E.

Bonjour et bienvenue sur le podcast Futur Chien Guide, le seul podcast sur l’univers des chiens guides d’aveugles soutenu depuis cette année par la FFAC et l’ANM Chiens Guides. Je m’appelle Estelle. Je suis passionnée par les chiens guides d’aveugles et bénévoles pour cette cause à Paris. Je suis d’ailleurs persuadée que l’univers des chiens guides d’aveugles mérite d’être mieux connu. En tant qu’amoureux des chiens, futurs bénéficiaires ou autres curieux comme moi, vous croisez parfois des chiens guides d’aveugles et leurs maîtres en vous demandant : « Mais comment font-ils pour se déplacer dans nos rues toujours plus agitées ? ». Ce podcast est le seul qui vous propose, au fil de rencontres enrichissantes, de décrypter l’univers des chiens guides d’aveugles pour comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi de découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, ou encore comment agir quand vous croisez un tel binôme.  Aujourd’hui, je vous présente Élodie et vous emmène au centre de la France, mais aussi au centre du réseau d’élevage des chiens guides d’aveugles, puisqu’elle est famille d’élevage d’Opale pour le CESECAH. Élodie a toujours su qu’ils prendraient un chien avec son conjoint et, connaissant déjà le CESECAH (cœur du réseau d’élevage de la Fédération française des associations de chiens guides), devenir famille d’élevage était une évidence. Mais quel est le rôle et les missions d’une famille d’élevage pour le CESECAH ? Et comment s’organise son quotidien ? De l’arrivée d’Opale à ses deux mois jusqu’à aujourd’hui, en passant par ses deux portées aux tailles extrêmes, Élodie revient pour nous sur toute son aventure en tant que famille d’élevage. Elle nous explique aussi l’organisation de son rôle de famille d’élevage au rythme des portées d’Opale, mais aussi tout le suivi assidu qu’elle fait sur le devenir des petits futurs chiens guides. Et maintenant, place à l’épisode !

E.

Bonjour Élodie.

É.

Bonjour Estelle.

É.

Merci beaucoup d’avoir accepté mon invitation sur le podcast Futur Chien Guide. Est-ce que tu peux prendre quelques minutes pour te présenter rapidement ?

É.

Oui, bien sûr. Donc moi, je suis Élodie. J’ai 33 ans. Je suis infirmière au CHU de Clermont-Ferrand, donc de ma région. Et je suis famille d’élevage depuis 2018 de Opale, une belle berger allemand.

E.

Alors justement, depuis 2018 et avant, comment tu as découvert toi, à Clermont, il y a une école, il y a le CESECAH dont on a beaucoup parlé. Mais comment toi, tu as découvert tout ça ? Est-ce que c’est quelque chose que tu connaissais déjà ?

É.

Alors, ce n’est pas quelque chose que je connaissais d’avant. En fait, c’est mon conjoint qui a un ami dont sa femme travaille au CESECAH.

E.

D’accord.

É.

Et du coup, quand on s’est mis ensemble, on savait qu’on voudrait prendre un chien un jour. Et je trouvais que la symbolique du chien guide était tellement belle et que c’était quelque chose de bien à faire, que de prendre un chien au CESECAH, c’était un peu une évidence pour nous.

E.

Alors, le CESECAH, on le rappelle,- c’est le Centre d’Etude, de Sélection et d’Elevage de Chiens guides d’Aveugles et autres Handicapés. C’est le centre d’élevage principal de la Fédération Française des Associations de Chiens Guides qui permet justement de voir naître ces futurs chiens exceptionnels. Et donc, il y a aussi « autres handicaps » parce que parfois il y en a qui partent à handi’chiens, etc. mais c’est principalement pour les écoles fédérées des chiens guides d’aveugles. Et donc, toi tu es rentrée directement via le CESECAH dans ce monde des chiens guides. Comment ça s’est passé ? Vous avez eu l’occasion de faire une porte ouverte ? Un dossier directement ? Raconte-nous un petit peu.

É.

Alors du coup ben quand moi, je suis revenue sur Clermont-Ferrand, on a acheté une maison. Et du coup, quand on a eu la maison bien clôturée avec le terrain adéquat pour accueillir un chien, on a été au CESECAH et du coup, on leur a demandé de faire un dossier parce qu’on souhaitait être famille d’élevage. Donc au CESECAH en fait, il y a trois races qui sont en élevage. Il y a principalement du labrador et après un petit peu de golden retriever et un petit peu de berger allemand. Du coup, après, nous, en tant que future famille, on peut dire quelle race on veut avoir sauf si on n’a pas de préférence, comme nous, on n’avait pas forcement une préférence vraiment pour labrador, golden ou berger allemand. Et il s’est avéré qu’on a appris début 2018, que Jelly, une berger allemand, allait faire des bébés et qu’on serait la famille d’élevage d’une des petites femelles – s’il y en avait une – sur cette portée-là.

E.

D’accord, donc, ils avaient déjà choisi qu’il y aurait une maman de chien guide dans la portée de Jelly, la maman de chiens guides pour le coup. Et donc ça a été une évidence pour vous de se dire : « OK pour le berger allemand » ?

É.

Oui tout à fait. Monsieur aimait bien les bergers allemands, donc lui était très content.

E.

Ravi.

É.

Et du coup, on a un petit peu suivi en parallèle la fin de gestation de Jelly. Et on a appris, le 6 février, qu’elle avait mis au monde cinq bébés, dont deux femelles. Donc on savait qu’il y avait Opale qui était là.

E.

Donc super chouette. Vous, vous apprenez tout ça assez rapidement, en fait. Ça se passe assez naturellement.

É.

Oui.

E.

Tu me disais – on en parlait l’autre jour – les autres, de la portée de Jelly pour le coup, sont devenus, pour certains, chiens guides.

É.

Oui, tout à fait. Sur ses frères et sœurs, il y en a trois qui sont chiens guides.

E.

Ouais.

É.

Et un qui a été réformé, malheureusement, pour un problème de dysplasie au niveau de ses coudes.

E.

D’accord.

É.

Et Opale qui est reproductrice maintenant.

E.

Et moi j’ai un peu suivi Jelly, parce que – alors c’était quelques années avant puisque la lettre n’est pas la même – mais j’ai eu Nox qui était un super berger allemand, en relais assez longtemps dans les premières années ou j’étais bénévole. Et Nox, pour le coup, était aussi un petit de Jelly.

É.

Oui, et du coup au CESECAH, il y a eu Nikita qui devait être une des sœurs de Nox.

É.

