Découvrez l’histoire de Dominique qui a été tellement bouleversé par l’arrivée de Monty, qu’il en a écrit un livre ! 🦮
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Transcription intégrale
Transcription générée automatiquement par Happy Scribe
E.
Salut à tous, je m’appelle Estelle et je suis passionnée depuis toujours par les chiens guides d’aveugles. Bénévole pour cette cause à Paris depuis des années et aujourd’hui à Lyon, j’ai lancé le podcast Se dire chien guide étant persuadé que l’univers des chiens guides d’aveugles mérite d’être mieux connu par tous, afin que chacun puisse y trouver sa place. Mais savez-vous que seuls 1% des déficients visuels sont accompagnés d’un chien-guide ? Alors, pour mieux comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi pour découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, je vous partage deux fois par mois mes échanges avec un invité issu de cet univers, maître de chien-guide, bénévole et tant d’autres. Pour en savoir encore plus, n’oubliez pas de vous inscrire à ma newsletter mensuelle pour découvrir les coulisses du podcast, les actualités des chiens-guides et bien sûr, des nouvelles de mes invités. Demander un chien guide n’est pas un automatisme, qu’on soit aveugle ou malvoyant comme Dominique. Mais une fois un toutou à ses côtés, il nous raconte comment l’arrivée de Monty l’a bouleversé au point d’en écrire un livre, même si le projet était tout autre à l’origine.
E.
Ce directeur de théâtre a en effet découvert les Chien Guide sur le tard, à l’approche de la retraite par une rencontre fortuite sur un marché. Une telle découverte que la semaine suivante, il rédigeait le dossier complet pour sa demande de chien guide, au point presque de regretter de ne pas y avoir pensé plus tôt. Et maintenant, place à l’épisode.
E.
Bonjour Dominique.
D.
Bonjour Estelle.
E.
Merci d’avoir accepté mon invitation sur le podcast Futur Chien Guide. Est-ce que pour commencer, tu pourrais te présenter en trois mots pour te décrire et trois mots pour décrire ton chien ?
D.
Alors, en trois mots, je suis un monsieur d’un certain âge, avec pas mal de dizaines devant le zéro. Mon premier chien guide, j’ai eu une vie professionnelle très chargée puisque j’ai été producteur de spectacles et directeur de théâtre. Et maintenant, je suis un jeune retraité.
E.
Je voudrais trois petits mots qui te représentent. Désolée. C’est vrai qu’on utilise souvent cette expression trois mots pour… Mais moi, je la prends au pied de la lettre en trois mots. Le premier mot serait quoi ?
D.
Je suis un homme heureux à ce moment-là. Je suis un homme heureux. Ouais, ça fait cinq. J’enlève je suis un homme heureux.
E.
On va prendre heureux. Est-ce qu’il y a un deuxième mot pour un trait de caractère, quelque chose comme ça, qui te représente ?
D.
Sensible.
E.
Ouais.
D.
Et optimiste.
E.
Optimiste. J’adore tes trois mots: heureux, sensible et optimiste. Vraiment, ça fait écho chez moi. Du côté de mon petit, de ton chien, comment tu le décrirais avec trois caractéristiques ?
D.
Alors d’abord, il est très beau. C’est un beau chien, magnifique. Il est intelligent, très intelligent et il est très aimant. Donc, ça fait beau, intelligent, aimant. Je ne suis pas gâteux, absolument pas gâteux.
E.
Absolument pas. Et puis, on va en parler. Tu en as surtout donné plus de trois mots dans ton livre, puisque tu as écrit un livre qui porte le nom de Monty. Comment on en vient à écrire un livre sur son chien ?
D.
C’est simple. Comme c’est mon premier chien guide, l’émotion, le La rencontre est tellement forte que j’ai eu envie, besoin d’en écrire dessus. Et en même temps, je voulais faire deux choses. Je voulais rendre grâce et hommage aux gens qui s’occupent de tout ça et aussi expliquer aux gens qui ne sont pas dans le milieu du chien-guide que l’extraordinaire relation. Parce qu’en fait, dans la rue, souvent, beaucoup de gens viennent me voir pour me poser des questions. Et ça m’arrive de faire des fois un quart d’heure, 20 minutes dans la rue pour expliquer ce que c’est que le chien guide ? Du coup, le livre répond à toutes leurs questions. Donc, il y a plusieurs motivations. Mais la première, c’était quand même l’incroyable émotion permanente. C’est quand même assez fou, le chien guide, quand tu n’en as pas eu et que tu en découvres un. Je dis souvent: J’ai rajeuni de 10 ans.
E.
Fort de toute cette émotion, tu as eu besoin de poser ces mots sur le papier, avant tout pour toi. Puis ensuite, c’est devenu un livre où tu as tout de suite eu l’idée de: Je vais témoigner pour que je fasse un livre.
D.
Au départ, j’ai même écrit une petite pièce de théâtre.
E.
C’est plutôt ton milieu, le théâtre, normalement.
D.
Oui, c’était mon métier. Et puis, on va être très honnête, je l’ai montré à des copains, ils m’ont dit: Mais c’est nul ton truc. Ah bon ? Donc j’ai dit: OK, je vais faire un roman.
E.
Tu avais écrit une pièce de théâtre, ça m’intéresse parce que tu nous as parlé un petit peu de ta vie d’avant. Le théâtre et toi, c’est une longue histoire d’amour aussi.
D.
Oui, donc si tu veux, c’était un peu compliqué parce que je mettais trois chiens sur scène et trois hommes, donc on aurait pu mettre des grandes marionnettes, tout ça. Mais enfin, mes copains m’ont dit: Écoute, non, c’est trop compliqué ton truc. Et comme c’est comme des copains qui sont haut placés dans le milieu du théâtre, j’ai écouté mes copains et j’ai fait un roman.
E.
Tu as été, notamment dans ta carrière, aux commandes du théâtre des Bouvres parisiens, c’est ça ?
D.
Absolument. C’est assez fou pour un malvoyant, mais oui, ça s’est terminé comme ça.
E.
Comment tu en es arrivé jusque-là ? Moi, ça me reste une question.
D.
Parce que j’ai commencé il y a très longtemps ma carrière comme directeur de tournée. Là, je voyais encore un petit peu. Et puis, j’ai fondé avec des copains un spectacle qui s’appelait Le Quartier, qui a beaucoup bien marché. Et après, de fil en aiguille, si tu veux, j’ai produit plein de choses et j’ai monté une boîte. Du coup, j’étais patron. Et quand tu es patron, tu peux avoir une secrétaire qui te lit tout, qui t’aide, etc.
E.
C’était limite plus facile d’être patron parce que tu étais assisté.
D.
