Voici Laurianne qui est guidée depuis quelques mois par Persia de l’école de Paris. Retour du format EN IMMERSION avec des audios enregistrés par Laurianne les mois précédents notre enregistrement. Suite à l’acceptation de sa demande de chien guide auprès de l’école de Paris, Laurianne rencontre plusieurs élèves chiens guides avant de matcher avec Persia, qui était en famille d’accueil chez Julie et Alex de l’épisode 29 ! Mais alors comment se passe la remise ? Et quelles sont les étapes permettant la création de ce binôme ? De sa demande de chien guide à son quotidien avec Persia, Laurianne revient pour nous sur les émotions qui l’ont accompagnées tout au long de sa remise. Elle nous raconte aussi comment en quelques jours Persia s’est imposée dans sa vie, la considérant même à ses côtés depuis bien plus longtemps qu’en réalité.

Retrouvez la transcription intégrale en fin de page.

Épisodes cités :

Est-ce que tu peux te présenter rapidement ?

Je m’appelle Laurianne, j’ai 23 ans. Je viens de la Côte d’Azur et je suis arrivée à Paris il y a 5 ans maintenant, depuis que j’ai été reçue à la Maîtrise des Hauts-de-Seine pour chanter. Il s’agit d’une grande chorale. 

Je suis étudiante et actuellement en 3e année de licence de psychologie à l’université de Paris (ex Paris-Descartes), à l’Institut de psychologie de Boulogne. Donc je fais mes études et j’habite à Boulogne exactement. Je vis dans un foyer d’étudiants. On habite chacun chez l’habitant autour d’une paroisse dans laquelle on se retrouve. Donc j’ai ma chambre à l’extérieur et ma vie au foyer.

Comment as-tu découvert les chiens guides d’aveugles et comment sont-ils entrés dans ta vie ?

Je suis aveugle de naissance lié à une maladie génétique donc j’ai été depuis le plus jeune âge dans une école spécialisée pour les enfants malades et déficients visuels. Dans un certain sens, j’ai toujours eu connaissance du chien guide dans mon enfance.

Mon premier contact avec un chien guide s’est fait le jour où l’adjointe au maire pour le handicap de la ville de Nice nous a rendu visite à l’école avec sa chienne Vacoa. Elle est venue pour nous expliquer ce qu’était un chien guide, comment elle se déplaçait avec. 

J’ai toujours eu d’une certaine manière ce projet inconscient. Pour moi, c’était logique : quand je saurai me déplacer toute seule avec ma canne, je demanderais un chien. Mais ça c’est vraiment concrétisé il y a 3 ou 4 ans quand j’ai commencé à mieux me déplacer toute seule dans la rue. C’est entre 2018 et 2019 que j’ai constitué mon dossier auprès de l’école de Paris, puis en 2020 j’ai reçu une lettre m’annonçant que ma demande avait été acceptée. 

Le premier chien que j’ai pu rencontrer mi-2021 c’était Peyo qui malheureusement marchait trop lentement pour moi. Ensuite, j’ai essayé avec la miss Plume, mais elle était un peu trop sautillante. Et finalement c’est Persia qui m’a été remise la première semaine du mois de novembre 2021 en version un peu accélérée.

D’ailleurs, est-ce qu’il y a quelque chose que tu as découvert avec les chiens guides ? 

C’est un peu récent pour moi, mais je trouve que leur mémoire est phénoménale ! Parfois, je suis perdue sur les quais de métro quand je vais en stage parce que je suis un peu fatiguée. Et c’est elle qui me tire vers le bon quai, car elle s’en rappelle. 

Par contre, je trouve ça très drôle de voir leur caractère différent… Quand on va sur le chemin de la fac, elle va vraiment très lentement comme si elle n’aimait pas la fac, comme si ça l’embêtait. Ou parfois, si tu la sermonnes parce qu’elle est a reniflé par exemple, elle soupire, elle souffle ; on dirait une ado. Je la trouve très expressive et pour moi qui n’avais jamais vécu avec un chien avant, je ne croyais pas qu’ils l’étaient tant que ça.

Est-ce que la miss Persia t’a bluffée malgré que ce soit le tout début de l’aventure ensemble ? 

L’autre jour, je lui ai dit : « Écoute, Persia, ramène moi à la maison, je ne sais plus où on est là » et elle m’a ramenée !

Sinon, je pense à ce moment où on a fait Carmina Burana à la Maîtrise. Elle était en coulisses juste derrière la scène, donc elle entendait tout. Et pendant les répétitions, à la fin, en plus du piano, ils ont sorti toutes les percussions. La première fois qu’elle a entendu le gong, elle s’est mise à courir au fond de la salle. Et puis la deuxième, nickel : elle n’a pas eu peur. Et là, franchement, je me suis dit : « Quand même ils sont capables de supporter et d’avoir un calme olympien en toutes circonstances ». Même les percussionnistes étaient tous gaga de Persia : ils étaient ébahis de son calme.

As-tu fait une rencontre exceptionnelle grâce à Persia ?

Je pense que c’est vraiment la première fois qu’on peut parler du handicap de manière positive avec les gens qu’on rencontre dans la rue parce que le chien donne tout à fait une autre vision des choses. Les gens te voient complètement différemment.

Maintenant dans le métro, je croise des petits enfants qui ont envie de caresser Persia. C’est impressionnant parce qu’elle adore les enfants. D’ailleurs, je suis allée présenter Persia aux enfants du catéchisme de ma paroisse. Au début, on parle du chien, puis du chien guide. Et on bifurque après sur plein de questions sur le handicap. En fait, ça permet vraiment d’avoir un outil qui rende la vision du handicap plus “doux“ si on veut, ça met un vecteur au milieu.

Pour finir, quel est ton pire et ton meilleur moment avec Persia ?

Je pense que le jour où elle a sauté sur une grand-mère dans la rue, c’était extrêmement gênant et le pire moment pour l’instant. On a croisé cette grand-mère avec son petit chien qu’elle devait tenir dans les bras. Et je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais Persia a sauté. Elle n’a pas sauté méchamment, mais je me suis fait entendre que mon chien n’était “pas obéissant et mal éduqué pour un chien guide“. Et ça, c’est très dur parce que : oui, ce sont des chiens guides, des chiens d’assistance… mais ils restent quand même des chiens qui peuvent avoir des comportements de chien, parfois.

Mais ma vie est meilleure avec elle, alors définir un meilleur moment est très compliqué parce que j’ai envie de dire tous les moments avec elle sont précieux. Et le plus magique est aussi de voir tout ce qu’elle nous apporte à tous. Persia fait partie de la famille : de ma famille, de la famille foyer et de la famille dans laquelle je suis logée, même à la Maîtrise. La voir déambuler entre tout le monde, je trouve ça beau. Je pense qu’elle nous apporte beaucoup, simplement parce qu’elle est là, parce qu’il y a un chien, elle apporte à l’entourage qui m’entoure et aux lieux qui m’entourent.

Merci à Laurianne d’avoir accepté mon invitation et joué le jeu de me partager son quotidien pendant quelques mois, j’espère que cette immersion vous aura permis de saisir tout l’enjeu de ces moments de remise dans la création des binômes maître-chien.

Transcription intégrale

E.

Bonjour et bienvenue sur le podcast futur chien guide, le seul podcast sur l’univers des chiens guides d’aveugles soutenu depuis cette année par la FFAC et l’ANM Chiens Guides. Je m’appelle Estelle. Je suis passionnée par les chiens guides d’aveugles et bénévoles pour cette cause à Paris. Je suis d’ailleurs persuadée que l’univers des chiens guides d’aveugles mérite d’être mieux connu. En tant qu’amoureux des chiens, futurs bénéficiaires ou autres curieux comme moi, vous croisez parfois des chiens guides d’aveugles et leurs maîtres en vous demandant : « Mais comment font-ils pour se déplacer dans nos rues toujours plus agitées ? ». Ce podcast est le seul qui vous propose, au fil de rencontres enrichissantes, de décrypter l’univers des chiens guides d’aveugles pour comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi de découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, ou encore comment agir quand vous croisez un tel binôme ? D’ailleurs, si vous aimez ce podcast, le plus simple pour le soutenir est de mettre cinq étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify et d’en parler autour de vous.

E.

