Dans cet Ă©pisode, je vous prĂ©sente Audrey qui est Ă©ducatrice de chiens guides d’aveugles Ă l’école du Nord. C’est pendant ses Ă©tudes de lettres qu’elle devient famille d’accueil et emmène ses futurs chiens guides jusque sur les bancs de la fac. Mais au moment d’entrer dans une maison d’édition, la vie en ville la freine et elle postule finalement en tant qu’éducatrice de chiens guides Ă l’école du Nord. Mais comment devient-on Ă©ducateur de chiens guides d’aveugles ? Et quelle articulation au quotidien entre l’éducation des chiens et l’accompagnement des futurs maĂ®tres ? Audrey nous raconte sa reconversion prĂ©coce grâce Ă une formation solide et de qualitĂ© en 4 ans, elle revient aussi sur l’importance et la place des futurs maĂ®tres de chiens guides dans son mĂ©tier d’éducatrice. En marge de son activitĂ© professionnelle, elle Ă©lève elle-mĂŞme des Kelpies, une race dĂ©couverte sur internet qu’elle socialise tout autant que ses chiens guides.
Retrouvez ci-dessous une retranscription synthétique avec pleins de photos :
Est-ce que tu peux te présenter rapidement ?
Je m’appelle Audrey, je travaille à l’école des chiens guides d’aveugles du Nord depuis 5 ans en tant qu’éducatrice de chiens guides d’aveugles.
Est-ce qu’on peut revenir aux fondements pour bien comprendre comment tu en es arrivée à devenir éducatrice de chiens guides ?
Je ne connaissais pas du tout les chiens guides, j’étais plutĂ´t fan de cheval et j’avais fait un lycĂ©e agricole. C’est d’ailleurs lors d’un forum des associations dans ce lycĂ©e, que j’ai dĂ©couvert les chiens guides d’aveugles qui m’avaient beaucoup intĂ©ressĂ©s. J’ai poursuivi mes Ă©tudes en fac de lettres, et quand notre vieux chien est parti, je me suis dit que c’était le bon moment pour devenir famille d’accueil et surtout que ce serait l’opportunitĂ© de faire une rencontre avec un chien, de voir comment on l’éduque, sans pour autant m’engager 15 ans.
En 2013, j’ai donc accueilli Iouka en famille d’accueil, que j’emmenais avec moi à la fac. Puis j’ai enchaîné avec Jerk en même temps Jaïo, tous les deux élèves chiens guides que j’avais avec mes parents. Une fois mon master de littérature de jeunesse en poche, j’avais un poste qui m’attendait chez les éditions de Martine à la ferme, Martine à la mer, etc. J’ai dit non car je ne me voyais pas du tout vivre en ville à Bruxelles et quitter ma campagne… L’école des chiens guides d’aveugles recrutait un éducateur, alors j’ai postulé et j’ai été prise en 2016 ! Mes parents ont alors pris le relais avec Lipton, notre quatrième élève chien guide.
De gauche Ă droite : la remise de Iouka, puis JaĂŻo et sa maitresse CĂ©lyne, Jerk et Lipton et son maitre Nicolas
Depuis le lycée agricole, j’ai toujours été tiraillée entre le monde des animaux et celui des livres dont je suis également passionnée. Mais les conditions urbaines des métiers d’édition m’ont vite fait choisir le métier d’éducateur de chiens guides d’aveugles et son travail dehors. J’ai passé deux semaines en découverte dans l’école où j’ai suivi un peu tout le monde (moniteurs et éducateurs de chiens guides, instructeur de locomotion ou encore administratif et communication), et je suis partie tout de suite en formation de moniteur.
De gauche Ă droite : Audrey avec Nash (labrador sable), Leader (labrador noir), Nestea (berger allemand) et Molly (labrador sable)
C’est une formation en 4 ans : 2 ans pour devenir moniteur centrés sur la compréhension du chien, puis 2 ans de plus sur la déficience visuelle pour devenir éducateur de chiens guides. Je suis partie en formation avec un futur chien guide rentrant en éducation, et épaulée par une tutrice. C’est une formation excellente, riche et complète avec différents intervenants. Dans mon quotidien, je suis plutôt avec des chiens ! Je remets environ 5 chiens dans l’année, dont un que j’ai choisis de suivre depuis la pré-éducation en famille d’accueil, et les 4 autres qui sont formés par les moniteurs jusqu’au certificat d’aptitude à guider (CAG).