C’est ça ! Exactement, une des sœurs de Nox puisqu’elle avait eu neuf chiots lors de la portée de Nox, que je m’étais amusée justement à rechercher un petit peu en France, entre guillemets, pour savoir où ils étaient parti. On avait, on avait réussi pas mal à trouver un petit peu ou étaient les chiots à droite/à gauche, chiens guides ou pas chiens guides. Et donc c’était Nox et le papa… C’est sûr que, pour le coup, c’était rigolo de voir comment ça avait fonctionné. Il y en avait aussi qui étaient aux Chiens Guides de l’Ouest : Nice, il y avait Naja qui était à Nantes. Donc voilà, on avait fait ça et donc c’était Lance le papa. Je pense que c’est pas forcément le papa de Opale pour le coup, parce que les couples ne sont pas forcément reproduits de la même manière. Mais voilà, je m’étais lancée un petit peu dans cette quête et c’était assez rigolo de voir déjà Nox et Nessie qui était à Paris. Ensuite de voir un petit peu Némo et Narnia qui étaient, pour le coup, dans le Nord. Et j’en avais trouvé aussi du côté, je te disais, des Chiens Guides de l’Ouest : Nice et Naja. Donc, je pense que oui, il doit y avoir Nikita, c’est sûr.

É.

Oui.

E.

Pour le coup, ils étaient tellement mignons ces petits chiots. Je m’en souviens, j’avais regardé toutes les photos.

É.

Et du coup, c’est rigolo parce que moi j’ai fait pareil, en fait. J’ai suivi l’évolution par les réseaux sociaux des frères et sœurs d’Opale parce que j’aimais bien savoir ce qu’ils devenaient. C’est vrai que Roncq, sur les réseaux sociaux, ils font plein de communication et tout. Donc, j’avais plein de photos de sa sœur. J’avais été en contact avec la famille d’accueil de sa sœur qui était dans le Nord, donc j’avais plein de nouvelles et de suivi. Et c’est un peu une fierté – même si c’est pas les bébés d’Opale – mais c’était une fierté de savoir que ses frères et sœurs étaient chiens guides. Ils avaient réussi à avoir le certificat et qu’ils étaient aptes à guider.

E.

Comme tu dis, ça fait partie un peu maintenant.. Tu suis la tribu qui entoure Opale. Et du coup, quand Opale est arrivée chez vous, elle avait quel âge ?

É.

Elle avait deux mois.

E.

Ouais.

É.

Nous, on l’a accueillie quand ses frères et sœurs partent, en fait, dans les écoles. Donc les écoles viennent souvent au CESECAH récupérer les petits. Et nous, on a accueilli Opale à la maison début avril.

E.

D’accord.

É.

Quand elle avait deux mois. Donc elle est arrivée à la maison avec sa caisse, son paquet de croquettes, son petit pack avec sa laisse, son collier, le petit sac à caca : essentiel ! Et Opale, qui était en pleine forme, petite… une petite boule de poils, une petite peluche.

E.

Et du coup, comment ça se passe en tant que famille d’élevage ? Vous savez donc que la chienne sera – a priori – destinée à être maman de chiens guides. Parce que j’imagine qu’il y a toujours un petit doute peut-être sur les tests physiques ou les tests un peu psychologiques qu’ils peuvent faire passer aux reproductrices  – comme aux reproducteurs d’ailleurs.

É.

Voilà !

E.

Mais c’est quoi le planning d’une famille d’élevage pour le CESECAH de A à Z ? Parce qu’elle arrive à deux mois, pour le coup. Elle n’a pas du tout d’éducation de chien guide, enfin d’élève chien guide ?

É.

Donc c’est ça, elle arrive à deux mois. Donc nous, il faut qu’on fasse quand même une éducation. On a un fil conducteur parce qu’on est suivis, quand même, par le CESECAH. Opale, sur sa première année, est repartie une semaine par mois au centre pour l’habituer à y retourner et pour que eux ils fassent un petit peu le suivi au niveau éducation. Après, un peu comme les chiens guides, parmi les choses de base : la marche en laisse, le stop assis avec le rappel… Des choses comme ça que eux, ils font les suivis : les escalators… Des choses que peut-être nous, en tant que famille d’élevage, on n’a pas forcément l’occasion de faire. Eux, ils essaient de le faire sur ces semaines d’adaptation. Ils les emmènent dans des magasins, dans des escalators, les escaliers aussi ; un peu le vertige, ils leur font faire. Mais après, voilà, c’est surtout la famille d’élevage qui a une grosse partie d’éducation. Et il y a aussi un samedi par mois de cours collectifs au CESECAH. Alors ça, c’était avant le COVID, parce qu’avec la situation actuelle, ça a un peu changé, malheureusement. Et les cours collectifs, c’est ultra enrichissant parce qu’on se rend compte qu’en parlant avec les familles d’autres chiens, qu’on est tous un peu dans la même galère, qu’on n’est pas seuls au monde des fois à se dire : « Mais oh la la, à la maison, c’est compliqué ! ». Et en fait, on se rend compte que les autres aussi, donc on se rassure entre familles d’accueil quand on se rencontre aux cours collectifs.

E.

Il y a quand même un suivi par l’école, enfin du coup, par le CESECAH qui n’est pas exactement une école.

É.

Oui par le centre.

E.

Et c’est un peu comme quand on en avait discuté avec Corinne dans l’épisode 7 – ça remonte – qui est famille d’élevage pour l’école de Paris. Alors, avec une petite différence puisque pour le coup, sa Malice avait commencé à être élève chien guide puis sélectionnée pour être reproductrice. C’est la grosse différence avec le CESECAH où, a priori, les reproductrices sont sélectionnées dès la naissance, entre guillemets. Et puis là, vous avez, donc, la socialisation, puisque l’objectif, c’est quand même d’en faire des chiennes bien équilibrées, bien éduquées quand même.

É.

Voilà.

E.

Même si, elles, elles ne vont pas guider, il ne faut pas qu’elles transmettent de peurs, de tares, de mauvais comportements, on va dire, aux chiots.

É.

On possède un dossard, comme les élèves chiens guides, jaune et bleu du centre national de reproduction pour qu’on puisse les habituer à les amener dans les magasins. Donc Opale est un petit peu connue dans toutes les boutiques de Lezoux ou j’habite. Parce que je l’ai amenée chercher le pain, aller à la boucherie, aller chez le coiffeur. J’ai essayé de l’habituer à l’amener dans les magasins pour qu’elle voie du monde, qu’elle voie des voitures, qu’elle soit habituée à attendre avec l’appât de la nourriture, par exemple, à la boucherie. Ça ça s’est super bien passé et elle a été relativement bien accueillie dans tous les magasins et elle est un peu connue comme ça. Des fois, quand on n’y va pas avec le chien, ils nous demandent si tout va bien.