Oui, absolument. Et comme j’avais sans doute une fibre artistique, il ne faut pas être immaudace, mais enfin, j’avais du flair, donc j’ai produit des choses qui ont bien marché et j’ai fait une très belle carrière. Et c’est comme ça que j’ai rencontré Jean-Claude Briali en produisant des spectacles chez lui, puisque c’était lui le directeur des BOUF. Et quand il est décédé, ses héritiers m’ont demandé de prendre sa succession, tout simplement. J’ai toujours eu des équipes autour de moi, très compréhensives, qui comprenaient que je n’y voyais pas et qui me décrivait, par exemple, les décors. Ils me décrivait les décors qu’on allait avoir. Et j’avais une lectrice pour lire les pièces. Pour tout ça, j’avais une lectrice, ce qui est fort agréable.
E.
Et d’ailleurs, je crois que dans l’écriture de ton livre, c’est un peu ce que tu as fait aussi. Tu l’as d’abord écrit et ensuite, tu l’as fait relire.
D.
Par ma lectrice habituelle. J’avais l’habitude de l’entendre. Quand tu écoutes un écrit avec une lectrice, tu ressens le rythme différemment. C’est-à-dire quand j’ai écrit le livre, je l’ai écrit avec la synthèse vocale. Je n’ai pas Braïs parce que je suis tombé malvoyant trop tard. Donc, je peux lire une boîte de médicaments, mais je ne peux pas lire 150 pages. Donc, j’ai tout écrit sur l’ordinateur et avec Jules, la synthèse, si tu veux, ne te donne pas le rythme humain.
E.
Oui, moi, je le vois rien que quand j’écris mes introductions et mes conclusions de podcast, ce qui est très court. Il faut que je les lise de nombreuses fois pour voir à quoi ça ressemble et ce que ça vaut.
D.
Parce que si tu veux, en bout de ligne, la synthèse, elle freine un peu en bout de ligne, quoi qu’il arrive, même s’il n’y a pas de virgule, même s’il n’y a pas de point, elle freine un peu. Et donc, quand j’ai eu fini d’écrire le livre, j’ai demandé à ma lectrice habituelle de me le relire, ce qu’elle a fait. Et du coup, j’ai fait des corrections. Et puis après, pour la mise en page, j’ai demandé à une autre copine de me faire la mise en page et de me corriger. Faute d’orthographe, parce qu’il y en a toujours, il n’y a rien à faire.
E.
Et pour revenir un petit peu en arrière, Monty est arrivé, donc on va parler de Monty. Monty, il a un statut un peu particulier. Alors déjà, par rapport au podcast, puisque c’est le premier élève Schengen de Océane qui a été dans mes toutes premières invitées à l’épisode 6.
D.
J’ai vu son épisode, bien sûr.
E.
Et son épisode est arrivé au tout début de votre relation avec Monty, en plus, c’était fin 2020.
D.
C’est ça. Moi, j’ai eu mon petit en 18, en décembre, pour Noël.
E.
Tu connaissais les Schengen ? Non. Parce que tu nous disais que tu as perdu la vue un petit peu.
D.
Oui, moi, j’ai une rétinopathie pigmentaire. Donc, si tu veux, je l’avais de naissance, mais ça s’est dégradé au fur et à mesure des années. À 20 ans, j’ai perdu la lecture. Déjà, comment ça va être emmerdant ? Même la lecture a grandi. J’ai perdu la lecture. Et puis, on va dire, il y a 15, 20 ans, j’ai perdu de la vue de nuit. C’est-à-dire totalement, la nuit, c’était l’horreur. Mais comme j’étais très entouré, si tu veux, aussi bien par mon épouse que par mes employés, etc, comme j’ai dit tout à l’heure, qui étaient tous très dévoués, je me démerdais pas mal. Mais un jour, c’est complètement par hasard, on a rencontré une dame, qui s’appelle Valérie Huber, qui est une famille d’accueil sur le marché de Saint-Germain-en-Laye. Tout à fait par hasard, ça, je le raconte dans le bouquin. Ça a été là le déclic, si tu veux. C’est par cette rencontre avec cette dame et le chien qui s’est mis dans mes jambes et tout ça. Je me suis dit: C’est pas possible, c’est ça qu’il me faut. Et là, j’ai fait ma demande et effectivement, deux ans après, j’ai eu le chien.
E.
Et elle avait quel chien à cette époque-là, Valérie ?
D.
Valérie, elle avait un petit labrador blanc. Je sais pas comment il s’appelle.
E.
Parce que tu sais qu’elle est passée sur mon podcast aussi, Valérie.
D.
Ah ben non. On a toute la famille.
E.
Je ne savais pas que c’était cette Valérie. Elle est passée dans un épisode un peu spécial, l’épisode 40, puisqu’elle nous a livré un épisode en immersion. C’est un des formats que j’avais créé, que peut-être je vais refaire un jour, où elle m’a envoyé des vocaux en amont de l’épisode sur WhatsApp. Et puis, j’ai intégré ces vocaux-là dans l’épisode où on a parlé de l’arrivée d’un nouveau futur chien-guide. Pour le coup, elle venait d’accueillir le jeune Scar, qui était un Golden Noodle.
D.
Non, ce n’était pas Scar. Je le connais, Scar. Ce n’était pas Scar.
E.
Oui, ça devait être… Elle n’a pas dit: Ce n’est pas possible, ni: C’est une Golden Noodle. Peut-être Mystic, Lorne, quelque Je ne sais pas si tu as vu.
D.
C’est avant mon petit. C’est un L, je pense, un truc comme ça, un chien en L.
E.
Oui, c’est peut-être Lorne, alors.
D.
Peut-être bien. Mais il était tout petit. C’est un chien qui avait, je ne sais pas, quatre, cinq mois, pas plus.
E.
Oui.
D.
Tout petit.
E.
Donc, tu les croises sur le marché et tu découvres le chien guide en vrai, on va dire, parce que tu avais déjà des notions de ce que c’était quand même.
D.
Non, pas du tout. Aucune notion. Et du coup, une semaine après, je suis à l’école, je fais ma demande. Parce que là, par contre, j’avais ressenti très profondément que c’était pour moi. Après, j’ai fait, on va dire le grand processus, c’est long. Il faut une grande patience. Voilà, les cours de locomotion, gnagnagna, enfin tout.
E.
Tu n’avais pas du tout la canne quand tu te débrouillais avec…
D.
Si, j’avais la canne, mais j’ai toujours détesté la canne. Mais j’avais une canne, bien sûr. Toujours détesté. D’ailleurs, dans le bouquin, je lui mets un bon coup à la canne. Non, je déteste la canne. Le Monty, il y a une autre particularité, c’est que c’est le millième chien de l’école aussi. Donc, par lui-même, c’est déjà une star, ce chien.
E.
Et du coup, ça t’a amené à des choses un peu particuliers dès son arrivée ?
D.
Oui, dès son arrivée, on a fait un Drucker. Ça ne m’a pas été trop difficile pour moi puisque je connaissais quand même bien le milieu des médias. Mais on a fait ça, on a fait Europe 1. Il était à peine là que ça y est, c’était parti. Et c’est vrai que quand tu arrives avec un chien guide dans un média, tout le monde regarde le chien. Toi, tu n’existes pas.
E.
C’est vrai que tu as fait la tournée au final avec Monty. Vous avez fait une bonne tournée, une promo, c’est juste, c’était événement.
D.
