Pour ce quarantième épisode déjà, plongeons en immersion dans la dernière aventure de Valérie qui accueille depuis quelques mois le jeune Scar de l’école de Paris.
C’est après une rencontre fortuite avec un chiot Handi’chiens que Valérie cherche à s’engager dans l’aventure de famille d’accueil, très vite elle accueille son premier élève chien guide et adopte ce quotidien de bénévole pour l’école de Paris. Mais quels sont les avantages et au contraire les inconvénients à se relancer dans l’aventure de famille d’accueil ? Est-ce tout de suite plus facile grâce à l’expérience ?
De sa première élève devenue aujourd’hui chien guide d’aveugle à son chiot actuel, Valérie revient pour nous sur près de 10 ans d’engagement en tant que famille d’accueil avec ses hauts et aussi ses bas. Après une dernière aventure plutôt compliquée, plongeons dans son quotidien auprès de Scar grâce aux vocaux qu’elle m’a transmis dès la veille de cette nouvelle aventure !
Je suis Valérie. Je suis maman de quatre grands enfants (ma première va avoir trente ans). J’ai quitté mon emploi depuis longtemps, j’étais assistante dans un cabinet de chasseurs de têtes à l’époque. Et j’ai souhaité plutôt me consacrer à ma famille qui est devenue ma priorité car avec quatre enfants, c’était un petit peu compliqué de tout gérer.
Je suis donc famille d’accueil pour les Chiens Guides de l’école de Paris depuis presque neuf ans. On peut dire que je suis une ambassadrice de l’école, depuis quelques années : je participe aux différentes sensibilisations afin de faire connaître l’univers des chiens guides auprès du grand public.
Ça a commencé en septembre 2013 avec une rencontre, dans mon lotissement, d’un chien qui s’était perdu. J’ai relevé son numéro sur sa médaille, j’ai appelé la personne et cette personne est arrivée avec dans ses bras un magnifique chiot golden de deux mois. Une magnifique cape bleu et jaune sur laquelle n’était pas marqué “élève chien guide” mais “handi’chien”. Ce fut mon premier contact avec les chiens d’assistance en général.
Alors que je réfléchissais justement à ce que j’allais faire de ma rentrée parce que mes enfants grandissaient et j’avais envie de faire quelque chose pour moi. Je souhaitais donner du temps pour quelque chose qui me tenait à cœur et avec cette rencontre, j’ai eu un flash.
A l’adolescence, j’ai eu deux Briards que j’ai perdu de façon très dramatique et très rapide. Et c’est pour ça que je ne me suis jamais remis dans l’idée d’avoir un chien à moi. Je me suis dit qu’avoir un chien en éducation qui n’est pas le mien pourra me permettre de mettre en distance tout l’émotionnel difficile que j’avais ressenti à la perte de ces deux chiens.
Au départ, j’ai donc contacté Handi’chien mais le groupe était constitué et on m’a expliqué qu’il n’y aurait pas de possibilité d’être famille d’accueil avant au moins un an. Alors j’ai cherché ce genre de bénévolat avec une autre structure. Très vite, sur Internet, les Chiens Guides sont apparus. J’ai pris mon téléphone, j’ai tout de suite appelé. On m’a dit qu’il y avait une réunion de familles d’accueil courant septembre, j’y suis allée. J’ai vu une famille d’accueil qui a témoigné. Ça m’a vraiment botté !
Ensuite ça a été très rapide : dès octobre 2013, un mois après seulement, j’ai eu Igger, une petite Golden. C’était une petite chienne très calme, très obéissante. On a très vite progressé. J’ai pas eu d’obstacles énormes avec elle. Je découvrais tout avec Emilie, qui était sa monitrice à l’époque, on a eu un gros coup de cœur et c’était vraiment agréable.
Après il y a eu Judy en 2014, Lorne en 2016, puis Mystic, Nia, Paddy et Rusty. J’ai vraiment enchaîné, enchaîné, enchaîné, avec une vie de famille très remplie, donc c’était beaucoup de fatigue. C’est pourquoi après Rusty, j’ai attendu pratiquement une année pour avoir Scar, le chien que j’ai actuellement qui est un petit golden.
Au début de mon aventure, pour moi ce n’était pas clair. Les chiens guides étaient super magiques. Dans ma tête, c’était formidable : le chien, faisait tout ! Par exemple, pour traverser aux passages piéton, je pensais comme beaucoup, que c’est lui qui prenait la décision d’y aller quand il fallait y aller. Et j’ai donc appris que non, que c’était le maître qui donne les ordres. Ça a été un réel apprentissage pour moi.
Aussi, j’ai découvert que les chiens d’assistance et les chiens guides vont vraiment partout. Alors ça, je ne m’y attendais pas. Quand je suis partie dans cette aventure, je ne me suis pas posé de questions et je me suis dit “on verra, on va découvrir”. J’ai été dans toutes les situations et avec un accueil formidable à chaque fois. Voir à quel point ces chiots qui étaient des bébés se comportaient de façon exceptionnelle m’a toujours impressionnée.
Alors, il faut garder en tête, que ce n’est jamais pareil ! Par exemple, pour Scar comme pour les autres, on ne lui a jamais montré comment monter sur un canapé. Jamais, car c’est une chose qu’ils ne doivent pas faire. Mais lui l’a découvert tout seul. On l’a compris en se levant le matin, on voyait Scar dans le canapé. Je n’avais jamais été confrontée à ça avant, donc ça a été un nouveau challenge pour moi. C’était un inconvénient qui va se transformer en avantage pour la suite. Si jamais j’ai ce problème avec un autre chien, je sais comment je pourrais le gérer.
Rusty, ça a été compliqué. Car il était très sensible et il pleurait tout le temps. Je n’ai pas vraiment pu dormir pendant trois semaines au début donc ça a été assez épouvantable. Et c’était au moment de Noël, ce n’est pas la période la plus simple.
Mais, on a toujours dans l’esprit le dernier chien qu’on a eu, qui était exceptionnel, évidemment. Finalement, on ne retient que ça : les moments où tu lui murmures les ordres qu’il exécute fièrement. Et après, quand tu recommences et que tu reprends tout, tu dis : “Ah mais zut, c’est vrai. Oh la la ! Les besoins au caniveau, les sorties l’hiver où tu cours au bout de ta rue, t’es en pleine nuit dehors…”
C’est vrai, aussi, que c’est formidable parce que ça te fait sortir de chez toi quand tu n’as pas d’activité professionnelle extérieure. Et puis, c’est un vecteur de rencontres humaines incroyables des deux côtés d’ailleurs : que ce soit les maîtres de chien guide ou nous, les familles d’accueil, on développe un relationnel vraiment riche.
En 2014, j’avais encore Igger (mon premier chiot) à la maison et je venais de récupérer Judy qui était toute petite. Je suis allée au forum des associations de la ville d’à côté de chez moi. Un petit bout de bonne femme, haute comme trois pommes, mince comme un fil qui m’a accueillie les bras ouverts en me disant : “Vous êtes famille d’accueil ?”. Et en fait, cette dame, c’était Marie-Noëlle Ladure, qui est la présidente de l’association Au fil des contes, un fil de vie. Elle est conteuse de métier, pour le compte de l’association. Et c’est à partir de cet instant qu’on a commencé à l’accompagner. On a fait ça pendant huit ans. On allait d’école en crèche, en maison de retraite, en bibliothèque. On a fait mille et une sensibilisations. Ça, c’était une très jolie rencontre parce que si je ne serais pas allée à ce forum de Marly, on se serait pas connues et je n’aurais pas eu toute cette histoire avec cette dame merveilleuse.
Aussi, un jour de marché avec Lorne quand il était tout petit, j’ai fait une rencontre très touchante. Un couple me fonce dessus et la dame me dit : “Oh, c’est une merveille que vous soyez là, c’est exceptionnel ! Mon mari est en train de perdre la vue…”, et ce mari c’était Dominique Dumont. Pour rappel, il s’agit du maître de Monty qui est le 1 000ᵉ élève chien guide. Et pour l’histoire, j’ai recroisé Dominique et son épouse Evelyne à Noël qui m’ont dit “Mais c’est merveilleux, enfin, on se retrouve. Oh et puis j’ai quelque chose pour vous, j’ai un cadeau pour vous.” Et là, dans l’après-midi, j’avais le livre Monty dans ma boîte aux lettres, dédicacé, et avec, il me disait qu’il m’avait mise à la page 18, notre histoire, notre rencontre.
Et enfin, c’était plus une situation qui m’a fait sourire. J’étais en train de prendre le RER, donc j’étais en haut de l’escalier et je dis au chien (je pense que c’était Lorne) : “Assis. La descente.” A ce moment-là, une jeune femme vient ma hauteur et me dit : “Attention madame, vous avez un escalier devant vous.” Ça m’a fait beaucoup sourire, il y a des gens qui ont une attention envers l’autre vraiment exceptionnelle.
J’ai été confronté à un refus d’accessibilité dans mon Super U, ça a été assez violent, ça a été moche. J’avais Lorne tout petit, j’arrivais en terre conquise parce que ça faisait des années que je faisais ça et là, je suis tombée sur un vigile bien lourd. Et encore un refus d’accessibilité à un Carrefour pas loin, il n’y a pas longtemps. Encore un vigile qui ne connaissait pas la loi. J’ai eu la direction de ces supermarchés qui se sont excusés platement également.Ce n’était pas des choses dingues, mais c’était désagréable.