E.

Donc elle a un joli dossard de « maman de chien guide », c’est ce qui est écrit sur le dossard bleu. Ce n’est pas marqué « élève chien guide », mais « maman de chien guide ». Comme le dossard que moi j’ai pu avoir quand j’avais accueilli Night qui est aussi maman de chien guide pour Paris. Ça me fait penser que j’avais croisé aussi une reproductrice du CESECAH lors de mes vacances dans l’Aveyron, au musée Soulages à Rodez. On l’avait croisée alors que moi j’étais avec Omber en relais. On avait croisé la jeune Nobel qui était avec sa famille d’élevage et qui était, comme nous, au musée Soulages.

É.

Ah oui !

E.

Je pense que, peut-être, que tu les connais, parce que je sais que vous n’êtes pas forcément beaucoup non plus.

É.

Oui, oui, Nobel je la connais parce qu’elle n’est pas très loin en âge d’Opale. Je crois qu’elle est de la fin de l’année. Du coup, Opale est du début d’année et sur les cours collectifs, on était avec, souvent, Nobel. Et il me semble que Nobel a fait sa première portée presque en même temps qu’Opale.

E.

Donc voilà, j’ai eu l’occasion de la rencontrer et c’était une grande surprise parce que la présence des élèves chiens guides est un peu moins ‘dense’ – on va dire – sur le territoire, en dehors de Paris où on peut plus facilement se croiser. Et encore, je dis ça, mais c’est pas pour ça que j’en croise tous les jours non plus. Enfin voilà, sortir du musée après avoir fait 1 h de musée au frais – parce que c’était un été bien chaud pour le coup – donc on cherchait les bons plans aussi pour Omber qui était tout noir, le pauvre, qui avait très chaud. Bon, le musée Soulages pour ceux qui connaissent c’est beaucoup de tableaux noirs aussi, donc c’était assez rigolo de les mettre côte à côte. Et en sortant, j’ai vu cette petite chienne avec le dossard et puis on avait échangé quelques mots. J’avais pris quelques photos aussi de tous les deux et c’était assez curieux quand ils m’ont dit : « Oui, oui, mais nous, c’est une maman de chien guide », j’ai dit « Ah mais pas de souci, je vois absolument ce que c’est, le CESECAH je vois aussi ». C’était très chouette de voir, de les croiser. Donc comme tu disais, tu vas de partout avec, l’objectif étant de bien la socialiser aussi et qu’elle n’ait pas forcément peur de tout ça. C’est aussi votre rôle de famille d’élevage.

É.

Oui, pour qu’après, ils puissent identifier si il y a des peurs ou des choses comme ça. Pour voir si ça peut freiner son avenir dans le fait d’être maman de chien guide. Vu qu’il y a plein de traits de caractère qui se transmettent dans les gènes, ça c’est incroyable. Du coup, c’est pour ça que nous, on a un travail d’éducation et de peurs pour savoir si elle sera apte ou pas. Surtout que, avant de rentrer, en fait, dans le circuit de reproduction, il y a plein d’examens, que ça soit médicaux donc comme pour les chiens guides, l’examen des yeux pour détecter les tares oculaires et la dysplasie au niveau des hanches et des coudes. Et nous, nos mamans de chien guide passent un test en salle pour voir leurs réactions au ventilateur, à l’aspirateur, aux congénères…

E.

Parapluie…

É.

Voilà.

E.

Ouais, il y a un bonhomme Cetelem qui arrive aussi je crois, ah ah.

É.

C’est ça. Donc, c’est un test qui est filmé et, eux, ça leur permet de voir un petit peu le profil de la future maman ou du futur papa pour après faire des associations afin de contrebalancer des fois les petits points négatifs de la maman avec les points positifs du papa.

E.

Ces tests sont visibles d’ailleurs sur le YouTube du CESECAH, je remettrai le lien.

É.

Oui.

E.

J’avais mis celui de Malice, je me souviens, sur l’article sur mon blog futurchienguide.fr. En fait, ces tests-là, ils vérifient que tout va bien – comme tu le disais – et qu’on puisse, derrière, choisir le reproducteur en face pour que le couple de reproducteurs/reproductrices rééquilibre toutes les éventuelles petits…

É.

Malheureusement, il y a certaines mamans de chien guide qui ont été réformées par rapport à ce test parce qu’il y avait une peur panique, à ce qu’elles ne puissent plus bouger dans la salle, à être blotties dans un coin et à ne plus pouvoir rien faire. Elles ont ces trois critères à remplir pour se dire : « elle rentre dans la grande famille des chiens guides en tant que reproductrice ». Donc ça, c’est le petit stress, là, aux un an, de savoir qu’ils passent tous les tests et de se dire : « Est-ce que ça va le faire ou pas ? ».

E.

Et toi, du coup, comment ça s’est passé de l’arrivée d’Opale à ces tests-là ? Tu disais : « C’était sympa de voir que vous étiez tous dans le même bateau avec les autres familles. » Ça a été un grand chamboulement pour vous ou ça s’est plutôt bien passé ?

É.

Alors, ça a été un peu un grand chamboulement parce qu’Opale a quand même un caractère assez têtu et assez dur. Au CESECAH, ils nous ont dit que c’était une des chiennes les plus dures – on va dire – au niveau caractère. Donc, il a fallu qu’on serre un petit peu la vis, mais on y est arrivés. Le plus dur, au début, qui a été pour nous, c’était les nuits dans la varicanelle, parce qu’on avait une varicanelle classique, donc en plastique, avec juste la grille devant et les grilles sur les côtés. Et Opale hurlait, mais toute la nuit, d’être dans cette varicanelle, même la journée, quand on partait des fois, c’était pas forcément son plus grand bonheur. Et un jour, on s’est dit que mes beaux-parents avaient un peu le système d’une varicanelle, mais en mode de cage ouverte partout.

E.

Ouais.

É.

Du moment où on l’a mis dans la cage ouverte à 360 degrés, elle n’a plus rien dit.

E.

OK.

É.

Je pense qu’Opale n’aimait pas trop le fait d’être enfermée dans du plastique. Et du moment où elle a été dans la grande cage, ça a été beaucoup mieux. Parce que petite, elle était un peu destructrice. Quand on a essayé de la mettre sans la varicanelle, elle nous a fait quelques dégâts dans la maison, elle nous a mangé un meuble, un fil électrique…

E.