Événement, quand il est le millième et quand j’ai sorti le livre Il y a deux ans, c’était reparti. On a refait une petite tournée. Donc ce chien-là est une… Il a l’habitude, il est trop marrant. Il n’y a aucun souci. Le plus rigolo, c’est que sur le plateau de Michel Drucker, le plateau est lumineux par en dessous et le chien, il ne voulait pas m’emmener. Et on ne comprenait pas pourquoi. Donc, j’ai appelé son éducatrice qui était là. À l’époque, elle s’appelait Julie. Et en fait, Julie m’a expliqué que le chien pensait que c’était de l’eau. C’est comme le plateau était transparent avec de la lumière dessous. Pour lui, ça faisait comme une surface aquatique et donc il ne voulait pas que je marche dans l’eau. Donc, elle a été obligée, elle, de le faire marcher sur l’eau, c’est le cas de le dire. Et après, ça s’est bien passé. Mais il n’y aurait pas eu Julie, le chien ne m’aurait jamais emmené.
E.
Oui, donc Je me souviens bien, justement, qu’elle était avec toi en coulisse.
D.
Oui. Comme quoi, c’est quand même des chiens hyper prudents. Il n’y a pas de mist, c’est incroyable.
E.
Oui, et puis du coup, lui, il interprète différemment ce que nous, on a à créer en tant qu’humains. On crée des trucs qui, pour lui, sont en dehors de sa réalité.
D.
Ça Ça n’existe pas. Un sol transparent, pour lui, ça n’existe pas.
E.
Donc, tu as fait la tournée et émotionnellement, ça t’a bouleversé, pas la tournée en tant que tel, mais l’arrivée de Monty.
D.
Même la tournée par moments, tu sais, c’est quand même très émotionnant de parler intimement de ce que tu ressens avec le chien quand même. Non, ce n’est pas neutre. Tu ne fais pas ça comme prendre le petit déjeuner. Non, ce n’est pas neutre. L’émotion avec le chien, elle est permanente. C’est permanent. Même encore maintenant, tu as des moments, tu te dis: Ce n’est pas possible qu’il soit aussi intelligent. Ce n’est pas possible. Aussi intelligent, aussi prudent. Il se dévoue, c’est incroyable.
E.
Tu avais déjà eu des chiens avant mon type ?
D.
Oui, j’en ai eu. C’est pour ça, le monde du chien ne m’était pas inconnu. J’avais des chiens quand j’étais petit et j’aimais tellement les chiens, je dormais avec. Quand on me cherchait, j’étais dans les paniers du… J’ai toujours eu des grands chiens. J’étais dans les paniers du chien. Alors ça aide, effectivement, d’être à l’aise, si tu veux, avec le toucher, avec Le chien, ça a une odeur. Moi, j’adore l’odeur des chiens. Les gens, ils vont me dire: Un chien bouillet, ça pue. Moi, je trouve pas. J’ai l’habitude, ça sent le cuir.
E.
Mais c’est sûr que ça peut faire peur.
D.
Oui, et puis tu vois, moi, brosser le chien, ça m’amuse. Je suis bien avec eux, j’ai pas de souci.
E.
Oui, tu n’avais pas cette résistance-là et ça a fait couler l’ancre et des écoutes sur le podcast en janvier. J’ai échangé avec Léana, qui, pour le coup, elle, avait la phobie des animaux. Clairement, la jeune Léana, jeune adolescente, ses parents lui ont mis un ultimatum au bout d’un moment en disant: Écoute, va faire ce week-end découverte à la Fondation Frédéric Gaillanne, va voir ce qui s’y passe et après, on en reparle dans le sens si c’est non, c’est non. Je le dis dans l’épisode, c’est les 71, je vous encourage à aller l’écouter. Elle a pleuré deux heures entre Marseille et Le Vaucluse pour ne pas aller à la fondation. Et elle a pleuré deux heures au retour pour ne pas quitter la fondation. Mais comme tu dis, elle est dans le noir complet. Et par rapport à l’appréhension de l’animal, du chien, de sa truffe, elle en parle très précisément. C’est compliqué pour elle. Un animal, c’était sale, inintelligent, inutile. Et tout animal confondu. Et elle a découvert que ça pouvait être plus que ça. Et aujourd’hui, elle a swing à ses côtés.
D.
C’est une boule d’amour, surtout. Et moi, en dehors des chiens, j’ai toujours eu des chats en plus. Donc, je suis… Non, ça, je n’ai pas de… Et j’ai été élevé avec des tas d’animaux, les poules, les lapins. Je connais tous les animaux, j’adore les animaux. Donc, je n’avais pas cette réticence-là, bien au contraire. Moi, quand je vais encore beaucoup à l’école parce que ça m’amuse, moi, tu me mets au milieu de 30 chiens, je m’assois par terre et je m’amuse, il n’y a aucun souci.
E.
C’est ce que tu voulais faire sur scène, du coup, avec la pièce de théâtre Monty, à l’origine. Elle s’appelait Monty aussi, du coup ?
D.
Oui, elle se serait appelée Monty.
E.
Est-ce que c’était le même pitch que le livre ou rien à voir ?
D.
Non, un peu le même pitch, mais c’est vrai que dans le théâtre, il faut des rebondissements. Et là, je n’en ai pas vraiment, si tu veux. Il faut inventer une histoire que je n’ai pas trouvée.
E.
C’était la première fois que tu écrivais… Non, ce n’est pas la première pièce de théâtre que tu as écrite, c’était la énime.
D.
Je n’ai jamais travaillé seul, mais j’ai beaucoup travaillé en équipe.
E.
Oui, c’est ça. C’est ce que je me disais. Là, c’était la seule qui it de…
D.
Oui, la seule, tout seule. C’est le seul roman tout seul. Je ne me suis pas fait aider exprès. C’était aussi un défi par rapport à moi-même. C’est toujours assez rigolo d’imaginer qu’un malvoyant qui ne peut pas lire va écrire un livre. C’est quand même rigolo.
E.
Mais Il peut être lu en braille, ce livre ?
D.
Oui, il a été transcrit en braille à Toulouse. Je ne sais jamais le nom de l’institution.
E.
C’est le Centre de transcription et d’édition en braille, le CTEB.
D.
Tu es forte. Cteb, de Toulouse. Il a été lu aussi Chez Valentin, oui, et chez Bibliothèque… Comment elle s’appelle celle-là ? Bibliothèque suisse romande, je crois. Tous les malvoyants qui écoutent, ça se trouve sur les bibliothèques sonores et ça se trouve dans le CTEB, comme tu le dis toi-même.
E.
Donc, c’est accessible à tous ?
D.
Oui.
E.
T’as dû faire des concessions quand t’es passé de… Parce que moi, ça m’a interrogé cette pièce de théâtre avec trois chiens. Comment t’avais envisagé ça ? Ils étaient trois sur le plateau ?
D.
J’aurais mis soit des acteurs, soit des marionnettes. J’aurais pas mis des vrais chiens, c’était pas possible parce qu’il fallait qu’ils parlent.
E.
