Un chien guide d’aveugle guide au quotidien les pas de son maître déficient visuel, mais il n’est pas uniquement un « outil » pour se diriger dans l’espace. Ces chiens guides forment avec leur maître de vrais binômes, et sont pour eux un réel partenaire au quotidien.
Les quelques binômes que j’ai pu croiser plusieurs fois parlent d’eux-mêmes, que ce soit Folio et son maître, Fonda et sa maîtresse ou encore Mandise et son couple de maîtres !
Pas une simple canne blanche à quatre pattes
Une personne aveugle, autant qu’une personne malvoyante, peut se servir d’une canne blanche pour se déplacer. En faisant un mouvement de balayage et grâce à la boule au revêtement spécifique au bout de la canne, la personne peut alors détecter au fur et à mesure les caractéristiques du terrain (changement de revêtement au sol, bande podotactile, marche de trottoir…) et les obstacles qui peuvent se trouver sur sa trajectoire. Cela leur permet notamment d’identifier les obstacles permanents comme les poteaux, les panneaux publicitaires et autres qui peuvent leur servir de repère, mais aussi les plus temporaires qui sont présents ou non selon les jours tels que les poubelles, les trottinettes ou les encombrants sur le trottoir.
Cependant, la canne a du mal à prévoir à l’avance, à anticiper à droite alors qu’elle est à gauche. Les maîtres de chiens guides m’ont souvent raconté leur chute dans la rue ou la rencontre d’un obstacle avec différentes parties de leur corps sans avoir pu le détecter lorsqu’ils se déplaçaient à l’aide de la canne blanche avant d’avoir un chien guide. Les obstacles en hauteur restent les plus compliqués à détecter avec la canne, que ce soit des barrières de chantier, des rubans qui barrent la route à hauteur d’hommes, ou encore des panneaux qui dépasseraient beaucoup du poteau au sol par exemple.
Les loulous chiens guides ont quant à eux appris à anticiper et prévoir la place pour passer avec leur maître. Pendant leur éducation, ils appréhendent au mieux tous les obstacles qu’on peut rencontrer en se déplaçant en ville, qu’ils soient au sol ou justement en hauteur.
D’un point de vue social il y a également une différence : on n’observe pas le même comportement vis-à-vis d’une personne et sa canne blanche que vis-à-vis d’une même personne avec son chien guide. Alors que la canne blanche peut effrayer par méconnaissance, le chien guide amène un sujet de discussion, un lien commun à tous avec le handicap qui peut faire peur aux autres. Le chien de manière générale n’étant pas réservé aux personnes déficientes visuelles contrairement à la canne blanche.
Cependant, mon objectif n’est pas ici de vous dire qu’un chien guide d’aveugle est mieux qu’une canne blanche, mais simplement que les deux sont très différents et que le choix entre les deux reste celui de chaque personne qui en a besoin avec ses raisons propres.
Plus qu’un moyen de se déplacer, un vrai duo
Dans la réflexion sur l’attribution du chien guide d’aveugle à son futur maître par l’école, il ne s’agit pas de prendre le dernier chien guide certifié pour le premier maître déficient visuel sur liste d’attente. Plusieurs critères sont pris en compte pour former un binôme le plus cohérent possible. Le futur maître rencontre ainsi plusieurs chiens guides sélectionnés par l’école pour son profil.
En effet, au quotidien, le loulou va avoir à guider les pas de son maître, en devenant ses yeux, mais surtout à vivre avec lui au quotidien. De nombreuses questions vont être posées lors de la demande d’un chien guide au futur maître, afin de savoir notamment son rythme de vie, sa dynamique au quotidien et ses activités pour lui proposer des chiens qui lui correspondent au mieux.
On ne va pas confier un chien plutôt calme et posé à une personne qui va être très dynamique, faire beaucoup d’activités par exemple. Et à l’inverse, on ne va pas proposer un chien plutôt dynamique et en demande d’exercices à une personne plus tranquille. Par contre on ne peut pas faire ces associations en fonction de l’âge du chien comme on le ferait dans d’autres situations de type adoption, car un chien guide est « éduqué » depuis sa naissance jusqu’à ses 2 ans environ, ils ont donc tous le même âge à peu près lors de leur remise, et c’est l’éducateur qui connaît le mieux le chien qui va pouvoir le caractériser dans son quotidien.
D’autres facteurs plus « techniques » sont indispensables à prendre en compte dans l’attribution du chien comme sa taille ! Les races choisies pour les futurs chiens guides répondent avant tout à un critère de taille cohérente avec le port du harnais de guidage et son utilisation. Je parlerai des différentes races de chiens guides choisies par l’école de Paris dans un autre article, mais de manière générale les chiens guides doivent avoir une taille plutôt moyenne au niveau du garrot, pour le bien-être du chien guide autant que celui de la personne guidée. Donc non, un Jack Russel ne peut pas être chien guide, ni un Leonberg, le critère de la taille ne serait pas adapté !
