De manière assez inédite, voici Laetitia, qui est accompagnée d’aucun chien guide en fait !

Ça fait longtemps que je voulais justement parler du choix d’avoir ou non un chien guide, sans jugement pour autant, afin d’échanger sur le fait que ce n’est pas automatique et que c’est vraiment une question de volonté ou non d’en demander un. Aveugle de naissance, Laetitia a très jeune eu tous les codes du déplacement à la canne blanche, même si elle n’a jamais vraiment apprécié ça. Ses études supérieures l’ont amenées à évoluer dans différentes villes, et même à l’étranger, avant de la conduire finalement chez Radio France où elle est aujourd’hui journaliste sportive. Mais pourquoi n’a-t-elle jamais demandé un chien guide ? Et quelles sont les raisons qui peuvent exister derrière un tel choix ?

De sa jeunesse à son arrivée à Paris, Laetitia retrace pour nous son parcours et en parallèle ses réflexions sur une éventuelle demande de chien guide. Elle revient sur leurs qualités exceptionnelles qu’elle a découvert en côtoyant des amis accompagnés par un chien guide, mais aussi sur les raisons pour lesquelles elle ne souhaite pas en avoir un aujourd’hui.

Retrouvez la transcription intégrale en fin de page.  

La transcription intégrale

 

E.

Bonjour et bienvenue sur le podcast futur chien guide, le seul podcast sur l’univers des chiens guides d’aveugles soutenu depuis cette année par la FFAC et l’ANM Chiens Guides. Je m’appelle Estelle. Je suis passionnée par les chiens guides d’aveugles et bénévoles pour cette cause à Paris. Je suis d’ailleurs persuadée que l’univers des chiens guides d’aveugles mérite d’être mieux connu. En tant qu’amoureux des chiens, futurs bénéficiaires ou autres curieux comme moi, vous croisez parfois des chiens guides d’aveugles et leurs maîtres en vous demandant : « Mais comment font-ils pour se déplacer dans nos rues toujours plus agitées ? ». Ce podcast est le seul qui vous propose, au fil de rencontres enrichissantes, de décrypter l’univers des chiens guides d’aveugles pour comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi de découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, ou encore comment agir quand vous croisez un tel binôme ? De manière assez inédite, je vous présente aujourd’hui Laetitia, qui n’est accompagnée d’aucun chien guide en fait. Ça fait longtemps que je voulais justement vous parler du choix d’avoir ou non un chien guide sans jugement pour autant, afin d’échanger sur le fait que ce n’est pas automatique et que c’est vraiment une question de volonté ou non d’en demander.

E.

Aveugle de naissance, Laetitia a très jeune eu tous les codes du déplacement à la canne blanche, même si elle n’a jamais vraiment apprécié ça. Les études supérieures l’ont amenée à évoluer dans différentes villes et même à l’étranger, avant de la conduire finalement chez Radio France. Mais pourquoi n’a t elle jamais demandé un chien guide ? Et quelles sont les raisons qui peuvent exister derrière un tel choix ? De sa jeunesse à son arrivée à Paris, Laetitia retrace pour nous son parcours et, en parallèle, ses réflexions sur une éventuelle demande de chien guide. Elle revient sur leurs qualités exceptionnelles qu’elle a découvertes en côtoyant des amis accompagnés par un chien guide, mais aussi sur les raisons pour lesquelles elle ne souhaite pas en avoir un aujourd’hui. Et maintenant, place à l’épisode.

E.

Bonjour Laetitia.

L.

Bonjour.

E.

Merci en tout cas d’avoir accepté tout de suite mon invitation malgré ton emploi du temps bien chargé, on va le voir. On a réussi à se caler une petite heure pour enregistrer. Est-ce que pour commencer, tu pourrais te présenter rapidement ?

L.

Oui, alors je m’appelle Laetitia Bernard, j’ai 39 ans, je suis aveugle de naissance, je suis journaliste à Radio France et j’aime beaucoup le sport. Je fais pas mal d’équitation et puis un peu de tandem et de course à pied.

E.

Dans ton quotidien, ça se passe aussi derrière un micro, pas le même que le mien aujourd’hui. Tu es journaliste sportif, donc tu interviens en tant que chroniqueuse à France Inter ?

L.

Je suis journaliste à la base et je suis à la direction des sports de Radio France. Cette saison, j’assure notamment les journaux des sports du week-end le samedi et le dimanche matin sur France Inter et sur France Info.

E.

OK, donc ça donne un rythme un peu différent.

L.

Un rythme décalé, oui.

E.

Vu que tu travailles plutôt en week-end.

L.

Je travaille essentiellement le week-end et je pars vers 4 h ou 5 h du matin.

E.

Et du coup, c’est un peu particulier aujourd’hui, ça fait longtemps que je pensais à faire ce genre d’interview et j’avais déjà pensé à toi parce qu’on échange depuis quelques temps. Puisque, on va le dire tout de suite, tu n’as pas de chien guide.

L.

Oui, moi j’ai pas de chien.

E.

Alors que ce podcast est un podcast sur les chiens guides d’aveugles. Mais aujourd’hui, justement, je voulais creuser un petit peu la question de ce choix d’avoir ou de ne pas avoir de chien guide. Est-ce qu’on peut essayer de rembobiner un peu le fil de ton histoire à partir de ton enfance peut-être, tu es aveugle de naissance. Comment ça s’est passé pour toi, assez jeune ?

L.

Assez jeune. Donc mes parents ont su que j’y voyais pas, en gros, ils ont commencé à faire les premiers examens médicaux j’avais trois, quatre mois, vraiment toute petite, ils savaient que j’y voyais pas, donc qu’il allait falloir adapter la scolarité. J’ai innové un peu. J’étais scolarisée. En fait, le centre spécialisé n’était pas très loin de l’école, entre guillemets, des valides. Au début, je faisais le matin avec les valides et l’après-midi à l’école pour les enfants malvoyants, non-voyants. Après, je suis passée en intégration à partir du CM1, mais épaulée par un service adapté, bien évidemment. Et puis voilà, j’ai suivi ma scolarité, j’ai passé mon bac et après j’ai fait mes études et ainsi de suite.

E.

D’accord, donc en fait, tu as fait une sorte de mi-temps entre l’école adaptée, on va dire.

L.

Au début, jusqu’à mes neuf ans, j’étais… C’est ça, je faisais du mi-temps. Et puis après, j’ai quasiment fait toute ma scolarité chez les valides. Je dis les valides parce qu’il faut bien employer un mot. Mais par contre, j’avais de l’aide, j’avais des transcriptions en braille, j’avais des instits spécialisés qui venaient une demi-journée ou deux par semaine. Il y avait des synergies entre les deux structures.

E.

Oui, oui, il y avait des liens, c’était pas juste une structure plus une, c’était… Il y avait vraiment des liens entre les deux.

L.

Oui, ils fonctionnaient ensemble.

E.

Tu as appris le braille assez jeune, j’imagine ?

L.

Ah oui, moi j’ai appris le braille en même temps que tout le monde apprenait à écrire, on dit en noir, dans le jargon, mais en CP quoi, fin de maternelle, le CP, comme tout le monde, et moi, j’apprenais le braille. Les copains-copines apprenaient le noir, enfin l’écriture avec les traits, le stylo, et même on s’échangeait un peu, enfin moi je leur montrais comment marchait le braille, les filles, elles, me montraient comment on faisait… moi je connais l’alphabet capitale comme ça, parce que les copines m’ont montré quand j’avais six ou sept ans.

E.

OK, je ne savais pas qu’on disait ‘en noir’, tu vois.

L.

Oui, on dit en noir, mais je ne sais pas pourquoi. Mais oui, entre non-voyants, on va dire en noir pour parler de l’écriture des voyants.

E.

Oui, tu vois j’aurai encore appris quelque chose. Tu te guidais à la canne à cette époque-là. Comment ça s’est passé pour toi dans le déplacement ?

L.

