas bien. Ton chien il vient juste apporter quelque chose d’extraordinaire dans la vie d’une personne qui peut être seule, qui n’a pas forcément de lien social. Ton chien, il lui apporte le fait de ne plus être seul. Il lui apporte le fait de se dire ok, maintenant je suis accompagné, même si j’ai une galère, je suis avec mon chien, je suis plus tout seul. Forcément, les gens y viennent sur le chien avant de parler à la personne, mais finalement ça crée ce lien-là. Et voilà.
E.
Oui, c’est hyper vrai. Le dernier épisode que j’ai sorti juste avant le tien, c’est Laurianne et Persia. Donc Laurianne, c’est une jeune, en plus, on habite dans la même ville donc on se connaît maintenant bien, et elle a 23 ans et elle vient d’avoir son chien. Alors on a fait un épisode un peu particulier puisqu’elle s’est, elle a vraiment accepté de jouer le jeu que je lui ai proposé, à savoir de m’envoyer ses ressentis avec des vocaux en live en fait. Et puis on a enregistré en complément un échange quand même un peu plus posé. En fait, on a fait cette immersion-là pendant sa remise et donc ça va de avant sa rencontre avec la chienne qui allait être la bonne. On ne savait pas, c’était un petit pari qu’on a pris. Ça va des vocaux ou elle, elle me dit ‘Voilà, je vais la rencontrer. J’espère que ce sera la bonne, j’espère tellement’. Etc. Jusqu’à, il y a cinq-six mois, on a laissé cinq-six mois pour que le binôme se forme bien. Et en effet, ben voilà, ça change, ça change tout en fait.
S.
C’est clair.
E.
Même pour quelqu’un de social, le regard des autres, il est complètement différent, même si on ne le perçoit pas forcément. Laurianne ne perçoit pas le regard visuellement, mais elle le ressent, quoi.
S.
Bien sûr. Il y a une dernière casquette dont je ne t’ai pas parlé. L’année dernière j’ai été formée pour les chiens de médiation. Le but de l’association, c’est aussi de pouvoir remettre nos chiens réformés chiens guides en chiens de médiation, en Epad ou autres établissements. Donc, ça, c’est vraiment le dernier petit maillon qui est en train de se créer puisqu’on a déjà les cannes optroniques et les mini tacts qui sont remis par notre association. Donc ça c’est déjà en route depuis un petit moment et donc là, vraiment, on est rentrés dans Canidea et on travaille là-dessus. Si tout va bien, j’ai une chienne qui en ce moment va rentrer en éducation, qui a été réformée chien guide parce que trop de craintes et donc prochainement, ça sera la première remise de chien de médiation de notre association. Donc c’est encore une casquette.
E.
Donc l’idée, c’est de valoriser les chiens qui sortent un peu du circuit.
S.
C’est ça.
E.
Comme on peut le voir dans d’autres écoles. Mais du coup, de le faire en interne en les éduquant en interne sans pour autant les confier à une autre association du réseau Canidea.
S.
C’est ça. Exactement. D’ailleurs, pas réformés, mais réorientés.
E.
Oui, j’ai dis ‘sortis du circuit’.
S.
C’est moi qui ai dit réformés et je me suis tapé sur les doigts parce que je me dis que si Yasmine écoute ça, je vais me faire taper dessus. Donc réorientés.
E.
Ouais, j’ai lu la communication de Canidea. J’essaie aussi d’adopter ce mot et en plus, moi, je suis parallèlement dans l’élevage de chèvres. Donc réformé n’a pas du tout la même signification pour le coup.
S.
Tout à fait.
E.