Hum, les petits plaisirs du chiot !

É.

Voilà, c’est ça… Après, on n’a pas retenté l’expérience jusqu’à ce qu’elle fasse ses premiers bébés. Et puis après, c’était une grande, donc maintenant, elle ne dort plus en varicanelle et elle ne fait plus de bêtises.

E.

Ha ha. Oui, parce que depuis 2018, du coup, comme vous l’avez accueillie à deux mois, elle a dû passer ses tests en fin d’année, début d’année suivante, c’est ça ?

É.

Oui. Et du coup, elle a fait sa première portée en 2020.

E.

D’accord. Comment ça se passe justement ? Une fois que les tests sont passés, comment ça se passe ? J’imagine qu’il y a un suivi des chaleurs qui est fait ?

É.

Voilà. Suivi des chaleurs : quand Opale est en chaleur, elle retourne trois semaines au CESECAH.

E.

D’accord.

É.

Le temps des chaleurs pour que, eux, puisse avoir le suivi des chaleurs et qu’il n’y ait pas d’insémination intempestive par d’autres chiens qui pourraient être errants dans le quartier. Et eux, ça leur permet de voir son cycle. Et après, c’est eux qui voient quand est-ce que c’est la chaleur de reproduction. Donc, souvent, quand ils sont rentrés dans le circuit de reproduction, souvent, c’est les premières chaleurs après que tous les examens soient bons. S’il n’y a pas trop de chiennes qui attendent des bébés, ils tentent l’insémination.

É.

2019. Donc là, du côté d’Opale, ça s’est passé comment ? Elle a passé ces tests début 2019.

É.

Courant 2019. Elle a eu ses premières chaleurs de reproduction en février 2020.

E.

D’accord.

É.

Du coup : insémination, on la récupère à la maison. Après, il y a une échographie à 1 mois pour savoir si l’insémination a pris et évaluer le nombre de bébés qu’il peut y avoir.

E.

OK.

É.

Donc nous : échographie positive, ils voyaient entre dix et onze bébés, mais ils n’étaient pas sûrs tellement qu’il y en avait dans son ventre. Du coup, je la récupère à la maison et après on la ramène une semaine avant la mise bas. Donc elle fait toute sa grossesse à la maison. Donc, voilà presque les deux mois et on la ramène une semaine avant. Et après elle met bas au CESECAH. Donc après, c’est eux qui gèrent tout le côté mise bas et les deux mois avec les bébés.

E.

Donc elle a eu combien de chiots finalement, pour sa première portée ?

É.

Elle en a fait quatorze !

E.

 Waouh !

É.

Par insémination artificielle. Donc elle les a faits entre le 30 mars et le 1ᵉʳ avril. Elle a attaqué une mise bas spontanée, toute seule comme une grande le soir du 30. Donc, nous, on a eu un petit peu des nouvelles comme quoi Opale avait commencé à faire ses bébés. Je crois que quand on s’était couchés, elle en avait fait six et le lendemain matin, donc, c’est une copine maintenant qui travaille au CESECAH qui a pris le relais. Elle m’envoie un message, elle me dit : « bon, ben du coup, Opale a fait treize bébés ».

E.

OK.

É.

Et 20 minutes, une demi-heure après, elle me dit : « Non, en fait, elle en a fait quatorze. » Il y en a un qui n’avait pas été comptabilisé, parce qu’elle l’avait fait entre deux et qu’ils n’avaient pas vu tellement il y avait de bébés. Elle me dit : « Ben non, au final, elle en a fait quatorze ! »

E.

Ah ouais !

É.

Tous en pleine forme ! Quatorze bébés viables pour le 1ᵉʳ avril.

E.

OK.

É.

Donc le CESECAH a annoncé la nouvelle sur leur page Facebook et il y en a qui ont cru que c’était un poisson d’avril. Ils disaient que ce n’était pas possible que ce soit tous ses bébés. Ils pensaient qu’il y avait eu des petits labradors noirs qui avaient été mis avec les bébés berger allemand.

E.

Ah ah ah ! Mais non.

É.

Mais non, non, c’était bien les quatorze sien. Un truc… C’est exceptionnel ! C’est rare que, en insémination artificielle… Bah c’est la chienne qui en a fait le plus au niveau national, en insémination artificielle, avec ses quatorze bébés.

E.

Et du coup, elle a dû être bien crevée par la mise bas et puis par…

É.

Oui, oui.

E.

Pour s’occuper des quatorze… Comment ils ont géré au CESECAH ?

É.

Alors du coup au CESECAH, quand il y a des grosses portées comme ça, ils essaient de voir s’il n’y a pas une autre chienne qui a mis bas au même moment qu’Opale, qui en a moins, pour qu’ils puissent essayer de faire adopter des bébés d’Opale à une autre toutoune.

E.

Ils font pareil à Paris, du coup.

É.

Ça a été le cas. Il y a une petite golden, une conscrite à peu près d’opale qui avait fait huit bébés à ce moment-là. Du coup, ils ont fait adopter trois petits bergers allemands à cette golden comme ça, elles en avaient onze et onze chacune…

E.

OK.

É.

…à élever et ça s’est super bien passé. L’autre toutoune a bien accepté les bébés bergers allemands et toute la fratrie a bien été…

E.

Ouais ça fait quand même beaucoup, onze. C’est vrai que à Paris, au centre d’élevage aussi à Paris, ils font ça quand ils peuvent : déléguer à une autre maman qui a déjà une portée… Ou à partir du sevrage, pour le coup, une fois qu’ils sont sevrés, ils divisent les portées aussi en rappelant des ‘tatas’, des autres mamans de chien guide.

É.

Ouais parce que les pauvres toutounes, elles n’ont que dix mamelles. Donc avec quatorze bébés, ça aurait été compliqué.

E.

Ouais, c’est un peu juste…

É.

Parfois ils peuvent biberonner, quand pour les mamans c’est vraiment compliqué pour elles au début de gérer. Et du coup, ça a été des bébés du confinement.

E.

Eh oui, 1ᵉʳ avril 2020.

É.

Parce que normalement, au CESECAH, en tant que famille d’élevage, on peut aller voir notre toutoune avec ses bébés au centre. Sauf que nous, on a été interdits de ça. Avec le confinement, on n’a pas pu aller voir Opale de ses deux mois avec ses bébés. Bon, on avait des photos régulièrement, mais on n’a pas pu essayer d’aller voir Opale avec ses bébés. On les a vus que quand on a été la récupérer au bout des deux mois.