Oui, moi j’ai été formée à la canne toute petite, dès trois-quatre ans. Déjà on avait psychomot, enfin psychomotricité, donc on t’apprenait à marcher dans un couloir avec… D’abord, ils t’apprennent à avoir les mains devant, les mains devant le front, la technique de la couronne pour se protéger des obstacles. Après, je me souviens plus. Je me souviens de jouets en mousse, je sais plus ce qu’on faisait exactement comme exercice, mais t’as de la motricité, et à partir de, je dirais cinq ans, on m’a mis une canne dans la main, donc à ma taille, une canne enfant, et on m’apprenait le balayage, la coordination, pied gauche – avance – canne à droite, etc. Donc moi j’étais formée à la canne très petite. Après on t’apprend, alors l’école spécialisée, il y avait un grand parc, donc on t’apprend à longer une allée avec la canne, à repérer les obstacles, après on te met dans la rue et ainsi de suite et ainsi de suite. Donc moi, j’ai vraiment été formée aux bases de la loco, la locomotion, et de la canne dès l’enfance, de manière presque lourde parfois. Parce que ça, ça peut être un peu stressant, petit, de se retrouver dans les rues avec plein de voitures et on est un peu petit, se sentir un peu paumé en sachant que ça fait des cours en plus, en plus de l’école, en plus de l’apprentissage du braille et tout et tout.

E.

C’est un cours en plus, mais pas un loisir pour autant. C’est là la différence.

L.

Loin s’en faut. Non ça me saoulait la canne. Franchement, maintenant je suis trop heureuse d’avoir ces bases, mais alors sur le moment, je n’aimais pas ça.

E.

Ça fait partie des choses dans notre enfance, des fois… et après on se dit qu’on est très content de s’y être forcé. Donc tu as été hyper autonome dans ton déplacement ?

L.

Et pas tant que ça. En fait, moi, la chance que surtout j’ai eu, c’est que j’avais plein de copains-copines et donc je me déplaçais souvent en groupe. Donc en fait, j’étais pas si autonome que ça si j’y réfléchis. Par exemple, si j’avais envie d’aller toute seule acheter des bonbons, enfin, j’avais quoi ? Même si j’étais, oui, douze-treize ans, je prenais sur moi. Je me mettais un coup de pied aux fesses en disant ‘Allez, vas-y, prends ta canne’. Je n’étais pas à l’aise quand même. Je n’aimais pas ça, ça me stressait. Je savais le faire, en fait j’avais la boîte à outils, mais ça me stressait beaucoup. Mais je n’étais pas hyper autonome. Même quand je prenais le bus pour aller rejoindre les copines en ville, on se retrouvait à plusieurs.

E.

C’est ce que me disait un peu Bérénice qui maintenant est au lycée et qui a eu un chien guide. Du coup, à la fin du collège, Bérénice, dans l’épisode 28, elle me disait que ça lui a permis justement de sortir seule, c’est à dire sans les copines, c’est-à-dire de ne pas se donner rendez-vous devant chez elle pour aller au collège, etc. parce que la canne, en effet, n’était pas sécurisante pour elle en tant que telle.

L.

Ouais, ouais, ouais, c’est vrai, c’est vrai. Je comprends.

E.

Donc. En général, oui, il y a plein de copains-copines et heureusement, ça permet de socialiser, de fluidifier un peu cette différence, on va dire, quand on est jeune.

L.

Puis j’avais mes parents qui m’accompagnaient aussi, mes parents ils me déposaient, enfin voilà, mes parents étaient très présents aussi.

E.

Mais ça, j’en parlais aussi avec Anaïs qui a aussi eu un chien guide assez jeune à l’âge de douze ans. Mais Anaïs, dans l’épisode 35, elle m’a raconté qu’en effet, si les parents ne sont pas là, c’est bien un projet d’investissement de la famille pour accompagner l’autonomie. Oui, toi tu as poursuivi des études dans le cursus classique, on peut dire du coup, après ton bac, comment ça s’est passé pour toi ?

L.

Après, j’ai eu le concours de Sciences Po Strasbourg, donc je suis partie. Et là, j’ai eu la chance que mes parents puissent m’épauler la première année, me suivre la première année parce que c’était trop galère. Mais ce n’est pas forcément le déplacement le plus dur pour le coup, c’était d’autres dimensions, enfin ça faisait un tout, remarque. Mais au niveau de la canne, en fait, je me suis débloquée parce que j’ai commencé à avoir des stages d’été au Mouv’, qui était la radio jeunes de Radio France. J’étais en coloc chez ma meilleure amie dans Toulouse, à l’époque on était sur Toulouse, et donc là, clairement, je me dis faut que je sache aller avec ma canne le matin, sur mes lieux de stage, que je sache rentrer chez moi et tout ça. Je me rappelle, j’avais rappelé ma prof de loco de quand j’étais plus petite et du coup, ça a été vite réglé parce que comme j’avais des bases, en une ou deux demi-journées, tac tac elle m’a remis un peu en confiance et là, j’ai commencé vraiment… là oui, j’étais plus autonome dans mes déplacements, même si j’aime pas les déplacements en canne, j’aime pas ça. Mais je les fais.

E.

Et du coup, la question du chien guide, est-ce qu’elle t’a traversé l’esprit ou pas du tout ?

L.

Euh, alors pour moi, en tout cas, avant mes 18-20 ans, c’était interdit, enfin pour moi on ne pouvait pas avoir de chien guide quand on était mineur, je pense que c’est ce qu’on nous avait dit. Parce que oui, oui, on a dû se renseigner, c’est sûr. Et puis après ? Bah mes parents ils aiment pas particulièrement les chiens, enfin les animaux tout ça. Ils n’aiment pas, ni dans un sens ni dans l’autre, mais on n’avait pas d’animaux comme ça, enfin, de chien à la maison.

E.

Il n’y avait pas d’attirance particulière.

L.

Ça n’a jamais été quelque chose ou ils me disaient ‘ce serait bien que t’aies un chien’ ou… Et même, c’est marrant, dans ma famille, il n’y avait pas trop cette réflexion-là. Enfin elle y était mais de loin. Et puis en fait, après, ben, quand j’ai commencé à faire mes études, je voyais le truc, j’étais toute la journée dans un amphi. Je pouvais bouger de ville. Quand je suis partie en Erasmus à Berlin et tout, je me disais mais en fait, prendre un chien, je voyais plus ça comme un truc compliqué que comme une aide. Je n’avais pas bien la dimension alors que maintenant je la comprends. Mais plus jeune, je voyais vraiment ça comme quelque chose d’extrêmement compliqué, finalement, qui allait me rajouter…

E.

Une contrainte ?

L.

Oui. Des tâches, des choses à faire alors que déjà j’avais un emploi du temps. Voilà, j’essayais de me débrouiller, mais… et puis aussi, il y avait quand même, j’étais dans un petit appart, souvent soit en résidence universitaire, soit tout ça, donc toute la journée en amphi, le soir, soit manger chez les copains- copines ou aller boire des verres. Enfin, je voyais pas un chien s’insérer là-dedans, je n’avais pas de jardin. Je me disais ça peut pas être cool pour le chien et moi ça va me peser et ça va pas matcher.

E.

Et puis cette question d’avant 18 ans ou pas, c’est vrai que pour le coup, la Fondation Frédéric Gaillanne, elle a commencé à être en réflexion au début des années 2000. Mais c’est vraiment, ça s’est vraiment posé fin des années 2000 et pour le coup, tu étais déjà plus grande. C’est rigolo de voir comment tu percevais ça et je pense que tu n’es pas la seule et c’est hyper intéressant d’en parler aussi, de voir, et puis moi je le vois en tant que famille relais, en tant que bénévole, les premières questions que me posent les gens quand ils abordent le fait que j’ai un chien à mes côtés, un élève chien guide, ils me disent oh mais tu dois avoir une maison, tu dois… enfin dans le sens, vu que tu as un chien, tu as aussi 100 mètres carrés, un jardin et tout. Je leur réponds rapidement que moi, non, et que les déficients visuels sont pas plus riches que les autres malheureusement. Mais c’est vrai que les gens se posent la question parce qu’on imagine souvent un chien, sans parler d’un chien guide, mais un chien, de manière générale, dans un univers plutôt, on va dire, verdoyant et grand et nature, quoi.