J’ai aussi eu un moment de stress, quand j’étais sur mon lieu de vacances. Ma fille qui était dans notre maison avait mal fermé la porte. Quand je suis rentrée à la maison, la porte était entrouverte et il n’y avait plus de chien ; gros coup de stress ! Par chance, je connaissais tout le monde dans le quartier. Il y avait une dame qui était en fauteuil roulant avec son chien de compagnie, avec qui on avait beaucoup de proximité. Et c’est elle qui avait récupéré le chien chez elle.
Par contre, j’ai un moment vraiment exceptionnel que j’ai vécu avec un de mes élèves, c’était Judy qui était déjà rentrée en éducation. Son éducatrice m’a fait le grand honneur de me mettre Judy au harnais et j’ai pu évoluer au bandeau avec elle au guidage à Buc sur le parcours d’apprentissage. Alors ça, vraiment, c’est impressionnant : c’était l’aboutissement ! Parce que pour moi, la grande frustration, c’est de ne pas pouvoir être là au moment de la remise qui est le véritable aboutissement de ce qu’on donne.
E.
Bonjour et bienvenue sur le podcast futur chien guide, le seul podcast sur l’univers des chiens guides d’aveugles soutenu depuis cette année par la FFAC et l’ANM’ Chien Guides. Je m’appelle Estelle. Je suis passionnée par les chiens guides d’aveugles et bénévole pour cette cause à Paris. Je suis d’ailleurs persuadée que l’univers des chiens guides d’aveugles mérite d’être mieux connu. En tant qu’amoureux des chiens, futurs bénéficiaires ou autres curieux comme moi, vous croisez parfois des chiens guides d’aveugles et leur maître en vous demandant ‘Mais comment font-ils pour se déplacer dans nos rues toujours plus agitées ?’ Ce podcast est le seul qui vous propose, au fil de rencontres enrichissantes, de décrypter l’univers des chiens guides d’aveugles pour comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi de découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, ou encore comment agir quand vous croisez un tel binôme ? Pour ce 40ᵉ épisode déjà, je vous propose de plonger en immersion dans la dernière aventure de Valérie, qui accueille depuis quelques mois le jeune Scar de l’école de Paris. C’est après une rencontre fortuite avec un chiot handi’chien que Valérie cherche à s’engager dans l’aventure de famille d’accueil. Très vite, elle accueille son premier élève chien guide et adopte ce quotidien de bénévole pour l’école de Paris. Mais quels sont les avantages et, au contraire, les inconvénients à se relancer dans l’aventure de famille d’accueil ? Est-ce tout de suite plus facile grâce à l’expérience ? De sa première élève, devenue aujourd’hui chienne guide d’aveugle, à son chiot actuel, Valérie revient pour nous sur près de dix ans d’engagement en tant que famille d’accueil, avec ses hauts et aussi ses bas. Après une dernière aventure plutôt compliquée, plongeons dans son quotidien auprès de Scar grâce aux vocaux qu’elle m’a transmis dès la veille de cette nouvelle aventure. Et maintenant, place à l’épisode.
V.
Coucou Estelle, c’est Valérie. Alors écoute, je voulais juste t’informer que mardi après-midi à 14 heures, je vais à Buc chercher ma petite boule de poils. J’ai essayé par tous les moyens de savoir qui j’aurais. Un mâle, une femelle, un prénom, quelque chose. Mais c’est silence radio. Tout ce que je peux dire, c’est que ce sera un petit de la portée de Linzy, donc un petit golden, donc je suis ravie. Voilà pour ce soir, les petites nouvelles. Je t’embrasse.
E.
Bonjour Valérie.
V.
Bonjour Estelle.
E.
Merci d’avoir accepté de jouer le jeu sur mon podcast futur chien guide, d’autant plus qu’on est sur un épisode en immersion puisque tu m’as envoyé, il y a quelques mois maintenant, des petits vocaux, un petit peu de tes impressions, tes ressentis de ta dernière aventure avec les chiens guides. Mais est-ce qu’avant tout ça, tu peux te présenter rapidement, nous dire un petit peu ce que tu fais dans la vie ?
V.
Eh bien écoute, je suis donc Valérie. Je suis maman de quatre grands enfants maintenant, ma première va avoir 30 ans dans quelques jours, donc c’est une émotion. J’ai quitté mon emploi depuis longtemps, j’étais assistante dans un cabinet de chasseurs de têtes à l’époque et j’ai souhaité plutôt me consacrer à ma famille. Et avec quatre enfants, c’était un petit peu compliqué, tout gérer. C’était un peu ma priorité. Donc voilà, je suis donc famille d’accueil pour les chiens guides de l’école de Paris depuis septembre 2013. Une des ambassadrices de l’école, depuis quelques années, afin de faire des sensibilisations, de faire connaître l’univers des chiens guides auprès du grand public.
E.
Justement, on va un petit peu rembobiner l’histoire parce que 2013, ça va faire bientôt dix ans.
V.
On n’y est pas encore, mais ça va bientôt faire dix ans l’année prochaine, oui.
E.
Pour revenir au tout début de ton histoire avec les chiens guides, comment toi tu as connu l’école ? Comment tu as connu cet univers dont maintenant tu fais aussi un peu la promotion, entre guillemets.
V.
Alors ça a été une rencontre, dans mon lotissement, d’un chien qui s’était perdu. J’ai relevé son numéro sur sa médaille, j’ai appelé la personne et cette personne est arrivée avec dans ses bras un magnifique chiot golden de deux mois. Une magnifique cape bleu et jaune sur laquelle n’était pas marqué ‘élève chien guide’ mais ‘handi’chien’.
E.
D’accord.
V.
Voilà mon premier contact avec les chiens d’assistance en général.
E.
Et ça, c’était bien avant 2013 ou c’était à peu près pareil ?
V.
Exactement en rentrant de mes vacances en septembre 2013.
E.
Donc septembre 2013, premier contact. Est-ce que tu savais ce que c’était un handi’chien ou pas du tout ?
V.
J’avais réfléchi l’été à ce que j’allais faire de ma rentrée parce que mes enfants grandissaient, la dernière avait treize ans. J’étais avec des enfants qui étaient tous sur des parcours de lycée, de bac d’études supérieures et j’avais envie un petit peu de faire quelque chose pour moi. Enfin, je ne voulais pas revenir dans le monde professionnel, mais je souhaitais donner du temps pour quelque chose qui me tenait à cœur. Je ne connaissais pas du tout du tout, ni les handi’chiens, ni les chiens guides d’aveugles. C’est un univers que je n’avais absolument pas appréhendé. Puis, avec cette rencontre, j’ai eu un flash, j’ai dit ‘C’est dingue, c’est ça que je veux faire. J’adore aider les gens, j’adore les animaux. Voilà, je postule.’ Et j’ai pas postulé à l’école des chiens guides de Paris. J’ai postulé à Handi’chiens.
E.
La logique fait que tu avais rencontré un handi’chien, donc handi’chiens c’est les chiens d’assistance pour différents types de handicap, mais qui sont bien distincts des chiens guides, pour le coup.
V.
Voilà. Et du coup, j’ai envoyé mon dossier de famille d’accueil au centre de Vineuil, dans le Loiret. J’ai rapidement eu un retour positif, et simplement, la personne responsable me disait qu’il n’y aurait pas de chiots disponibles dans les semaines, dans les mois qui venaient. Une possibilité, mais à long terme.
E.
Parce que toi, du coup, géographiquement, par rapport au Loiret, t’es plutôt, t’es pas sur Paris même, t’es plutôt à l’extérieur de Paris ?
V.
Oui, je suis en région parisienne, au Mesnil-le-Roi, en lisière de forêt de Saint-Germain-en-Laye. Donc le Loiret n’avait rien à voir, c’est juste parce que le centre sur lequel j’avais vu une possibilité de leur écrire était là-bas.
E.
Oui, après, la différence avec les handi’chiens, c’est que c’est des délégués et pas forcément les écoles et les pôles d’éducation qui font directement l’éducation. Donc si tu avais eu un handi’chien, comme la personne que tu avais rencontrée, elle faisait des cours beaucoup plus localement avec un délégué au niveau local.
V.
Alors l’histoire du délégué, oui, parce que mon fils était à l’époque à l’Essec, et à l’Essec, il y a eu une délégation handi’chiens. Et mon fils me disait ‘Ah mais maman, c’est incroyable ! Dans mon école, je vois des groupes de familles d’accueil qui se retrouvent. Donc je lui avais dit ‘Mais c’est formidable’. Donc je vais postuler dans le centre de Vineuil qui m’a dit que pour l’instant, le groupe était constitué et qu’il n’y aurait pas de possibilité avant au moins un an, un an et demi. Donc je me suis dit bon, je cherche sur Internet quelle serait la possibilité de faire ce genre de bénévolat avec une autre structure. Très vite, sur Internet, les chiens guides sont apparus. J’ai pris mon téléphone, j’ai tout de suite appelé. On m’a dit qu’il y avait une réunion de familles d’accueil courant septembre, j’y suis allée. J’ai vu une famille d’accueil qui a témoigné. Ça m’a vraiment botté. J’ai tout de suite rempli mon dossier le week-end. Dès le lundi, il était posté. Et parallèlement, je faisais de la gym et dans mon cours de gym, j’en avais parlé. Et il y a quelqu’un qui m’a dit ‘Mais la ville d’à côté de chez toi, il y a un couple qui fait ça depuis 20 ans. On va parler de la motivation et puis on va voir ce que ça va donner.’ Et ce couple, monsieur et madame Jouaneau, qui ont fait vraiment famille d’accueil pendant 20 ans, ils ont eu 20 chiens, m’a appelé pour tester ma motivation.