Le rythme de marche est aussi un critère essentiel puisque maître et chien vont parcourir de nombreux kilomètres à pied durant leur vie en duo. Il est indispensable que le rythme de marche soit le même pour les deux partenaires du binôme afin qu’aucun des deux partenaires ne doivent se caler artificiellement sur le rythme de marche de l’autre au quotidien (dans un sens comme dans l’autre).
De nombreux autres critères sont pris en compte pour faire en sorte que ce binôme fonctionne le plus naturellement possible ensemble. Et c’est frappant lorsqu’on rencontre les duos par la suite, on a l’impression qu’ils sont fait l’un pour l’autre !
Des compétences au poil
Un chien guide possède également de nombreuses compétences acquises au cours des différentes étapes qui précédent sa certification en tant que chien guide d’aveugle.
Que ce soit durant ses premiers mois auprès de sa mère au centre d’élevage de l’école de Paris, pendant son année dans sa famille d’accueil ou lors de son éducation ensuite à l’école, le chien guide développe et apprend de nombreux mots permettant de guider son futur maître. Mais il ne s’agit pas simplement d’exécuter des ordres successifs comme on pourrait lui demander de s’asseoir ou de se coucher. L’éducation du chien guide n’est pas uniquement du dressage : je fais la différence entre les deux car le chien guide ne doit pas seulement répondre aux ordres mais aussi prendre des initiatives.
Lors des déplacements par exemple, son maître va lui demander des directions (droite ou gauche par exemple) mais aussi des éléments de repère (passage piétons, escalier) que le chien guide doit identifier dans l’espace. Dès ces mots, le chien guide doit réfléchir pour trouver l’élément dans son environnement et venir se placer selon les codes communs avec son maître appris lors de son éducation à l’école. Dans les déplacements, c’est aussi au chien guide de prendre des décisions : passer à droite ou à gauche d’un obstacle, ralentir en cas de passage étroit, signaler une marche etc. Tout cela fait appel à son intelligence et son esprit d’initiative.
Il en est de même avec l’identification d’éléments qui sont moins uniformes dans notre environnement urbain, et dont le chien guide doit reconnaitre la fonction même si l’aspect esthétique varie. Je m’explique, pour identifier une boite aux lettres il y a la plupart du temps des indices identiques pour le chien puisqu’elles sont le plus souvent jaunes et assez hautes. Mais lorsque son maitre cherche à trouver un siège (dans les transports ou dans un parc), c’est au chien guide d’identifier le mobilier urbain qui peut prendre des formes très différentes. C’est la même chose avec la recherche des poubelles, intéressantes pour son maître à atteindre pour jeter les déjections qu’il vient de ramasser par exemple, et pourtant quand on y fait attention, les poubelles sont bien différentes entre elles et le chien guide doit tout de même réussir à les identifier !
De mon point de vue, la compétence ultime de ces chiens guides est la désobéissance à son maître pour le protéger d’un danger. C’est principalement le cas sur un quai de train ou de métro où le chien va refuser de guider son maître droit sur les voies en contrebas, même suite aux demandes répétées de son maître pour aller tout droit. Le chien guide désobéit alors à son maître pour lui éviter de tomber en se couchant en travers devant lui. Cette capacité du chien guide à refuser une demande pour protéger son maître est une des prouesses de l’éducation qui leur ait donnée au sein de l’école de Paris.
Voilà en plus de quelques mots ce qu’est un chien guide d’aveugle pour une première approche. J’espère que vous aurez pu apprendre quelques nouveautés au regard de ces différents paragraphes même s’il me reste encore tellement de choses à vous raconter sur ces loulous d’exceptions !
Ce deuxième article a une saveur particulière puisque j’ai croisé et échangé par deux fois Grégoire et sa canne blanche dans le bus alors que j’étais justement en train de rédiger ces quelques lignes, et encore ce soir avec un autre monsieur et sa canne blanche également. Il est d’ailleurs intéressant de voir que contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous ne connaissent pas complètement les chiens guides d’aveugles, notamment ce que j’ai écrit ci-dessus. Cela n’enlève pas le plaisir de pouvoir échanger sur ces épatants poilus à quatre pattes.
Super article ! Je ne me doutais pas de tout ce qu’il y avait derrière le duo maître / chien guide. Merci pour nous transmettre et partager tout cela afin de sensibiliser aussi les non déficients visuels ! Clairement un site d utilité publique pour tous et toutes 🙂
Merci 😀
C’est vachement intéressant de connaître tous ces détails, je ne savais pas pour la taille, je pensais que c’était plutôt le caractère qui prédominait dans le choix. Mais je me suis toujours demandé si les mal-voyants doivent aussi ramasser les crottes des chiens guides et là, j’ai la réponse !
Merci ! La taille compte en effet 😊 Et pour les crottes, selon les déficients visuels c’est possible, mais dans tous les cas les chiens guides sont éduqués à faire sur demande dans le caniveau, et il est possible de détecter en fonction de la courbure du dos la nature de la « pause technique », qui permet aussi de localiser les crottes à ramasser notamment 😉