J’ai eu l’occasion de faire un épisode justement sur une chienne guide qui avait été réformée, alors une élève chien guide, elle était encore chien guide, Naya qui avait été réformée et qui est partie chez Acadia. Et donc, on a fait l’épisode avec la famille d’accueil de cette ancienne élève chien guide qui est l’épisode 10 avec Laurie il y a plus d’un an maintenant. Et on a fait, j’ai fait l’épisode dans mes hors séries cet été, quelques épisodes sur les autres chiens d’assistance en fait, c’était un petit peu l’idée, et j’ai eu l’occasion dans l’épisode 23 de recevoir Romain, qui est le bénéficiaire de la belle Naya, qui est son chien d’assistance diabétique en tant qu’enfant diabétique.
S.
Nous on a Oasis qui a été réformée, chez Acadia.
E.
Oui ben oui voilà.
S.
Qui a été réorientée et remise…
E.
À un petit garçon aussi.
S.
C’est très très bien.
E.
J’ai aussi fait des épisodes sur les réformes, enfin les réorientations que j’appelle encore réformes, mais peut-être que je changerai…
S.
Même chose! Je me tape sur les doigts.
E.
Mais j’en ai, j’en ai fait deux. Et c’est vrai que les contextes étaient vraiment différents parce que pour le coup, il y avait Noupi, qui lui a été adopté par sa famille d’accueil, donc le lien était déjà bien acquis, bien fluide, même s’il était rentré en éducation, c’est vraiment l’éducation qui n’a pas fonctionné et du coup, on avait enregistré avec Bérangère un épisode, mais tellement émouvant parce que son histoire à Bérangère et Noupi est très reliée au bébé de Bérangère qui est maintenant grand. Dans l’épisode 24, elle nous racontait ça en disant, ben voilà, comment ça s’était passé. Et dernièrement, le mois dernier, j’ai enregistré un épisode avec Christophe, l’épisode 36, ou lui ne connaissait pas du tout le monde des chiens guides. C’est vraiment quelqu’un qui a adopté un élève réorienté en chien de compagnie, mais pas réorienté en chien d’assistance. En tout cas, le projet de l’école pour vous, c’est que toi, tu puisses les former en chiens médiateurs ?
S.
Avec Sandy, on me dit on a été formés tous les deux l’année dernière.
E.
D’accord.
S.
Avant le projet de directeur technique.
E.
Ouh !
S.
Donc c’est vrai que ça fait beaucoup de casquettes. Mais voilà, c’était avant ça.
E.
Et vos journées, elles font combien de temps là ? Combien d’heures par jour ? Ha!Ha!Ha!
S.
Alors ha ha… On a trouvé aussi un minuteur qui nous permet d’avoir des journées beaucoup plus longues que ce qui est prévu en temps normal.
E.
Ah c’est pour ça ! C’est ça le secret.
S.
Non, non… elles font 7 heures, comme tout le monde ha ha ha. Il faut s’organiser. Ça, c’est vraiment une histoire d’organisation de planning pour arriver à tout mettre dedans. J’avoue que des fois, il y a un peu de dépassement d’heures quand même.
E.
C’est normal.
S.
Il y a des heures où on se dit : « Bon, allez, je termine. Je reste et je termine. »
E.
Comment tu vas organiser pour cette partie un peu ‘médiation’ ? Est-ce que l’objectif c’est de former tous les élèves qui sont réorientés ? Ou pas forcément parce que tous ne se prêtent pas à être chien de médiateur non plus ?
S.
Exactement, ça sera vraiment ceux sur lesquels on se dit : « Ah mais lui, il irait très bien en médiation, on va le garder. Potentiellement, on continuera à travailler avec Canidéa si on voit un profil qui pourrait correspondre parce que le chien est beaucoup sur l’odorat, eh bien on continuera à proposer à Acadia s’il y a besoin. Le but, c’est de nous permettre, à nous de leur apporter cette deuxième…
E.
Possibilité ?
S.
Possibilité, mais ça ne les sort pas non plus du cursus Canidéa. Et après, il y a tous ceux qui sont en hors réorientation parce que : problèmes médicaux… Et donc là : une adoption.
E.
Je vais dire : tout rôle de chien d’assistance ne se fait pas.
E.