Oui, c’est ce qu’on voit dans le livre. Il y en a plusieurs qui parlent.
D.
Chez moi, les chiens parlent. Alors là, je me suis pas forcé parce que moi, je les entends parler. Ça, je le dis pas trop souvent parce que si tu veux, au Moyen Âge, on m’aurait mis sur un bûcher direct. Mais moi, je les entends parler. Je ne sais pas comment expliquer ça autrement. Dans le livre, je ne me force pas. Est-ce que c’est mon imagination ? Dans le livre, les chiens, ils parlent, mais pour moi, c’est facile, ils sont vraiment comme ça. Il y a deux chiens dans le livre. Il y a un chien qui s’appelle Maga, qui en réalité s’appelle Melba. Melba et Monty, ils ont passé un temps fou ensemble. Ils étaient vraiment amoureux, les deux chiens. Il y a une petite histoire d’amour entre les chiens. Je ne l’ai pas inventé, c’était vrai.
E.
Et tu as fait des concessions entre la pièce de théâtre et le livre ?
D.
Oui, oui, beaucoup. Non, je n’ai pas fait de concession. Le livre, je l’ai complètement réécrit différemment. Non, ça n’a rien à voir.
E.
Et donc, on parle de Monty, mais on ne parle pas de Dominique dans le livre ?
D.
Non, parce que je l’ai romané pour pouvoir y adjoindre d’autres témoignages que le mien.
E.
L’idée, c’était de Ça, ça te prenait un peu de hauteur, du coup.
D.
Oui, et je fais une petite histoire aussi, une amourette, entre guillemets, pour pouvoir donner la parole à une femme. Parce qu’un point de vue de femme, ce n’est pas le même qu’un point de vue d’homme. Tu vois, par exemple, je cite une chose vraie que moi, je n’imaginais pas, que la femme dont je parle, qui est jolie, et c’est un témoignage que j’ai eu, dans le métro, vous voulez que je vous aide, mademoiselle, et paf, une main aux fesses. Ça, c’est quand même terrifiant. Un autre témoignage, elle m’a raconté. Un jour, elle se fait draguer. Elle est à une terrasse de bistrot. Elle dit au mec qu’elle est malvoyante. Le mec, il la croit pas parce qu’elle a des belles lunettes et puis qu’elle est très jolie. À un moment, elle veut aller aux toilettes, elle dit: La porte, elle est ouverte ou fermée ? Le mec lui dit: Elle est ouverte, et la porte, elle est fermée, elle se prend la porte. Je pense pas que puisse arriver à un homme, par exemple. Tu vois, tu vois, tu vois des choses comme ça. Et puis, du coup, ça m’a permis aussi… Ce personnage-là, elle a déjà eu un chien.
D.
Donc, ça permet d’avoir la discussion entre le novice que j’étais et la personne qui a déjà eu un chien, qui reprend un deuxième chien et qui a donc une autre appréhension du chien.
E.
Donc, ce que je comprends, en fait, c’est que c’est… En lisant la couverture, on pourrait se dire Dominique Dumont, Monty, c’est ta biographie romanée, enfin, biographie avec Monty romanée, on pourrait se dire ça. Et en fait, ce que tu as voulu en faire, c’est partager plus que ton témoignage, mais aussi le témoignage que tu avais recueilli.
D.
Faire des agglomérats de témoignages, puisque quand tu es à l’école, tu as déjà les 15 jours de remises, ce qu’on appelle. Pour ceux qui ne savent pas ce que ça veut dire, c’est pendant 15 jours, tu es en internat et tu apprends comment vivre avec le chien et comment comprendre son langage. Mais nous, on était cinq, par exemple, pendant ce moment-là. Donc, ça veut dire que pendant 15 jours, tu es cinq, malvoyant, en train de pour comprendre comment ça marche. Évidemment, le soir, tu te racontes. Donc déjà, tu as cinq témoignages. Je suis allé beaucoup aussi à ce qu’on appelle les détente. C’est ces moments où tu emmènes ton chien à l’école et là, de nouveau, tu es quatre ou cinq avec des chiens juste pour que les chiens y couvrirent en forêt et toi, tu es avec des bénévoles, etc. Pendant ce temps-là, on se parle. Tout ça, c’est des anecdotes, c’est des choses. Dans le bouquin, c’est pour ça que je me suis pas mis moi parce que j’ai trouvé que c’était plus riche d’agglomérer toutes les anecdotes que je pouvais recueillir. Il y en a une qui n’y est pas, par exemple, que j’adore, mais qui m’a été racontée après.
D.
C’est une malvoyante charbante qui s’appelle Paul. Elle m’a raconté: Un jour, il y a une dame qui arrive près d’elle, qui caresse le chien, qui parle au chien, qui dit: Oh, tu es beau, quel beau chien. Oh là là ! Il faut que tu t’occupes bien de ta maîtresse. Oh, quel beau chien. Au revoir. Elle n’a pas dit un mot, elle a malvoyante. Elle a parlé qu’au chien.
E.
Elle a parlé qu’à Pouky. C’est ça ? C’est le chien. Oui, c’est Pouky. Le chien de Paul.
D.
C’est une histoire comme ça. Je l’ai su quand le livre était imprimé. Voilà exactement le type d’histoire que j’aurais mis dans le livre, parce que je trouve ça absolument génial. C’est-à-dire que quand je dis que quand tu as un chien, les gens, ils voient d’abord le chien, là, c’est poussé à l’extrême.
E.
Oui, moi, je te confirme, en même en tant que famille d’accueil, des fois, tu es obligé de dire, et je le dis souvent sur le podcast, tu es obligé de dire qu’il y a quelqu’un au bout de la laisse. C’est-à-dire que les gens, ils voient le chien. Là, ils l’ont tout à fait fait fait avec Paul et Pouky. Pour l’histoire, Paul et Pouky aussi. Je connais bien leur histoire parce que je connais très bien la famille d’accueil de Pouky, qui est passée aussi sur le podcast, qui est un jeune couple tout à fait charmant, Tom et Charlotte. Et pour le coup, c’était mes deuxièmes invités. Donc, c’est un peu…
D.
On connaît tous les mêmes. Enfin, c’est normal.
E.
Et du côté de Pouky, j’ai eu l’occasion de faire un épisode avec Paul. J’avais envie, un an après, de faire la suite de l’aventure.
D.
Paul est génial, je l’adore.
E.
Et vous pouvez la retrouver dans l’épisode 19. Elle est hyper dynamique aussi. Et Mais avec Puki, encore plus.
D.
Oui, comme moi. J’étais quand même très dynamique, mais avec mon… C’est-à-dire que quand tu as un chien guide et que tu as la patate intérieure, tout est possible. Ce n’est pas compliqué, tout.
E.
Tu n’as plus de limites ?
D.