E.

D’accord.

É.

Donc moi, j’ai vu ses bébés quand ils avaient deux mois.

É.

Bon, vous avez pu voir, quand même, toute la marmaille qui avait deux mois. Ils devaient être tellement mignons !

É.

Ah ouais, non, mais ça faisait une meute. C’est impressionnant de se dire qu’elle avait fait tous ces bébés. Et du coup, pour le CESECAH, ça a été du boulot. Parce qu’il a fallu placer les quatorze bébés sur les écoles françaises. Ils en ont gardé une en reproduction.

E.

Ouais.

É.

 Un mâle qui est parti à handi’chiens. Un mâle qui est parti en Espagne, parce qu’avec le CESECAH, ils font des échanges avec l’étranger pour avoir d’autres… au niveau génétique, pour que ce ne soit pas toujours les mêmes lignées, pour éviter la consanguinité. Il y a même une de ses filles qui est partie, il y a un mois – donc à l’âge de deux ans – aux Etats-Unis, avec normalement neuf bébés dans son ventre, parce qu’elle sera reproductrice aux Etats-Unis pour la filière de chiens guides américaine.

E.

C’est très important et c’est un des défis, un peu, des centres d’élevage, c’est de renouveler un peu le patrimoine génétique des chiens tout en ayant toujours des bons chiens, entre guillemets, vis-à-vis de leur futur métier de chien guide. Donc voilà, tu suis tous les petits ? Les autres sont partis, j’imagine, dans les écoles de chiens guides de la fédération.

É.

Les autres sont partis un petit peu partout en France. J’arrive à les suivre.

E.

Ouais.

É.

Il y en a même certaines qui sont déjà chien guide. Ah, je crois qu’à Paris, il y a eu une remise d’une de ses filles dernièrement. Les deux filles qui étaient parties à Roncq aussi sont chiens guides. Enfin, il y en a déjà plusieurs : Ruby, sa fille que nous avons gardée au CESECAH, a fait sa première portée.

E.

D’accord.

É.

Donc non là, ses petits ont l’air de bien avancer !

E.

C’est chouette alors.

É.

Et j’ai retrouvé la trace de Ricky qui est un handi’chien et qui va être remis aussi.

E.

Ouais.

É.

Alors, je ne sais pas pour quel enfant il va être mis et sur quelle pathologie. Mais il a réussi à tous les examens brillamment et il va pouvoir faire son travail, qui lui est destiné.

E.

Et du coup celles qui étaient à Paris, c’est Rika et Raven, ou c’est pas les mêmes ?

É.

Si, je crois que c’est Rika et Raven.

E.

C’est ça hein ?

É.

Oui.

E.

Ouais, Raven je la connais un petit peu plus puisque je connaissais sa famille d’accueil. Et en effet, elles ont toutes les deux été remises, on remettra les photos. On va essayer de faire le petit patchwork des quatorze ! C’est le challenge ah ah.

É.

Ce sont les deux filles d’Opale qui sont chiens guides et c’est la fierté. Alors c’est la fierté au sein de l’école où les bébés sont, de se dire qu’ils sont remis. Mais c’est aussi une fierté pour nous, la famille d’élevage de la maman, de se dire que les bébés sont chiens guides et que oui, ils ont réussi le boulot qui leur est destiné.

E.

Qui leur est confié, ouais. Et puis c’est un peu l’objectif d’être famille d’élevage – je pense que c’est ce qui vous avait un petit peu attirés au tout début de l’aventure, – c’est de se dire : participer à toute cette chaîne de bénévolat pour, derrière, remettre le plus de chiens possible à des personnes qui en demandent.

É.

C’est ça et c’est vraiment une fierté de se dire : « Il y a un des bébés d’Opale qui a été remis et qui est chien guide ». C’est gratifiant.

E.

Ben là sur les quatorze, tu dois être encore plus fière.

É.

Ah bah oui, c’est vrai que nous on fait en gros, entre guillemets, pas grand chose, mais ça permet à un déficient visuel d’avoir un chien et d’être autonome dans sa vie.

E.

Vous faites pas grand chose et à la fois vous faites un peu tout avec le CESECAH dans le sens ou s’il n’y a pas de chiots, il n’y a pas de chiens.

É.

Voilà, c’est ça.

E.

Donc de l’œuf ou la poule ? C’est toujours la question. Mais là, s’il n’y a pas de maman de chien guide, il n’y a pas… Enfin, il y a d’autres moyens d’avoir des chiots. Mais c’est sûr que toute cette préparation en amont permet d’avoir des chiens, des chiots bien dans leurs pattes et qui derrière sont aussi bien pour leur futur métier, quoi.

É.

Tout à fait. Et du coup Opale a fait une deuxième portée en 2021. Elle en a fait qu’un !

E.

Elle a fait les extrêmes, en fait.

É.

C’est ça ! Du coup, à la base, à l’écho des 1 mois, il y en avait trois. Mais il y en a deux, pour x raison, que la nature a décidé d’avorter et elle en a fait qu’un par césarienne malheureusement. Parce que son col était obstrué par un des fœtus avortés.

E.

D’accord.

É.

Du coup, Opale, elle n’y arrivait pas toute seule.

E.

Elle n’arrivait pas à pousser.

É.

C’est ça. Du coup, elle a eu une césarienne et son bébé a été adopté par une autre toutoune qui en avait fait que quatre. Du coup, Opale n’a pas connu son bébé. C’était un peu dur ; elle a fait une petite dépression du post-partum à la maison derrière pendant les deux semaines après. Et quand tout ça, toutes les hormones ont été évacuées, c’était bon, c’est reparti.

E.

C’était bon, ça allait mieux. Parce que comment ça s’est passé ? Entre, du coup tu nous disais, avril 2020… Elle est restée deux mois avec les petits. Ensuite, elle revient chez vous. Donc, vous reprenez votre vie de famille d’élevage.

É.

Voilà.

E.

Et donc à chaque chaleur, elle repart à l’école. Faut quand même être assez souple en tant que famille d’élevage pour être à la disposition des chaleurs, j’ai envie de dire.

É.

Oui, c’est presque ça. Après, nous, on est au courant parce que dans le contrat qu’on a signé avec le CESECAH, c’est bien acté. Alors sincèrement, quand la chienne tombe en chaleur, on met pas longtemps à la charger dans la voiture et l’amener au centre. Parce que quand elle nous repeint la maison de sang, c’est l’enfer ! Donc souvent, on passe un coup de téléphone en disant : « Oui, le CESECAH, on vous amène Opale, elle en chaleur ». On la met dans la voiture et on leur amène.