E.
Ta motivation, l’origine du projet. Un peu voir…
V.
Et en fait, ils ont vu que j’étais archi motivée. À l’école de Paris, ils ont eu mon dossier. Ils ont eu en parallèle le témoignage de, je dirais, mon parrain et ma marraine pour l’école. Et en fait, j’ai très très vite eu Igger, ma première chienne élève chien guide. Donc ça, c’était en octobre 2013. Donc ça a été très rapide.
E.
Donc t’accueilles Igger, une petite…
V.
Golden.
E.
Et donc là, c’est la grande découverte.
V.
Alors le monde des chiens, je le connaissais quand j’étais adolescente. J’ai eu deux Briards que j’ai perdu de façon très dramatique et très rapide. Et c’est pour ça que je ne me suis jamais remis dans l’idée d’avoir un chien à moi. Je me suis dit avoir un chien en éducation qui n’est pas le mien pourra me permettre de mettre en distance tout l’émotionnel difficile que j’avais ressenti à la perte de ces deux chiens. On est arrivés avec cette petite Igger. C’était mon rêve d’avoir un golden donc pour commencer, c’était parfait.
E.
Et donc, Igger, tu l’as accueillie pendant une année, à peu près.
V.
Une petite année parce qu’elle travaillait très bien. C’était une petite chienne très calme, très obéissante. On a très vite progressé. J’ai pas eu d’obstacles énormes avec elle. Je découvrais tout avec Emilie, qui était ma monitrice à l’époque, on a eu un gros coup de cœur et c’était vraiment agréable. J’allais à Paris. Là, j’ai pris sur moi de prendre le périph dans les deux sens. Voilà, ça a été le début de mon aventure.
E.
Entre l’accueil d’Igger et aujourd’hui, il s’est passé plusieurs chiots. Tu en as eu combien ? Qui étaient-ils ?
V.
Alors en 2013 Igger, en 2014 Judy, en activité. Ensuite j’ai eu Lorne en 2016. C’était la première portée du centre d’élevage de Buc.
E.
Avant, les chiens venaient du CESECAH ou alors de l’école de Paris, mais côté Vincennes, avant qu’ils déménagent.
V.
Voilà. Il faut savoir que Lorne était un frère de Igger en termes de parents. C’était incroyable, donc j’ai Lorne, les trois premiers golden. Le quatrième c’était un lab golden qui s’appelait Mystic. Ensuite, il y a eu la magnifique Nia, goldendoodle. Alors là, coup de foudre intégral, c’était 2017. 2019, Paddy, chien guide. Et ensuite j’ai eu un tout petit moment où j’ai eu un petit Rusty pendant, alors là, ça a été très très court parce que c’était un petit labrador noir qui était compliqué à gérer, qui m’a beaucoup donné de fil à retordre et que j’ai rendu, qui a continué son aventure dans une famille qui était sûrement plus disponible, etc. Moi, j’avais vraiment enchaîné, enchaîné, enchaîné. La fatigue s’installait, avec une vie de famille très remplie, donc c’était beaucoup de fatigue. Donc après Rusty, j’ai attendu, en gros, pratiquement une année pour avoir Scar, le chien que j’ai actuellement qui est un petit golden.
V.
Linzy et Lorne Sont aussi des frères et sœurs de la première chienne que j’ai accueillie en 2013, Igger. J’avoue, c’est trop fort toutes ces connexions. Je suis chanceuse.
V.
Et Scar est un neveu de Lorne et Igger.
E.
Oui et par exemple, je sais qu’on avait parlé, nous, dans l’épisode 14 avec Carole de Nixon qui, si je me trompe pas, est le frère de Nia. Parce que du coup, tu nous as dit, sur les chiens que tu as eus, Igger est devenue chien guide.
V.
Toujours en activité.
E.
Judy aussi.
V.
Judy est un chien guide en activité. Ensuite, Lorne a été réformé et il est dans une famille d’adoption près de la mer. Donc il est heureux.
E.
Oui. Mystic ?
V.
Qui a été réformé et il est parti à Nevers. Il est dans une famille qui a déjà un chien réformé de l’école.
E.
D’accord.
V.
Ensuite Nia, elle travaille auprès d’une petite fille aveugle de maintenant quatre ans. Donc, Nia, elle a un parcours très particulier. Elle est partie à la Fondation Frédéric Gaillanne. Elle a été formée pour devenir chien guide pour enfants et finalement elle a été intégrée dans le programme d’assistance pour les bébés, les tout jeunes enfants aveugles et elle a été confiée à une famille ou la petite dernière est totalement aveugle.
E.
D’accord. Et donc tout ça, comme je le dis souvent, les écoles de chiens guides remettent seulement à des majeurs, sauf la Fondation Frédéric Gaillanne dont on a parlé quand même pas mal avec Bérénice et son bel Opium dans l’épisode 28 et aussi dernièrement avec Anaïs dans l’épisode 35 qui avait Mozart à ses côtés et qui était aussi en stage avec moi. C’est vrai qu’il y a aussi des parcours pas forcément tout à fait linéaires pour ces chiens-là, mais qui correspondent aussi à des projets parce que comme tu dis, l’expérimentation de remettre un jeune très très jeune enfant, pour le coup, parce qu’on ne parle pas de 12 à 18, là tu nous as dit elle, elle l’a accueilli, elle était très jeune, cette petite ?
V.
Elle avait 3 ans quand elle a eu Nia et c’était plus dans le but d’un chien d’assistance, pour la développer au point de vue de la gestuelle, au point de vue de l’attitude.
E.
Chien d’éveil ?
V.
Chien d’éveil, ce n’était pas un chien guide. Et donc, cette petite Nia, ben j’ai des nouvelles régulièrement.
E.
Et Paddy est devenue aussi une belle chienne guide.
V.
Oui, Paddy est à l’honneur à l’école. Il y a une magnifique photo d’elle avec sa maîtresse. Je suis très honorée. C’était une véritable perle, cette petite Paddy, franchement posée. Nia comme Paddy étaient des chiens, pour moi, ‘médicament’, je disais, le chien apaisant, à l’écoute, vraiment.
E.
Et pour le coup, Rusty a un peu tout envoyé bouler.
V.
Très sensible et il pleurait tout le temps et j’ai pas vraiment pu dormir pendant trois semaines, donc ça a été assez épouvantable. Et c’était au moment de Noël, ce n’est pas la période la plus simple. Eh oui, Rusty, ça a été compliqué. C’était dommage, mais j’ai vu qu’il est entré en éducation, donc je suis rassurée maintenant.
E.
Oui il faut aussi être humble de son engagement, enfin on est quand même au service de l’école. Alors ça ne veut pas dire qu’il faut dire oui-non tous les quatre matins, mais il y a quand même des situations où voilà, là tu as fait une pause et ça, ça me rappelle vraiment aussi, j’en avais parlé de cette histoire de faire une pause dans l’épisode 8 avec Audrey. Pour le coup, c’était une bergère blanc suisse qui l’avait un peu poussée à bout aussi. Et elle avait dit à l’école, faites quelque chose, parce qu’elle faisait passer tout l’agenda de la chienne avant le sien. Et c’était plus du tout tenable sur le long terme. Et elle avait fait une vraie pause comme du coup tu as fait après Rusty, vraiment pour dire je prends du temps pour moi, je ne suis pas égoïste, mais en même temps, c’est un engagement bénévole qu’on a l’une et l’autre envers l’école. Ça ne veut pas dire qu’on prend ça à la légère, mais ça veut juste dire que des fois aussi, on a des temps dans notre vie personnelle, professionnelle ou familiale, qui sont un peu différents et pour le coup, tu t’es écoutée.
V.
Ça m’a fait beaucoup de bien et j’ai bien fait d’attendre parce que j’ai été récompensée avec l’arrivée de Scar qui est un magnifique golden, j’avoue, qui fait tourner les yeux de tout le monde ou la tête de tout le monde dans la rue.
E.
Justement par rapport à cette arrivée : comment t’as remis le pied à l’étrier, t’as repassé un petit coup de fil ou ça a été dans l’autre sens ?
V.
Alors en fait entre Rusty et Scar, j’ai eu aussi du relais donc j’ai pas vraiment posé mon sac. J’ai eu Poona qui vient d’avoir une portée je crois. Elle est arrivée à la maison, elle était un peu fofolle, une petite golden, très mignonne, très sensible parce qu’elle avait vraiment un lien fort avec sa famille d’accueil. Et on a travaillé pendant des semaines parce que je l’ai eue six semaines. Ça s’est terminé un peu rapidement parce que malheureusement mes chats, j’ai deux chats à la maison, ils ont contracté la teigne, donc ça a été vite appel d’urgence à l’école, je vous rends Pouna, désolée, mais là, si elle l’attrape, on est mal. S’il n’y avait pas eu la teigne, elle serait restée sûrement plus longtemps. Donc en fait, j’ai pas vraiment posé mes bagages, j’ai eu cette petite Pouna et puis ensuite, le mois de novembre est arrivé assez rapidement derrière. J’ai du temps et je trépigne un peu d’impatience. Du coup, l’école m’a confié notre Scar fin du mois de novembre.