L.

Ouais, ouais, ouais.

E.

Mais je comprends du coup…

L.

Qu’ils puissent se dégourdir les pattes. Et moi, franchement, j’étais toute la journée en cours ou assise à mon bureau à réviser. J’étais là ‘mais le pauvre chien, il va s’ennuyer’, quoi.

E.

C’est la vision des choses que tu avais. Il n’y a pas de souci. Mais c’est intéressant de la partager parce qu’en effet, ce que je te confiais avant d’enregistrer, c’est qu’on a souvent l’habitude, et moi encore plus en tant que bénévole au sein du mouvement et passionnée et investie, de se dire ‘c’est la solution pour tout le monde’ et en fait, en en discutant, ben voilà. Il faut aussi accepter que tout le monde ne choisit pas… tous les déficients visuels ne veulent pas un chien guide et puis c’est comme ça quoi. Mais donc toi, à cette époque-là, ce n’était pas forcément quelque chose qui t’était venue un peu dans l’esprit, parce que ça ne correspondait pas à ton mode de vie.

L.

À mon mode de vie ou à ce que… enfin je sais pas, ça ne me parlait pas. Et puis voilà, je n’avais pas envie de me lancer là-dedans.

E.

Et donc, après ces quelques années à Toulouse, puisque aujourd’hui tu es sur Paris, comment s’est passée la transition ?

L.

Oh mais en fait, j’ai fait plusieurs étapes. J’étais sur Toulouse. Ensuite je suis partie sur Sciences Po Strasbourg, ensuite je suis partie un an à Berlin, je suis revenue à Strasbourg pour mes études et ensuite, effectivement, j’ai atterri à Paris à l’école de journalisme. Et en fait, une fois que je suis arrivée à Paris, finalement, c’était presque plus, entre guillemets, confortable au niveau notamment des déplacements, parce que Paris a tout le réseau de transports en commun. J’étais plus à l’aise. Et puis j’avais eu le baptême du feu avec Strasbourg, avec les changements de ville. La transition s’est passée comme elle a pu. Mais voilà donc j’étais toujours en canne et je suis toujours en canne.

E.

Et par rapport à ce que tu ressentais quand tu étais jeune, la difficulté d’avoir la canne, éventuellement du regard des autres, je ne sais pas, c’est ce que me disent parfois les invités.

L.

Non, moi le regard des autres par rapport à la canne, ce n’est pas… enfin de toute façon le regard des autres par rapport au fait qu’on n’y voit pas, il est déjà… c’est compliqué. Donc canne ou pas canne ? Mais moi la canne, le truc c’est que c’est pas ultra fiable, c’est fiable, mais ça demande une concentration et une vigilance quand on se déplace qui est épuisante, qui tire du jus, qui tire de l’énergie parce qu’on est obligé d’être hyper attentif, on est obligé d’écouter tout ce qui se passe autour. Il y a des obstacles de partout, des poubelles, des machins. Trouver le passage piéton, c’est complexe. Clairement, un chien guide, c’est une aide exceptionnelle. C’est génial d’un point de vue pratique sur les déplacements, ça j’en suis parfaitement consciente. Mais après, la canne, si on est à la cool, si on n’est pas trop pressé ou si on anticipe, voilà, ça peut le faire, ça marche aussi.

E.

Et dans ta vie, il me semble que tu nous as parlé beaucoup du sport.

L.

Je continue à monter à cheval d’ailleurs, mais je montais beaucoup à cheval.

E.

Je crois que j’en avais discuté avec Laurence de l’épisode 33. Tu partages aussi le sport, le tandem, des choses comme ça ?

L.

C’est-à-dire que je suis même une cavalière qui ne voit pas ou une cycliste qui ne voit pas.

E.

Comment tu as commencé tous ces sports, est-ce que c’est quelque chose que tu as commencé jeune ?

L.

Oui. L’équitation, mais c’était un peu par hasard. On avait eu une initiation à l’école quand j’étais petite, et j’avais bien aimé, j’avais gardé ça dans un coin de tête et quelques années après, je suis retournée au club où on avait eu cette initiation et j’ai vraiment eu la chance de tomber sur une monitrice qui m’a considérée comme une cavalière à part entière et qui a adapté sa pédagogie pour me faire vraiment profiter de sa passion, pour me transmettre. Et le tandem… Là pour le coup, c’était avec une amie. J’étais en vacances dans les Landes et à un moment, elle me dit ‘Tiens, on pourrait aller à la mer’. D’habitude on y va à vélo, mais là vu que t’es là on va prendre un tandem. Et comme la fille était vraiment sportive, pour le coup, elle était ceinture noire de judo, elle dit ‘ben je pilote’. On avait quoi, 17-18 ans. Et c’est comme ça que j’ai fait mes premiers kilomètres en tandem dans la forêt landaise.

E.

Et ça t’a plu ?

L.

Oui, carrément. J’avais arrêté pendant quelques années, mais dès qu’on pouvait on se faisait des périples le long du canal du Midi. Voilà, et puis après la vie a fait qu’à un moment j’ai plus du tout eu l’occasion. J’étais tout le temps en ville, avec le boulot, les études, ça n’était plus trop possible. Et puis là, depuis quelques années, j’ai eu une autre opportunité et je m’y suis remise.

E.

C’est chouette. C’est Romain aussi que j’ai eu dans l’épisode 26, c’est lui, c’est son objectif en tout cas de devenir un grand sportif et athlète pour le coup, en tandem, Romain Fantasino.

L.

Ah non alors je ne pense pas à lui. Je confonds.

E.

D’accord. Un jeune qui a du coup un chien guide et que j’ai interviewé dans l’épisode 26 et qui nous racontait un petit peu sa découverte en tant que déficient visuel. C’est devenu une passion, vraiment. Il fait aussi du vélo dans son salon, mais en toute sécurité. Ça fonctionne très bien.

L.

On est obligés !

E.

Sur toutes ces étapes, là où tu fais encore de l’équitation d’ailleurs, ce n’est pas quelque chose que tu as arrêté du tout. Tu pratiques dans la région parisienne d’ailleurs, comment ça se passe ?

L.

Oui. Pas très loin de Paris, c’est quand même… en fait, quand je vais monter, faut prendre la demi-journée quoi, mais c’est chouette. Et j’arrive à le faire une fois par semaine.

E.

Avec, comme tu disais, la monitrice qui avait juste adapté ses pratiques pédagogiques. Là, c’est pareil.

L.

C’est plus la même.

E.

Bien sûr, j’imagine qu’elle a changé.

L.

Oui, oui, c’est ça, moi je suis dans un club qui s’appelle Les écuries du O-TAKEY, qui porte bien son nom, et ils sont trop cool. Ce que j’aime bien c’est qu’ils… bon il y a la chef, bien sûr, Véro, qui est maintenant une amie en plus, qui a accepté de me prendre, quoi, quand j’ai débarqué, voilà, et ce qui est sympa, c’est que tous les autres moniteurs, si elle elle est pas là ou quoi, ils me font monter aussi. Il n’y a pas de soucis.

E.

Tu peux y aller un petit peu plus facilement que s’il n’y avait qu’une seule personne référente, quoi.

L.

Ouais, vraiment, on s’entend bien.

E.

Et donc tu combines tout ça entre donc France-Inter le week-end, on va dire, et équitation la semaine. Je ne sais pas comment tu t’organises dans ta semaine ?

L.

Non, non, non. Globalement, je suis à la radio du jeudi au dimanche. ça me laisse quand même trois jours, ce qui est cool, pour mes activités perso, donc le sport ou quoi, mais je bosse pas mal, j’ai des documentaires, ‘A vous de voir’ pour France 5, j’ai pas mal d’engagements maintenant, un peu au niveau, au niveau associatif, je suis la marraine d’une association qui fait la promotion du sport face à son cancer du sein, enfin des activités de plein air. Ça me prend quand même pas mal de temps.

E.