C’est ça.
S.
Parce qu’il y a toujours la problématique, c’est la vie du chien sur le long terme.
S.
Exactement
E.
Et donc exact, pas forcément compatible avec un déficient visuel ou une autre personne à qui il devrait devenir en aide.
S.
Tout à fait.
E.
Eh ben oui, dis donc. Je n’avais pas calculé, mais ça en fait beaucoup des casquettes !
S.
Elles ne se superposent pas trop mal. Ha!Ha!
E.
J’écoute, je vois ça. Et justement, par rapport à tout ça, je t’ai demandé un peu comment ça s’organise au quotidien. Est-ce que, aujourd’hui, ce métier d’éducatrice mais aussi de directrice technique, est-ce que tu y vois des inconvénients ou des avantages ?
S.
Tu vois, quand on m’a proposé de devenir directrice technique, pour moi, il était hors de question d’arrêter le chien. Alors forcément, je vais en avoir moins en gestion. Je vais en éduquer moins que ce que je peux en éduquer, si je suis juste éducatrice, forcément. Mais pour moi, ma passion, c’est les chiens depuis le départ. C’est ça que j’aime faire. C’est ça qui me fait vibrer, c’est ça qui me donne de l’énergie. Donc arrêter le chien, pour moi, c’est pas possible. Et en plus, je trouve que c’est hyper important de rester présente et de rester dans ce qui se passe réellement. Je ne veux pas être enfermée dans un bureau et gérer des choses finalement que je ne vois plus que je ne gère plus. Je continue à faire mon tour de ramassage de crottes quand c’est mon tour, tu vois. Alors j’en fais peut être un peu moins, mais je continue à le faire parce que c’est aussi ça notre travail. C’est aussi d’être présent là, d’aller chez les véto, de faire du brossage. Et je pense que c’est important de garder ça en tête, de rester humble sur le travail d’éduc pour pouvoir après venir défendre, je ne sais pas : une proposition qu’on ne voudrait pas ou au contraire quelque chose qui serait important pour évoluer, pour faire en sorte qu’on fonctionne mieux. Je pense que c’est en continuant à être présent avec l’équipe, que ça peut se faire.
E.
C’était une de vos conditions à Sandy et toi, pour devenir directrice ?
S.
Je serais resté éducatrice si j’avais dû arrêter le chien clairement.
E.
Ouais.
S.
Après, forcément, quand tu deviens directeur, je pense qu’il y a le côté… Si on doit trouver un point négatif, il y a le côté où même si tu restes dans l’équipe, tu n’as plus la même classe quand même, tu vois.
E.
Tu n’as plus le même niveau hiérarchique dans tous les cas.
S.
C’est ça ! Même si tu ne changes pas (clairement, je n’ai pas changé) mais je pense que ça se joue quand même. Alors après, faut en prendre son parti. J’ai pris ce parti là d’être directrice technique et je suis là pour défendre mon équipe avec tout ce que ça amène dans cette place là : d’être ni la direction qui prend les décisions de tout ni totalement dans l’équipe. Parce que c’est aussi toi qui leur dit si tu as le droit ou pas d’aller en congé ce jour-là. Ha!Ha!
E.
Oui, c’est sûr que t’es plus une collègue comme les autres, même si tu éduques des chiens comme les autres encore, quoi.
S.
Exactement ! C’est exactement ça. Mais ça va, je le lis bien quand même. Ha!Ha!
E.
Et je me demandais dans toute ton aventure avec les Chiens guides… Que ce soient les prémices dans la clinique vétérinaire en tant qu’auxiliaire, jusqu’à maintenant : est-ce qu’il y a quelque chose que tu as appris ou découvert avec les chien guide auxquels tu ne t’attendais pas du tout en rentrant dans cet univers ?
S.