V.
Je viens d’avoir le nom du chiot que je vais avoir. Il s’agit de Scar, comme dans Le Roi Lion. C’est un petit mâle plein de vie, très joueur et curieux.
E.
Quand tu as appris le nom, parce qu’au début, on ne sait pas du tout : mâle, femelle, la race, le nom, on ne sait rien.
V.
On ne sait rien. Jusqu’à… le mail d’une monitrice qui, quelques jours avant l’arrivée de Scar, m’a annoncé que, donc, Scar, golden, curieux joueur.
E.
Tu avais la description.
V.
Voilà. Bon, je me suis dit ‘Mamma mia, on va me redonner un excité’. J’avais en fait une appréhension après l’histoire de Rusty. Je me suis dit ‘Mais oh la la, ça va recommencer’. J’avais très peur en fait. C’était ça. J’étais heureuse, mais j’avais peur que ce soit à nouveau trop d’excitation, quoi. Et ça a été. Ça a été…
E.
Oui, parce que malgré ton expérience, la différence peut aussi jouer des tours, parce qu’on connaît un peu ce qui peut arriver. C’est un peu la différence avec la première fois et c’est ce que j’avais essayé de creuser avec Florian. On avait fait aussi un épisode en immersion dans l’épisode 34, mais lui, pour le coup, alors je ne dirais pas qu’il était naïf ou crédule parce qu’il va mal le prendre, mais il n’avait pas cette expérience que tu as eue, toi, avec les autres. La différence là, pour toi, c’est que tu pouvais savoir ce qui pouvait arriver.
V.
Exactement ça, on sait, on sait où on met les pieds. On sait qu’à chaque chien c’est différent. Mais j’avoue que je sortais de deux expériences hyper faciles, calmes, posées. Et puis finalement bon, Scar est arrivé. Il est très dynamique, mais depuis peu, là, je constate qu’il s’est apaisé. On est dans une relation, comme tu disais, de confiance. Je l’ai entendu avec Doriane. Cette relation de confiance, elle est établie. On travaille, mais ça marche. C’est… il y a un retour, c’est vraiment agréable quoi.
E.
Et donc les premiers temps, est-ce que ça a été comme tu l’avais prévu ? Pas du tout ? Comment, comment s’est passé l’accueil de Scar ?
V.
Alors Scar, donc je suis allée le chercher à Buc. La rencontre est merveilleuse. Trop mignon, trop beau chien. Tu peux le porter dans tes bras, il est ‘choupi’ et tout, très mignon.
V.
Ben écoute, tout est prêt. Le lit est bien, tout propre, les jouets sont achetés, le soleil est avec nous. Voilà, il n’y a plus qu’à, maintenant.
V.
Voilà, j’ai récupéré Scar, ça se passe super, il est trop mignon. Voyage en voiture impec, il s’est endormi. Adorable, trop chou. Curieux. Il a rencontré mon chat. Il s’est fait prendre une petite tape. Et puis l’autre elle s’est perchée. Et puis il mange très bien. Et puis là, on essaie de découvrir le coin pour faire les besoins.
V.
Le retour en voiture, merveilleux. J’étais toute seule et je m’en faisais un sang d’encre parce que j’étais revenue avec Rusty, mais on était heureusement avec ma fille aînée à l’époque. Rusty n’a fait que pleurer en voiture et c’était épouvantable. Et je me disais ‘Mon Dieu, là je suis toute seule, si j’ai un chiot qui commence à sauter sur le siège, qui commence à pleurer, etc.’
E.
Qu’est ce que tu fais ?
V.
Qu’est ce que je fais ? Eh bien non. Scar, dès le début, couché, de dos, impec, donc j’étais assez sereine.
V.
Coucou Estelle. Ben écoute, première nuit, impeccable. Il a dormi dans son panier, nickel. C’est juste au niveau des besoins. Il n’a pas très envie d’aller sur le dur gelé. Donc, malgré une longue sortie après le repas, il n’y a rien qui s’est passé. Voilà, tout va bien, il est adorable.
E.
Pour le coup, en relais, je pense que tu l’as vu avec Pouna, c’est pas méchant, tu sais jamais ce que tu récupères. C’est la loterie, par définition. On s’était dit on va tout enlever de ce qu’il y a en bas, les premiers relais et tout. Et au final, ils ont jamais été trop destructeurs. On a eu quelques petites bêtises mais bon, après tu les cernes vite.
V.
Mais avec notre Scar, il était tellement dynamique. Et puis il a été un peu long à s’habituer à être tout seul dans le salon, enfin des choses comme ça, mais bon, il a progressé, il a bien progressé.
E.
Oui. Et puis, je crois que vous avez eu des cours très très tôt. Tu le disais, c’était la première fois que tu avais un cours avec l’école deux jours après la remise.
V.
Ah oui ! Voilà, on est à Buc, 48 heures après pour un premier cours parce que Elodie regroupe une famille qui a reçu son chiot la semaine dernière avec la sœur de Scar et moi-même. Donc je sais pas si ça va donner grand chose au bout de 48 heures mais bon, c’est comme ça. Donc on fait avec ! Et tout se passe bien…
V.
Ouais, salut Estelle, le cours s’est très bien passé. Beaucoup d’excitation avec les deux autres copains du même âge. Donc la marche en laisse, c’est pas trop ça encore. Il va falloir qu’on y travaille pas mal. Sinon c’était très sympa. Le groupe est formé de deux familles que je ne connais pas mais qui sont très chouettes. Et donc il y a la sœur de Scar qui s’appelle… euh oh la la j’ai un trou, et la petite Swanny qui est une golden croisé labrador. Et donc, c’est Scylla, la petite sœur de Scar.
V.
Ah oui, alors là c’était incroyable, mais c’était au vu des circonstances puisqu’il y avait une portée qui avait juste une semaine de plus. L’éducatrice a regroupé les familles de la portée d’avant avec nous. Ça s’est très bien fait. Ça a été l’occasion de connaître les autres familles sympas.
E.
Donc vous avez fait ces cours un petit peu ensemble avec deux portées mixées. Et puis toi, de ton côté, t’as repris des petites habitudes ou tu as fait des choses différemment qu’avec les autres élèves ?
V.
Alors mon quotidien, c’est assez régulier. Je vais pour travailler dans la ville d’à côté, on prend la voiture, on se gare, on va travailler dans les rues, les magasins. J’ai tout de suite repris effectivement rapidement toutes mes marques. Et puis je suis allée un peu plus loin en disant ‘Bon, il a trois mois, j’ai l’expérience, je vais faire l’escalator tout de suite. Allez hop toc !’ Et alors là, il a été incroyable, il l’a pris. Pouf ! Donc ça, ça a été… en fait j’étais en confiance pour ça. Et puis, il a quand même vite compris que l’escalator, c’était affreux et horrible pour lui. Et il l’a fait une fois. Et puis après, il ne voulait plus le faire. Oui, c’était peut-être trop vite. Mais oui, au final, on reprend vite son quotidien de ce que j’ai fait avec mes autres élèves.
V.
Encore une bonne journée pour Scar, pleine d’apprentissages. Ce matin, détente avec sa petite copine du même âge, 3 mois, golden aussi. Ça joue beaucoup, ça grogne un peu. Rencontre avec des grands chiens, impec. Après, on a fait la découverte de la ville d’à côté de chez moi, avec pas mal de petites stimulations, beaucoup de reniflage, beaucoup d’attirance vers les volatiles, évidemment très attiré par les caresses. Parce que chacun ne connaît pas la règle, donc il faut la rappeler. Voilà. Et puis, tranquilou, retour à la maison.
V.
Coucou Estelle ! Un petit peu patraque. J’ai dû choper un bon gros rhume. Ça ne m’a pas empêchée de travailler avec Scar. On est allés faire une grande détente avec des copains chiens et tout s’est bien passé. Il n’y a plus de peur du tout. Puis on est allés dans les divers commerces de mon quartier. Ça se passe plutôt bien. Il commence à apprivoiser les bruits environnants. Le caniveau, c’est vraiment pas simple. Il met beaucoup de temps à faire ses besoins, sauf le matin à la fraîche, du genre, à 5 heures du matin.
V.
C’est toujours une partie ‘travail’. Et puis bon, c’est vrai, que, habitant pas loin de la forêt, pas loin de la terrasse de Saint-Germain-en-Laye, on est gâtés. Et du coup, c’est pas comme être famille d’accueil sur Paris. Mais ça n’empêche que ça marche quand même puisqu’on réussit quand même, donc…
E.
Oui, après, je pense que t’as aussi l’équilibre. Quand tu dis que tu vas travailler, c’est important de le souligner, ce n’est pas, du coup tu nous as dit que c’était pas ton activité professionnelle. Tu vas, tu ne te rends pas à ton activité professionnelle, mais du coup, tu prends du temps pour travailler tes chiens. Tu passes pas tout ton temps à la maison non plus avec eux. Ce n’est pas pour ça que…
V.