Non, moi, je n’ai aucune limite. Mon épouse, au départ, évidemment, était carrément inquiète, parce qu’elle disait: C’est la vie de mon mari. Donc, au début, elle nous suivait de loin, tout ça. Puis, quand elle a vu comment ça marchait, comment le chien s’asseyeillait comme tout ça. Elle s’est tranquillisée. Puis un jour, j’ai dit: Écoute, ce n’est pas compliqué. On va faire une expérience. Je vais faire l’allée-retour Venise avec mon chien tout seul. Et donc j’ai fait le bus pour partir, l’aéroport de Roissy, arriver à Venise, le bateau pour aller à Venise. Dans Venise, l’hôtel, deux jours tranquilles, retour. Tout ça avec le pépère. Extraordinaire. Et le tout dans une bonne humeur générale.
E.
Sans galère, sans rien, juste la joie d’être ensemble.
D.
Oui.
E.
Tu sais que c’est Doriane ? Je pense que tu la connais parce que tu partages peut-être des détente avec elle.
D.
Oui, Doriane, je la connais aussi, bien sûr.
E.
Qui m’avait raconté dans l’épisode 39 ou ailleurs. Je ne sais plus si on en a parlé dans l’épisode, mais en tout cas, elle me disait qu’elle avait plus confiance en ses chiens que dans les humains. Et du coup, son mari, pour le coup, le prend un peu mal. Parce que quand ils sont ensemble, maintenant, depuis qu’elle a des chiens guides, donc Fénix, qui a rejoint les étoiles et maintenant en polie, elle préfère que ce soient les chiens qui la guident plutôt que les humains. Parce qu’elle se dit: En fait, le chien, c’est son job. Il ne va rien manquer alors que les humains, ils peuvent avoir la tête ailleurs et manquer…
D.
Je ne le dis pas trop fort, mais je le pense. Oui, avec Doriane, on a fait pas mal de sensibilisations ensemble. C’est comme ça qu’on se connaît.
E.
Donc, ce petit test à Venise, pour toi, a été concluant ?
D.
A été formidable et ça a tranquillisé mon épouse. Depuis, c’est bon, elle se dit: Attends, ça va, ils peuvent tout faire. Elle va prendre le bus, l’avion, le bateau, tout, tout, tout. Et puis, c’est vrai que quand tu es avec un chien guide, les gens, d’abord, ils sont vachement émus par le chien, comme je t’ai dit. Ils sont émus par le rapport entre le chien et l’homme. Ils sont admiratifs et presque envieux. Il y a cette relation magique, ça les fascine. Moi, quand je prends l’avion avec le chien, ça se termine par photo avec les hôtesses de l’air, photo dans le cockpit. À chaque fois, c’est 10 minutes de Tu vois, à chaque fois, c’est la grosse fête. Tu voyages beaucoup avec mon type ? Oui, je voyage beaucoup. Tant que j’ai la forme, je bouge.
E.
Tu voyages côté professionnel, pas forcément, plus côté loisirs, maintenant ?
D.
Maintenant, côté loisirs, Oui, on va dire. Train, avion, je voyage beaucoup. Voiture, évidemment, mais ce n’est pas moi qui conduis ni lui.
E.
Zut. Je discutais l’autre jour avec un déficient visuel qui me disait qu’il avait encore le permis, mais que sa femme ne voulait plus qu’il prenne la voiture.
D.
C’est moyen. Moi, je n’ai jamais pu conduire de toute façon. C’est un problème réglé.
E.
Je me demandais si dans toute cette aventure avec Monty, il y avait quelque chose que tu avais appris ou découvert, que tu n’avais jamais envisagé avant même de croiser Valérie avec son petit labrador au marché ?
D.
Il y a beaucoup de choses que tu découvres parce que c’est cette relation avec le chien, si tu veux, qui est une relation homme-soi-disant animale. C’est-à-dire que c’est là que tu te rends compte que ce n’est pas qu’un animal, que c’est une personne. C’est une personne entière. Moi, je vais loin, je dis qu’ils ont une âme. On est en relation d’âme à âme et d’esprit à esprit. Et ce n’est pas du baratin, si tu veux. Je pense qu’on est vraiment, comme ils disent à l’école, un binôme, mot que je déteste. On est un couple et que… Tu veux, moi, ça m’amuse des fois. Il faut que je sois en forme et que lui soit en forme. Mais des fois, je m’amuse à le conduire en pensée. Je suis derrière mon chien et je me dis: Tiens, on va prendre la deuxième à droite. Allez, deuxième à droite. Je pense deuxième à droite, je pense. Deuxième à droite, je ne dis rien. Oui, Tout le système à droite, il tourne. Et ça, c’est pareil, c’est un truc à se faire brûler sur les planches du Moyen Âge. Alors, j’en ai parlé aux éducateurs qui me disent: Oui, on nous l’a déjà dit.
D.
J’en ai parlé à d’autres malvoyants qui ont des chiens. Il y en a beaucoup qui disent la même chose.
E.
Oui, il y a une réelle connexion entre vous, de toute façon.
D.
Cette connexion-là, si tu veux… Je pense que les gens qui ont des chiens de compagnie, ils ont déjà une forte connexion. Mais nous, la différence qu’il y a, c’est que d’abord, nos chiens, on les a 24/24. Même quand il dort, il est à pied de mon lit. On en fait l’interview, il est à mes pieds. Ce chien ne me quitte jamais. Mais quand je dis jamais, c’est jamais. En plus, il travaille avec nous et pour nous. Donc cette connexion que les gens peuvent ressentir, nous, elle est multipliée au centuple. Donc moi, d’un point de vue spirituel, si tu veux, je me dis: L’animal n’est pas si inférieur que ce qu’on nous a bassiné depuis des quart. C’est l’homme qui est maître de la nature, qui est supérieur. Non, Non, non, non, non, non. Je pense que tout ça est faux. Pas pour moi.
E.
Tu touches du doigt un peu la connexion. Moi, j’ai été intimement persuadée à la fin de vie de la minette que j’avais chez mes parents, qu’elle a su que c’est bon, qu’elle avait fait 17 ans, mais c’était le bon moment pour pas tarder. Bien sûr. Je le disais dans l’épisode qui sera sorti à cette date, dans l’épisode avec Sylvie, où on parle du deuil du chien, un sujet un peu compliqué. Et je le disais, moi, je témoignais par rapport à Volvic. Du coup, cette minette que j’ai eue au collège, je suis partie chez mes parents, elle y est restée. Je n’allais pas lui faire vivre ma vie d’étudiante à changer tous les trois jours de petit appartement.
D.
Les chats, ils n’aiment pas qu’on les change de lieu.
E.
À chaque fois, je me disais peut-être que quand je vais revenir, le temps que je revienne, elle ne sera plus là. Parce qu’à partir de 12, 13, 14 ans. Moi, je suis assez cartésienne et je pensais un peu à tout ça. Et en fait, elle est partie à Noël de ses 17 ans et demi, quelque chose comme ça. Moi, j’étais enceinte, mais personne ne le savait, à part mon compagnon et moi.
D.
Et la chatte ?
E.