Je vous avais promis un format inédit que vous avez découvert dans l’épisode 34, en immersion avec Florian lors de ses premiers jours de famille d’accueil. Eh bien, je vous propose aujourd’hui de plonger en immersion dans la remise du premier chien guide de Laurianne, à nouveau grâce à ses nombreux audio envoyés en amont de notre épisode. Suite à l’acceptation de sa demande de chien guide auprès de l’École de Paris, Laurianne rencontre plusieurs élèves chien guide avant de matcher avec Persia, qui était en famille d’accueil chez Julie et Alex de l’épisode 29. Mais alors, comment se passe la remise et quelles sont les étapes permettant la création de ce binôme ? De sa demande de chien guide à son quotidien avec Persia, Laurianne revient pour nous sur les émotions qui l’ont accompagnées tout au long de sa remise. Elle nous raconte aussi comment, en quelques jours, Persia s’est imposée dans sa vie, la considérant même à ses côtés depuis bien plus longtemps qu’en réalité. Et maintenant, place à l’épisode.

L.

Coucou Estelle. Oui, j’ai vu ton message l’autre fois, je suis désolée, j’ai pas… Et voilà, j’en peux plus. Je te jure, je fais, je fais qu’y penser… enfin je fais qu’y penser, non, quand même pas, mais j’essaie de m’occuper le plus possible pour que les journées passent vite. Parce que je commence vraiment à avoir vraiment hâte. Et j’essaie de me conditionner un peu parce que je sais que si je vais arriver là-bas, leur dire que j’ai hâte et tout, ils vont me dire, ils vont tout de suite me calmer. Alors j’essaie de me calmer, moi, tout de suite. Mais voilà, j’aimerais tellement que ce soit la bonne. En plus, j’avais un faible pour avoir une fille. Alors voilà. Ben écoute, passe une bonne journée et promis, je te raconterai comment ça s’est passé.

E.

Bon jour Laurianne.

L.

Bonjours Estelle.

E.

Merci d’avoir accueilli ma demande d’invitation sur ce podcast avec grande joie quand on s’est rencontrées.

L.

C’est une joie pour moi aussi.

E.

C’est vrai qu’on s’est rencontrées dans un contexte un peu particulier, je crois que la première fois que j’ai vu le mot Laurianne qui t’était attaché, c’était sur un groupe Facebook de notre ville puisqu’on est toutes les deux dans la même commune, côté Boulogne. D’ailleurs on a un mois de mars très boulonnais. Le début du mois de mars, c’était avec Christophe qui habite au sud de Boulogne. Là, on continue dans la lancée. Et du coup, est-ce que je peux te demander de te présenter pour commencer ?

L.

Moi je m’appelle Laurianne, j’ai 23 ans. Je suis étudiante en 3e année de licence de psychologie à l’université de Paris, ex Paris-Descartes, à l’Institut de psychologie, du coup, de Boulogne. Etudes à Boulogne, j’habite à Boulogne. Je viens du sud de la France, de la Côte d’Azur précisément, et je suis sur Paris depuis 5 ans, depuis que j’ai été reçue à la Maîtrise des Hauts-de-Seine pour chanter. Du coup, c’est une grande chorale. Je vis dans un foyer d’étudiants. On habite chacun chez l’habitant autour d’une paroisse et on se retrouve tous ensemble dans une salle. On a une salle, une cuisine, une buanderie dans la paroisse pour pouvoir vivre ensemble.

E.

C’est un peu votre lieu de vie, quoi.

L.

Voilà, comme des frères et sœurs loin de notre famille. Donc j’ai ma chambre à l’extérieur et ma vie au foyer.

E.

C’est vrai que quand on s’est rencontrées, c’était un contexte un peu particulier puisque en fait tu n’avais… enfin on va parler de chiens guides hein, c’est bien le sujet quand même du podcast… je t’ai proposé de faire un peu comme j’ai proposé avec Floriant dans l’épisode 34 le mois dernier. C’est-à-dire de me partager un petit peu en live tes ressentis, puisque tu étais en attente de ton premier chien guide. Alors on l’enregistre quelques mois plus tard pour respecter le délai de stabilité de ton binôme avec la miss dont on a parlé tout à l’heure. Mais comment t’en es venue, toi, à te rapprocher des chiens guides ? Est-ce que tu connaissais déjà quand t’étais chez tes parents, est-ce que c’était déjà un objectif depuis ta tendre enfance ? Comment ça s’est passé entre la malvoyance jusqu’à l’arrivée de ton chien guide ?

L.

Je suis aveugle de naissance, j’ai une maladie génétique donc j’ai été depuis le plus jeune âge dans une école spécialisée pour les enfants malades et déficients visuels. Et puis un jour, une dame qui était adjointe au maire pour le handicap de la ville de Nice est venue nous visiter à l’école pour nous faire rencontrer sa chienne qui s’appelait Vacoa. J’avais déjà dû entendre parler des chiens guides avant, et c’est la première fois que je voyais un chien guide.

E.

Donc cette dame était accompagnée, guidée par cette chienne ?

L.

C’est ça,  tout a fait. Elle est venue à l’école pour nous expliquer ce qu’était un chien guide, comment elle se déplaçait avec elle. C’était ma première vue d’un chien guide et après j’ai eu une professeure de solfège et de piano qui était non voyante et qui avait aussi son chien guide. Entre guillemets, j’ai toujours connu l’univers, enfin, le chien guide dans mon enfance, après c’est vrai que dans ma famille, chez maman on n’a jamais pu avoir d’animaux parce qu’elle est allergique aux poils. Donc, les chiens, tout ça, je ne connaissais pas. Enfin j’en ai jamais eu quoi. Chez papa on a un chat, mais c’est très différent. Papa était plus réticent du fait que j’aie un chien. Maman est plus ouverte, beaucoup plus ok avec ce projet.

E.

Et du coup tu as eu ce projet à quelle période ?

L.

J’ai toujours eu un peu le projet inconscient. Pour moi, c’était logique : quand je saurai me déplacer toute seule avec ma canne, ben j’aurai mon chien, je demanderai un chien. Mais c’est vrai que ça s’est beaucoup plus concrétisé il y a 3 ou 4 ans, quoi. Quand j’ai commencé à vraiment mieux me déplacer toute seule dans la rue est que l’instructrice en locomotion que j’avais paris, du SAVSDV Paris m’a dit ‘ben si vous voulez Laurianne, on peut commencer votre dossier pour votre demande de chien guide’. Et j’ai commencé le dossier en 2018.

E.

Tu avais toujours ça un peu dans un coin de ta tête, même si tu ne l’avais pas forcément formalisé, on va dire, comme projet, mais le projet a commencé avec ton instructrice de locomotion qui t’a dit ‘ben là, toutes les bases de la locomotion sont OK’. On rappelle que de toute façon le chien guide est une aide au guidage, mais qu’il faut savoir se déplacer tout seul avec une canne, pas tout à fait tout seul, de fait, dans la rue. C’est ce que nous avait expliqué Marion, qui est aussi instructrice de locomotion, dans l’épisode 27 pour justement expliquer que voilà, c’est une étape pour aller jusqu’au chien guide, qu’on ne pouvait pas avoir un chien guide comme ça du jour au lendemain, sans pouvoir se déplacer seul à la canne.

L.

Tout à fait. Il y a beaucoup de gens déficients visuels qui commencent à perdre la vue, je vois sur des groupes, qui demandent tout de suite comment on peut avoir un chien guide parce qu’ils n’acceptent pas la canne alors que malheureusement d’abord, il faut au moins passer par là, parce que mon trajet, c’est moi qui le connais, même si Persia, évidemment, on le verra après, elle commence à retenir des choses elle-même par cœur. Il faut quand même pouvoir lui dire à gauche, à droite, là où on va quoi.

E.

C’est une aide au guidage, c’est pas un pilotage automatique.

L.

Non, c’est pas un GPS.

L.

Alors du coup quand tu as commencé ton dossier en 2018, comment ça s’est passé pour toi ? T’étais donc déjà en région parisienne, donc tu t’es tournée vers l’école parisienne, donc l’Ecole des Chiens Guides de Paris pour laquelle je suis également bénévole. Comment ça s’est passé, tu as eu plusieurs rendez vous, j’imagine ?

L.

ça a plutôt commencé vers 2019 en fait parce que oui, j’ai eu des rendez-vous locomotion, psychologue, Laurence du pôle attribution du chien guide. D’abord à l’école et ensuite elle est venue me voir dans le foyer de jeunes filles où j’étais pour voir le lieu et voir aussi un peu comment je me déplaçais avec un étrier. Quelqu’un qui tient… Comme un harnais de chien guide mais avec une personne en fait qui le tient devant et toi derrière pour savoir si tu as assez d’aisance à te laisser guider, en fait.

E.

Assez de lâcher prise. Donc en fait c’est comme un chien guide, sauf que c’est une personne qui tient le harnais, il n’y a pas de chien dedans.

L.

Non c’est ça et puis c’est pas tellement un harnais, c’est plus la partie haute du harnais en fait.

E.

Oui, la poignée quoi.

L.