PrĂ©cision d’Estelle : Ce qui est un peu diffĂ©rent de l’école de Paris qui est organisĂ©e avec un pĂ´le famille d’accueil avec les moniteurs pour le suivi de la prĂ©-Ă©ducation, et un pĂ´le Ă©ducation pour la suite.
Je passe une demi-journée par semaine au bureau où je rédige un rapport si je fais une remise, que je vais faire un suivi, dans l’optique de garder une trace écrite au cas où un collègue doit prendre le relais. Mais ce qui me plait le plus c’est les remises, le fait de voir le duo se crée, c’est dingue ! Je discute pas mal en amont avec les instructeurs de locomotion comme Marion avec qui je travaille souvent, pour cerner le chien pour la personne. Je fais aussi les suivis tous les ans des binômes que j’ai formés ou récupérés d’un collègue.
Mon conseil pour quelqu’un qui voudrait devenir éducateur de chiens guides, c’est vraiment d’envisager la part humaine du travail. On n’est pas éducateur de chiens guides que pour les chiens, il faut aimer les personnes aussi. Se concentrer que sur le chien, c’est obstruer une grande partie du travail qui est d’être avec les gens, de faire les suivis et les remises. Je conseille d’aller du côté du social, et on peut aussi postuler en reconversion professionnelle. Même si avant tout il faut être embauché par une école de chiens guides pour aller en formation, et pas forcément l’école la plus proche, il faut accepter d’aller plus loin parfois.
En dehors des chiens guides, je suis aussi une petite éleveuse avec 3 chiens Kelpies australiens. J’ai découvert cette race en cherchant une race dynamique et sportive. J’ai eu ma première chienne en 2016, puis la deuxième en 2017, et j’ai gardé un chiot de ma première portée. Je n’applique pas la même éducation qu’à mes chiens guides, ça reste mes chiens qui ont par exemple le droit au canapé ! Et je fais tout avec eux, et ils vont à l’école la journée avec moi puisque nous avons un chenil pour les chiens du personnel.
D’ailleurs, est-ce qu’il y a quelque chose que tu as appris ou découvert avec les chiens guides ?
Je ne m’attendais pas à ce que les remises soient aussi fortes en émotion ! Aussi bien pour le chien que pour la personne, mais aussi nous qui voyons un duo qui ne se connait pas au début, et puis repartent ensemble tout seuls en fin de remise. Je pensais que ce serait un peu plus professionnel, mais on rentre dans la vie des gens en passant du temps chez eux pour travailler les trajets et leur quotidien
Est-ce que tu as été bluffé par un des binômes ?
Oui, l’été dernier pour ma dernière remise avant mon diplôme, c’était ma première remise avec un chien éduqué par un moniteur, et lors de l’essai et donc de la première rencontre entre le chien et la personne, on a été bluffé ! C’était une vraie rencontre entre deux âmes.
As-tu fait une rencontre exceptionnelle grâce aux chiens guides ?
Mes collègues de formation, on est tous passionnés de chiens mais aussi des gens, et on aime tous notre métier, et j’ai eu la chance d’avoir une super promotion avec des gens exceptionnels. C’est très enrichissant d’apprendre des autres et de la manière dont les autres écoles travaillent aussi, c’est aussi la richesse de la formation avec 10-12 personnes.
Pour finir, quel est ton pire et ton meilleur moment avec les chiens guides ?
Les pires moments c’est quand il pleut, qu’on est en éducation avec un chien et qu’on est en t-shirt alors qu’il y a un orage qui arrive finalement… Souvent en été où je rentre trempée !
Les meilleurs moments c’est les remises, c’est fort en émotion et on voit à quoi on sert. On est des privilégiés en tant qu’éducateur, car on est les seuls à voir la magie s’opérer et le duo se former, et même pendant les suivis. On est nombreux en tant que bénévoles et salariés à œuvrer pour ça, mais on a la chance de voir le moment charnière avec l’arrivée du chien.
Merci beaucoup à Audrey d’avoir accepté tout de suite mon invitation après nos nombreux échanges sur instagram ! Merci encore à l’école du Nord pour leur accueil chaleureux !