Oui, Oui, elle, je lui avais dit aussi. C’est sûr qu’elle le savait. On a fait Noël ensemble. On avait un chien en plus à Noël, un élève chien guide, Saga, qui était avec nous. Pour le coup, Volvic, elle n’aimait pas les chiens. Chacun son territoire. Et là, je me souviens de ce Noël où elle est passée entre les pattes du chien. Le chien était debout, elle allait passer dessous pour aller manger ses croquettes alors qu’elle marchait plus trop mal. En mode, coûte que coûte, tant qu’à profiter jusqu’au bout des croquettes.
D.
Oui, c’est ça.
E.
Non, j’étais très surprise. On est parties après Noël, deux, trois jours, et quand on est revenu, on était allongée devant le garage. On s’est occupé de son petit corps. Pour moi, en plus, avec les émotions de la grossesse, c’était encore beaucoup plus compliqué émotionnellement, parce que les hormones, c’était bien difficile à vivre tout ça, tout en ne disant pas que j’étais enceinte à mes proches. Je me suis dit: Elle sait qu’il y a un nouveau cap qu’on avait prévu de déménager de la région parisienne pour revenir dans notre région lyonnaise, que j’allais avoir un nouvel être à m’occuper et à me recentrer.
D.
Je suis sûr de tout ça. Et ça, si tu veux, mais c’est pas… C’est compliqué de parler de ça, parce que beaucoup de gens te regardent ou me regardent en se disant: Ils sont complètement malades.
E.
Oui, mais quand je recueille tous vos témoignages, tous ne le disent pas et ne mettent pas ces mots-là très précis sur votre relation. Moi, je dis pas binôme, je dis duo.
D.
Oui, l’erreur de binôme, moi, je dis couple, c’est encore pire.
E.
Qu’est-ce que tu n’aimes pas dans le mot Je trouve que c’est technique.
D.
Je dirais mathématique, justement, c’est sans âme. Alors en même temps, je comprends parce que si tu veux, les écoles, ils ne vont pas prendre ce risque de ce que je suis en train de raconter parce que ce n’est pas leur boulot.
E.
Non, c’est une perception très personnelle, de toute façon.
D.
Oui, C’est une perception presque théologique. Donc, si tu veux, il y a un moment, tu crois en Dieu, tu ne crois pas en Dieu, tu crois à l’esprit, tu ne crois pas aux forces de l’esprit. Donc, il y a un moment, l’école, ils ne vont pas rentrer là-dedans. Donc, pour moi, c’est un non technique. Puis leur boulot, c’est des éduquer des chiens pour que ces chiens soient performants. Mais moi, je trouve que le chien guide, ça va beaucoup, beaucoup, beaucoup plus loin que le simple fait de guider. Pour moi, après, les autres, ils pensent comme ils veulent, mais pour moi, c’est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus loin.
E.
Oui, c’est plus qu’une canne avec quatre pattes.
D.
Ça n’a rien à voir. C’est beaucoup plus. En plus, c’est des boules d’amour. Le matin, c’est un quart d’heure de câlins, puis la promenade, puis tout. Un quart d’heure, 20 minutes, m’occupe que du chien. Mais Lui, il est tout le temps de bonne humeur le matin. Toi, tu te lèves, si tu es cassé, tu as des soucis, machin. L’autre, il arrive, il te met des coups de truffe. Allez hop, là, on y va. Et je te fais des révérences et je te file des coups de patte pour descendre plus vite. C’est tout. Ça te remet dans une autre humeur.
E.
Dans une légèreté un peu… Oui, c’est ça. Que notre cerveau d’humain n’a pas forcément tout le temps.
D.
C’est ça, c’est cette légèreté. C’est une joie de vivre. On est en vie, c’est bien. Allez, on va voir dehors. Allez, on va voir dehors. Toi, tu es là: Oh, puis il pleut. Puis tu mets tes bottes et tu sors. Et puis après, tout va bien.
E.
Je crois qu’Océane nous avait confié des habitudes qu’elle avait prises, on va dire, avec Monty. Je crois que vous avez été un petit peu surpris. L’histoire des chaussettes.
D.
Oui.
E.
Vous avez été un peu surpris de voir tout ça.
D.
Le tour d’Océane, c’est que le chien enlève les chaussettes. Ça l’amusait parce qu’elle était très jeune. Quand la famille d’accueil d’Océane, il y a ses parents, Ariel et Thierry, et puis il y a Océane et sa sœur. Elle devait peut-être avoir 15 ans ou 16 ans quand elle a eu Monty. Les gamines, ce qui la faisait marrer quand elle revenait du sport, c’est de mettre les pieds sur la table et le chien tire les chaussettes et enlève les chaussettes. Il a continué. Et le pire de tous, c’est que la chaussette, une fois qu’il l’a, il la rend pas. Il court avec. C’est un trophée.
E.
Je crois qu’elle m’avait raconté que vous êtes en contact et vous entretenez des fois bonne relation.
D.
On se voit tout le temps.
E.
Et que les premiers temps, elle avait dû vous confier qu’elle lui avait appris ça, parce qu’elle pensait pas qu’elle allait le reproduire.
D.
Oui. Et puis, en plus, si tu veux vraiment son grand jeu, c’est d’aller piquer, même sans me les enlever des pieds. C’est quand même, s’il y a une paire de chaussettes qui traîne par terre, c’est de prendre la paire de chaussettes et de courir avec, d’aller au fond du jardin. Là, c’est être plus ma femme court derrière, tu pars plus ça l’amuse. Oui, bien sûr, c’est un gosse à ce niveau-là. Oui, il la reproduit, bien sûr, mais c’est drôle. C’est ça qui est marrant avec le chien-guide, c’est que tant qu’il est à la maison, c’est un gosse, tu lui mets son harnais, c’est un soldat. Le mien, à la maison, il est gay. C’est un très rigolo chien. Il a la balle, les chaussettes, les jouets. Et je déménage ma couverture parce que ça me plaît pas d’être là. C’est vivant.
E.
Et je me demandais si tu as été bluffé par ton chien, par Monty, une fois, qui reste un souvenir très marquant pour toi.
D.
Il y a plein de bluff. Un des grands bluff, c’est classique, c’est la désobéissance intelligente. Ça reste toujours un grand bluff, c’est-à-dire pour tous ceux qui connaissent, c’est évident. Tu es sur un trottoir, tu marches tout droit, il y a une voiture garée sur le trottoir, le chien, il s’arrête et il t’explique que tu ne peux pas passer et que Le mien, il propose toujours de traverser et de faire l’autre trottoir. T’as d’autres chiens qui passent par la rue. Le mien, il préfère changer de trottoir. Je suis plus bluffé, mais je suis quand même bluffé à chaque fois, parce que c’est tout de même… Que ce soit une voiture à un trou, des trottinettes, etc. L’autre truc qui m’a bluffé, mais absolument incroyable. Pour des raisons professionnelles, je dois aller à Nancy, une ville que je connais pas du tout. Meuvela partie à Nancy, gare de Nancy. Et de la gare de Nancy, il faut que je trouve l’hôtel. Donc là, je demande parce que je suis paumé. C’est pas trop compliqué. On va dire que c’est pas trop compliqué. En gros, c’est tout droit, puis une fois à droite, à force de demander, on y va, on arrive.