Ah non non, mais là, tu reprends vite tes kilomètres de marche et c’est vrai que c’est formidable parce que ça te fait sortir de chez toi quand tu n’as pas d’activité professionnelle extérieure. Et puis, c’est un vecteur de rencontres humaines formidables, vraiment formidables. Et je pense que des deux côtés, que ce soit les maîtres de chien guide ou nous, les familles d’accueil…
V.
Ecoute, on a fait un énorme tour en ville à Saint-Germain pour faire plein de stimulations, fin de marché, on a même fait un escalator en montée, yes. Magasins, passants, on a rencontré une bénéficiaire handi’chien géniale.
V.
C’est notre point commun, c’est le relationnel qu’on peut avoir et c’est vraiment merveilleux, ça, vraiment.
E.
Et du coup tu n’as pas été tentée de comparer avec les derniers ?
V.
Si, on a toujours dans l’esprit le dernier chien qu’on a eu, qui était exceptionnel, évidemment, on va dire à la toute fin de l’année où on l’a eu parce qu’on retient que ça, bien sûr, des moments ou tu lui murmures les ordres, il n’a même pas besoin de les entendre, il les fait. Enfin bon tu ne retiens que ça. Et après, quand tu reprends tout tu dis ‘Ah mais zut, c’est vrai. Ah ouais ! Oh la la !’ Les besoins au caniveau. Oh la la, les sorties au mois de novembre, début décembre, tu cours au bout de ta rue, t’es en pleine nuit dehors, bon ça t’oublies. Et puis quand t’es à nouveau dedans, c’est pas facile. Ça, c’est le côté où on se dit à chaque fois ‘Mais pourquoi je recommence ?’ Bah finalement oui, il y a quelques mois qui sont pas faciles, ce n’est pas toujours tout rose. Moi j’arrive, là, Scar a 8 mois et j’arrive vraiment à un moment ou c’est bien, c’est équilibré.
E.
Le travail, les contraintes, on va dire…
V.
Ouais ouais ouais.
E.
Et c’est vrai que, tu vois cette histoire des besoins, je sais que pour le coup, Florian, c’était sa première expérience dans l’épisode 34. Et en plus, avec les vocaux, on a bien bien senti qu’il découvrait, et il découvrait à quel point ça pouvait être éreintant, frustrant et épuisant de sortir quinze fois le chien qu’il fasse quinze fois, mais qui continue à la 16ᵉ fois de faire dans la maison.
V.
C’est vrai que c’est compliqué. Et puis ça dépend aussi de la personnalité du chien, parce que c’est bien, c’est un ordre. Mais il faut… Par exemple Scar, il n’aime pas aller dans les choses qui ne sont pas propres. Donc là, on y travaille vraiment à fond et ça, vraiment, ça rentre bien. Mais d’emblée de jeu, j’ai vu que ça poserait problème. Tout petit, tout petit, on a eu des moments, un peu de tension quand même. Ça, c’est le côté difficile.
E.
Et justement, sur ces côtés difficiles, est-ce que toi, t’as vu des inconvénients ou des avantages à accueillir un nouvel élève chien guide, c’est-à-dire à avoir un petit peu déjà eu l’expérience, ou au contraire tu recommences tout à zéro et au final c’est pareil ?
V.
C’est jamais pareil parce que par exemple Scar, on lui a jamais montré de monter sur un canapé, jamais. Et tous les autres, c’était exactement la même chose. Mais lui l’a découvert tout seul. Donc, par exemple, on a compris en se réveillant le matin, on voyait Scar dans le canapé. OK, j’avais jamais été confrontée à ça avec mes autres. Donc ça a été un nouveau challenge pour moi. Qu’est-ce qu’on va faire, alors ? Donc c’était une nouvelle expérience. Je n’avais pas eu à gérer ça auparavant, par exemple. C’était un inconvénient qui va se transformer en avantage pour la suite. Si jamais j’ai un autre problème avec ça, je sais comment on va…
E.
Et les avantages que tu vois, enfin moi je le sais à peu près, j’ai mes petites idées par rapport aux relais et tout. L’avantage d’avoir déjà vécu une fois au moins l’expérience, de ton côté t’en vois plusieurs j’imagine ?
V.
Ben oui, parce que là, les choses que t’as apprises avec l’école depuis toutes ces années, c’est un peu de l’inné dans ta tête. Et puis en fait, quand t’as pas de chien, par exemple, moi je me balade en ville, je m’arrête devant un passage piéton et je me dis ‘Mais il manque quelque chose là !’ Et tu vois en fait je suis complètement conditionnée. Pour moi, c’est vrai que, à chaque fois que j’ai un nouveau, ben j’utilise toute l’expérience, mais de façon complètement innée et naturelle. Par contre, je sais que les ordres à l’école évoluent un peu. J’ai eu une réunion de travail avec une monitrice et elle me disait des choses, alors on fait plus ci, on fait plus ça, on fait ça, on fait pas ça, oula je dis, attendez, nous, ça fait neuf ans qu’on fait ça. Ça va être compliqué de changer dans nos têtes des choses qui marchaient bien jusqu’alors.
E.
Moi, je pense qu’il y a aussi le fait de savoir où tu vas. Enfin moi je l’ai vu les premières fois et, et d’avoir la finalité aussi. Alors même si t’es pas derrière Igger, derrière Judy quand elle guide, etc., mais tu sais à quoi ça sert ce qu’on te demande. Et en fait c’est hyper important dans la pédagogie de savoir toi même, parce qu’en fait t’es famille d’accueil, t’es là pour apprendre au chien, mais t’en apprends pas mal aussi pour toi même, c’est ce que tu dis.
V.
Eh oui, eh oui. Et toutes les commandes pour mettre en place de façon naturelle parce que mettre la gamelle sans que le chien touche, le chien qui s’arrête aux portes, qui doit ne pas sauter sur les gens, etc. T’as déjà les acquis mais avec chaque chien c’est différent parce qu’un chien peut réagir autrement et il va falloir réapprendre le truc. Donc tu vois, c’est pas… Et puis aussi il y a la finalité de chaque ordre que j’ai compris au fur et à mesure de ces années, c’est ‘Ah oui, on doit pas faire ça’. Pourquoi ? Parce que derrière, le maître de chien guide, ben lui, ça a une raison, c’est pas pour nous embêter, c’est parce qu’il y a une raison.
E.
Comme de quel ordre, par exemple ?
V.
Ben par exemple les caniveaux tout simplement. Tu te dis ‘Ah oui, on nous demande ça. Mais je comprends pourquoi’. Parce que, à Paris, il n’y a pas de carré d’herbe. Faut vraiment que le chien il sache faire ses besoins sur du dur, quoi. Ou l’ordre de la gamelle, par exemple. Le chien ne doit pas se jeter dessus, ben oui parce que la personne voit mal ou ne voit pas du tout. Donc il faut qu’elle puisse gérer elle même l’alimentation de son animal.
E.
Moi, je sais que c’est le… Il y a deux choses. Quand je discute avec des gens qui sont pas dans le milieu, c’est le rappel, tu vois. Quand je leur dis il faut absolument un très bon rappel, les gens sont là ‘Ouais, ben s’il revient pas tout de suite, ça va’. Et en fait, c’est important de rappeler du coup et parler de la finalité. C’est pour ça que je fais maintenant chaque mois aussi un épisode avec un déficient visuel qui a un chien guide, parce que c’est important de comprendre pourquoi on fait tout ça. C’est pas juste pour la gratification de faire une action bénévole, c’est pour participer à cette finalité. Et l’aveugle, quand il rappelle son chien, il va pas voir ‘Oui, enfin c’est bon, là il est juste à un mètre’, non, en fait l’aveugle il peut, ou le malvoyant il peut mal voir ou ne pas voir du tout, comme tu le dis, le chien qui est juste à un mètre. Le chien, il faut qu’il revienne au contact, et pareil, je sais que les gens, quand on part en relais, en vacances avec un relais et qu’on part dans des zones ou il peut y avoir de l’eau, par exemple, ils sont là ‘Alors vous vous êtes baignés, ça a du être trop bien, etc.’ et on explique que c’est éventuellement possible de manière très très exceptionnelle, enfin ‘exceptionnel’ au sens parfois une fois par an, mais que c’est très important parce qu’il faut que le chien puisse comprendre que ce n’est pas automatique d’aller dans l’eau quand il y a de l’eau pour tout simplement, pour pas qu’il emmène son aveugle ou son maître tout simplement dans une fontaine ou ce genre de choses. Mais voilà, c’est vrai que, tu parles de la gamelle, c’est hyper important aussi, et moi je vois que quand on en parle, en fait les gens se rendent pas compte sur l’importance du rappel, mais au pied, quoi. Le vrai rappel.
V.
En fait, en général, si tu fais de la pédagogie et que t’expliques de façon simple au public qui te pose des questions, là, ah oui, ils ont un éclair…
E.
Bien sûr.
V.
Mais bien sûr, tu vois. C’est comme, alors le fait que le public touche ton chien sans te demander. Moi, je prends des heures et des heures à dire ‘S’il vous plaît, ne touchez pas le chien’ ou j’ai carrément avec, je crois que c’était… alors je ne sais pas comment elle s’appelle @dorotludik là ?
E.
Dorothée, oui.
V.
