Découvrez l’histoire émouvante de Sylvie qui a dû faire face aux deuils de ses deux chiens guides, l’un à la retraite et l’autre en activité, et ce la même année.

Retrouvez la transcription intégrale en fin de page.  

Transcription intégrale

E.

Salut à tous, je m’appelle Estelle et je suis passionnée depuis toujours par les chiens guides d’aveugles. Bénévole pour cette cause à Paris depuis des années et aujourd’hui à Lyon, j’ai lancé le podcast futur Chien Guide, étant persuadée que l’univers des chiens guides d’aveugles mérite d’être mieux connu par tous, afin que chacun puisse y trouver sa place. Mais savez-vous que seuls 1% des déficients visuels sont accompagnés d’un chien guide ? Alors pour mieux comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi pour découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, je vous partage deux fois par mois mes échanges avec un invité issu de cet univers, maître de chien guide, bénévole et tant d’autres. Pour en savoir encore plus, n’oubliez pas de vous inscrire à ma newsletter mensuelle pour découvrir les coulisses du podcast, les actualités des Chiens Guides et bien sûr, des nouvelles de mes invités. Petit warning pour cet épisode, puisqu’on y aborde, avec mon invitée, le sujet du deuil, qui peut être encore délicat pour certains d’entre vous. Alors n’hésitez pas à prendre votre temps. Quand on s’engage, en effet, dans les démarches pour avoir un chien guide, on sait malheureusement qu’il ne nous guidera pas jusqu’au bout de notre vie. Malgré son espérance de vie plus courte, imaginer la fin est souvent inconcevable. Alors, comment faire son deuil ? Sylvie a dû y faire face dernièrement, et à deux reprises dans la même année. Alors, comment vous dire que notre échange a été douloureux, mais nécessaire ? Et que je remercie encore Sylvie de partager tout cela, grâce à une nouvelle chienne guide à ses côtés. Et maintenant, place à l’épisode. Bonjour Sylvie.

S.

Bonjour Estelle !

E.

Merci d’avoir accepté mon invitation dans mon podcast Futur Chien Guide. Est-ce que pour commencer, tu pourrais te présenter, s’il te plaît ?

S.

Bien sûr. Je m’appelle Sylvie, j’ai 53 ans. Je vis avec mon conjoint qui est allemand et nous avons deux enfants qui sont déjà très grands, puisque j’ai un gars qui vit déjà de façon autonome et fait ses études à Blois. Et j’ai une fille qui est encore à la maison, mais qui vient de rentrer à l’université aussi. Je suis consultante en accessibilité numérique depuis 25 ans et je vis sur Paris.

E.

Oui, donc là, l’accessibilité numérique, je sais que moi, c’est un de mes défis dans l’enregistrement. Le fait qu’on puisse s’enregistrer. En plus, là, on vient de changer de logiciel. Je viens de changer de logiciel en ligne, ça va. On se disait, là, on a fait un petit test juste avant, c’était correct pour toi, le fait de se connecter et tout, c’était fluide ?

S.

C’était correct pour moi parce que j’ai un peu l’habitude des logiciels que je ne connais pas, mais ça peut peut-être poser des problèmes aux gens qui ne parlent pas l’anglais, par exemple, ou qui n’ont pas l’habitude de trifouiller dans les fenêtres surgissantes de Google,

[Rire]

pas de Google, de Chrome. C’est vrai que ça demande un peu de manipulations. Je ne sais pas si tout le monde y arrive. Je ne suis pas un bon exemple là-dessus, parce que je suis toujours en train de me débrouiller.

E.

Oui, et puis comme tu le remarquais, je mets en fin de mail pour la connexion, je vous mets aussi les petits raccourcis qui permettent justement d’autoriser micro, caméra, toutes ces petites choses comme ça. Et tu me disais qu’aujourd’hui, tu es accompagnée d’un chien guide, puisque c’est pour ça qu’on se parle. Ce n’est pas ton premier. Et justement, aujourd’hui, on va aborder un sujet un peu particulier, puisqu’on va aborder le deuil, la perte de l’animal. Ça fait longtemps que j’ai envie d’aborder cette question qui est très délicate quand même. Je voulais le faire. Ça fait partie des grandes questions qu’on se pose quand on dépose un dossier pour être maître de chien guide, pour être guidée par un chien guide. Comment on aborde tout ça ? C’est ce que je voulais voir avec toi aujourd’hui, mais avant tout, est-ce que tu pourrais me donner trois mots pour te désigner et trois mots pour décrire les différents chiens que tu as eus à tes côtés ?

S.