Et bien moi, je venais du monde du chien, entre guillemets. La déficience visuelle, j’y avais jamais été confrontée réellement, puisqu’il y avait juste ce client qui venait pour sa chienne une fois de temps en temps à la clinique. Elle n’était pas tout le temps malade, heureusement. Et donc la déficience visuelle, je connaissais pas. J’ai tout appris en formation et aux Chiens guides. Je me souviens très très bien des premiers mois ou j’étais à l’école. Si je n’avais pas quelqu’un pour me présenter (parce que j’étais une grande timide, ça se voit peut être plus maintenant, mais j’étais une grande timide) : aller vers les gens, c’était hyper compliqué pour moi. Donc s’il n’y avait pas quelqu’un pour me présenter, j’essayais d’être la plus discrète possible et je n’osais pas aller vers les gens. Et à un moment donné, je me suis dit : « Mais ça, c’est pas viable. Tu vois, à un moment donné les déficients visuels, ils viendront pas vers moi, ce n’est pas possible. Mais c’est à moi de faire en sorte d’aller me présenter, d’aller dire bonjour. » Et en fait, ça s’est fait naturellement et ça m’a fait aussi sortir de ma coquille à ce niveau-là. Et c’est vrai que aujourd’hui, à l’extérieur, dans ma vie personnelle, je peux encore être une grande timide. Mais dans les chien guide, ce n’est plus le cas parce que je m’y sens à l’aise et que maintenant c’est comme ça que ça fonctionne.
E.
Oui donc c’est vraiment ce monde de la déficience, en fait.
S.
Exactement.
E.
Parce qu’on n’est pas forcément confronté à ce genre de personnes qui sont tout à fait des personnes qui existent dans la société. Mais on ne sait pas comment réagir au début.
S.
C’est ça ! Quand tu sais pas, moi, c’était vraiment la peur de mal faire qui faisait que je préférais ne rien faire plutôt que de mal faire. Et je pense que c’est aussi ça que finalement, quand tu as des gens que tu croises, quand tu croises un déficient visuel avec une canne dans la rue, les gens, ils se mettent sur le côté, ils n’osent pas, ils n’osent pas parler parce que il y a aussi, je pense, cette peur de mal faire. Parce qu’on n’est pas sensibilisé, parce qu’on ne sait pas comment faire. Et que finalement c’est tout bête une fois que tu sais comment faire, tu te dis : « ouais, en fait, il suffit de parler. Ha! Ben si je parle, elle me répond. »
E.
Ha!Ha!
S.
« C’est incroyable, il y a un échange et il se passe des trucs. » Ça a été une grande ouverture pour moi. Les cours de locomotion et le monde de la déficience visuelle, ça a été vraiment quelque chose que j’ai découvert grâce aux Chiens Guides. Et maintenant, je passe mon temps à voir des chiens guides, à voir des cannes, à voir des déficients visuels même quand je suis en vacances. Parce que t’es sensibilisé, et quand t’es sensibilisé, forcément, tu vois les choses plus facilement.
E.
Oui, et puis comme tu dis. Je recueille un peu ces confidences là du côté des déficients visuels, ils ont beaucoup plus de contacts aussi. Parce que, comme tu dis, les gens vont essayer d’agir comme il faut avec le chien. C’est pas toujours le cas, mais en tout cas ils agissent, ce qui est un peu différent qu’avec une canne. Et je disais l’autre jour maintenant qu’on commence à bien sensibiliser sur comment se comporter face à un chien guide, qu’il soit élève ou guidage, il faudrait limite dire aussi comment se comporter face à un déficient visuel avec une canne. Parce que pour le coup, j’ai l’impression qu’on est nous-mêmes encore plus handicapés en tant que voyants face à cette situation. Il ne manque pas grand chose. Le bonjour, tout le monde sait le faire.
S.
Même avec les maîtres de chiens guides, la toute petite chose encore qui a changé, c’est…
E.
Dire bonjour aux maîtres !
S.
« Bonjour madame, votre chien est beau ou ce genre de ça. Pas : « He, bonjour le chien » et après le : « bonjour, la personne derrière », tu vois.