E.

Parce que de ton expérience, du coup, avec Opale, les chaleurs sont revenues tous les combien à peu près ?

É.

Nous, elle a des chaleurs très fréquentes : elle a des cycles tous les cinq mois.

E.

Ok.

É.

Ce qui est complètement court. Mais c’est de famille : Jelly était pareille, ses sœurs aussi, elles ont des cycles très courts. Du coup, ils font à peu près une chaleur de repos et une chaleur de reproduction pour qu’elle fasse une portée par an.

E.

D’accord, donc ça c’est le rythme.

É.

Après, il y a des chiennes par exemple, au CESECAH, qui font une chaleur par an. Donc là, pour elles, ils se posent pas forcément bien la question sur des chaleurs de repos. Ils voient en fonction des cycles en fait des chiennes. Il y en a qui sont très rapprochés comme Opale, d’autres c’est tous les six mois et certaines où c’est une fois par an. Mais ça, c’est la nature qui est comme ça et chaque chienne est différente. Donc nous, c’est à peu près une chaleur sur deux. Là nous, ils ont sauté cette chaleur de reproduction parce qu’il y avait beaucoup de chiennes qui vont mettre bas en même temps, si elle avait été inséminée tout de suite.

E.

OK.

É.

Les locaux ne sont pas extensibles. Donc, ils réfléchissent aussi à ça côté maternité.

E.

Et disponibilité du personnel aussi, c’est pas qu’une question de…

É.

Du coup, Opale, devrait normalement refaire des bébés fin d’année, sur ces prochaines chaleurs, dans cinq mois donc je pense fin de l’été. Septembre, elle devrait retomber en chaleur et faire des bébés deux mois après. Donc on verra.

E.

Et c’est quoi le rythme, du coup ? Donc, c’est une chaleur sur deux ou… enfin une portée par an, on va dire.

É.

Voilà.

E.

Et après, comment ça se passe pour vous ? C’est sur combien d’années ? Parce que du coup, là, elle a commencé… La première portée, c’était 2020  donc elle avait déjà deux ans. Là, aujourd’hui, elle a quatre ans. Elle va en faire combien encore ? Comment ça s’organise du côté du CESECAH ?

É.

Alors ils font faire entre 4 à 5 portées par toutoune. Après, tout dépend comment se passe la suite de l’accouchement. Des fois, il peut y avoir des soucis au niveau des mamelles, des infections, des choses comme ça. Si elles ont des césariennes, du coup… Mais voilà, 4 à 5 portées par femelle dans leur carrière.

E.

Après, c’est votre chienne pour la vie. C’est un peu l’objectif.

É.

Et après elles sont réformées ; ils les stérilisent, ils les opèrent. Et après, c’est notre toutoune pour la vie. Parce que là, Opale appartient au CESECAH. Donc, elle est pucée mais au nom du CESECAH. Nous, on est, entre guillemets, juste sa famille d’élevage. Elle ne nous appartient pas vraiment, même si elle habite à la maison.

E.

Oui. ‘Juste’, c’est un petit mot pour dire que c’est quand même la plupart du temps…

É.

Mais voilà, l’avantage du CESECAH, c’est que voilà, on a quand même un bon suivi au niveau éducation. Quand on est en galère et tout : qu’est-ce qu’on pouvait faire ? Comment on pouvait arriver à ce qu’elle fasse correctement ce qu’on lui demandait ? Ils font tout le suivi médical, côté chien guide, donc tout ce qui est radio, les examens oculaires, le suivi des traitements. Que ça soit pour les puces, les tiques, les choses basiques pour les chiens : c’est eux qui gèrent. La vaccination aussi, c’est tout pris en charge par le CESECAH. Et puis tout le post-partum, tout le post-accouchement, s’il arrivait quelque chose, c’est le CESECAH qui gère. Par contre nous si il nous arrive un accident domestique avec Opale, ça c’est à notre charge d’aller au vétérinaire et… C’est hors du CESECAH.

E.

Hors du contrat.

É.

Voilà, le CESECAH, il gère tout ce qui est autour de la reproduction. C’est lui qui gère aussi le régime alimentaire des toutounes.

E.

Donc les croquettes, etc.

É.

Voilà, les croquettes, le suivi du poids…

É.

Et du coup, en parallèle, depuis 2018, votre vie de famille aussi a évolué. Il y a bien sûr Opale qui fait partie de la famille, mais on entendait une petite voix en début de l’enregistrement, derrière toi.

É.

Ce qui a été assez magique, c’est que nous avons été enceintes en même temps, avec Opale. Moi, ce que j’avais peur… Parce que mon terme était au mois de juillet. Et du coup Opale a fait ses bébés au mois d’avril et on l’a récupérée au mois de juin. Et moi, ce que j’avais peur, c’était d’accoucher avant et qu’Opale revienne à la maison et que bébé soit arrivé entre-temps qu’elle soit pas là.

E.

Hum.

É.

Bon, la nature est bien faite. Du coup, nous avons réussi à récupérer Opale avant que j’accouche. Du coup, la fin de la grossesse, elle a fini de sentir ma petite Juliette grandir dans mon ventre et nous voir revenir à la maison à trois.

E.

Et oui ! Bon t’as été enceinte en même temps mais un petit peu plus longtemps, quand même, que la miss Opale. Pour le coup, les deux mois de gestation chez les chiennes, c’est hyper express en fait quand on y réfléchit. Du coup, elle vous a découvert à trois, avec la petite Juliette.

É.

C’est ça.

E.

Comment ça s’est passé ?

É.

La découverte, clairement : Juliette était dans le cosy quand on descendait de la voiture. On a posé Juliette par terre et Opale la débarbouillait de la racine des cheveux jusqu’aux orteils.

E.

C’était la découverte de A à Z.

É.

C’était la découverte et l’acceptation. Parce que, en fait, Opale venait d’être maman et elle a totalement accepté Juliette. Toujours à se coucher là où Juliette dormait. Toujours à être prévenante, à venir voir quand Juliette pleurait, si elle pouvait pas venir donner un coup de main. On ne sait jamais… Un petit coup de langue qui puisse apaiser Juliette ! C’était trop mignon à voir.

E.

Ouais, elles doivent avoir une sacrée complicité entre elles.

É.

Et puis Opale est très proche de nous, elle est très fusionnelle avec nous. Moi, j’ai pu le remarquer parce que pendant ma grossesse, il m’est arrivé un gros souci de santé où il a fallu que je sois hospitalisée 20 jours.

E.

OK.