Voilà, la poignée. Au début c’était pas si facile que ça parce que je suis quelqu’un qui a un peu de mal à lâcher prise, qui aimerait bien tout contrôler. Alors j’avais envie de faire confiance mais j’avais quand même un peu de mal, j’avais quand même un peu peur. ça s’est amélioré avec de la loco, tout ça quoi. Après c’est en 2020 que j’ai reçu une lettre pour me dire que ma demande de chien guide avait été acceptée.

E.

Tu reçois cette lettre en 2020 parce qu’en fait, le dossier, il doit être validé avec tous les rendez-vous que tu as eus avant, quoi.

L.

C’est ça et après, il y a, je crois que c’est une genre de commission, ça peut mettre du temps.

E.

Alors à partir du moment ou tu reçois que ta demande de chien guide est acceptée, l’étape d’après, c’est de rencontrer les éventuels chiens guides que tu pourrais avoir, c’est ça ?

L.

Oui, c’est ça, tout à fait et ça a été plutôt long, entre guillemets ben il y a eu la pandémie aussi en 2020. Le premier chien que j’ai pu rencontrer c’était mi-2021, quoi.

E.

Oui, donc c’est un an…

L.

Un an après, ouais. Et c’est la première fois que j’ai essayé vraiment un chien guide.

E.

Et donc cette première rencontre, c’était avec un chien qui aurait pu te convenir ?

L.

Alors au niveau du caractère, il aurait pu. Après il était un petit peu trop lent quand même, donc au bout de 3 essais, j’avais essayé une autre chienne pour voir…

E.

Une comparaison, un peu.

L.

Par contre du coup c’était une chienne qui était un petit peu trop rapide pour moi, un peu trop…

E.

Donc il y en avait un qui marchait trop lentement, c’est ça ?

L.

C’est ça, un mâle qui s’appeler Peyo. Et ensuite la miss Plume avec qui j’ai pu essayer pour voir si effectivement plus vite, ce serait pas plus mal.

E.

D’accord.

L.

Je ne l’ai vue qu’une fois Plume, elle était un peu trop sautillante.

E.

C’est rigolo, tu sais, pour moi, Plume, c’est une des petites de Night que j’ai eue en relais quand elle avait à peine six mois, donc c’est vrai que je les ai un peu suivis, ces petits chiots. J’avais eu l’occasion de les rencontrer tous jeunes. C’est rigolo de voir qu’ils poursuivent, et c’est ce que je leur souhaite hein, leur carrière de futur chien guide, voire de chien guide.

L.

Elle a été remise, d’ailleurs.

E.

Yes, ça y est, elle est une grande maintenant.

L.

C’est vers août 2021 que j’ai reçu un mail pour me dire ‘ben voilà, on aimerait faire des essais avec une autre chienne qui s’appelle Persia. On pense qu’elle pourrait vous convenir. Qu’elle fasse un trajet ou trois par jour, elle s’en fiche un peu. C’est vraiment une adorable petite chienne’.

E.

Et donc, cette Persia, si ce nom de chien vous dit quelque chose du côté de l’École de Paris, c’est aussi parce que je connais sa famille d’accueil et j’ai eu l’occasion de l’interviewer dans l’épisode 29. C’était Julie et Alex qui avaient cette petite chienne adorable.

L.

Je viens de l’écouter en entier au foyer. Ça m’a fait rire. Ça m’a fait trop rire quand tu leur a dit ‘oui, quand vous découvrirez peut-être Persia avec son ou sa, je pense, bénéficiaire. Bravo, franchement, t’as failli te… C’était mignon, vraiment, c’était trop mignon. Mais euh, mais moi aussi j’espère vraiment que ce sera la bonne. Mais je pense qu’on est quand même beaucoup mieux partis que Péo et… Non, moi j’y crois.

E.

Vos histoires se sont croisées puisque c’est à partir un petit peu de ce moment-là qu’on a commencé à échanger sur un peu ton ressenti depuis mi-septembre. Et donc, comment ça s’est passé pour toi les jours avant la rencontre ?

L.

Coucou Estelle, merci pour ton petit message. Comme tu vois, je ne dors pas encore. Voilà moi, quand je suis un peu excitée, déjà j’ai du mal à dormir en général, mais là c’est encore pire, heureusement, c’est pour un truc pas mal. Donc ça va. Mais bon, je pense que je vais réussir à m’endormir quand même. Je vais lire un peu et je vais m’endormir tard comme d’habitude. Voilà. Ecoute, moi aussi j’espère que ça va bien se passer, je t’embrasse et promis, je te donnerai des nouvelles demain. Pense à moi à 10 heures et demie. Voilà. Allez, je t’embrasse. Bonne nuit.

E.

Tu étais dans quel état d’esprit, t’étais convaincue que c’était celle-là, il me semble.

L.

Je pense qu’il y avait une partie de moi-même où j’étais convaincue et de l’autre où je voulais pas trop trop l’admettre et où j’essayais de modérer quand même mes sentiments parce que je suis une jeune fille qui s’attache assez vite aux gens et aux animaux. Puis déjà quand on m’avait présenté Peyo, je m’étais déjà un peu projetée, tout ça, donc il fallait que je me protège un peu. Et si ce n’était pas elle, il fallait savoir modérer les émotions. Peyo ça a été un chien qui est venu tout de suite vers moi, se faire câliner, tout ça. Miss Persia, elle a été beaucoup plus timide.

L.

Salut Estelle, j’espère que ça va. Écoute, moi je suis revenue de ma rencontre avec la Miss Persia. Ecoute, ça, c’est hyper bien passé. Au début, c’était un peu difficile parce qu’en fait, Persia, apparemment, est très fusionnelle avec son éducatrice, donc ils m’ont laissée un petit peu toute seule avec elle et tout, ils voulaient la faire venir vers moi et il n’y avait rien à faire. Elle voulait rester à côté de la porte pour attendre Clémence. Bon, voilà. Mais à partir d’un moment, ça a commencé à se faire. C’est plutôt bien parti. Rien n’est joué encore, mais je suis plutôt contente parce que c’est plutôt bon.

L.

C’est vrai qu’il a fallu un peu de temps. C’était pas forcément un chien qui te saute dessus tout de suite, comme Plume qui était venue me faire des bisous, me léchouiller, tout ça, ou Peyo, quoi. Je la trouve pas si timide aujourd’hui, mais bon.

E.

Mais au début, il a fallu gagner un peu sa confiance, en fait.

L.

Oui, c’est ça. C’est ce que Laurence m’avait dit, elle m’avait dit ‘vous savez, pour l’instant, cette chienne elle est amoureuse, elle adore Clémence, son éducatrice. C’est normal qu’elle vous aime pas. Elle ne vous connaît pas. OK, elle va vous aimer, mais il va falloir du temps.

E.

Ça avait le mérite d’être très clair et je crois que ça ne t’a pas non plus découragée pour la suite de l’aventure.

L.

Ah non, non, non, non, non. Parce que quand je suis retournée la voir à Buc, cette fois, là elle était un peu plus proche. Chaque fois qu’on se revoyait, elle était de plus en plus contente.

E.

Et justement, ces différentes étapes dans le cadre de la remise de Persia, enfin, tu l’as rencontrée plusieurs fois. Je crois qu’elle est venue aussi avec son éducateur passer un peu de temps chez toi ?

L.

Salut Estelle, j’espère que tu vas bien. Écoute, aujourd’hui, c’est le deuxième grand jour. C’est le jour où Persia vient visiter la maison. Voilà, j’ai super hâte. Voilà, j’espère que ça va bien se passer, que ce rendez-vous de confirmation va nous permettre de confirmer des choses. Ciao ciao.

L.

Ensuite, je suis allée passer une journée complète à l’école.

E.

Et je crois qu’après, c’est elle qui est venue passer une nuit, pour le coup, à la maison ?

L.

En fait on m’avait dit au début, vous viendrez passer une nuit dans l’école et après, on vous la laissera une nuit à la maison. Et au final, on est passé tout de suite par une nuit à la maison. Parce que je pense que ça devait bien se passer.

L.

Salut Estelle, j’espère que tu vas bien. Persia, elle vient d’avoir son diplôme. Ça y est, elle est diplômée, elle a son certificat d’aptitude à guider. J’y vais jeudi matin, du coup, à Buc, et ensuite ce sera la maison. Et je pense que ça va vite s’enchaîner. Et voilà. En tout cas, je suis super contente qu’elle a eu son certificat. Parce que ça veut dire qu’il n’y a plus grand chose qui bloque, quoi, maintenant.

L.

Effectivement, Persia est venue passer une nuit à la maison.

L.