E.
Ouais.
S.
On a encore cette étape là à franchir. Bon, ça crée du lien social et c’est ça le principal. Mais c’est vrai que c’est tout bête, mais on y arrivera.
E.
Ouais.
S.
Je désespère pas ; un jour on va y arriver. Ha!Ha!
E.
Mais en tout cas, ouais… T’as fait une plongée dans cette partie aussi de l’univers des chiens guides, dans ce monde des déficients visuels, en fait.
S.
Exactement.
E.
Donc ça fait bientôt treize ans que tu es dans ce milieu-là.
S.
Oui.
E.
Et je me demandais s’il y avait un moment où tu avais été bluffé par un chien que tu as eu en éducation ou que tu as vu derrière dans le guidage, et qui a été un souvenir assez marquant pour toi.
S.
C’est difficile de répondre. J’aurais tendance à dire que celui qui m’a le plus bluffé en premier, c’est mon premier chien guide. Tu vois, tu t’es là, tu apprends des choses au chien, toi, dans ton petit coin, tu apprends toi aussi en même temps, à ce moment-là. Et le jour ou tu remets à une personne et que ce que t’as appris, ça fonctionne et que ça aide. « Bah ouais, OK, d’accord, j’ai réussi. C’est ça que je veux faire dans la vie, c’est ça que je veux faire. » C’est très drôle parce que ma petite Diddle, ma petite golden, elle a quatorze ans. Il y a eu deux ou trois jours, elle a fêté ses quatorze ans.
E.
Le premier élève, du coup ?
S.
Ouais, mon premier chien guide, je l’ai remis à une jeune fille qui avait 18 ans, qui passait son bac à l’époque. Une personne hyper autonome, déjà sans son chien. Avec son chien, elles sont parties faire des choses de fou toutes les deux. C’était super beau et c’était génial d’avoir cette première équipe là. J’ai adoré arriver au Chiens Guides et me dire : « Ouah, c’est génial, c’est ça que je veux faire ! ». Et après, au fur et à mesure des années, tu rencontres des gens qui ont d’autres parcours de vie, d’autres difficultés, qui ne sont pas forcément très autonomes. Et c’est là ou tu te rends compte que ton chien, il peut apporter vraiment beaucoup de choses dans la vie, dans l’autonomie d’autres personnes qui n’ont pas cette fluidité là. Et apporter un chien à des gens qui ont moins d’autonomie, moins de facilité et se rendent compte qu’ils peuvent faire des choses de dingue, c’est génial.
E.
Et je me demandais si dans toutes ces années de rencontres – puisque c’est quand même de ça qu’on parle avec les chiens, avec les personnes – est-ce qu’il y a des rencontres que tu n’aurais jamais fait en étant en dehors de ce milieu des Chiens Guides ?
S.
Je pense, toute seule ou j’ai remis des chiens.
E.
Oui.
S.
Il y en a une cinquantaine hhh, c’est des histoires de vie toutes différentes. Celles ou tu te dis des fois : « faut que j’arrête de me plaindre, quoi. Je n’ai pas à me plaindre en fait, ok ». J’ai un monsieur qui s’est fait maltraiter par sa femme alors que c’est une carcasse, quoi. Et tu dis : « pourquoi ? Comment ? Je comprends pas. » Et des histoires comme ça, j’en ai plein, toutes différentes, toutes émouvantes et vécues différemment par les gens et des belles histoires des gens qui te touchent au cœur, profondément. Et même si aujourd’hui certains n’ont plus de chien guide ou ont des chien guide qui ont été remis par quelqu’un d’autre, tu gardes l’affect et tu gardes ce lien. Tu vois dans une remise de chien guide, tu passes quinze jours avec la personne ‘collé-serré’ et tu crées un lien qui est hyper important. C’est plus que remettre un chien, c’est aussi les gens, ils doivent avoir confiance en toi. Tu les amène à avoir confiance dans le chien et donc il y a plein d’émotions qui se passent. Il y a plein de choses qui sont dites à ce moment-là : des vrais échanges, des beaux échanges. Et je pense que si je n’avais pas été aux Chiens Guides, ces échanges là, je les aurais jamais eu. Et je les aime tous, enfin tous. Tout ce que j’ai vécu, c’est très rare que je me dise…
E.