É.

Sans rentrer à la maison, avec mon conjoint qui était stressé… Et du coup Opale, au bout de  quelques jours de ça, de voir que je ne rentrais pas à la maison, n’a plus mangé. Après elle venait voir ma place vide… Mathieu avait réussi à la rassurer, à la refaire manger. Parce que bon : un jour, deux jours, trois jours, elle ne mangeait pas trop… Ça devenait compliqué. Donc Opale, ouais, elle est très fusionnelle et ressent quand je ne suis pas là ou quand il y a un souci, que je ne rentre pas à la maison. Elle supporte deux jours d’absence, trois c’est trop. Par exemple, pour l’accouchement : le matin où je suis rentrée à la maison, elle n’a pas mangé. Ça faisait trois jours que je n’étais pas rentrée à la maison, c’était pas normal. Donc, elle sentait qu’il y avait quelque chose. Et du coup, après elle était contente. Quand je suis rentrée à la maison, elle a repris sa petite vie : elle remange… Donc voilà, elle est ultra fusionnelle avec nous et c’est ça qui est beau aussi dans les familles d’élevage parce qu’on a ce lien avec notre toutoune.

E.

Et heureusement, à l’inverse, toi tu continues à manger quand elle part au CESECAH. Ah ah ah !

É.

Oui alors par contre là c’est dur quand la maison est vide pendant trois semaines qu’elle est au CESECAH et les deux mois avec les bébés, c’est super long ! Alors ça nous arrive… Ouais, on peut dire qu’on fait du ‘relais’. Des fois ça nous arrive, quand le CESECAH a beaucoup de toutous en chenil qu’on en prenne à la maison pour qu’ils soient ailleurs et dans une famille plutôt qu’au chenil, au CESECAH. Du coup, ça nous est arrivé : on avait eu Prisca, une petite labrador, deux semaines à la maison, quand Opale n’était pas là. On avait eu Obélix aussi – je crois que c’est un petit de Nikita. Et à un moment, on avait eu Obélix plus Opale à la maison, en même temps. C’était magique ! Ils s’étaient entendus super bien, mais par contre c’est un peu encombrant deux bergers allemands dans une maison.

E.

Ah ah ! Oui j’imagine.

É.

Donc ça arrive qu’on fasse un petit peu du relais, quand au CESECAH, ils ont vraiment beaucoup de chiens.

E.

Pour prendre le relais.

É.

Prendre le relais et qu’ils ne fassent pas du chenil à être qu’entre chiens et avoir un peu une vie de famille. Et nous, ça nous permet de voir d’autres races parce que Prisca, c’était une labrador et là, on s’est dit : « Ah ouais, non, en fait ça n’a rien à voir avec le berger allemand ».

E.

Ah non, je te confirme pour avoir un peu eu les deux, le berger est vraiment spécifique. Et pour le coup la fusion – quand tu disais que tu étais très fusionnelle – le berger est très porté sur l’humain. Enfin voilà, c’est vraiment : « Je te regarde, je te regarde si tu bouges-tu bouges pas. Je suis là toujours. »

É.

Avec Juliette… De toute façon si ce n’est pas le chien qui va voir le bébé, c’est le bébé qui va voir le chien.

E.

Ah ah ! Et je me demandais si dans tout ça, tu avais appris ou découvert quelque chose, quand vous vous êtes lancés dans l’aventure avec le CESECAH, quelque chose que vous n’attendiez pas forcément ?

É.

Ben c’est une grande famille, hein, la famille des chiens guides.

E.

Ouais.

É.

Nous, on le voit au niveau du CESECAH, tout le monde est lié. Quand on se voit, tout le monde est content de se voir. Ce travail d’éducation, alors nous, il est minime au niveau quand même de l’élevage, la reproduction. Quand je me rends compte tout ce que le chien guide doit apprendre, c’est un truc de fou.

E.

Oui, c’est sûr que oui, c’est une grande famille. Et c’est très intéressant pour moi aussi de refaire un tour du côté des familles d’élevage parce que – comme on le disait tout à l’heure – c’est un petit peu la base avec le CESECAH. C’est quand même un réseau très important qui fait naître beaucoup de chiots pour toutes les écoles. Justement, si tu avais des avantages et des inconvénients à nous donner sur le fait de s’engager en tant que famille d’élevage pour le CESECAH, ce serait quoi ?

É.

Alors nous, le seul inconvénient, c’est quand il faut laisser Opale au centre, pour ses chaleurs et quand elle est avec ses bébés. La maison est vide. Et ben les avantages, c’est qu’on est entourés pour l’éducation. On a ce fil conducteur, on n’est pas abandonnés à nous-mêmes pour l’éducation. Ils peuvent nous la récupérer si on a besoin en urgence de nous la garder pour partir ou si on est vraiment coincés. Et puis voilà, que ses bébés soient chiens guides : la plus belle récompense !

E.

Et je me demande toujours s’il y a un moment où vous avez été bluffés en étant en compagnie de ces exceptionnels chiens. Du coup, pas chien guide, mais maman de chien guide pour toi. Est-ce que Opale, un jour, t’as bluffée ou tu t’attendais vraiment pas à son comportement ?

É.

Ben alors nous, c’est plus les autres qui sont bluffés par le comportement d’Opale parce qu’on croise beaucoup… on est à la campagne, donc on croise beaucoup de gens en balade qui ne savent pas forcément bien gérer l’ardeur de leur chien. Et du coup, nous, on arrive avec Opale, en la mettant « assis, pas bouger » et en laissant passer les gens devant nous, les congénères. Et les gens, ils sont impressionnés, ils disent « Hhhh mais elle ne bouge pas, elle est super bien éduquée ». Je leur dis : « Oui, c’est du travail ».  Ah ah !

E.

Eh oui !

É.

C’est ça, en fait, c’est plus les autres qui sont bluffés par Opale.

E.

Et justement, tu me parles beaucoup du CESECAH et de cette grande famille. Est-ce qu’il y a une rencontre que tu as fait, que tu aurais jamais fait si tu n’avais pas été bénévole pour les chiens guides d’aveugles ?

É.

Moi, je dirais le personnel du CESECAH. Parce qu’on a une copine qui y travaille, mais voilà, j’ai rencontré plein d’autres personnes avec qui je suis en contact. On se voit souvent pour travailler avec les chiens guides. Toutes les personnes qui travaillent là-bas, que j’aurais jamais rencontrées si on n’avait pas eu Opale.

E.