Et quand tu dis que tu y es du jeudi au dimanche, est-ce que tu peux nous expliquer comment tu prépare tes chroniques un peu, parce que c’est rigolo, j’ai dit à ma maman que je t’interviewais. Elle me dit ‘Ah, mais je connais ce prénom, je connais ce nom’. Je lui ai confié ton bouquin dont on parlera plus tard. Elle l’a lu, elle m’a dit ‘Ah, mais je ne savais pas qu’elle était déficiente visuelle’ et que du coup, de fait, je pouvais t’avoir à mon micro. Parce qu’en fait, c’est ce que tu dis souvent, j’imagine, c’est que les gens ne savent pas forcément et au final, ça ne change pas grand chose.

L.

Ben en fait, finalement, au début, je trouvais vraiment que c’était mieux que ça ne se sache pas, enfin que de toute façon ça n’avait pas à se savoir. J’aime bien prendre l’exemple : si vous demandez à un boulanger de faire du pain, le but, c’est de manger du pain. S’il vous dit ‘Oui, mais comme je vois pas bien la balance, j’ai mis trop de sel, parce que je suis aveugle’. On s’en fiche. Le but c’est qu’il y ait du pain. Et donc moi, quand je fais mon journal des sports, le but c’est qu’il y ait des infos qui sont liées à l’actualité sportive. Point. Mais d’un autre côté, finalement, en grandissant, j’ai pris conscience aussi que c’était pas… il fallait peut-être que ça se sache un peu, que ça pouvait être utile parce que ça ouvre des champs des possibles. Et ça met sur des réflexions qui ne sont pas forcément encore envisagées de la part, entre guillemets, du grand public, sur le handicap visuel, sur le fait que les personnes handicapées visuelles sont sur la même planète, peuvent avoir une dimension sociale, peuvent avoir un emploi, peuvent avoir envie de travailler, peuvent partager des mêmes passions avec tout le monde. Mais c’est là où finalement le fait de témoigner peut se révéler quand même finalement utile.

E.

Oui donc tout ce que tu veux dire, c’est qu’au fur et à mesure de ta maturité, je pense qu’on peut dire ça comme ça, ton expérience, c’est quelque chose que tu as moins caché. Enfin, tu as plus dit, on va dire, parce que tu le cachait pas forcement ?

L.

Je ne l’ai jamais caché. Je ne voulais pas par exemple en parler après un journal des sports. Ça, je n’aimais pas quand un journaliste, enfin quand un de mes collègues disait ‘il faut quand même qu’on vous dise, elle n’y voit pas’, là, ce n’était pas le sujet. En revanche, un jour, se dire on se prend cinq minutes pour expliquer comment tu travailles aux auditeurs, là oui il n’y avait pas de problème. Et maintenant, c’est vrai que je fais pas mal de publications sur les réseaux sociaux, à la radio pour qu’on voie l’appareil que j’utilise, pour qu’on voie comment c’est possible concrètement, qu’est-ce que ça implique. Comment ça se passe pour de vrai, quoi.

E.

Mais c’est sûr que moi, je sais que j’ai beaucoup fait cet exercice-là avec Anaïs dont je t’ai parlé, qui avait eu un chien guide assez jeune, avec qui j’ai fait un épisode il y a quelques mois dans l’épisode 35, puisque je l’ai eue en stage en fait, puisqu’elle elle veut devenir éleveuse de chèvres. Ça me fait aussi penser à ce que tu disais sur la partie boulanger parce qu’elle est assez consciente que ce sera compliqué d’être éleveuse de chèvres individuelle et surtout sur la partie élevage. Mais par contre, pour faire du fromage. Oui, en effet, pour être productrice fermière sur un élevage de chèvres, ça marche tout à fait. C’est très sensoriel, donc on n’a pas forcément besoin de voir tout et on peut s’adapter. Et ce que tu disais aussi par rapport au fait de montrer les outils que tu utilises. J’ai énormément parlé de ça les quinze jours où Anaïs était avec moi et j’ai tellement appris parce que bon, plage braille et plein de choses ou tu te dis en tant que voyant, enfin on a parlé de tout, hein. Et du coup, c’était impressionnant de voir comment on peut s’adapter, comment on peut travailler.

L.

En fait, vraiment, ce qui est important, c’est au lieu de se dire ‘c’est pas possible’, c’est ‘comment c’est possible’ ou ‘comment ça pourrait être possible’ ? Ou comment on pourrait améliorer pour que ça devienne possible ? Ou qu’est-ce qu’on pourrait imaginer pour que, au moins il y a une partie de possible, pour qu’on puisse avoir la sensation, l’appréhension de la situation, avoir une partie en tous les cas, un morceau, quoi, si ce n’est pas possible, d’avoir l’idée.

E.

Et puis, tu vois, c’est vrai que moi je me rends compte en échangeant avec vous aussi, parce qu’on échange un peu du support technique, un peu d’échanger en vrai pour enregistrer. Et parfois il y en a certains qui disent ‘Non mais moi en fait j’ai pas d’ordinateur, j’ai une plage braille, c’est tout. Parce qu’en fait j’ai pas besoin…’

L.

Un bloc-notes braille.

E.

Un bloc-notes braille. Je sais plus comment tu l’appelles ?

L.

Oui, oui, mais je vois parce que ça, ça là-dessus moi, je dis toujours aux gamins, enfin aux jeunes qui me demandent des conseils, de se former à l’informatique avec des ordinateurs qu’utilise tout le monde vraiment pour que si eux ils ont un souci ou pour qu’ils parlent le même langage avec les voyants, ça, moi je suis vraiment pour le côté ‘on utilise le plus possible les outils des autres’ et c’est les outils des autres qui doivent, dans l’idéal, être accessibles de manière native aux personnes qui ne voient pas. Je pense notamment au téléphone mobile. Je vais pas donner la marque, mais voilà, c’est dans ce sens-là que ça va. Le système D, c’est sympa. Trouver des palliatifs, trouver des compensations, c’est sympa. Mais si le global, le sociétal, la société pense son fonctionnement pour tous, ça va mieux marcher. Ça va être plus pratique pour tout le monde, enfin pour nous surtout sur le coup.

E.

Ce que tu dis, ça peut s’appliquer autant aux outils informatiques qu’aux déplacements. Je pense à ta remarque que t’avais faite dans le livre sur le fait que les noms n’étaient pas forcément tous oralisés dans le métro. Ce genre de choses comme ça ou en fait ça permet de s’adapter à tous et de penser à tous, quoi.

L.

Ouais ouais, c’est ça.

E.

Mais bon, encore dimanche, j’étais en détente avec Lauriane et sa chienne et c’est vrai que je lui ai indiqué le trajet parce qu’elle n’a pas forcément travaillé ce trajet-là. Mais pour le coup, et ça m’a fait penser, parce que c’était juste le jour de la Journée mondiale des Mobilités et de l’Accessibilité, il y a certains trottoirs ou t’as pas la bande podo parce qu’ils viennent de refaire le trottoir ou de remettre un bout de goudron et ils n’ont pas pensé à ça. Et c’est vrai qu’il y a toujours un mini doute. Alors la chienne, elle ne doute pas. Mais du coup, Lauriane n’a pas…

L.

C’est là vraiment que tu vois la différence quand t’as un chien ou quand t’en a pas, c’est que si t’es en canne, tu peux pas savoir où est le passage. Si t’as le chien, il te repère les lignes. Et ça, c’est quand même exceptionnel comme aide. Un truc… J’étais épatée quand j’ai découvert que les chiens guides faisaient ça.

E.

Eh bien oui on leur apprend à ces petits chouchous. Après, ça fait partie des étapes. Il faut bien avoir la finalité en tant que famille d’accueil, parce que sinon, on peut ne pas la comprendre, de faire asseoir le chien à chaque passage piéton. Mais on fait ça dès petits quand ils ont trois-quatre mois.

L.

C’est génial ! Et ouais…

E.