« Il est relou… » Ha!Ha!
S.
Ouais, ouais. Je dis pas, ça peut arriver.
E.
Ils peuvent être très charmants et relous aussi. Ha!Ha!
S.
Un déficient visuel est une personne tout à fait classique. Il y a des gens avec qui on s’entend bien, il y en a d’autres avec qui on ne s’entend pas. Mais en même temps, c’est des belles histoires de vie quand même. Et la majorité de toutes ces remises là, c’est quand même des super moments pour moi et des souvenirs qui sont là et qui restent gravés.
E.
Ouais, donc 50 remises : c’est génial !
S.
La 50ᵉ, c’est la prochaine ! Ha!Ha!
E.
Et la 51ᵉ, est-ce que ce sera le chien médiateur ?
S.
Non, ça sera la 52ᵉ si tout va bien : 52/53, 52/53. Déjà, on espère 2022 !
E.
Oui !
S.
Oui, j’espère 2022.
E.
Bon après, il faut le temps au temps aussi, y a pas de souci. Tu sais à quelle structure il va être mis, à peu près ? Quel type de…
S.
Pas encore.
E.
OK
S.
Oh la la, c’est vraiment une page qui est blanche aujourd’hui. J’ai vraiment juste un chien et j’ai une page blanche et j’ai tout à faire, tout à écrire donc très intéressant.
E.
Ah c’est fou…
S.
J’ai hâte !
E.
Moi aussi, de voir ça. J’ai hâte ! Et pour finir, est-ce que tu aurais en tête ton pire et ton meilleur moment avec les Chiens Guides ? Même si je pense qu’il y en a plusieurs dans les meilleurs moments. Mais ton pire moment avec les Chiens Guides ? Un moment qui est un peu compliqué ?
S.
Ouais, des moments compliqués, j’en ai eu plusieurs dans le sens ou j’ai perdu trois jeunes chiens. Dans le sens ou j’ai perdu un de mes chiens qui était en activité au bout d’un an, qui a eu une maladie et donc en une semaine, il est parti. Donc ça, ça a été compliqué. J’en ai eu une deuxième aussi, alors elle ça a été encore plus violent parce que j’ai fait la remise pendant quinze jours. Je l’ai laissé pendant quinze jours et au bout de quinze jours, elle a fait un arrêt cardiaque. Donc la maîtresse premier chien guide : dévastée. Et là, elle est en train de revenir, quatre ans plus tard ! Elle est en train de revenir, j’ai réussi à la faire revenir pour un nouveau chien. Donc maintenant, je croise les doigts pour que tout aille bien, parce qu’il ne faut pas que ça s’arrête sur ça.
E.
C’est un accident de la vie, hein.
S.
C’est ça, ça peut pas s’arrêter sur ça.
E.
Oui.
S.
Et la dernière, c’est une petite qui a une parvovirose à quatre mois. Donc mes premiers chiens que je gérais de A à Z et elle a eu une parvo et malheureusement elle est partie. Donc très très dur aussi. Et en fait là, c’est dur pour moi, c’est dur pour la famille d’accueil ou pour la personne déficiente visuelle qui est derrière. Et là, tu dois réussir à gérer ta peine pour aider les autres à gérer la leur et leur expliquer que ce n’est pas leur faute et qu’ils ont fait tout ce qu’ils ont pu à ce moment-là et que tu y peux rien, en fait. Ça c’est compliqué. Et après j’ai eu, j’ai eu un cas de maltraitance, une fois. J’ai été chercher mon chien et là il n’y a pas d’échange, il n’y a pas de discussion. Et comme je disais : « tu ne touches pas à mon chien, sinon je deviens méchante ». Pour le coup, c’est mes chiens de travail, je peux les donner, mais par contre, tu ne fais pas de mal : « Pas toucher ! Sinon, sinon, Sandrine, elle, devient un pitbull. »
E.