Oui, et qui te donnent des nouvelles, comme tu dis, pendant les mises bas etc. C’est un lien qui est un peu indescriptible parce qu’en même temps vous participez à la vie de cette même chienne et en même temps vous êtes là dans des moments différents de sa vie. Donc c’est complémentaire.

É.

C’est ça, tout à fait.

E.

Bon, et pour terminer, je pose toujours une petite question rituelle. Je me demandais s’il y avait un pire et un meilleur moment que tu as vécu avec Opale.

É.

Le meilleur moment, c’est sa première portée : ses quatorze bébés. Ça, c’était la consécration. « Ça y est, elle a fait sa première portée » et en plus, il y en avait quatorze. Ah ah !

E.

On sent la fierté, en tous cas. Ah ah !

É.

Et le pire ? La galère : la nuit de la varicanelle.

E.

Ah ouais.

É.

Ah ouais, c’était vraiment compliqué. Mais après, alors il y a un pire moment, mais je pense pour elle, qu’elle a vécu. Et bien c’est le premier été où on l’a eue, c’était un 15 août, il avait fait très très chaud. On était partis et on s’était dit qu’on ne la mettrait pas dans la varicanelle. Je ne sais pas pourquoi, au fond de nous, on s’est dit : « On va pas l’enfermer ». Bichette, elle a été malade… Elle nous avait repeint toute l’entrée : elle avait vomi, elle avait la diarrhée. Bichette, elle a cru qu’on allait la fâcher quand on a ouvert la porte, à sa tête, elle avait tout ramassé : la queue, les oreilles… Elle s’est dit : « Oh, je vais me faire fâcher… » Mais Bichette, on avait trop de la peine pour elle ! Et c’est la chaleur… C’était les premières grosses chaleurs qu’elle avait connues en tant que bébé. Son tube digestif n’avait pas trop apprécié et elle a cru qu’on allait la fâcher parce qu’elle avait sali la maison. Mais en fait, non, on avait trop de la peine pour elle. Et on avait dormi avec elle en bas.

E.

Oooh.

É.

Et on avait trop peur en fait parce qu’il fallait en urgence la mettre dehors, si ça recommençait. Et on avait dormi avec elle.

E.

Ça fait partie des moments où tu te dis : « Les pauvres, ouais ». Et en même temps, t’es tellement pas bien pour eux, comme tu dis, tu vas pas les engueuler.

É.

On entendait son ventre où on se disait mais… direct, ça nous réveillait, se dire « Dehors/pas dehors ? Est-ce qu’il faut qu’on la sorte ? » Ah nan, mais… Mais non ça a été la seule fois où elle a été malade.

E.

Ouais, mais c’est la chaleur…

É.

On n’était pas là et bichette… Mais ça n’a pas été la seule au CESECAH, apparemment j’en ai parlé après et cette semaine-là, il y en a plusieurs, des petits comme ça, qui ont été pas trop, trop bien.

E.

Un peu bousculés, ouais. Bon mais bon, si c’était la seule fois… Ça, c’est bon.

É.

C’était la seule fois.

E.

C’était votre baptême. La pauvre.

É.

Ouvrir la porte et de se dire : « Oh, mon Dieu… » Bon il y avait la vue et il y avait l’odeur aussi. Mais on regarde notre pauvre petit chien qui… « Oh mince, j’ai fait une bêtise ». Non c’est pas grave, mon chien.

E.

Fais ta vie, tu n’y est pour rien, entre guillemets.

É.

On va laver, c’est pas grave.

E.

Bon, mais en tout cas on sent bien que depuis 2018, c’est plus du positif que du négatif sur le coup.

É.

Oh ben oui hein, on ne voit pas notre vie sans Opale. Elle fait partie de la famille. Elle garde un peu la maison. C’est le côté berger allemand.

E.

Eh oui, et puis sa relation fusionnelle qu’elle a avec Juliette. Je pense que ça… elle a encore de belles années devant elle et puis quelques portées encore, de fait, au moins trois. On verra après, selon… selon les portées. Parce que ce que tu disais aussi, c’est que la césarienne, pour le coup, c’est pas anodin et donc on fait pas des césariennes à répétition non plus sur les chiennes. C’est le CESECAH qui gère et c’est le CESECAH qui gérera les prochains.

É.

C’est ça. Nous on suit les recommandations du CESECAH, si il décide que c’est le moment qu’elle soit la retraite, elle sera à la retraite. Et puis sinon on continue.

E.

Et du coup, retraite de maman de chien guide, stérilisation et pleine vie derrière.

É.

C’est ça, une vie de famille, surtout qu’Opale est un magnifique chien de compagnie et chien de maison, donc elle sera ravie.

E.

Mais en tout cas, je mettrai plein de photos sur le blog parce que toutes les photos que je mettrai dans l’article, je suis sûre qu’elles vont être magnifiques. Et puis on essayera de retracer…

É.

Tu vois, j’ai déjà en tête, j’avais réussi mais je voulais ma photo de grossesse où Opale, comme si Opale faisait un bisou à mon ventre. Oh, j’ai fait 35 photos, mais j’ai eu ma photo de Opale qui touche mon ventre avec son nez. Je l’ai eue, je te l’enverrai.

E.

Ah ben oui, avec plaisir.

É.

Elle est parfaite !

E.

Bon ben écoute, merci beaucoup en tout cas, Elodie, de nous avoir raconté cette super aventure. On vous souhaite à Juliette, à Opale, à toi, monsieur aussi, une belle vie de famille d’élevage pour le CESECAH, et c’est vraiment intéressant de voir, parce qu’on en parle beaucoup quand même du CESECAH, donc ça me tenais à cœur de pouvoir creuser un petit peu ce rôle de famille d’élevage pour le CESECAH. Et puis ben, à très bientôt.

É.

A très bientôt Estelle.

E.

Et voilà, c’est la fin de cet épisode. Merci à vous de l’avoir écouté en espérant qu’il vous aura plus. Merci à Elodie de nous avoir raconté sa belle aventure de famille d’élevage pour le CESECAH qui vous aurait permis, je l’espère, de découvrir ce rôle spécifique dans l’univers des chiens guides d’aveugles. Pour compléter votre écoute, vous pouvez retrouver sur futurchienguide.fr des photos d’Elodie avec Opale, mais aussi des petits d’Opale et de leur devenir. Et très bientôt la transcription intégrale de cet épisode. Pour m’envoyer vos retours, rien de plus simple, écrivez-moi sur Instagram ou Facebook, j’adore échanger sur vos ressentis, même pendant l’écoute. Alors à bientôt pour un prochain épisode sur l’univers méconnu des chiens guides d’aveugles.