J’avoue que, tu vois, je suis rentrée de la détente, j’ai raccompagné Laurianne, c’était toujours Persia qui guidait, mais je les laisse pas en plein milieu d’une ville qu’elles ne connaissent pas ou d’un trajet qu’elles ne connaissent pas. Et derrière, j’ai été ravie, mais comme je le suis quand je rends mes chiens, de traverser en plein milieu de la route. Parce que ça fait partie aussi des petites contraintes de prendre toujours les passages piétons pour justement bien habituer les élèves chiens guides à ne pas passer ailleurs parce qu’il y a plus de repères ailleurs pour leur maître plus tard.

L.

Franchement, je comprends que ça soit contraignant, mais là pour le coup, c’est une telle aide derrière.

E.

Ouais et quand il y a pas de bandes podotactiles, ces bandes avec des petits clous là pour ceux qui ne voient pas forcément, qui t’indiquent vraiment sous les pieds que t’es face à un passage piéton qui n’est pas forcément toujours perpendiculaire en plus à la chaussée. Mais bon, ça c’est encore autre chose.

L.

Tout à fait.

E.

C’est vrai qu’en termes d’accessibilité, ça pourrait encore s’améliorer. Mais bon, je retiens en tout cas ta remarque sur le fait que c’est intéressant que ce soit les outils de tout le monde qui s’adaptent et non pas d’avoir des outils spécifiques. Si ce n’est que t’as besoin d’un outil intermédiaire si tu as un ordinateur, je l’ai bien vu avec Anaïs.

L.

Oui, bien sûr. Une compensation, je dis ça, mais une compensation. Mais en fait, finalement, plus on va être sur quelque chose de standard, plus ça va marcher facilement. Il y aura pas… Ah oui mais alors vous pouvez utiliser que, par exemple sur un téléphone, que l’appel. Là, on peut aller partout vers le plus de choses possible. L’idée, c’est vraiment de pouvoir faire le plus de choses possible.

E.

Oui, c’est vrai quand on travaille ensemble. Moi, je l’ai bien vu. Anaïs, en tant que stagiaire, elle travaillait avec moi sur certains documents et bon alors tous les documents ne sont pas hyper accessibles. Je lui ai pas fais faire de la mise en pages, du graphisme, etc. Il y a quand même des limites à l’adaptation, c’est normal. Mais cependant, une fois qu’elle avait écrit un paragraphe, moi je pouvais le lire sur son ordinateur, sur l’écran de l’ordinateur, ce qu’elle avait écrit avec son clavier classique. Et elle, elle le lisait sur sa plage, quoi. Ça faisait aussi partie des petites questions de comment on fait avec un collègue déficient visuel. Comment on gère parce qu’on ne connaît pas en fait.

L.

Oui, oui.

E.

Bon, du coup, aujourd’hui, tu es donc chroniqueuse, notamment, parce qu’en fait, tu fais plein d’autres choses.

L.

Ah non non, en fait, mon job principal, enfin mon job à plein temps, c’est vraiment la radio. Je suis journaliste à Radio France.

E.

Journaliste à Radio France. C’est comme ça qu’on peut te caractériser.

L.

Journaliste à la direction des sports de Radio France, très exactement.

E.

Ça fait combien d’années que tu fais ça maintenant ?

L.

Que je suis aux sports ? ça fait, je crois bien, depuis 2015, et que je suis à Radio France, je dirais depuis 2010 ou 2009.

E.

Comment tu as atterri à Radio France ? Moi c’est une question que je me posais.

L.

En fait, je faisais une école de journalisme à Paris, le CFJ, et j’étais en spécialisation radio, puisque vraiment c’était le média ou je me sentais le mieux. Il y a un recrutement en fin de session pour les stages d’été de Radio France et donc on avait un petit examen et moi j’ai été sélectionnée pour un remplacement de deux mois à France Inter. Et puis après, j’ai enchaîné pas mal de contrats de remplacement, donc j’ai intégré leur pool de journalistes remplaçants qu’on appelle le planning. Et puis, un peu plus de deux ans après, j’ai été titularisée à France Bleu Paris. Et ensuite cinq ou six ans après, j’ai bougé au sport.

E.

Et j’ai vu là dernièrement, j’avais un petit peu suivi, tu as eu l’occasion aussi de faire le Handébat.

L.

Ben oui, ça, c’était le 22 mars. Oui.

E.

Donc pour refaire un peu le pitch du Handébat, tu as animé le Handébat.

L.

Oui ça c’était marrant. Parce que ça franchement, on est partis d’une feuille blanche avec un copain, enfin un ami qui est à apiDV. Et en fait, l’idée, c’était de créer un événement pour parler du handicap dans la campagne présidentielle, pour mettre un peu le handicap en avant au niveau de la campagne présidentielle, parce qu’il était assez peu présent. C’est vrai qu’on est partis de rien et on a abouti à un site avec des entretiens filmés dans les QG, des entretiens de 20 minutes. Et puis le jour-J, on a des candidates qui se sont déplacées, des porte-parole. On avait huit partis représentés et on a fait un événement d’environ 2 heures avec des questions aussi des internautes et des questions dans la salle. Alors c’était assez complexe, vraiment, tout le monde n’a pas pu poser ses questions. On a vraiment fait notre maximum mais… J’espère que ça appellera d’autres initiatives et celle-ci va nous servir aussi de ballon d’essai, on va dire.

E.

Oui, de support, pour d’autres.

L.

C’est déjà une sacrée… Moi, quand on a démarré le projet, je ne pensais pas qu’on réussirait déjà à mettre en place à la Maison de la Radio, en plus avec Radio France qui nous soutenait, c’est génial, qui a fait des relais aussi sur les antennes. Voilà, on avait la grande salle, etc., etc. Avec Blind & Design aussi au niveau des équipes techniques. Et puis aussi des entretiens dans les QG. Donc c’était vraiment bien.

E.

Oui, c’est vrai que j’avais vu ça. Moi, ça m’avait fait sourire. Je vais t’expliquer pourquoi, parce que quand j’ai interviewé Justine il y a plus d’un an, c’était pendant les histoires de l’AAH, qui ne sont pas terminées hein, l’allocation adulte handicapé et de sa déconjugalisation par rapport au conjoint, etc. Et Justine dans l’épisode 9, alors c’est une jeune qui est encore étudiante qui est accompagnée d’un chien guide, on avait beaucoup parlé de ça, on avait suivi la pétition etc., et quand j’ai pris de ses nouvelles en janvier, on a fait un live. Mais on s’était dit on fera quelque chose sur ‘Quelle est la place dans les programmes des candidats des dispositions et des mesures en faveur… Je sais pas si on peut dire en faveur du handicap, mais en tout cas en faveur de l’égalité par rapport à tout ça. Et bon, au final, on s’est laissées prendre par le temps et quand j’ai vu le Handébat qui était là, je me suis dit bon ben voilà, il y a des gens qui l’ont fait bien mieux que nous et je trouvais ça hyper intéressant justement de confronter les différents programmes parce que ça n’a pas forcément été un sujet qui était au cœur de la campagne, je pense quand même.

L.

Ben oui non, c’est pour ça qu’on avait essayé de faire quelque chose à notre échelle. On a fait ce qu’on a pu, mais bon, on l’a fait.

E.

Mais le fait d’avoir été soutenue, de l’avoir fait au sein de la Maison de la Radio, je pense que ça, c’était très fort quand même comme signal de la part des candidats.

L.

Oui, oui, mais c’est aussi pour ça que ça que ça a pris, enfin c’était vraiment des énergies qui se sont mises ensemble. Et oui, évidemment, j’ai beaucoup, beaucoup de chance d’avoir mon entreprise qui en fait… les valeurs autour du handicap sont très importantes pour Radio France et j’ai vraiment la chance d’avoir une écoute, à la Maison de la Radio, qui est exceptionnelle.

E.

Et puis du coup, j’ai ton livre sous les yeux. Il y a le logo de Radio France, bien sûr. Le livre s’appelle ‘Ma vie est un sport d’équipe’. Il est paru l’année dernière, en 2021. Comment tu en es arrivée à écrire ce livre ?

L.