De toute façon, les chiens restent la propriété de l’école.
S.
Exactement, donc ça c’est arrêté là en fait.
E.
Y a quand même un contrôle. Il ne se passe pas n’importe quoi à partir du moment où ils sont remis.
S.
C’est ça !
E.
Il y a des contrôles.
S.
Des appels téléphoniques, des suivis physiques. Si on nous appelle pour nous dire : « il se passe ça », on essaye de comprendre et de voir que ce qui se passe. « Pas toucher ! Ça, pas toucher le chien ! »
E.
Bon, et pour finir, quel est ton ou tes meilleurs moments, du coup ?
S.
Je crois que toutes les remises sont des beaux moments. Il y a eu des chiens ou c’est plus dur. T’as des chiens où t’as l’accroche, tu vois. Même si tu sais que c’est pas ton chien, t’en as où tu te dis : « Ah ! Celui-là s’il était réformé, peut-être que je le garderais », tu vois. Ouais, toutes mes remises, toutes les fins de remise sont très belles. Je crois qu’il y en a une, c’était dans mes premières remises… C’était un papa célibataire, trois enfants. Et l’un des trajets les plus importants de la remise, c’était de pouvoir aller emmener sa petite fille à la maternelle, tu vois. Et c’était ça le trajet qu’on avait bossé, c’est le trajet de fin. Et j’ai toujours cette photo où je suis derrière et il est avec son chien guide d’un côté, sa petite à la main, de l’autre. Et tu te dis : « Ouais, en fait, c’est ça ! C’est ça, la finalité du job. Ce n’est pas moi. Moi, je suis derrière et moi je regarde en fait, et eux, ils vivent. Vivez ça, eux, allez y, soyez heureux. »
E.
Ouais dans ces contextes, j’en avait beaucoup parlé avec Nourdine justement, qui est papa de deux petites dans l’épisode 22. Et pour moi, c’est important aussi – et c’est ce que j’avais moins fait au tout début du podcast – d’avoir vraiment la finalité dans l’audio aussi. C’est-à-dire que de ne pas avoir… (moi, ok, je suis dans le monde des familles d’accueil, dans cette grande univers des chien guide) mais le bout du bout, ce qui nous intéresse tous, c’est de la remise, c’est la vie de ces binômes là ensemble. Et comment ça fonctionne au quotidien, quoi ?
S.
Ouais, tu vois là aujourd’hui, c’était notre jour du repas de remise. Donc c’est le moment où on présente le bénéficiaire à la famille d’accueil. Et à ce moment-là, il est toujours hyper émouvant de voir si la famille, elle, va être soulagée de se rendre compte que son chien, il est avec quelqu’un de bien, d’avoir ce côté cercle vertueux et de voir que le chien à ce moment-là, il n’essaye pas de partir avec sa famille d’accueil qui reste juste au pied de son nouveau maître. Tu dis : « Ok, bon bah c’est cool. » Il ne veut pas être avec nous, il veut pas être avec la famille d’accuel. Il est avec son nouveau maître et tu dis : « bon bah c’est gagné ». C’était un truc qui m’avait fait halluciner, pareil avec ma ma première chien guide. Quand j’avais fait les premiers suivis, même à la fin de la remise, tu dis à revoir, tu t’en vas. Toi, t’es pleine d’émotion, tu fais plein de papouilles machin et en fait le chien, il vient pas avec toi. Il est content de te voir. Moi, ma première chienne, premier suivi que j’ai fait : elle était folle, elle sautait dans tous les sens. La maîtresse, elle me dit : « Mais je suis jalouse. Enfin, moi, elle me fait jamais ça. » Normal, ça fait un moment qu’on s’est pas vu toi. Et la chienne, il lui a fallu un temps elle me descotchait pas. Elle est restée à côté de moi. Et sauf qu’en fait, au moment ou je suis parti, j’ai passé la porte et la chienne elle est restée au pas de la porte. Elle m’a regardé partir et elle serait pas venue avec moi. Parce qu’elle sait que moi, je suis une étape dans sa vie. Je suis juste là à un moment donné et le moment de la remise lui amène toutes les clés, tout le : « ah ok, c’est pour ça que pendant six mois, l’autre, elle était là à me rabâcher : donne les passages, donne les droites, les gauche, les machins. OK, c’est parce que maintenant on va à la boulangerie, c’est parce qu’on va au travail. OK, d’accord, j’ai compris ce qu’elle voulait. Ha! Ha ! J’ai compris ce qu’elle voulait.