D.
Je reste à Nancy une nuit pour le travail, je rentre à Paris. Trois mois après, je retourne à Nancy et je retourne dans le même hôtel. Et à la gare, le chien part. Je suis mon chien, il m’a amené à l’hôtel. C’est incroyable. C’est-à-dire, si tu veux, une ville qu’on connaissait pas, on y allait une fois, on a fait le parcours aller-retour une fois. Trois mois plus tard, direct, il m’emmène. Je trouve ça… C’est bluffant de chez bluffant.
E.
Ils ont une mémoire, on se le dit à chaque épisode, mais je le redis encore une fois, ils ont une mémoire quand même. Nous, on pourrait pas.
D.
Tu vois, tu te rends compte du truc En plus, c’est une ville, c’est pas la campagne.
E.
Oui, il y a beaucoup de changements de direction, des choses qui ont pu changer aussi dans les repères.
D.
Ça, je suis… Alors voilà, c’est ça. Ça, ça me bluffe. Tu fais avec mon type, tu fais un parcours une fois ou deux et après, il reconnaît. Ça, c’est génial. C’est absolument génial.
E.
Est-ce qu’il y a des lieux où vous êtes allé un peu exceptionnel ? Tu nous as parlé du plateau de Michel Drucker, qui, à mon avis, est quand même un grand lieu. Est-ce qu’il y a d’autres auprès de d’autres lieux où tu n’aurais jamais été s’il y avait pas eu Monty à tes côtés ? Tu es retourné au théâtre, j’imagine ?
D.
Au théâtre, j’y vais tout le temps. Mais ça, il a l’habitude. Comme je dis, c’est le chien le plus cultivé de tout Paris. Il a vu au moins 40 pièces de théâtre. Et quand j’étais direlo, on assistait à beaucoup de répétitions. Donc là, Monty, lui, il a l’habitude, il se couche sur la moquette et il dort. Je ne dis pas qu’il écoute toutes les pièces, il dort beaucoup. Mais enfin, il y a des spectateurs qui dorment aussi. Non, qu’est-ce que j’aurais jamais fait avec le chien ? J’ai fait l’anniversaire de Louis Braille. C’était beau, ça. On a fait au Panthéon. On était un paquet, mais c’était vachement bien. Ça, je n’aurais jamais fait. Je n’étais jamais allé au Panthéon, c’était bien.
E.
Oui, avec Monty, tu as basculé aussi peut-être dans cette sphère. Oui, bien sûr. Il y a plus de malvoyants dans ta vie et de collègues malvoyants dans ta vie que ce qu’il y avait avant.
D.
Je fais beaucoup de sensibilisation pour l’école. Je suis un fan quand même. Je suis un fan absolu du chien-guide. Je dis toujours: Je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas pris un chien avant. C’est complètement ridicule. Ça change tellement la vie. C’est formidable.
E.
C’est parce que tu n’y avais jamais pensé ?
D.
Oui, c’est ce que je t’ai dit. Puis j’étais quand même… J’étais bien réadapté avec toute mon équipe autour de moi. J’étais bien secondé. Mais là, ce qui est extraordinaire, c’est que c’est le retour en autonomie. Au lieu d’emmerder le monde, tu es avec ton chien, puis tout va bien.
E.
Tu regrettes un peu, du coup ?
D.
Ouais, de pas l’avoir pris avant, oui. Mais bon, il ne faut jamais regretter. Peut-être que je n’étais pas prêt, tu vois, dans ma tête. On va donc savoir.
E.
Est-ce que ça a un sens qu’il soit arrivé à ce moment-là ou pas ?
D.
Moi, je pense que oui, il y a toujours un sens. Voilà, il faut être prêt. Et puis, la nuit, ça devenait quand même catastrophique. C’était impossible la nuit, ça devenait impossible. Et je travaillais la nuit. Donc, si tu veux, la nuit, c’était taxi. Il fallait que quelqu’un me mette dans le taxi et que le taxi me mette devant ma porte.
E.
T’as été combien de temps en activité avec Monty ? Il t’a suivi pendant combien de temps dans ta vie de dire l’eau, comme tu dis ?
D.
Un paquet.
E.
Je sais pas, mais pas mal. Quelques années, en tout cas, il t’a suivi.
D.
Ce qui était très sympa, c’est qu’il avait aussi le contact avec le personnel du théâtre, c’est normal, mais avec les acteurs. Il montait dans les loges, tranquille. C’était devenu la mascotte du théâtre. Alors qu’il a fréquenté de grands acteurs. C’est mignon. Ils étaient contents. C’était là que tu vois aussi que dans le milieu du travail, un chien, c’est extraordinaire.
E.
Ça, moi, je l’ai vu rien qu’en ayant des relais à mon travail, quand je travaillais pour les éleveurs de chèvres à Paris. Ça apporte quelque chose quand même.
D.
Bien sûr. Quand j’arrivais au théâtre, on commençait entre 11h00, 14h00. Le chien, j’enlevais le harnais, tout ça. Il commençait par faire le tour des bureaux. En En gros, tout le monde perd 10 minutes, mais en gros, tout le monde est de bonne humeur. Les 10 minutes que tu perdes, tu les regagnes en ambiance. Tout le monde a la patate après.
E.
Le jour où j’avais des chiens, le premier jour où j’avais le chien en relais au bureau, en tout cas, même si j’avais commencé le relais sur un week-end ou autre, je faisais le tour des bureaux pour dire: Voilà, cette fois, pour info. Mais oui, tout le monde changeait, les visages s’illuminaient.
D.
T’imagines quand c’est le chien qui vient presque tous les jours, il avait ses jouets au bureau. Il avait des peluches qui, évidemment, il dévorait comme d’habitude. Tu sais que dans les théâtres, il y a des costumiers. On avait un costumier et le costumier recousait. Régulièrement, il recousait l’hippopotame, la girafe. Même ça, c’était devenu une espèce de gag à l’intérieur. Parce qu’après, tout le monde dit: Il a été opéré du ventre. Parce qu’effectivement, elle prenait des coups. C’est quand même une bouche de labrador, quand ça s’y met, ça mange.
E.
On arrive vers ma question de fin un peu rituelle de ce podcast. Je demande toujours quel est le pire et le meilleur moment avec votre chien guide avec Monty. En commençant par le pire.
D.
Le pire moment, c’est terrible. Le pire moment, c’est que j’ai été attaqué par un doc de Bordeaux qui a échappé à sa maîtresse. Nous, on était en guidage et le chien s’est jeté sur le mien et l’a mordu au sang. Et là, je suis paniqué. Donc, vétérinaire, tout le bordel. Sept points de suture quand même pour ce pauvre bête.
E.
À quel endroit il l’a mordu ?
D.