En fait, c’était une question de, progressivement, de réflexion. On me pose beaucoup, beaucoup de questions et à force de répondre, etc., je me suis dit mais ce serait bien, ce serait bien finalement de faire un témoignage. Il y avait toujours cette notion de peur du handicap visuel. Ce côté qu’on ne comprend pas forcément. Les gens qui n’ont jamais rencontré de personnes avec un handicap ne sont pas forcément à l’aise, ne savent pas trop comment s’y prendre. Moi, je me suis dit, j’étais arrivée à une étape de ma vie où je pouvais me poser et écrire. Ça correspondait aussi à une phase ou j’avais répondu à quelques interviews, où on me demandait de plus en plus des témoignages et finalement ne ressortaient pas forcément les messages que j’avais, moi, vraiment envie de partager. Et donc je me suis dit, si j’avais envie de véhiculer, de transmettre quelque chose, qu’est-ce que ce serait, de raconter quelque chose, qu’est-ce qui me paraîtrait important ou sympa ? Ou qu’est-ce que j’ai envie de dire ? Et donc je me suis posée pour écrire.

E.

Oui parce que je l’ai vu paraître et je l’ai acheté bien sûr. C’est un ouvrage où tu parles beaucoup, alors, sport d’équipe, c’est pas uniquement le sport sportif, c’est aussi…

L.

C’est au sens large. C’est la réalité de mon quotidien et de la vie quand on n’y voit pas. On a besoin des autres, mais dans le bon sens du terme. Et c’est le fameux ‘seul, on va très vite, mais ensemble, on va plus loin’, quoi.

E.

Oui, c’est vraiment ça, le fait que ce n’est pas uniquement dans le sport qu’on trouve cette valeur d’équipe, mais que tu l’as aussi dans toutes, dans tout au quotidien.

L.

Ah ben oui, au travail notamment. Ah oui, oui, bien sûr.

E.

Que c’est ça qui te permet aussi de continuer à avancer.

L.

Et c’est ce que j’aime aussi. Oui, j’aime beaucoup, j’aime beaucoup fonctionner en équipe.

E.

Et justement, où tu en es dans ta réflexion par rapport au chien guide, est-ce que c’est quelque chose… tu nous a quand même partagé le fait que tu comprenais quelques éléments maintenant que tu n’avais pas forcément compris dans ta jeunesse, on va dire, est-ce que c’est quelque chose que tu écartes définitivement ou il ne faut jamais dire jamais ?

L.

Ouais, voilà, il faut jamais dire jamais, très franchement. Je sais pas, là comme ça, je ne suis pas plus décidée qu’avant.

E.

Je ne suis pas là pour ça, je ne suis pas là pour te convaincre.

L.

Par contre, là ou par rapport à il y a quelques années, là ou j’ai avancé, je vois vraiment à quel point ça peut aider. Ça peut vraiment aider. Il y a encore dix ans j’aurais dit ‘oh il y a pas besoin’, mais en fait si bien sûr, bien sûr. Et puis après, c’est vraiment des chiens exceptionnels. Je vois les relations qu’ils ont aussi avec leur maître. Elles sont, elles sont vraiment chouettes et vraiment, oui, le chien guide… Bien sûr que même, je le vois, moi, en tant que femme, quand je me balade le soir, etc. à Paris, je me fais aborder plein de fois. Je me dis c’est vrai que si j’avais un chien, il y aurait un côté sécurisant qui ne serait pas désagréable par exemple. Mais c’est un choix dans le sens où il ne faut pas prendre un chien juste comme un outil, enfin pas comme un robot, mais…

E.

Oui, il faut que ce soit un partenaire.

L.

Ouais, c’est ça. Il faut vraiment une… que je ressente pas trop ces contraintes parce que j’ai pas du tout envie de les faire ressentir au chien. J’ai beaucoup trop de respect aussi pour ce qu’ils font. Donc c’est vraiment moi dans ma façon de vivre. C’est marrant, mais je me vois pas me réveiller à 3 ou 4 heures et réveiller le chien et dire viens, on va à la radio. C’est bête parce que dans l’absolu, je pense que le chien, il s’en ficherait. Mais juste, moi, je me vois pas trop faire ça. Et pourtant, pourtant, franchement, j’adore marcher. J’habite pas très loin de Radio France, mais si j’avais un chien, j’irais à pied. Mais là, je n’y vais pas à pied parce qu’il y a des… C’est un peu galère, les traversées. Il y a des gens, des magasins partout, etc. Donc je prends le bus. Mais c’est vrai que si j’avais un chien, je marcherais beaucoup plus dans Paris, et moi qui adore marcher à pied, des fois je me dis c’est étonnant que je reste quand même sur ce côté ‘ben oui mais non, je préfère pas’. Donc c’est un choix.

E.

C’est ton choix.

L.

Oui, voilà. Mais avec toutes les parts de doute qui existent dans les choix.

E.

Oui et puis l’évolution comme tu dis de… tu n’écartes pas un jour le fait d’en avoir un ou pas. C’est pas un refus. C’est ça aussi qui m’intéressait d’échanger avec toi, tu n’es pas anti chien.

L.

Non, pas du tout. Vraiment pas, mais au contraire, je vois vraiment… Ah non, non, non, je trouve ça génial. Il y a des gens qui sont très heureux et je le comprends. Au contraire, non non.

E.

Mais c’est juste que c’est vraiment un choix individuel et aujourd’hui, ce n’est pas le choix que tu as fait. Mais ça ne veut pas dire que t’en auras jamais dans ta vie.

L.

Non, je sais pas, ouais ouais.

E.

Et justement, souvent, je pose la question, la chose que tu as apprise ou découverte avec les chiens guides d’aveugles, pour le coup, toi, t’as pas de chien à tes côtés. Mais je comprends quand même que tu as appris et découvert dans ta proximité intellectuelle avec le chien guide, tout ce que ça pouvait faire, quoi ? Tout ce que ça pouvait apporter, c’est quelque chose que tu n’avais pas…

L.

Franchement, j’hallucine sur des trucs, j’en ai même vu qui arrivent à guider deux personnes, c’est-à-dire que quand moi je tiens le bras de l’autre personne aveugle, je me prends aucun poteau, aucun… Enfin, c’est hallucinant. Je suis quand même en admiration devant ce qu’ils savent faire, quoi. Et la sagesse, la fiabilité, c’est vrai que c’est… Trouver les stations de métro, trouver les chemins, quand vous êtes dans une foule, dans un salon où il y a plein de monde, salon type salon de l’autonomie ou salon de l’agriculture. Mais il va vous trouver l’axe pour passer, l’axe pour sortir du bâtiment. Je trouve ça dingue, dingue. Je trouve ça très fort.

E.

Et puis tu en côtoies quand même. C’est pas parce que tu n’en a pas toi que tu ne côtoies pas de chien guide du coup, si je comprends bien.

L.

Oui, puisque je côtoie quand même des personnes non-voyantes ou malvoyantes qui ont des chiens guides, il y en a beaucoup quand même. Et oui donc je vois, je vois vraiment comment ça va, comment ça marche.

E.

Est-ce qu’il y a quand même un moment, parce que c’est une question que je pose aussi, on tâtonne dans cette interview, mais où tu as été bluffée par un chien guide justement, même si c’était pas le tien ?

L.

Ben ouais, je te dis, c’est que quand il arrive à nous guider à deux quoi. Franchement, qu’on arrive à faire dans un quartier que je connais pas du tout, d’une station de métro à un endroit, je sais pas où, peu importe, mais un immeuble où le chien, il gère les deux, sans problème. Et où on est posés et on peut discuter tranquille, alors que quand on marche en canne à deux, on peut discuter mais bon, il y a des heurts, il y a des interruptions des fois.

E.

C’est plus compliqué, du coup, faut être focus.

L.

Ouais, c’est vraiment ça qui me… ça et le côté aussi liberté pour marcher, je vois le nombre de copains qui viennent à pied d’un point A à un point B, ils sont à une demi-heure de marche à pied ou moi, en canne, je mettrais trois quarts d’heure ou une petite heure, vraiment, et où j’arriverais… j’en aurais marre parce que j’aurais galéré avec, je ne sais pas, douze poubelles, trois trottinettes, des vélos, le passage piéton qui n’était pas bien machin, tout ça, quoi.