Coucou Estelle, j’espère que tu vas bien. Ecoute, moi ce matin, je me suis levée tôt, comme tu dois l’entendre je n’ai pas une voix très réveillée. J’ai bu un café, mais voilà. Donc j’attends la petite louloute. J’ai vraiment hâte de l’avoir avec moi sans personne, sans éducateur pendant la journée, la nuit. Puis elle ne voulait pas trop repartir de la maison mercredi donc bon, avec un peu de chance, ça se passera bien. Je pense que je vais aller lui mettre, lui remplir au moins sa gamelle d’eau. Parce que quand elle va arriver, elle aura pas mangé, elle aura pas fait ses besoins non plus. On va la faire manger, mais écoute, j’ai hâte de te raconter la suite.

L.

J’ai été très étonnée parce que franchement, on aurait dit que c’était déjà chez elle. Elle n’a jamais couiné, jamais chouiné.

L.

Coucou Estelle. Ben écoute, ça se passe hyper bien pour l’instant. Là, on est toutes les deux au foyer. Je viens de manger. Elle a même quasiment pas testé d’aller dans la cuisine. En fait juste une fois. Et puis là, je viens de manger dans la cuisine, alors elle s’est quand même levée de sa place pour venir se coucher juste devant la porte, histoire de me voir. Voilà, on lui a fait sa petite place sous l’escalier. On a mis sa petite serviette. Je lui ai mis une gamelle d’eau et elle est toute sage. Voilà, elle vient de soupirer. Je ne sais pas si t’as entendu.

L.

Dans la nuit, elle s’est allongée sur le tapis à côté de mon lit, nickel. Franchement, on aurait dit que c’était déjà chez elle, quoi.

L.

Coucou Estelle. Moi ça va très bien. Je viens de me réveiller. Il y a petite Persia juste à côté de moi, ça va louloute, hein ? Et elle a bien dormi aussi. Elle a dormi à côté de moi toute la nuit, à côté de mon lit. Voilà. Et hier soir, on est allées à la Maîtrise. Ça c’est hyper bien passé. Elle a été sage comme une image. Elle n’a pas eu peur ni rien.

L.

On m’avait dit, ben voilà elle risque d’être un peu angoissée. Moi, je m’étais préparée et rien du tout. Le soir, elle est même venue à la Maîtrise avec moi. Elle nous a écoutés chanter. On était en train de préparer un oratorio qui s’appelle Carmina Burana, qui  envoie beaucoup.

E.

Je témoigne. C’est un chant qu’on chante… ça a du caractère.

L.

Eh ben pareil, comme si elle l’avait entendu toute sa vie, elle s’est couchée à mes pieds. Et puis, elle a dit bonjour à tout le monde à la Maîtrise, elle était contente. Et ce que j’ai trouvé hyper mignon, hyper drôle, c’est que je l’ai rendue le mardi, du coup à l’éducateur. Et puis il m’a dit ‘Bon ben puisque ça se passe bien, vendredi, tu viens passer la journée à l’école et puis je te la donne, enfin je te la confie pour le week-end. Quand je reviens à l’école, le vendredi matin, elle me saute dessus, mais elle me saute dessus littéralement quoi, vraiment.

E.

Oui sans réserve là, c’était bon.

L.

Ah oui là, on dirait qu’on ne s’était pas vues depuis un mois. Pour le coup, son éducatrice était pas loin. Elle s’est quand même jetée.. et je me dis ça y est, elle commence un peu à se détacher de… enfin à se détacher, je sais pas, mais à comprendre que…

E.

Elle s’attachait aussi à toi.

L.

À s’attacher aussi, quoi.

E.

Oui, donc, là, tu repasses une journée et tu repars avec Persia.

L.

C’est ça, je repars avec Persia, et en plus ce que je savais pas trop trop à ce moment-là, c’est que je suis allée passer la journée, une journée à l’école le mardi, je devais laisser Persia. Et en fait, c’était avant ma semaine de remise. L’école m’a dit bon puisque ça se passe bien, l’éducateur m’a dit ‘De toute façon, j’aurai pas le temps de la faire travailler. Elle va rester en box et tout ça. Si ça te vas, tu peux la garder avec toi, et moi, je dis bien sûr, je la garde. Pas de problème’. Et donc, en fait, Persia n’a plus quitté la maison depuis, voilà, depuis octobre, en fait. Ou en fait, au début, je l’avais en tant que chien de compagnie. Pour comprendre que là, à ce moment-là, quand je me déplaçais dehors, c’était avec ma canne et avec Persia en laisse de l’autre côté en fait.

E.

Ce petit point de précision que je voulais faire : tant que tu n’as pas passé la remise avec ton chien, avec l’éducateur, etc. qui est validée par l’école, tu n’as pas le harnais de guidage, donc tu as le chien en laisse. Mais pour le coup, il n’a pas le rôle de te guider. Il est avec toi et c’est pour renforcer les liens entre vous. Et comme tu dis, ça reste un chien de compagnie avec le petit plus quand même de l’accès de partout, etc. parce que ça reste un chien en éducation. Voilà, en fait, toi, quand tu l’as eue au tout début et c’est ça qui est intéressant à décortiquer dans la remise parce que souvent, on parle de l’élève chien guide, on parle du chien guide et au milieu, la jonction. Déjà, il y a les 6 mois à l’école, mais le passage d’élève chien guide à chien guide, il se fait en quelque temps quand même. Et toi, quand tu l’as eue les premières fois, la première nuit à la maison, quand tu l’a emmenée la première fois à la Maitrise, elle n’avait pas son harnais de guidage en cuir, mais elle avait son dossard bleu que moi je peux avoir sur les chiens que j’ai en relais, à savoir son dossard bleu d’élève chien guide, en tout cas.

L.

Voilà, c’est ça, je devais juste la faire asseoir aux lignes, aux portes et tout ça, pour qu’elle n’oublie pas quand même les bons réflexes.

E.

Bien sûr. En fait, tu as entretenu son éducation d’élève chien guide, mais pour le coup, tu ne l’as pas sollicitée sur des éléments de guidage pur et simple comme tu as pu le faire une fois la remise passée. Tu l’as eue quelque temps et elle ne t’a jamais quittée. Entre-temps, du coup, elle a changé de statut puisqu’il y a eu cette fameuse remise. Comment ça s’est passé pour toi ?

L.

Persia m’a été remise la première semaine du mois de novembre en version un peu accélérée.

L.

C’est un peu particulier. En fait, ils vont me l’étaler un peu pour pas que je loupe deux semaines de cours en bloc. J’irai certainement une semaine dans l’école, mais le reste, ce sera plus petit à petit, à domicile, tu vois, pour passer une semaine dans l’école et j’avoue que pour moi, ce serait plus simple la première semaine de novembre parce que c’est la seule semaine que j’ai de vacances avec la fac et au moins, je suis sûre de pas louper de cours. Et moi aussi, j’ai hâte, vraiment hâte de la découvrir plus et de découvrir plus cette aventure.

L.

On a fait ce qu’on appelle une remise en individuel et en accéléré. En fait la journée, j’allais à Buc pour la remise et je rentrais chez moi tous les soirs parce que j’avais un stage à la Maîtrise, donc du concert pour Carmina Burana, qui était obligatoire. Et si je n’allais pas au stage, je n’avais pas le droit de faire le concert.

E.

OK, donc, en fait, il a fallu concilier les deux. Contrairement à certaines remises ou tu restes sur place jour et nuit à l’école. Là pour le coup t’as fait de la demi-pension.

L.

C’est ça, il fallait concilier les deux.

L.

Bonjour Estelle, c’est Laurianne. Ecoute, j’espère que tu vas bien. On est dans le PAM, Persia et moi, pour aller à l’école pour notre deuxième jour de remise. Alors hier ça s’est très bien passé. Mais bon, c’est très fatiguant, que ce soit pour Persia ou pour moi. En plus, j’ai la Maîtrise le soir jusqu’à 22 heures, donc je suis assez fatiguée. Ça va être une semaine intense et donc on a vu plusieurs obstacles.

L.

E il y a juste l’avant-dernier soir où j’ai dit à la Maîtrise ‘Écoutez, je suis épuisée, c’est pas possible, j’en peux plus, il ne faut pas m’attendre ce soir, quoi’.

L.

Coucou Estelle. Écoute, oui, j’ai Persia avec moi à la maison ce week-end. Elle est sur mon tapis, elle dort comme un loir, elle est crevée et moi aussi. La Maîtrise, ça s’est bien passé, mais c’est vrai que j’étais épuisée, fatiguée. Donc, hier soir, j’y suis pas allée. Je me suis préservée un peu. Et le stage de remise, pour l’instant, ça se passe bien, ça va. Elle commence à bien s’y faire quand même. Elle commence à bien gérer, voilà. Et puis nous toutes les deux, on a un bon feeling quand on marche ensemble. Elle anticipe vachement bien les obstacles. Donc, c’est plutôt cool. Et voilà, la semaine prochaine, j’ai la remise à domicile, donc ça va plutôt se passer sur mes trajets du quotidien, à savoir un trajet de détente, regarder le véto, tout ça, tout ça.