Oui, Dorothée, elle avait trouvé un site ou ils faisaient des petits badges qu’on colle sur la laisse. Et je l’ai acheté parce que je trouvais que c’était assez parlant avec un badge marqué ‘Je travaille, j’ai besoin de me concentrer’ et je trouvais que c’était vraiment bien parlant. Et je trouve qu’on devrait aussi coller quelque chose de l’ordre de la main barrée pour que les gens comprennent qu’on ne touche pas ces chiens-là. Les gens commencent à connaître le fait qu’ils ne doivent pas toucher le chien, mais il y en a tellement qui ne connaissent pas et tellement qui foncent. Alors moi, avec Scar, c’est dément parce que comme il est absolument adorable, tout le monde fonce sur lui et hop, je dis ‘Stop ! S’il vous plaît monsieur, s’il vous plaît, madame, ne touchez pas Scar’, et j’explique et je prends dix minutes, moi, pour expliquer pourquoi. Hier, je suis allée chez le coiffeur, par exemple. C’était un couple, le monsieur il a foncé sur Scar et j’ai dit ‘Monsieur !’, il était déçu, il était décomposé parce qu’il voulait toucher le chien et sa femme, gentiment, lui a dit ‘Mais si, il ne faut pas toucher ce chien parce qu’il ne peut pas être détourné du travail qu’il va faire, donc c’est important’. Il a accepté, mais une fois, j’ai amené Scar à un très grand spectacle de Gad Elmaleh où il s’est d’ailleurs très bien comporté. C’était quand même la première fois qu’on l’emmenait dans un spectacle. Il y a un monsieur, avant le début du spectacle, qui m’a foncé dessus aussi et à qui j’ai dit de façon très drastique ‘On ne touche pas au chien’ et il est parti avec, en faisant vraiment la tête, l’air de dire ‘Mais vraiment, elle se prend pour qui celle-là ?’ Je n’ai pas eu envie de lui expliquer parce que le spectacle allait commencer. Mais c’est vrai, voilà, c’est de la pédagogie pour nous.
E.
Mais c’est aussi bien ce que tu dis qu’on n’a pas toujours envie d’expliquer. Moi, c’est vrai que je prends beaucoup de temps. Alors il y a le podcast, il y a le blog, mais il y a la vie au quotidien, avec les relais aussi. Et je prends beaucoup de temps pour expliquer. Mais il y a des fois, j’avoue, où j’ai pas envie. Alors je ne fais pas une tête de six pieds de long et je gueule pas, mais je dis juste ‘Non, c’est non’. Et puis, et puis ça prend du temps quand même de faire tout ça, donc. Et puis il y a des gens en face, tu sens que de toute façon, quoi que tu dises, ils sont déjà en train de toucher le chien et ils vont me prendre pour une cruche et ils ont le droit de toucher le chien et le chien, lui, il a pas dit non. Enfin bref. Et du coup, dans toute ton histoire avec les chiens guides là, est-ce qu’il y a quelque chose, ben justement, quand tu as rencontré cette personne il y a des années avec le handi’chien dans les bras, le petit chiot, à laquelle tu t’attendais pas du tout, que tu as découvert avec ton histoire avec les chiens guides ?
V.
Moi ce que j’ai appris, par exemple le fait de traverser aux passages piétons. Alors moi, dans ma tête comme dans la tête de beaucoup, c’était formidable, ben le chien, c’est lui qui fait tout, c’est lui qui va prendre la décision d’y aller quand il faudra y aller. Là, j’ai appris que non. C’était le maître en fait qui donne les ordres, et ça, au début de mon aventure, pour moi ce n’était pas clair. C’était, ben c’est des chiens super magique et ils font tout. Donc ça, ça a été un apprentissage pour moi, et le fait que les chiens d’assistance et les chiens guides aillent vraiment partout. Alors ça, je ne m’y attendais pas.
E.
Oui. Tu avais un peu admis qu’il y aurait des choses que tu puisses plus faire ou des choses comme ça ?
V.
Non, je m’étais, en fait, quand je suis partie dans cette aventure, j’y suis allée bille en tête et vraiment, je me suis même pas posé des questions. Je me suis dit on verra, on va découvrir. Et en fait, quand on m’a dit ‘Mais si, vous allez pouvoir aller partout, emmener ce chien partout’. Alors oui, c’était des belles découvertes. Parce que ben oui, oui, c’est vrai. Ben oui, c’est vrai, bien sûr. Un aveugle, bien sûr, ça va chez le kiné si ça en a besoin. Et puis chez l’esthéticienne, pourquoi pas ? Tiens, on y va, au cours de sport, on y va. J’ai vu plein plein plein de choses avec eux et ça, c’était des choses… j’y avais pas pensé, vraiment. J’avais jamais croisé de couple dans mon coin. Pas un seul.
E.
T’avais jamais croisé de binôme maître-chien. Et c’est vrai que ce que tu dis, on n’y pense pas, franchement. Alors, il y a les deux, pour le coup, il y a les deux approches, je pense, en tant que famille d’accueil, il y a soit la famille d’accueil qui sait justement qu’on peut aller partout et qui est un avantage de plus dans l’action et le bénévolat qu’on peut faire parce que justement ça peut nous permettre, enfin, moi notamment, pourquoi je n’ai pas de chien à la maison et je prends des élèves chiens guides, c’est parce que si j’avais un chien à moi, il irait nulle part et que je ne trouve pas ça intéressant pour le chien que j’ai envie d’accueillir. Mais à l’inverse, du coup, le fait qu’il puisse aller partout et m’accompagner, vu la vie hyper dynamique que j’ai, c’est très important. Et puis en effet, oui, il y a aussi la bonne surprise. J’ai envie de dire de ‘eh ben oui, je vais pouvoir faire ça, ça et ça avec lui’. Mais c’est rigolo que tu le dises comme ça, parce que c’est vrai que ce n’est pas forcément quelque chose qu’on découvre quand on devient famille d’accueil, souvent. Mais pour toi, ça l’a été. Et c’est chouette.
V.
Vraiment, j’ai eu des situations où je disais aux gens que je côtoyais dans mon quotidien ‘Voilà ce que je fais. Est ce que je vais pouvoir venir chez vous ?’ Sans dire ‘C’est une obligation de votre part’, mais que ce soit la salle de sport, que ce soit l’esthéticienne, le kiné, même je suis allée chez un médecin qui m’a dit ‘Euh oui, mais les gens dans la salle d’attente, qu’est-ce qu’ils vont penser ?’ Ben je dis ils ont pas le droit d’y penser, c’est normal quoi ? Et vous verrez, il va se comporter nickel et j’ai été dans toutes les situations et avec un accueil formidable à chaque fois. Et puis de voir à quel point ces chiots qui étaient des bébés se comportaient de façon exceptionnelle. Quand moi je dis, Scar est énorme, il est super grand, il a huit mois et le calme qu’il a, les gens sont éberlués, quoi.
E.
Il y a du boulot qui est fait dès la naissance sur ces chiens et même avant dans tout ce qui est la sélection des reproducteurs, etc. Ça joue énormément. Et le boulot que font les filles à l’élevage, il est indéniable.
V.
Bien sûr, c’est vrai qu’elles dégrossissent déjà nos futurs élèves.
E.
Et puis ils sont déjà élèves au final, quand tu les vois, les tout petits chiots et que tu dis assis pour mettre la gamelle alors qu’ils n’ont même pas deux mois, deux- trois mois quand ils commencent à être sevrés, tout, c’est impressionnant. Mais du coup je voulais savoir un petit peu si, justement, ces moments un peu exceptionnels, où il y a un moment où tu as été bluffée par un de tes élèves chiens guides. Au final, t’en as eu quand même une petite dizaine, Scar y compris. Est-ce qu’il y a eu des gros moments où tu ne t’attendais pas du tout à ça ?
V.
Alors, j’ai un moment exceptionnel que j’ai vécu avec un de mes élèves, c’était Judy, mais qui était déjà rentrée en éducation. Son éducatrice m’a fait le grand honneur de me mettre Judy au harnais et j’ai pu évoluer au bandeau avec Judy au harnais à Buc sur le parcours d’apprentissage. Alors ça, ça te laisse complètement, mais coite. Vraiment, c’est juste impressionnant. Donc ça a été pour moi vraiment un truc incroyable. Après, c’était plus une situation qui m’a fait sourire, pas la situation du chien mais, j’explique, j’étais en train de prendre le RER, donc j’étais en haut de l’escalier et je dis à je sais plus quel de mes chiens, je pense que ça devait être peut-être Lorne, assis la descente. Et puis il y a une jeune femme qui vient ma hauteur et qui me dit ‘Attention madame, vous avez un escalier devant vous’. Ça m’a fait beaucoup sourire parce que je me suis dit, il y a des gens qui ont une attention, quand même, exceptionnelle, à l’autre. Elle n’a pas eu le temps de lire que c’était un élève, mais pour elle, il y avait ce chien qui était exceptionnel parce qu’il était en haut d’un escalier, assis, et qu’il me regardait et qu’on allait faire la descente ensemble. Un moment chouette, oui.
E.
Oui, ça me rappelle, moi je crois, je l’ai déjà raconté, mais il y a peut -être longtemps, ça m’est arrivé un peu la même chose. On est allés au cinéma et avec un élève chien guide. Pas de problème du tout, alors premier vigile peut-être problématique mais au niveau du contrôle des tickets, rien à dire. Et là en plus, le gars nous dit ‘Par contre madame, je suis désolé, le film n’est pas audiodécrit’.
V.
Ah ben tu vois, pareil !
E.