E.

Je me rappelle, tu étais au bras d’un ami qui était guidé par son chien. Et c’est vrai que Jean-Pierre que j’ai eu dans l’épisode 30, me racontait justement que c’est comme ça en fait qu’il est arrivé au chien guide. C’est un jour où il a eu l’occasion de suivre un ami par le bras qui lui même était guidé par un chien guide et que là, il a été hyper bluffé du fait qu’ils ne se sont pris aucun obstacle. Et en fait c’est ça qui lui a fait justement avancer dans cette démarche de chien guide qu’il n’avait pas du tout en tête en disant mais en fait, c’est beaucoup plus qu’un confort technique au final, parce que t’as beaucoup plus de choses à partager. Mais c’est avant tout le confort technique du déplacement qui lui avait fait réfléchir, on va dire, à cette possibilité-là.

L.

Moi l’étape que je n’ai pas encore, mais je pense que ça va arriver, ils m’ont toujours dit les copains, mais prends un harnais et suis un chien et tu verras comment c’est. Ça je l’ai pas encore fait, mais c’est vrai, il faudrait que je le fasse. Mais là, ça pourrait peut être me faire changer d’avis. C’est possible, ce n’est pas exclu.

E.

Mais ça, c’est aussi à toi de voir dans ton expérience. Et à l’inverse, je sais que j’en avais beaucoup parlé avec Fabienne Haustant qui elle, fait beaucoup de danse, donc Danse les yeux fermés, son association. Et dans l’épisode 15, alors qu’elle venait juste d’annoncer la mise à la retraite de son premier chien guide et unique pour l’instant, Finley, du coup, j’ai sauté sur l’opportunité parce qu’on a beaucoup parlé de la retraite et c’était très bien. J’ai eu l’occasion d’avoir dans l’épisode 16 la famille de retraite qu’elle avait trouvé, etc. avec l’école et c’était vachement bien parce qu’aujourd’hui il y a eu un avant chien guide pour elle, un après, mais il n’y a pas forcément un après avec un second chien guide pour l’instant. Je l’ai eue là, il n’y a pas longtemps, on a fait un live Instagram parce que c’était les un an de notre épisode ensemble. Et c’est intéressant aussi de voir que c’est pas non plus ‘on a un chien guide et on en a toute sa vie’ ou ‘on a un chien guide très jeune parce que…’ enfin voilà c’est… Vraiment la relation avec les chiens guides est vraiment très personnelle et découle beaucoup du choix aussi que vous vous faites en fait tout simplement. Et ce n’est pas un automatisme, tu peux en avoir un, plus en avoir, et c’est un choix de continuer ou pas encore avec un chien guide, de faire une pause, de commencer plus tard. Enfin j’ai envie de dire voilà, c’est un parcours de vie qui n’est pas juste ben ‘t’es déficient visuel, tu vas faire ta demande de chien guide’, quoi.

L.

Ah ben non, il y a même des personnes, je pense, qui pourraient pas, parce que c’est une responsabilité aussi, le chien, faut quand même faire attention. Il y a tout le côté logistique, faut le sortir tous les soirs, même si on est crevés. Tu connais ça, lui donner à manger, respecter telle consigne par rapport au dressage etc., donc c’est vachement important. C’est aussi une responsabilité, c’est un engagement. Le chien, il nous donne tout et il faut s’engager vis-à-vis de lui aussi. Des choses à donner de notre côté, il faut que chacun fasse une part du chemin et c’est très chouette. Mais il y a aussi des gens qui n’ont pas cette appétence-là, tout simplement, et c’est un droit, et je pourrais dire il n’y a pas de jugement de valeur, mais c’est vraiment une question de personnalité, une question de phase de vie, de moments de vie, d’envie, de choix.

E.

Exactement. C’est ça avoir un chien guide, ne pas avoir un chien guide, c’est un choix. On pourrait résumer ça comme ça. Et je me demandais si tu avais fait une ou plusieurs rencontres exceptionnelles du coup, via les chiens guides quand même ou pas du tout.

L.

Moi j’allais dire c’est l’inverse, c’est-à-dire que c’est des personnes non-voyantes qui m’ont fait rencontrer des chiens exceptionnels. Ouais, c’est plutôt des chiens auxquels je me suis énormément attachée. Je me souviens, quand j’étais ado, quand je faisais mes premières compétitions d’équitation, qu’il y avait la nana de l’équipe de France, enfin la nana, c’est une amie, maintenant, Caroline. Je me souviens encore de son chien. Il s’appelait Graf. Je l’adorais ce chien, il était trop sympa. Et pourtant, voilà, malgré cette rencontre, je me souviens, je me disais ‘ah si, c’est à essayer’. J’étais épatée, mais il était hyper câlin, il était tout doux. Vraiment j’ai le souvenir, moi, j’avais quoi, quinze ans. Et pourtant, malgré cette rencontre, je n’ai pas eu envie d’avoir un chien pour moi. Là plus récemment, le chien guide d’un ami, c’est un chien, il est intelligent pour douze quoi. Je n’ai jamais vu une telle intelligence, j’ai jamais vu…

E.

C’est quoi son petit nom ?

L.

Groove. Jamais vu une telle personnalité aussi. C’est dingue, j’adore ce chien. Donc c’est dans l’autre sens, moi, c’est les gens qui m’ont fait rencontrer des super chiens, des chiens magiques.

E.

Mais c’est vrai que je n’avais jamais imaginé dans ce sens-là, mais moi aussi j’en ai rencontré des super chiens guides. Et c’est fou de voir aussi l’impact qu’ils ont eu dans la vie de leur maître, mais pas uniquement dans le guidage, dans la vie sociale, dans tout le reste.

L.

ça traduit aussi la relation entre le maître et le chien, si elle est équilibrée, si chacun y trouve son compte, si elle est saine, si elle est vivante. C’est hyper intéressant.

E.

Du coup je n’avais jamais vu ça dans l’autre sens. Mais tu as raison, je pourrais poser la question aussi dans l’autre sens. Est-ce que grâce à des personnes, vous avez rencontré des chiens guides exceptionnels ? Je vais quand même te poser la question si tu as eu un pire et un meilleur moment à proximité d’un chien guide ou pas du tout.

L.

Alors ce n’est pas un chien guide, mais je m’en rappelle pas, mais il paraît que quand j’avais un an, enfin quand je commençais à peine à marcher, il y a un chien qui a mis les deux pattes sur les épaules pour me lécher le visage et que ça m’a terrorisée. C’est ma mère qui m’a raconté ça il y a quelques années en me disant si ça se trouve c’est pour ça que t’as pas envie d’avoir un chien. C’est resté là, ça relève de la psychanalyse, si ça se trouve c’est resté marqué. Moi je m’en souviens plus, et puis bon c’était pas un chien guide. Voilà, après non, un pire moment avec un chien guide…

E.

Plutôt des bons moments.

L.

Ouais, ouais, oh ben oui, ils sont cools les chiens guides.

E.

Et le meilleur moment, du coup.

L.

C’est le côté pouvoir être serein et parler avec l’autre personne non-voyante avec laquelle on est et sans trop se concentrer sur le trajet. C’est vrai que c’est très apaisant et c’est quelque chose d’assez incroyable, de très positif.

E.

Le fait de déléguer le déplacement, on va dire, au chien, parce que c’est vrai que par rapport à ça, quand toi tu as la canne, tu focus, t’analyses.

L.

Je suis concentrée, je ne peux pas… enfin si je le fais d’ailleurs, j’ai tendance à penser à autre chose. J’ai mes pensées qui tournent donc je fais des conneries, des fois. Mais des fois je me retrouve tellement pas au bon endroit. J’ai tourné, j’ai pas fait gaffe. Normal. Et justement, ça, quand on a le chien, c’est génial, parce qu’on peut penser, quoi, on peut faire comme vous, comme les voyants quand ils se baladent, flâner, il y a un côté balade qui va être plus agréable, en tout cas au moins une dépense d’énergie en moins.