E.

Oui, la remise en journée, c’était pas rien non plus, ce n’est pas un parcours de santé hein, cette histoire de remise ?

L.

Non, pas du tout. Même si en soi, on va sur des trajets que le chien connaît. On va dans des endroits que le chien connaît et que moi je ne connais pas par contre. Par contre, il faut emmagasiner beaucoup de choses. Pour le chien aussi d’ailleurs, c’est pareil, Persia, dès qu’on mangeait le midi, elle était affalée dans son panier. Elle ronflait, elle rêvait.

E.

C’est du travail intellectuel et physique pour toutes les deux en fait, pendant cette remise.

L.

Oui, c’est tout à fait ça. Il y a même des moments où on peut craquer un peu. Parce que, parce que c’est fatigant, parce qu’on a peur, on a l’impression de mal faire. Moi, par exemple, mon plus gros souci, c’est par exemple… Je ne suis pas assez, dans mes reprises, je suis pas assez ferme, je n’ai pas trop un caractère très autoritaire, tout ça. Donc moi, j’ai l’impression que je la reprends, mais en fait, ce n’est pas assez. Elle elle s’en fiche, quoi.

E.

Oui, parce que quand tu parles de ce que vous avez fait en journée, des choses un peu plus concrètes parce que pour toi, du coup tu es passée par là, mais c’est vrai que c’est encore un mot un peu flou, tu vois, pour l’ensemble des gens, la remise, pour tous les gens qui n’y sont pas passés, en dehors des éducateurs qui sont aux côtés, etc., en fait, ces journées-là, vous passez du temps à vous apprivoiser dans le guidage. Parce que du coup, comme on l’a dit, avant tu l’as apprivoisée en tant que chien de compagnie, c’était l’objectif de l’avoir un petit peu en amont, de créer des liens. Et là, vous passez des journées entières, plus ou moins, à marcher, à vous guider du coup en compagnie aussi de l’éducateur. Pas tout seul, bien sûr.

L.

Effectivement, c’est beaucoup de guidage. On va voir tous les obstacles qu’on pourrait rencontrer dans la rue. On va travailler sur la piste de l’école, bien sûr, mais que Persia, elle connaissait déjà. Mais on va rajouter des obstacles en plus. Par exemple, on va lui mettre des contournements là où elle peut pas passer. Du coup, il faut qu’elle me fasse passer sur le côté, comme s’il y avait des travaux sur un trottoir. Après, on va le refaire, mais dans des endroits où il y a un vrai trottoir. En ville, on va mettre un obstacle en plein milieu qui va faire qu’elle va me faire descendre sur la route et me faire remonter sur le trottoir après. On va faire des recherches de sièges. On va faire des recherches de ligne. On va apprendre à prendre l’escalator avec son chien, à voir le métro, le train, le bus. Jusqu’à quand je m’assois dans le métro et que je demande à Persia d’aller à sa place, c’est à dire sous le siège. C’est du travail en fait, pour que je sache comment.

E.

C’est le mode d’emploi. L’idée c’est d’apprendre le fonctionnement mutuel, pour elle d’apprendre comment toi tu fonctionnes avec l’aide de l’éducateur. Et pour toi, de voir comment elle, elle fonctionne avec l’aide de l’éducateur. En fait, l’éducateur, il est un peu le médiateur entre vous parce que lui, il connaît la méthode de guidage qu’il a appris à Persia et il connaît les méthodes qu’il doit t’apprendre en transmission en fait, c’est vraiment ça.

L.

En fait, l’éducateur qui a vu notre remise, ce n’est pas lui qui a éduqué Persia, donc lui non plus ne la connaissait pas forcément parfaitement.

E.

Oui, puis des fois, ça se passe comme ça aussi. Je sais qu’on en avait parlé avec Audrey, qui est éducatrice, justement, de chien guide du côté de Lille et qui elle disait dans l’épisode 31 qu’elle faisait justement des remises de chiens qui n’étaient pas forcément éduqués par elle-même aussi. Ils ont ce fonctionnement parfois en routine aussi dans d’autres écoles parce que c’est un travail, la transmission, c’est encore autre chose que l’apprendre au chien, quoi. Et donc ces journées-là ont été intenses. Toi le soir, en plus tu chantais, même si la miss Persia, elle était à tes pieds pour dormir pendant le Carmina Burana, toi, c’était encore des heures d’éveil, on va dire, ce qui fait que oui, comme tu nous le disais, le dernier soir de répétition finalement, t’es allée te reposer. C’était largement plus raisonnable au final, vu tout ce que tu avais engendré dans la semaine. Et donc après cette remise en express et en individuel… juste le mot ‘individuel’, c’est parce que souvent, les remises se font quand même avec plusieurs binômes maître-chien.

L.

Quatre ou cinq, ça peut se faire avec quatre ou cinq.

E.

Mais c’est ce qu’on voit un petit peu… Si vous suivez l’École des Chiens Guides de Paris, on a l’occasion de voir sur les photos, souvent, il y a un, deux ou trois binômes. Alors avec le Covid, je crois que c’est redescendu. Je crois qu’il y a eu aussi des adaptations dans ce sens-là, mais en effet, c’est plus en petit groupe, normalement, que ça se passe, que en un à un en tout cas dans l’organisation de l’école. Et donc après cette grosse semaine bien dense, qu’est ce qui s’est passé pour toi ?

L.

Depuis, il s’est passé pas mal de choses. Alors, on revoit l’éducateur assez régulièrement, si j’ai des questions, des trajets à revoir parce qu’on a des petits comportements qui peuvent revenir un peu, revoir comment les régler, tout ça.

E.

Oui, parce que tu n’es pas lâchée dans la nature pour les dix prochaines années avec Persia.

L.

Non, non. En tout cas, pour la première année, c’est très suivi. Après, je crois que ça s’espace un peu. En tout cas, pendant un an, c’est avec le même éducateur et après, ça peut changer pour revoir certains trajets aussi. J’ai eu un stage à faire et il fallait voir le trajet, donc on l’a fait la première fois avec l’éducateur.

E.

Tu as eu un stage dans le cadre de tes études, c’est ça ?

L.

Pardon, oui, un stage dans le cadre de mes études dans le XIVe et je ne pouvais pas faire le chemin sans l’avoir fait voir et moi-même vu, fait voir à Persia et moi-même vu. Donc on l’a fait avec l’éducateur, avec un système de friandises sur les rambardes du métro ou des bons escaliers pour qu’elle puisse déjà l’avoir vu, avoir été rassurée, tout ça.

E.

Oui, donc, c’est en cas de nouveaux trajets.

L.

C’est ça, de gros trajets, en tout cas.

E.

Oui, c’est pas le trajet que tu vas faire une fois où tu vas demander à l’éducateur de venir t’aider, c’est plus sur des trajets récurrents et qui vont durer un certain moment que tu vas prendre tout ça en cause. Donc, tu as fait ton stage dans le XIVe, toujours accompagnée de Persia.

L.

Je le fais toujours, c’est une fois par semaine, donc…

E.

OK, oui, c’est pour ça que tu disais que c’était beaucoup plus long sur la durée. Et je crois que vous avez aussi profité un peu des vacances avec Persia, depuis ?

L.

On a fait pas mal de choses avec Persia en l’espace de même pas 6 mois, en fait. Elle est venue à un spectacle de Gad Elmaleh avec moi. Elle a été à ce fameux concert de Carmina Burana. En fait, elle était dans les coulisses de la Seine Musicale. C’était trop drôle.

L.

Coucou Estelle ! J’espère que tu vas bien, mais écoute nous, ça va avec Persia et j’ai eu un super concert dimanche dernier pour les Carmina Burana. C’était génial. C’était hyper émouvant. Il y avait plein de monde. En plus, la Seine Musicale, je sais pas si t’es déjà allée dans l’auditorium, enfin un jour faudra que t’y ailles, mais c’est vraiment, au niveau acoustique et tout, c’est super et tout et c’est vraiment fait pour la musique et c’est vraiment génial. Voilà, en fait, t’as du public tout autour de toi, en fait, devant, derrière. C’est un truc de dingue. Et on avait miss Persia dans les coulisses avec Léa et Steven, qui sont les deux personnes qui s’occupaient des entrées et sorties de la Maîtrise, qu’elle connaissait. Et c’était trop mignon parce que dès qu’on entrait, on sortait, il y avait Persia dans les coulisses. C’était trop chou. Ça s’est super bien passé. Elle a été hyper sage pendant… J’ai eu un peu peur parce qu’elle n’a pas voulu faire ses besoins avant qu’on s’en aille. Après, je lui avais proposé vers 15 heures après le raccord, elle n’avait rien voulu faire non plus. Du coup, je m’étais dit ‘Mon Dieu, j’espère que ça va aller’ parce qu’en plus, c’est la première fois qu’elle fait un concert et tout. Voilà, même pour le directeur de la salle machin et tout, je voulais pas qu’elle fasse pipi dans les coulisses, je ne sais pas quoi. Eh ben non, en fait, au final, elle a été super sage. Elle a dormi. Comme quoi la détente a dû bien la crever.