Sous la patte arrière, à l’aine. Ça, c’est C’est le pire moment, parce qu’en plus, c’est l’impuissance totale. C’est-à-dire que tu ne comprends pas. Moi, je ne l’ai pas vu arriver, le chien. Moi, je vois encore des choses, mais je n’ai pas vu l’autre chien arriver. Et le mien, il était en harnais et en laisse. Et l’autre, il n’a même pas tourné autour, il s’est jeté dessus. Donc ça, c’est le pire. C’est le pire de mes souvenirs parce que tu ne comprends qu’après, tu comprends… Et moi, j’étais dans une colère noire, parce qu’elle a lâché son chien, c’est tout. Parce qu’elle doit peser 40 kilos et le chien, 40. Ça, c’est le plus mauvais moment. Le meilleur moment avec mon chien, il y en a tellement que… Je te dirais que le souvenir le plus incroyable, c’est… Pareil, on it de mon théâtre. Mon théâtre est dans une rue à sens unique. Donc, je me mets dans le passage clouté et je traverse. Sauf qu’il y a une voiture qui recule. J’avais l’habitude d’écouter que d’un côté. C’est toujours pareil, quand tu es chez toi, quasiment, tu manques de vigilance. Voiture qui recule, le chien, il s’est couché à mes pieds Donc la voiture, il m’a sauvé de me taper la bagnole.
D.
Là, tu t’agenouilles et tu pleures. C’est pas compliqué. Tu prends ton chien dans tes bras et tu pleures dessus, en gros. Mais ça, c’est beau quand même.
E.
Oui, lui, il a compris ce qui s’est passé. Et toi, normalement, il y avait pas de voiture dans ce sens-là ?
D.
Non, puisque c’est de ma faute. Mais moi, je n’écoutais jamais dans ce sens-là. Tu comprends ce que je veux dire par écouter ? Tu te traverses tous les jours, quatre fois par jour à cet endroit-là. Donc tu fais attention sur ta droite, tu fais pas attention sur ta gauche, puisque normalement, sur ta personne ne vient. Et puis maintenant, avec les voitures électriques, ils ne font pas beaucoup de bruit.
E.
Les trottinettes électriques, les véloélectriques, les voitures électriques, tu peux tout à fait avoir ça.
D.
Ça, c’est un souvenir magnifique. Sinon, j’en ai plein, des grosses rigolades, mais ça, c’est chouette. Puis, c’est quand même le chien guide. C’est le chien guide. Ça se plante.
E.
Mais en tout cas, je recommande à tous de lire ton ouvrage qui est disponible partout.
D.
Oui, partout. Il est même par voie électronique. Ceux qui peuvent lire avec Kindle, ça marche aussi. Moi, je n’y arrive pas, perso, mais je suis trop nul. J’ai du mal, mais je sais qu’il y en a qui y arrivent.
E.
Et donc, on peut retrouver non pas Dominique, mais Hervé et Lisa, avec Monty, par contre, cette fois-ci. Et puis, il y a d’autres personnages: Julie, Stéphanie. Bien sûr, il y a tout un roman.
D.
Julie, qui est une vraie éducatrice.
E.
Et puis, moi, j’avais eu l’occasion de me le fournir à la Porte Ouverte, quand on s’était croisé, notamment à la Porte Ouverte de l’École des chiens guides.
D.
C’est celle de Paris ou celle de Lyon ? J’ai fait les deux.
E.
Celle de Paris et pas cette année, parce que j’étais déjà sur Lyon.
D.
Oui, mais cette année, c’est dommage, parce que c’est bien, parce qu’ils ont mis toutes les portes ouvertes ensemble, mais du coup, on peut en faire qu’une.
E.
Et je vais essayer, là, en septembre prochain, d’en faire deux, parce qu’il y en a une qui fait sur deux jours et l’autre qui fait sur un jour.
D.
C’est laquelle qui fait sur deux jours l’année prochaine ?
E.
C’est la Fondation Frédéric Gaillane qui fête ses 10 ans.
D.
Je ne les connais pas. Ils ont fait une belle opération médiatique il n’y a pas longtemps sur TF1.
E.
Oui, ça date d’hier d’avant-hier. Et d’ailleurs, quand j’ai enregistré les épisodes de 70, 72, j’ai été à la Fondation Frédéric Gaillane et l’équipe TF1 aussi. C’était mi-octobre et du coup, c’est sorti. Donc, tout le monde m’a envoyé ça hier. On me disant: En plus, c’est la jeune fille qu’on voit sur ta vidéo que tu as mis sur Instagram. Je dis: Oui, j’y étais en même temps.
D.
Ouais, c’est ça.
E.
Donc, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
D.
Écoute, longue vie à mon petit parce que je commence déjà à m’inquiéter. Il va bientôt avoir huit ans et et je commence à claquer des dents. Parce que je n’ai pas envie de changer de chien. Je pense que je rentre dans une période où tous les malvoyants, c’est pareil. Tous les maîtres chiens qui aiment leur chien, ils n’ont pas envie de changer de chien, à mon avis.
E.
On aimerait bien qu’il vive aussi longtemps que nous.
D.
C’est sûr. Donc là, si tu veux, ça commence à me pincer le cœur. Donc, longue vie à mon toutou, bonne santé et qui continue le plus longtemps possible à être avec moi et un bon De toute façon, moi, j’ai la possibilité de le garder plus tard. Parce que ma femme, nous, on a un grand jardin et j’ai une femme, donc elle est toujours là. Oui, oui, je garde le chien, je garde le chien, je garde.
E.
Donc, on peut vous souhaiter une longue vie qui, de toute façon, se passera jusqu’au bout, même s’il ne te guide pas jusqu’au bout.
D.
Il te fera la retraite paisible. Il ne t’aura pas approuvé de faire. Mais déjà qu’il me guide le plus longtemps possible parce qu’on est bien. Tu vois, je me dis, c’est tellement parfait. Comment ça se fait ? Comment c’est après ?
E.
Je t’encourage à écouter quelques épisodes. Et puis à réfléchir à tout ça et à échanger avec les collègues.
D.
Absolument. J’en parle dans le bouquin. La fameuse Lisa, c’est ça. Lisa, elle a un deuxième chien, donc c’est important. Ça m’intéressait d’avoir plusieurs personnages pour ne pas parler que de moi.
E.
Et donc, on retrouve Mon petit, aux Éditions Le Passeur, en version livre, dans toutes les versions, braille, audio, pas audio, tout ce que vous voulez, grands caractères, etc. Tout ce qu’on veut. Et merci beaucoup et à très bientôt, Dominique.
D.
Je t’en prie, c’est moi qui te remercie, Estelle. À très bientôt. Merci beaucoup.
E.
Et voilà, c’est la fin de cet épisode.
E.
J’espère qu’il vous aura donné envie de découvrir ce beau livre, aussi beau que le vrai Monty.
E.
Comme précisé, vous pouvez le retrouver sous différents formats, numériques comme papier et bien sûr en braille ou en audio.
E.
Si vous avez apprécié cet épisode où Dominique fait l’éloge de Monty, je vous conseille d’écouter l’épisode 6 avec Océane, qui vous plongera au tout début de l’histoire de mon podcast, mais aussi de celle de Monty, qui a été le premier élève schenguid d’Océane. De mon côté, je vous dis à très bientôt pour le prochain épisode sur l’univers méconnu des chiens guides d’aveugles