E.

Et inversement. Tu vois, par mon expérience, quand on a un élève chien guide, je pense qu’on retombe au stade où on ne peut pas tenir une conversation. Je le fais très bien avec des gens qui connaissent les chiens guides parce qu’en fait, ou avec des gens qui ont des chiens guides, pareil. Là, tu vois, je te parlais de Lauriane, quand on parle dans la rue et qu’en même temps je lui dis ‘les lignes – à gauche’ etc. et qu’elle elle redit à son chien, on le fait assez naturellement et on reprend là ou on était dans notre conversation sans problème. Mais ça, c’est quelque chose, au tout début, je sais que mon conjoint a encore du mal quand on a des élèves chiens guides, c’est le fait de ne pas pouvoir tenir une conversation parce que les gens qui ne connaissent pas les chiens guides ou qui n’ont pas cette expérience eux-mêmes de famille d’accueil ou famille relais, ils vont s’interrompre et ils vont pas savoir s’ils ont le droit de reprendre la conversation, etc. Et du coup c’est vrai que c’est quelque chose qui est assez gênant. Alors quand on est entre familles d’accueil par contre c’est pas très grave puisque on se comprend tellement qu’au final il y a du ‘assis – les lignes’ au milieu des conversations, il y a ‘à droite – à gauche – la descente’, etc. Alors qu’avec des gens qui connaissent pas, ça peut être un peu perturbant, rien que le fait de s’arrêter au passage piéton. C’est un peu bizarre de dire ‘assis – les lignes’ à son chien et de se rendre compte que la personne est un mètre devant. Parce que oui, le feu est vert, oui, on est bien sur un passage piéton, mais non le chien doit s’asseoir. Au stade de famille d’accueil.

L.

C’est un sacré rôle pédagogique.

E.

Ben ouais, ouais. Et pour le coup la conversation, ça sera fluide plus tard. On est à ce stade-là. Donc après je dis entre familles d’accueil, on se comprend. Et puis, avec mon conjoint, entre nous, ça va, même si ce n’est pas toujours évident de reprendre la conversation, etc. Des fois, faut reprendre le chien aussi, il y a des choses qu’on n’avait pas vues, etc. Donc c’est assez rigolo de voir le parallèle. Donc nous avec un chien guide, un élève chien guide on n’est pas forcément les plus autonomes dans notre conversation, mais vous, une fois que vous l’avez, c’est quand même chouette d’avoir cette concentration que tu peux mettre ailleurs. En fait, tu peux dédier ton cerveau ailleurs qu’au déplacement.

L.

Oui, ou juste il y a un côté confortable. Sécure, oui un peu sécurisant. Il y a aussi ça, oui, car effectivement, on peut discuter, mais il y a aussi… La canne, on n’est jamais à l’abri de n’avoir pas touché un truc ou de se mettre un petit peu en danger ou de se cogner sur un truc. Le chien, il y a ce petit stress en moins qui est quand même agréable.

E.

Et puis, comme me disent beaucoup de déficients visuels, au final, les obstacles, tu les sens même pas avec le chien puisqu’il slalome. Enfin, tu sens que tu marches pas forcément loin. Bon c’est pas un slalom droite, gauche, droite, gauche, c’est juste que… Quand je dis ça les gens imaginent…

L.

Mais moi j’ai vu Groove sortir de travaux, il y avait des travaux, il arrive à piger le petit chemin avec l’espèce de dalle en planches de bois. Il emmène au bon endroit. C’est quand même… c’est rassurant, c’est vachement bien.

E.

Mais en tout cas c’est très intéressant et merci de partager avec nous, avec moi, avec nous, ton expérience et ton point de vue là-dessus. Parce que voilà, comme je le disais, ce n’est pas parce qu’on est déficient visuel qu’on doit obligatoirement nous coller un chien guide. Et je pense que ça aussi, ça peut être un défaut des proches parfois. J’ai des gens dans mon entourage ou dans l’entourage de mes proches qui deviennent déficients visuels au fur et à mesure, qui perdent un peu la vue. Et les gens disent tout de suite ‘Non mais tu devrais prendre un chien guide’, etc. Et je pense qu’il y a quand même un cheminement pour savoir si on en veut un ou pas.

L.

Oui, il y a un cheminement. Oui, je suis d’accord.

E.

Et j’ai des proches avec qui… Moi c’est l’occasion, quand j’ai un élève chien guide, on va les voir, on parle et après… Mais je ne suis pas là à pousser à la consommation, j’ai envie de dire. On comparait ça aussi avec le désir de parentalité ou le désir d’avoir une voiture, un bolide ou quoi que ce soit. C’est un peu la même chose, ou de faire de l’équitation, on disait…

L.

Ben c’est des questions de goût aussi.

E.

Voilà. De choix de vie et de choix d’être accompagné ou non par un chien guide.

L.

D’avoir cette responsabilité ou de s’engager aussi auprès du chien guide, de s’investir. Je ne sais pas si c’est le terme, mais, et par respect pour le chien aussi, ce qu’ils font, c’est vraiment super. Donc moi, parce que je respecte aussi, je ne veux pas faire n’importe quoi avec un chien. Clairement pas.

E.

Mais on voit en tout cas que c’est une décision mûrement réfléchie, dans un sens ou dans un autre, ce qui est, ce qui est important pour moi aujourd’hui de mettre en avant. Parce que c’est vrai que dans mes interviews, on fonce tête baissée, on est tous passionnés par les chiens guides en général, donc on est à fond dans le truc, comme si les déficients visuels étaient forcément accompagnés d’un désir d’un chien guide.

L.

On peut se débrouiller sans aussi, on peut avoir une vie très épanouissante, mais avec aussi hein, ce n’est pas du tout… voilà.

E.

C’est une question de choix. Bon, ben écoute Laetitia ou est-ce qu’on peut te retrouver, du coup ? On peut te retrouver sur Instagram ?

E.

Ah oui.

E.

Sur d’autres, d’autres événements. On a parlé du Handébat, je remettrai le lien. On peut retrouver ton livre de partout, donc ‘Ma vie est un sport d’équipe’, il est de partout aux éditions Stock. Et puis on peut te suivre donc, ton Instagram, c’est… ?

L.

C’est Laetitia tiret Bernard tiret journaliste. J’ai le même sur Facebook. Oui, après j’ai les journaux des sports sur Inter et Info le samedi et le dimanche matin. Pour l’instant, parce que ça va changer ça encore. Mais oui, pour l’instant c’est ça.

E.

ça va changer, tu veux dire que tu changes de…

L.

Ouais, de poste en septembre.

E.

Tu vas aller sur quel type de chroniques ?

L.

Je sais pas. Ce n’est pas encore déterminé.

E.

OK, tu restes sur la délégation sportive ou pas forcément ?

L.

C’est pas encore déterminé.

E.

Ben écoute, plein de teasing pour eux, pour ton futur, on te souhaite en tout cas une super continuation. Et puis on se reparlera peut-être un jour avec un chien guide, sans chien guide, seul l’avenir nous le dira.

L.

On se reparlera, ça c’est sûr.

E.

Ça c’est sûr. Et merci beaucoup en tout cas pour ton temps. A très bientôt.

L.

Au revoir.

E.

Et voilà, c’est la fin de cet épisode. Merci à vous de l’avoir écouté en espérant qu’il vous aura plus. Merci à Laetitia d’avoir pris le temps d’échanger avec moi sur cette question épineuse du choix d’avoir ou non un chien guide. Pour compléter votre écoute, vous pouvez retrouver sur Futurchienguide.fr des photos de Laetitia dans son quotidien de journaliste et cavalière notamment. Et très bientôt la transcription intégrale de cet épisode. Pour envoyer vos retours, écrivez-moi sur Instagram ou Facebook. J’adore vraiment échanger sur vos ressentis suite aux écoutes, voire même pendant. Alors à bientôt pour un prochain épisode sur l’univers méconnu des chiens guides d’aveugles.

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