L.

C’était sympa, dès qu’on sortait il y avait Persia qui nous attendait. Et effectivement, je suis partie en vacances chez mes parents et donc on a pris l’avion ensemble.

E.

C’est rigolo parce que pour le coup, Julie et Alex, sa famille d’accueil, m’avaient parlé du fait qu’ils avaient pris l’avion. Alors c’était pas avec Persia, c’était avec Wiko. Ça a fait un peu écho du coup, quand tu m’as dit ‘oui, je vais prendre l’avion’, etc. Pour rejoindre chez tes parents parce que c’était un peu sa première fois à Persia pour le coup.

L.

On fait plein de choses ensemble, on a pris l’avion, ça s’est bien passé, même si moi je pense qu’elle kiffe pas à donf l’avion, tu sais, je sais pas, elle halète pendant tout le vol. Elle n’a pas l’air très rassurée et en même temps, elle se colle à moi, me demande plein de câlins. Elle est n’a pas l’air hyper hyper rassurée. Mais bon, en tout cas, elle reste quand même, elle jappe pas, elle aboie pas et tout, donc elle se calme. Elle s’auto-calme bien toute seule, donc il faudrait pas faire un vol genre Paris-Tahiti. Je pense que là, ce serait un petit peu trop long pour elle, mais là, ça va.

L.

En fait, on a pris trois fois l’avion en l’espace de quinze jours et le dernier vol, elle s’est quand même couchée alors que les deux autres, elle était restée assise à haleter. Je pense qu’elle a une grosse capacité de contrôle et qu’elle n’est pas à l’aise, mais qu’elle se contrôle bien. Et par contre, c’est vrai qu’elle se colle beaucoup à moi et donc c’est, justement c’est beau, là c’est elle qui a besoin de moi et ce n’est pas moi qui ai besoin d’elle.

E.

Et justement, votre relation, tu disais, par rapport au tout début que tu m’avais envoyé, où tu disais justement, t’es rentrée dans la pièce, elle était plutôt loin de toi. Votre relation, elle s’est complètement développée autrement maintenant ?

L.

Oui, en fait, elle s’est développée très vite du point de vue que j’ai commencé à aller la voir à l’école et à l’avoir à la maison tout ça, et maintenant, elle est beaucoup, beaucoup avec moi. En fait, elle me suis beaucoup partout, en fait.

E.

Même quand tu n’as pas besoin d’elle entre guillemets.

L.

Ah oui, dans la maison, quand je suis au foyer, quand je me lève et que je commence à aller vers une porte, elle commence à se lever, à venir. Mais même au tout début, c’est vrai que j’ai une petite chambre d’étudiante. Donc il est vrai que Persia, elle voit tout ce que je fais. Elle me voit tout le temps dans ma chambre. Elle dort avec moi et j’ai qu’une petite pièce pour les toilettes. J’ai fermé la porte des toilettes une fois et je l’ai sentie renifler sous la porte. Et là, je me suis dit ‘Ah oui, elle est très attachée quand même’. Néanmoins, elle aime les gens qui sont autour de moi et elle aime aller les voir, leur faire la fête. Mes amis du foyer, il y en a avec qui elle adore jouer. Elle me colle partout. Elle est très, on est très fusionnelles, mais elle n’est pas si timide que ça. Elle aime bien aller voir les gens, même quand on mange ou des choses comme ça, quand elle vient, elle s’assoit, elle donne la patte. On sent la séduction, tu vois. Pour moi, ça le fait pas, parce que je la vois pas.

E.

Mais c’est vrai, je te confirme. Je t’ai croisée plusieurs fois avec elle, que ce soit pour aller faire des détentes. Bon là elle est un peu moins focus sur nous. Mais quand il y a des friandises au bout, elle a quand même ce regard. Et puis des fois aussi à la maison, quand tu étais venue, je me souviens, il y avait un, on avait la petite Tinky qui était là aussi. C’était super mignon de voir les… Alors Tinky c’est pas une chienne guide pour le coup, ça faisait vraiment Black and White, Tinky c’est une petite Samoyède, mais elles s’étaient super bien entendues et pour le coup, je me souviens quand tu lui avais dit de faire deux ou trois choses, elle avait un regard complètement… Je pense que tu peux craquer en effet, et il faut tenir parfois. Mais toi, tu n’es pas influencée au final.

L.

Mais je pense que les deux plus beaux cadeaux que j’ai eus au foyer vis-à-vis de Persia, c’est déjà donc Emmanuel, mon ami du foyer, qui a très peur des chiens. Je lui ai dit d’ailleurs ‘Je suis très fière de toi, bravo’ et tout, parce qu’un soir, on était tous les deux à côté pour le temps de parole. Et je ne sais même pas s’il s’en est bien rendu compte et tout, mais je crois que oui, mais Persia était couchée entre nos deux pieds et elle est restée couchée pendant une heure. Et je lui ai dit ‘Tu vois Emmanuel, enfin Manu, parce qu’on l’appelle Manu, tu vois elle est restée couchée à tes pieds, et tu vois, je t’ai trouvé calme et tout, et je te trouve, tu vois, t’es moins angoissé qu’avant et tout. Il me dit ‘Oui c’est vrai, t’as peut-être raison. Non, t’as peut-être raison.’ Alors il a un peu de mal à l’avouer, mais…  Il commence à s’y faire quoi, et puis Persia elle aussi, quand il arrive, elle se lève pas, elle va pas le voir. Ça arrive qu’elle remue la queue. Mais voilà, elle a compris, je pense.

E.

Ouais, ils ont une relation assez platonique qui leur convient bien.

L.

Et une autre amie à moi du foyer qui s’appelle Camille, qui est un peu allergique aux chiens. Pas trop, je crois, mais qui est venue me voir et qui m’a dit ‘Tu sais, au début, c’est vrai, j’en avais un peu rien à faire de Persia. J’en avais… je m’en fichais, quoi. Et en fait, au final, je l’adore. Je l’aime trop. C’est un amour, c’est vrai, elle est toujours joyeuse. Quand on arrive, elle est contente, elle remue la queue, elle est super calme, on l’entend pas’. Ça m’a vraiment fait plaisir ça d’entendre ‘Au début, j’étais pas hyper…, voilà, et puis finalement, j’adore ton chien en fait’. Je trouve ça très, très mignon parce que ça convainc les gens en fait.

E.

Et par rapport à ce que tu dis, il y a des choses, justement, que t’as appris ou que t’as découvert dans cette aventure auprès de Persia, dont tu te doutais pas quand tu as fait ta demande en 2018 ?

L.

Moi, je découvre un peu tous les jours, c’est un peu récent en plus pour moi, mais je trouve que leur mémoire est phénoménale. Je savais qu’elle allait être intelligente, qu’elle allait avoir une bonne mémoire, tout ça. Mais pas autant quand même. Des fois, je suis perdue sur les quais de métro quand je vais en stage parce que je suis un peu fatiguée. C’est elle qui me tire vers le bon quai, elle s’en rappelle. Ou quand on arrive à la maison, quand on arrive dans la rue, c’est très drôle, elle accélère, quasiment elle court parce que je pense qu’elle doit comprendre qu’on arrive à la maison et elle me tape un sprint. Et par contre, et justement, je trouve ça très drôle de voir leur caractère différent… Quand on va sur le chemin de la fac, elle va à deux à l’heure, mais vraiment à deux à l’heure, mais comme si elle n’aimait pas la fac, comme si ça la saoulait.

E.

Oui sachant que, elle, à la fac elle dort.

L.

Ouais, elle est attachée, elle dort. Après, voilà, c’est sûr, c’est peut-être moins cool pour elle. Elle est attachée pendant deux heures, elle dort. Il n’y a rien de spécial.

E.

Et ça doit pas être la même chose quand tu vas au parc ?

L.

Au Bois de Boulogne ou même au foyer déjà, c’est différent, on joue avec elle, on la caresse, voilà.

E.

Donc là, elle court un peu plus.

L.