E.
Ha!Ha!Ha!
S.
« OK, ça va. »
E.
Ouais.
S.
On s’aime de loin, mais on s’aime. Mais voilà. C’est pas les miens, je donnerais pas le mien. Le mien, je le garde. Il est à moi, c’est mon chien. Pas toucher non plus.
E.
Oui, il y en a un pour toi aussi.
S.
Il est à moi, mais tous les autres, ils sont pour, d’autres pour. Pour plus.
E.
Bon bah, sur ces super mots de conclusion, je te remercie vraiment pour ce partage parce que on te souhaite que du meilleur. Ça fait un an et quelques en tant que directrice technique et on a hâte de voir ce que ça va donner du côté des chiens médiateurs. Parce que j’ai hâte de voir, quand même, ce petit chien que tu vas former. Son destin aussi avec qui il va pouvoir agir au quotidien parce que c’est tellement précieux. Et donc je te souhaite vraiment que du bon pour la suite.
S.
Merci beaucoup Estelle. Merci pour cette proposition d’échange. C’était très agréable. Je parle beaucoup ha ha, parce que j’aime ce que je fais.
E.
On est deux !
S.
Et ouais. Moi aussi j’ai hâte de voir ce que ça va donner, cette page blanche à écrire. Je te raconterai, tu verras ça sur mon insta : tu verras, tu verras les photos comment ça se passe et tout.
E.
J’allais finir justement par te demander où est ce qu’on peut te suivre ?
S.
Ha ! Voilà !
E.
Tu as donné la réponse.
S.
Sur Instagram : sandrine.chiensguidespcac – chiens avec un S, guides avec un S, bien évidemment. Et voilà, je raconte, je partage, mes semaines de travail avec tous mes petits chiens, tous ces petits moment-là. C’est que du bonheur et ça me permet d’échanger avec, avec mes familles d’accueil et avec d’autres que je ne connais pas et qui viennent papoter et échanger. Et c’est super sympa de découvrir des gens aussi qui viennent d’autres horizons et c’est cool. Merci à toi de m’avoir fait cette proposition.
E.
Merci à toi d’avoir accepté. Et puis très bientôt !
S.
À très bientôt.
E.
Et voilà, c’est la fin de cet épisode. Merci à vous de l’avoir écouté en espérant qu’il vous aura plus. Merci à Sandrine d’avoir pris du temps dans son agenda très chargé pour nous raconter cette aventure passionnante et pleine de rebondissements auprès des Chiens Guides d’aveugles. Pour compléter votre écoute, vous pouvez toujours retrouver sur Futurchienguide.fr des photos de Sandrine et de ses élèves chien guide et très bientôt la transcription intégrale de cet épisode, grâce à mes complices. Pour m’envoyer vos retours, écrivez-moi sur Instagram ou Facebook. J’adore échanger sur vos ressentis suite à l’écoute des épisodes. Et puis je vous dis à très bientôt pour un prochain épisode sur l’univers méconnu des Chiens Guides d’aveugles.