Et tu vois, c’est pareil. C’est de te dire que les gens sont tellement… enfin c’est vraiment de l’attention, c’est-à-dire qu’ils ont capté qu’il y avait un chien. Ils ont compris que c’est un chien guide, élève ou pas du coup, pour le coup c’est la différence entre nous, on la connaît, mais dans la vie des personnes qui n’en croisent pas souvent, c’est normal. Ce n’est pas un problème pour moi. Et ils ont même pensé que l’activité que tu allais faire, que ce soit de descendre un escalier ou d’aller voir un film, pouvait éventuellement être un peu dangereuse ou pas complète pour toi, on va dire ça comme ça, si tu n’avais pas la vue. Et là, moi, j’ai regardé le mec, je crois en plus, il me l’a dit, j’étais déjà sur l’escalator pour descendre. J’ai même pas… Je crois que je lui ai rien dit à part, à part un grand sourire en fait. Et ce qui était génial, c’est que je n’avais même pas de lunettes de soleil ou quoi que ce soit, et que la personne puisse envisager, ce qui est tout à fait le cas, que des personnes avec une apparence comme si on avait une vision mais qui ne l’ont pas. Oui, c’était fou, tu vois, la personne s’est vraiment projetée très loin et ça m’a beaucoup touchée. Alors j’en suis restée sans voix. Je crois qu’à part un grand sourire, je, j’ai dû lui dire juste ‘Merci, j’en ai pas besoin’ ou quelque chose comme ça. Je me souviens plus.
V.
C’est pareil. Moi aussi, j’ai remercié gentiment la personne parce que j’avais trouvé ça trop touchant, cette attention. Et j’étais un peu bluffée aussi parce que je me suis dit ‘Voilà, il y en a qui font attention aux autres, quoi’. C’est chouette.
E.
Qui se projettent loin dans l’attention que tu peux avoir dans l’autre qui est pas juste ‘Je te prends le bras et je te descends les escaliers’, quoi.
V.
Oui, exactement.
E.
Et dans ce genre de rencontres, justement, que tu as pu faire, est-ce que t’as des rencontres un peu exceptionnelles, on n’en a pas beaucoup parlé, mais tu fais pas mal de sensibilisation. Peut-être que dans ce cadre-là, tu t’es retrouvée dans des situations avec des gens en face…
V.
Oui, la première rencontre exceptionnelle, c’était en 2014. Judy était toute petite, j’avais encore Igger à la maison et je venais de récupérer Judy. Je suis allée au forum des associations de la ville d’à côté de chez moi et j’étais sur le stand Lions Club. Et il y avait tout un stand avec plein d’affiches. Un petit bout de bonne femme, haute comme trois pommes, mince comme un fil qui m’a accueillie les bras ouverts en me disant ‘- Vous êtes famille d’accueil ? – Oui. – Vous habitez loin. – Ben non, à dix minutes d’ici’. Et en fait, cette dame, c’était Marie-Noëlle Ladure, qui est la présidente de l’association ‘Au fil des contes, un fil de vie’, qui est affiliée, reconnue par notre école et qui a, pendant 17 ans, conté, puisqu’elle est conteuse de métier, pour le compte de l’association. On est allés avec elle depuis 2014. On a fait ça pendant huit ans. On allait d’école en crèche, en maison de retraite, en bibliothèque. On a fait mille et une sensibilisations. Ça, c’était une très jolie rencontre parce que je ne serais pas allée à ce forum de Marly, on se serait pas connues et je n’aurais pas eu toute cette histoire avec cette dame merveilleuse qui a terminé son association mais qui a envie encore de faire des petites choses. Elle a un âge avancé maintenant, mais elle a une énergie folle, vraiment exceptionnelle. J’ai rencontré aussi, ça c’était avec Lorne quand il était tout petit sur le marché, j’étais au marché de la ville d’à côté de chez moi, et puis je marche et puis tout d’un coup j’ai un couple qui me fonce dessus et la dame me dit ‘Oh, c’est une merveille que vous soyez là, c’est exceptionnel. Mon mari est en train de perdre la vue’, et ce mari c’était Dominique Dumont.
E.
Le fameux !
V.
Alors le fameux Dominique. Ça a été vraiment une rencontre merveilleuse et ils étaient en pleurs. C’était vraiment touchant.
E.
Et donc, Dominique Dumont, un petit rappel c’est le maître du coup de Monty qui est le 1 000ᵉ élève chien guide, qui est aussi le premier élève chien guide d’Océane, que j’avais reçue, oula il y a un moment maintenant, c’était dans l’épisode 7, et d’ailleurs Dominique a écrit un livre, qui trône dans ma bibliothèque, que je dois lire, justement sur cette remise de son chien guide Monty.
V.
Voilà. Alors ce qui était drôle, c’est qu’à Noël, j’étais dans la ville où il habite pour aller chercher des bonnes pâtisseries, parce qu’il y a une pâtisserie de fou là-bas, un moment, je marche et j’ai une voiture qui se ralentit à mon niveau et la dame baisse son carreau et me dit ‘C’est un cadeau de Noël que vous avez au bout de votre laisse ?’ Et moi je me dis ‘Oh la la, mais qu’est-ce que c’est que cette personne ?’
E.
Relou…
V.
Et en fait, la voiture s’arrête. Et là, il y a Évelyne, l’épouse de Dominique, qui me dit ‘C’est super, je vous retrouve enfin, je suis tellement contente. Je voulais vous montrer enfin le résultat de notre conversation’, et je vois Dominique qui sort comme un dingue de sa voiture, Monty qui traverse la rue pour venir me voir. Ils me disent ‘Mais c’est merveilleux, enfin, on se retrouve. Oh et puis j’ai quelque chose pour vous, j’ai un cadeau pour vous.’ Ah ouais, bon, super. ‘Eh bien, je vous l’apporte tout à l’heure dans votre boîte aux lettres’. Et là, dans l’après-midi, j’avais le livre ‘Monty’ dans ma boîte aux lettres, dédicacé, et avec, il me disait, il m’avait mise à la page 18, notre histoire, notre rencontre. Parce que Lorne, le chien qui est allé lui parler, c’était mon élève. Il lui a dit qu’il fallait pas qu’il ait peur. Ça, c’était une très jolie rencontre. Et puis je suis allée sur le plateau de la quotidienne de France , j’ai vu le beau Thomas Isle, j’ai vu Maya Lauqué, j’ai vu, comment elle s’appelle, Laetitia Barlerin…
E.
Oui, la météo.
V.
Alors là, on a rigolé parce que à l’époque, il avait un berger allemand et il a commencé à faire la foire sur… Et du coup, Thomas Isle qui a ramené Judy, qui a dit ‘Non non, mais là Judy elle va repartir dans le couloir parce que là, ça va faire un bazar pas possible’. C’était un super moment aussi.
E.
Donc un petit passage sur la quotidienne.
V.
Et puis, dernière très jolie rencontre aussi au moment du congrès des écoles de chiens guides à Angers. J’ai rencontré la Fondation Frédéric Gallianne et j’avais hâte de savoir qui était l’éducatrice de Nia. J’ai trouvé l’éducatrice de Nia. Et ensuite, il y a une dame, Margaret, qui est devenue une très bonne amie, qui est devenue la je ne sais pas combientième famille d’accueil de Nia parce que cette chienne est passée par beaucoup de familles d’accueil et elle l’a gardé un an et pendant toute l’année ou elle l’a gardé, je suis descendue, j’ai fait des allers-retours sur Sorgues pour aller voir Nia auprès de Margaret. C’était vraiment formidable, donc vraiment des belles rencontres. J’en ai plein, sinon. Voilà.
E.
Et je pense que c’est pas fini. Ecoute, je pose toujours une question de fin où je demande, et j’ai hâte d’avoir un peu tes confidences aussi, quel a été ton pire et ton meilleur moment ? Alors on va commencer par le pire, comme ça, on garde le meilleur pour la fin, avec les chiens guides.
V.
Alors moi, j’ai eu un pire moment, ça a été un refus d’accessibilité dans mon Super U d’où j’habite, ça a été assez violent, ça a été moche. J’avais Lorne tout petit, j’arrivais en terre conquise parce que ça faisait des années que je faisais ça et là, je suis tombée sur un vigile, mais vraiment lourd, bien lourd. Donc il m’a gentiment fait faire demi-tour et sortir. Mais on n’en est pas restés là. J’ai écrit à la direction qui a pris conseil auprès de son comité d’hygiène et de sécurité et j’ai reçu un courrier après pour me dire que c’était OK, je pouvais rentrer. Et encore un refus d’accessibilité à un Carrefour pas si loin que ça, est passé il n’y a pas longtemps encore. Encore un vigile qui connaissait pas la loi. J’ai eu la direction de ce Carrefour qui s’excusait platement également. Ça, ça a été ces pires moments pour moi, c’était, c’était pas des choses dingues, mais c’était désagréable.
E.
Ouais, c’est le moment ou tu sais pertinemment que toi, tu es en plein droit et qu’eux ils font leur loi, mais ils ignorent LA loi et c’est compliqué de leur dire ça.
V.
Ouais, ouais. Et puis sinon, comme classiquement beaucoup de familles d’accueil, tu arrives par exemple, moi j’étais à Châtelet-Les Halles, sur le grand parvis, et là t’as le chien qui se soulage, mais tu peux rien faire. Et t’as tout le monde qui te regarde. Ça, c’est des grands moments, mais heureusement, ce n’était pas mon premier chien parce que je me serais liquéfiée. Mais non, franchement.