Ben là, elle est moins lente. Et forcément, c’est le jour où t’as des partiels ou un truc comme ça qu’elle va tout doucement. Et je pensais pas qu’ils avaient des bons caractères comme ça aussi là, bien… Ou comme des fois, tu l’engueules parce qu’elle est a reniflé ou je sais pas quoi, puis elle fait pffff. Elle soupire, tu sais, elle souffle, on dirait une ado. Je la trouve très expressive, en fait. Et je pensais pas, moi qui n’ai jamais vécu avec un chien, on m’a dit que c’était très expressif, mais je n’y croyais pas tant que ça en fait. Effectivement, oui, après, oui, bien sûr, j’apprends des choses. Elle m’étonne par son calme. Elle est toujours tellement tranquille pendant des journées, couchée à un endroit, et complètement folle quand je l’amène au Bois de Boulogne, c’est sûr que c’est…

E.

Oui elle a un mode d’adaptation. Elle s’adapte très, très bien à la situation.

L.

C’est ça, en fait, mais elle est bien adaptée pour tout ce que je fais, en fait, parce qu’elle est assez malléable, en fait.

E.

Vous vous êtes super bien trouvées, en fait.

L.

C’est ça, en tout cas de caractère. Oui, elle aime tout le monde. Elle aime, elle aime tous les chiens. Tous les chiens ne l’aiment pas. Mais je crois qu’elle, elle les aimerait tous.

E.

Est-ce qu’il y a un moment où, justement, tu as été bluffée par Persia et qui reste un souvenir marquant, même si ça fait à peine six mois que vous êtes toutes les deux, que vous vous connaissez, du coup ?

L.

Alors, il y en a deux qui me viennent en tête. Mais oui, c’est vrai, c’est surtout quand moi je suis fatiguée. L’autre jour, je lui ai dit ‘Ecoute, Persia, ramène moi à la maison, je ne sais plus où on est là’ et elle m’a ramenée. Et sinon, je pense que ça a été quand on a fait Carmina Burana. Ils ont sorti toutes les percussions. Alors le gong lui a fait peur une fois, mais pas la deuxième.

E.

ça l’a surpris la première fois. Ce que ce que tu disais, c’est que pendant les répétitions, elle est à tes pieds. Par contre, pendant le jour du spectacle, comme tu nous l’as raconté dans le vocal, pour le coup, elle en coulisses.

L.

Elle était en coulisses, mais les coulisses étaient derrière la scène. Donc elle a tout entendu. Et pendant les répétitions, à la fin, on a répété avec piano et percussions. Donc, la première fois qu’elle a entendu le gong, elle s’est mise à courir au fond de la salle. Et puis la deuxième, nickel, mais même toutes les autres percussions, elle n’a pas eu peur. Et là, franchement, là, ça m’a… Je me suis dit quand même ils sont capables de supporter, d’avoir un calme olympien en toutes circonstances.

E.

Oui, parce que pour s’imaginer, ce n’est pas une histoire de batterie, de caisse claire et de tom basse. C’est plutôt une histoire de timbales, les percussions sur Carmina Burana, l’ayant chanté aussi, c’est pas les petites percussions, c’est pas le petit xylophone.

L.

Non, c’est des percussions d’orchestre. Surtout qu’on était, moi je suis au premier rang parce que je suis toute petite, alors on était juste devant. Et d’ailleurs, les percussionnistes étaient tout gaga de Persia. À la fin, on est allés les voir et tout, ils étaient ébahis de son calme.

E.

Des fois, ils font vraiment, ouais, ils sont, ils s’adaptent à tout. C’est ça qui est fou.

L.

Après elle m’étonne beaucoup avec les petits aussi, avec les bébés, les petits. Elle est super douce, super mignonne. C’est impressionnant.

E.

Et tu parlais des rencontres que Persia pour le coup a fait avec les percussionnistes. Est-ce que toi tu as fait une ou plusieurs rencontres assez exceptionnelles que t’aurais jamais fait en l’absence de Persia ?

L.

En l’absence de Persia ? Je pense que ça fait vraiment, c’est vraiment la première fois que je peux parler, qu’on peut parler du handicap de manière positive avec les gens qu’on rencontre dans la rue parce que le chien donne tout à fait une autre vision des choses.

L.

Non, ça se passe vraiment très, très bien, quoi. Et je trouve que les gens, surtout, en fait, te voient complètement différemment. Je trouve que, du coup, ils sont moins gênés pour te parler. C’est impressionnant. Alors que quand j’avais la canne, ben, ils avaient l’air désemparés et maintenant quand j’ai le chien, même les enfants qui au début plutôt quand j’avais la canne, ils se fixaient plus sur mes yeux qui n’étaient pas très beaux à voir, là maintenant c’est le chien, tu vois. Et c’est dingue, c’est trop dingue. Maintenant dans le métro, je croise des petits enfants qui ont envie de caresser Persia. Du coup, je leur dis qu’ils peuvent caresser la tête quand on est dans le métro et qu’il est en marche, du coup elle travaille pas vraiment, donc voilà. Et en plus c’est impressionnant parce qu’elle adore les enfants. C’est un truc de fou. Elle aime bien les enfants, les petits enfants, les bébés. Les bébés, moi j’ai vu une petite fille de vingt mois à l’aéroport se jeter sur Persia parce qu’elle adorait les chiens. Persia lui a fait des bisous sur le nez. Enfin, c’est trop mignon. Vraiment. En plus elle est douce, c’est pas une brute, quoi. Donc ça va, les petits enfants, elle peut les approcher, quoi, il n’y a pas trop de danger.

L.

Et même, je suis allée présenter Persia aux enfants du catéchisme de ma paroisse. Et en fait, au début, on parle du chien. On parle de comment ça se passe avec un chien guide, je leur explique bien que quand on voit chien guide dans la rue, il ne faut pas le caresser, que si soi-même on a un chien il faut surtout pas que le chien aille dire bonjour ou joue avec. Et on bifurque après sur plein de questions sur le handicap. Et ça permet vraiment d’avoir un outil qui rende, entre guillemets, la vision du handicap, je ne sais pas si le mot positif, c’est un bon mot, mais en tout cas d’une autre façon que de la façon ‘victimiser’, quoi.

E.

Hmm, c’est sûr que du coup, c’est beaucoup plus doux. Tu rentres par la discussion autour du chien, quoi.

L.

C’est ça et puis surtout, les gens et les enfants voient que tu as un chien, donc tu as un chien, tu es responsable puisque tu es responsable de ton chien. Donc tu peux être responsable.

E.

C’est vrai ce que tu dis, oui.

L.

Donc, si on peut être responsable d’un chien, c’est qu’on est déjà une personne, en plus en étant handicapé, on est une personne assez équilibrée et autonome, quoi.

E.

C’est ce que j’allais dire, c’est de l’indépendance et de l’autonomie. Et en plus de la responsabilité d’avoir un chien, quoi.

L.

D’avoir un être vivant, de s’occuper d’un être, d’un autre être vivant, quoi. Après, les rencontres dans le milieu du chien guide, les éducateurs, toi que j’ai pu rencontrer, les gens qui font des détentes, tout ça, oui, c’est sûr qu’on rencontre un autre monde, un monde de chiens d’assistance, des chiens guides, des chiens d’assistance. C’est sympa. J’adore aller partout avec mon chien. Même les hôtesses de l’air dans l’avion. Tout ça, c’est… ah ben moi j’aime bien les chiens, ah ben moi aussi j’en ai un… Houlala ! Le mien est pas aussi sage. Voilà, ça peut engager des conversations, en fait.

E.

Et du coup, ça met un vecteur au milieu…

L.

…qui est très différent de quand on a une canne, qui est très différent. Quand j’avais ma canne, on pouvait me tirer par le bras pour m’éviter quelque chose. C’était d’un bon sentiment, mais ce n’était pas toujours bien fait. Alors qu’avec le chien, on voit que c’est un chien guide, donc on laisse faire parce qu’on sait qu’il ne faut pas déranger.

E.

Je recueille ce genre de témoignages à chaque fois sur la différence entre la canne et le chien vis-à-vis du monde extérieur, en fait. Limite à me dire qu’il faudrait limite plus éduquer sur comment gérer et comment… Tu vois moi c’est vrai que je parle beaucoup de comment se comporter face au binôme maître-chien/chien guide, mais au final, t’es pas forcément, j’ai pas l’impression que c’est le plus dur pour les gens, qui prennent un peu plus de précautions alors que pour le binôme, entre guillemets, canne-déficient visuel, là, pour le coup, il n’y a pas de pitié. Enfin c’est pas qu’il n’y a pas de pitié, comme tu le dis, ça part souvent d’un bon sentiment, mais les gens sont un peu plus handicapés eux-mêmes de savoir comment réagir face à quelqu’un qui a une canne, quoi.

L.

C’est ça. Mais c’est exactement pareil qu’avec un fauteuil roulant, avec quelqu’un qui déplacerait un fauteuil roulant, quoi.