E.
Un des avantages. Je note, encore un avantage à se relancer dans l’aventure. C’est que, alors je sais pas si on assume plus, mais on a peut être prévu aussi des choses au cas où, des petits mouchoirs, des petites choses comme ça.
V.
Moi, d’année en année, c’est vrai que je me dis toujours ‘Oh la, la, il faut que je prévois tout. Et puis non, je le fais naturellement. Je fais des choix, c’est naturel et je me dis on verra bien. Et puis l’autre fois, on a eu un accident comme ça. J’avais pas de mouchoirs spécialement. Je suis allée dans la galerie, j’ai dit ‘Écoutez, pourriez-vous nous passer quelque chose ?’ Bon les gens, c’est… En fait, tu fais les choses avec le sourire, ça passe. En général, c’est ça le passeport dans la vie. Ça a été les principales difficultés. Ah si, il y avait eu un moment de stress, quand j’étais sur mon lieu de vacances, j’avais ma fille qui était dans notre maison, qui avait fermé la porte. La porte n’était pas bien fermée. Le chien, quand je suis rentrée à la maison, la porte était entrouverte et plus de chien. Là ben c’est le coup de stress. Mais en fait, comme je connaissais tout le monde dans le quartier, il y avait une dame qui était en fauteuil roulant avec son chien qui n’était pas d’assistance, mais un chien de compagnie, avec qui on avait beaucoup de proximité, qui avait récupéré le chien chez elle. Ça, c’est vrai que c’était un peu…
E.
Oui, tu rentres et tu vois la porte ouverte et tu vois plus le chien.
V.
Et t’as confié le chien à ton enfant. Voilà, bon. Donc là, ça a été ça. J’ai pas eu de catastrophes.
E.
Et dans les meilleurs moments, du coup. Alors tu nous a parlé de ce passage sous bandeau ?
V.
Je crois que c’est vraiment le truc le plus exceptionnel que j’ai fait. Franchement, le passage au bandeau avec Judy, c’était l’aboutissement parce que pour moi, la grande frustration, c’est l’aboutissement de tout ce qu’on donne, c’est de ne pas pouvoir être là au moment de la remise. Ce n’est pas une souffrance, ce n’est pas vraiment ça le terme.
E.
C’est une frustration.
V.
C’est une grosse frustration. Vraiment, je trouve que c’est, pour moi, c’est un partage, quoi, un moment de partage et j’aurais aimé connaître ça. Voilà.
E.
Mais ton parcours avec les chiens guides n’est pas fini. Les choses peuvent toujours évoluer…
V.
Oui, on espère parce qu’il y a beaucoup de familles d’accueil qui sont dans cette demande. C’est vrai que ça, ce serait… la boucle se bouclerait, on aurait satisfaction d’avoir engagé toute cette énergie, tout ce temps, toute cette passion et enfin de voir le travail, quoi, l’aboutissement. Voilà.
E.
Oui, comme quand tu les revois par la suite. Mais le moment est un peu différent, quoi.
V.
Oui, oui, oui. Moi je n’ai pas eu beaucoup de chance de revoir les uns et les autres. Celle que j’ai bien revue, c’était Judy, mais enfin, une fois, et je suis toujours invitée chez la bénéficiaire qui est absolument adorable et qui demande que ça, mais elle est pas tout à fait à côté donc c’est compliqué. Je pense que ma dernière chienne Paddy, que je vais récupérer en relais au mois de juin un petit peu, on aura l’occasion, peut être la première. Ça a toujours été des rendez vous loupés, manqués, les transports, la grève des transports, les gilets jaunes, le covid et tout. Et on n’a jamais pu. Et voilà. Elle va bientôt être à la retraite, donc…
E.
Oui, il reste encore un peu de temps. Mais c’est vrai qu’on s’investit énormément sur cette phase de pré-éducation et l’aboutissement, le premier aboutissement, je crois que c’est quand même l’entrée en éducation.
V.
Ah, c’est certain, on est ravis. Puis parfois, c’est vrai que quand le chien est réorienté, je le vis pas mal parce que c’est normal, s’il peut faire autre chose, c’est très bien. Parfois réformé alors que tu penses que ton chien, il avait beaucoup de capacité à faire quelque chose. Bon t’as pas toutes les données, ça je respecte, c’est normal et c’est eux les professionnels. Toi, tu te dis c’est dommage. Mais finalement, après t’as des familles qui sont super contentes parce qu’elles récupèrent un chien qui est pas mal du tout. Ça aussi, c’est chouette. Voilà.
E.
Et du coup, Scar, tu nous as dit, a huit mois ?
V.
Oui. Il a huit mois. Il est du 18 août, donc Scar il est pressenti comme futur papa. D’accord, alors on doit attendre, je crois, pour les mâles ils attendent jusqu’à leur un an pour faire des contrôles, des radios, des examens de santé et puis comportementaux. Donc pour l’instant, Scar, on évolue, on continue, il y a les stages, il y a les cours et là ça se passe très bien. Il est vraiment chouette là, en ce moment, c’est un petit bonheur.
E.
Et du coup, dans l’optique qu’il devienne reproducteur, est-ce que toi, tu passes famille d’élevage ou tu passes la main à quelqu’un d’autre ?
V.
J’ai eu une proposition de devenir famille d’élevage la semaine dernière pour une petite chienne qui habite à côté de chez moi d’ailleurs. Mais j’avais mesuré tout l’engagement que ça impliquait. J’avais bien réfléchi, mais non, je vais passer la main.
E.
Oui parce que c’est quand même vraiment, vraiment différent. On en avait beaucoup parlé avec Corinne et pour le coup, c’est vrai qu’elle est devenue famille d’élevage, mais c’est pas la même chose. Et on en avait un peu parlé aussi avec justement Carole dans l’épisode 14 qui elle, a passé la main pour le coup, passé le relais, Moïra. Et Pisty aussi, de fait.
V.
Oui, c’est vrai, c’est vrai.
E.
Parce que justement, c’est un engagement un peu différent, enfin en termes de quotidien, mais aussi en termes de durée, d’engagement, j’ai envie de dire.
V.
Voilà. Et puis moi je pense que j’ai toujours, ce que je disais, c’est toujours cette ombre qui plane au-dessus par rapport à un potentiel départ en catastrophe de ton chien. C’est mon vécu personnel et en fait, je ne peux pas, je n’y arrive pas. Donc non, si Scar devenait papa, il faudrait une super famille qui voudrait avoir le plus beau gosse de la terre.
E.
Eh bien ils vont écouter l’épisode 7 avec Corinne et puis derrière, ils vont voir l’école directement et ils vont gérer ça.
V.
Voilà. Mais pour l’instant, il est en éducation, en pré-éducation, voilà, on continue.
E.
Bon ben écoute, merci beaucoup pour tout ce témoignage. On aura entendu tous les petits vocaux entre-temps en plus, et c’est vraiment intéressant de voir la différence. C’est ce que je voulais vraiment marquer avec toi, c’est, voilà ça fait très longtemps du coup qu’on échange sur les réseaux sociaux, qu’on se suit, qu’on voit les différents élèves de mon côté, en relais, de ton côté, en famille d’accueil et en relais. Et c’est vrai qu’on n’a pas… c’est aussi bien de montrer que ce n’est pas parce qu’on a déjà été plein de fois famille d’accueil que c’est si facile que ça dans le sens ou on a acquis des choses. Mais on a toujours un individu en face qui peut être différent. Et puis, comme tu le disais, il y a aussi la partie évolution de l’éducation dans le sens ou l’école évolue aussi avec son temps et heureusement dans un sens que tout ne reste pas figé. Et donc il faut aussi se remettre au diapason comme tu le fais avec Scar.
V.
Des petites différences et il faut que je corrige certaines choses que j’avais l’habitude de faire et qui ne sont plus au goût du jour.
E.
Bon ben écoute, on te souhaite très très bonne continuation. En tout cas, c’est très chouette qu’on ait pu échanger ensemble. Une caresse à Scar, quand même, le plus beau gosse de la terre, j’ai bien retenu.
V.
Ah ben, c’est clair. Merci beaucoup Estelle de ton accueil, de ton application pour faire connaître cet univers magique. C’est merveilleux.
E.
Le monde merveilleux des chiens guides, ce sera le mot de la fin.
V.
Bonne continuation à toi aussi.
E.
Merci et à très bientôt
V.
Au revoir.
E.
Et voilà, c’est la fin de cet épisode. Merci à vous de l’avoir écouté en espérant qu’il vous aura plu. Merci à Valérie de s’être prêtée au jeu des vocaux pour nous confier cette nouvelle plongée dans l’aventure de famille d’accueil. Pour compléter votre écoute, vous pouvez retrouver sur Futurchienguide.fr des photos de Valérie et Scar, mais aussi de tous les élèves accueillis depuis le début de son engagement et très bientôt la transcription intégrale de cet épisode. Pour m’envoyer vos retours, écrivez moi sur Instagram ou sur Facebook. J’adore échanger sur vos ressentis suite aux écoutes. Alors à bientôt pour un prochain épisode sur l’univers méconnu des chiens guides d’aveugles. Ou sans chien guide d’ailleurs ! Enfin bref, je vous laisse la surprise…