E.

Les gens en présence de l’animal à côté, ils osent, c’est pas qu’ils osent moins, c’est que du coup, les réflexes sont très différents, mais c’est vrai. Je voulais quand même te demander si, dans ces quelques mois passés auprès de Persia, c’est le tout début de l’aventure, tu avais eu un moment plus compliqué que les autres pour contrebalancer le meilleur moment que tu nous raconteras à la toute fin.

L.

Je pense que le jour où elle a sauté sur une grand-mère dans la rue, c’était extrêmement gênant. Mon chien est un chien qui adore les chiens. Et on a croisé une petite grand mère avec son petit chien, petit chien de petite grand-mère, voilà. Et je ne sais pas ce qui s’est passé, soit elle l’a pris dans ses bras ou j’en sais rien, mais Persia a sauté. Elle a sauté. Alors elle n’a pas sauté méchamment, mais c’est juste que je me suis fait entendre que mon chien, oui, c’est un chien guide, mais elle n’est pas obéissante et elle est mal éduquée. Et ça, c’est très dur parce que les gens, alors oui, ce sont des chiens guides, ce sont des chiens d’assistance, c’est des super chiens, mais ça reste quand même des chiens qui peuvent avoir des comportements de chien, parfois.

E.

 ça reste un animal.

L.

ça reste un animal et les gens ne le savent pas forcément. Moi, j’étais très gênée parce que c’est un comportement qu’on essaie de régler avec Persia et des fois, je ne peux pas lutter contre elle. Je ne peux pas… En même temps, les gens restent beaucoup fixés devant elle avec leur chien, donc c’est très difficile à gérer, quoi.

E.

Oui, au lieu de passer un peu leur chemin. C’est ce que tu veux dire. Les gens restent figés, la regarde. Ils sont un peu figés et se demandent un peu comment est-ce qu’ils doivent passer à droite, à gauche ? Est ce qu’ils doivent t’ignorer, est-ce qu’ils doivent changer de trottoir ? C’est vrai que pour le coup, ce serait mieux qu’ils passent leur chemin et que chacun…

L.

C’est ça, tu te bats avec ta laisse, et ton chien… tu dis non Persia, non, devant, devant…

E.

Oui, si toi, tu restes bloquée et qu’en fait ça reste figé, la situation, il y a un moment où il faut qu’elle avance, quoi.

L.

Mais c’est vrai que se faire entendre dire que ton chien adoré, que tu aimes plus que tout, n’est pas obéissant, mal éduqué, mal machin. C’est pas facile, alors que ce n’est pas vrai.

E.

Oui, puis c’est pas un robot, donc il peut y avoir… C’est pas une machine, le chien guide. Bon et pour contrebalancer tout ça, ton meilleur moment avec elle depuis votre rencontre ?

L.

En fait, je trouve que ma vie est meilleure avec elle. C’est pas évident comme question parce que j’ai envie de dire tous les moments avec elle sont précieux, mais je pense que les meilleurs moments avec elle, c’est déjà premièrement les moments de douceur et de gros câlins qu’on peut se faire. Et c’est vraiment de la voir évoluer dans le foyer, de voir tout ce qu’elle nous apporte à tous, en fait. Parce que oui, elle m’apporte à moi. Mais à nous 19, elle est partie déjà en week-end avec nous et tout ça, et même vis-à-vis de mes parents tout ça, c’est de voir que Persia fait partie de la famille, de la famille, ma famille et la famille foyer, et même la famille dans laquelle je suis logée où les garçons, enfin les enfants l’adorent. Et vraiment, je pense que c’est vraiment de la voir évoluer, c’est vraiment mes meilleurs moments, je pense. Au foyer, quand on avait regardé Charlie et la chocolaterie avec quelques-uns sur un grand écran et on avait Persia à nos pieds et c’était super chouette. Voilà moi j’ai trouvé ça très beau. On commence à avoir pas mal de photos de groupe avec elle aussi.

E.

Oui, elle a intégré ta vie sociale aussi que tu avais, familiale, que tu avais avant.

L.

Oui oui, oui, même à la Maîtrise. La voir déambuler entre tout le monde et tout, moi, je trouve ça, je trouve ça trop beau en fait. Je pense qu’elle apporte, parce qu’elle est là, parce qu’il y a un chien, elle apporte à l’entourage qui m’entoure, enfin, au lieu qui m’entoure.

E.

Le bénéfice, il n’est pas que pour toi. Si ce n’est le guidage.

L.

C’est ça. Bien sûr, le bénéfice, c’est le guidage. Elle est là en soutien parce qu’elle me soutient partout dans tout ce que je fais, elle est là tout le temps. Quand je ne vais pas bien, elle le sent, elle vient se coller. Ça aussi, je trouve ça dingue. Je trouve ça beau parce qu’on voit qu’elle sent les gens qui ont besoin d’elle, en fait, qui ont besoin de plus de câlins, plus de… Qu’elle leur saute dessus. Je trouve ça beau.

E.

Oui, oui, vous êtes au tout début de votre aventure, de toute façon. C’est vrai que, on s’est rencontrées, on s’est croisées avant Persia. Tu as vécu ta remise et on en a largement parlé et ces petits vocaux étaient très précieux et je te remercie d’avoir vraiment joué le jeu, bien voulu jouer ce jeu-là de nous plonger avec toi dans ces moments un petit peu de transition en fait entre le ‘avant’ et le ‘après’, avec l’arrivée de Persia. Et puis même avant, avec la rencontre avec Persia aussi. Et puis, on vous souhaite que du meilleur. On va être amenées à se recroiser, on n’est pas loin de toute façon. On va être amenées à se recroiser. Je pense que Persia est pas loin de toi, si on a bien compris. Elle doit être tranquillement…

L.

Exactement. Elle est juste à mes pieds sur son petit tapis. Elle n’a pas bougé depuis tout à l’heure. Je pense qu’ils vont l’écouter, mais je remercie grandement la famille d’accueil de Persia pour ce qu’ils ont fait avec elle, parce qu’ils ont fait le chien qu’elle est maintenant. J’ai hâte de les rencontrer. Voilà.

E.

Ça va bientôt être le moment. C’est rigolo parce que du coup, j’ai l’impression de faire un peu les interviews croisées. Et puis après, de toute façon, l’école gère le reste et votre rencontre, ce n’est pas de mon revers de toute façon, même si je connais les uns d’un côté et toi de l’autre. Mais je pense que ça va être de belles retrouvailles. Je vous le souhaite et je te souhaite vraiment plein de bonnes choses pour l’avenir. T’as plein de projets. Je pense que vous êtes loin d’avoir tout vécu avec Persia et vous allez encore vivre tellement de choses et vraiment que du bon pour la suite.

L.

Ben merci. Et puis toi aussi, de beaux podcasts et de belles, de belles interviews, de belles rencontres.

E.

Et à très bientôt !

L.

A bientôt, Estelle !

L.

Coucou Estelle. Ben écoute, petit message vocal personnel parce que ça fait longtemps que je t’en ai pas fait juste à toi toute seule pour te raconter un petit peu la suite de notre petit chemin à moi et à la Mistinguett là, qui est sur le tapis de ma chambre, sur son petit tapis gris tout doux là, avec la tête posée sur un coussin, parce que sur mon lit, il y a plein de petits coussins et le soir, je les enlève de mon lit pour dormir et un soir, elle s’est rendu compte qu’il y avait un petit tas de coussins par terre et elle a commencé à se faire un nid dans les coussins. Donc, du coup, elle a pris l’habitude de dormir sur des coussins, madame, voilà. Comme je vous l’ai dit à et Letteli et à toi, le jour de Noël, Persia a mangé du foie gras. On avait tous le dos tourné. On avait laissé du foie gras sur la table basse et là, ben, elle lui a fait sa fête. Elle en a mangé trois tranches. Voilà, c’est sa première grosse grosse bêtise, je pense. Voilà, c’est quand même une chipie.

E.

Et voilà, c’est la fin de cet épisode. Merci à vous de l’avoir écouté en espérant qu’il vous aura plu. Merci aussi à Laurianne d’avoir accepté mon invitation et joué le jeu de me partager son quotidien pendant quelques mois. J’espère que cette immersion vous aura permis de saisir tout l’enjeu de ces moments de remise dans la création des binômes maître-chien. Pour compléter votre écoute, vous pouvez retrouver sur futurchienguide.fr des photos de Laurianne et Persia et très bientôt la transcription intégrale de cet épisode. Pour m’envoyer vos retours, écrivez-moi sur Instagram ou Facebook, j’adore échanger sur vos ressentis suite à l’écoute. Alors, à bientôt pour un prochain épisode sur l’univers méconnu des chiens guides d’aveugles.

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