C’est mon troisième chien guide, ma troisième chienne guide, puisque je n’ai eu que des chiennes, pour le coup. Pour me décrire, j’ai un peu réfléchi, mais bon, allez, j’en lance trois, puisque c’est le défi. Donc, j’ai mis « engagée, perfectionniste et communicative ». Voilà pour moi. Et donc, pour mes trois chiens, pour mes trois chiennes, la première s’appelait Voyelle. Et donc, j’ai choisi les mots « Gazelle », parce que je l’appelais souvent « ma Gazelle », parce qu’on allait assez vite toutes les deux.

« Morphale », parce que, un Labrador / Golden, ça mange quand même. Et puis, elle a piqué plusieurs fois des choses, le plat de poulet qui était sur la table, sur la paillasse. Et puis, quand on a eu le dos tourné, elle est allée manger le poulet ou alors elle a fait tomber le plat et ça a tout cassé, elle s’est fait peur.

Et « joueuse », parce que quand même, elle aimait bien jouer.

Pour ma seconde guide qui s’appelait Isba, j’ai choisi le mot « câline », parce que c’était une Golden qui ne faisait que des câlins, elle n’aimait pas être seule et elle adorait câliner tout le monde.

« Têtue », parce qu’un Golden, c’est têtu, et quand elle avait décidé de ne pas faire quelque chose, elle ne le faisait pas.

Et « drôle », parce que quand même, c’était notre petit clown. Elle était quand même très marrante.

Et pour la troisième, l’actuelle, c’est un peu compliqué parce que je ne l’ai que depuis six mois. Donc, je la connais, mais on n’a pas fait autant de route qu’avec Voyelle et Isba. J’ai mis « danseuse », parce que quand elle fait ses besoins, elle tourne, elle tourne, elle tourne. J’appelle ça « la danse de Shiva ».

[Rires]

J’ai mis « douce », parce que c’est vraiment un chien très doux, sauf quand elle voit un chien au parc ou en liberté quelque part où elle tire comme une tarée, elle a son quart d’heure américain, mais bon.

Et j’ai mis « calme », parce que c’est quand même un chien, même si elle n’a que deux ans et demi, c’est un chien quand même très calme.

E.

Et ce que tu me disais quand on a échangé, puisque je te suis aussi, puisque tu es engagée au sein de l’ANM, tu ne nous as pas dit un petit peu tes cartes côté ANM, Association Nationale des Maîtres de Chiens Guides, qui en plus soutient le podcast.

S.

Qu’est-ce que je fais pour l’ANM ? Aujourd’hui, je suis trésorière de l’association. Quatre, cinq ans déjà, je ne sais plus. Avant, j’étais vice-présidente, j’étais secrétaire, vice-secrétaire. Maintenant, je suis trésorière et je suis engagée au sein de l’ANM activement depuis 2012, parce que j’ai eu des refus d’accès et je me suis dit : le meilleur moyen de soutenir l’ANM, c’est de s’engager au sein du conseil d’administration.

E.

Donc, ça rejoint ce que tu disais, ton premier mot, « engagée ».

S.

Oui, c’est ça.

[Rire]

C’est ça. Je suis aussi active pour la FFAC, puisque je les aide dans la protection des données. J’ai fait longtemps aussi. Depuis 2008, je les ai aussi aidés. Ça s’appelait la campagne « Gagner en autonomie ». Avec Voyelle, nous avons illustré la campagne « Gagner en autonomie » en faisant des photos avec un photographe. Donc, il nous a pris en photo sur toutes les coutures avec les enfants qui étaient tous petits à l’époque, et mon compagnon et tout ça. Et ça illustrait le site. Et on était même dans des messages publicitaires qui sont passés à la radio et à la télé. C’était Voyelle et Sylvie qui se faisaient guider et qui se faisaient refuser. Je ne sais plus ce que c’étaient les messages publicitaires. Mais ce qui m’avait attristée à l’époque, c’est qu’ils ont pris des acteurs pour jouer Sylvie. Je trouvais qu’elle avait une voix de « pétasse », Excusez-moi l’expression.

[Rires]

Et le chien, dans la pub, le premier chien qu’ils avaient mis dans les essais de pub, il avait une voix de caniche pas sympa. Après, ils ont changé, ils ont mis une voix de… Ce n’était pas du tout la voix de Voyelle.

Donc c’est dommage, je me suis dit: J’aurais bien joué la Voyelle et la Sylvie dans la pub. Mais bon, ça, ce n’est pas grave.

Et puis après, j’ai participé à diverses campagnes. J’étais évidemment au défilé de 2012, la fameuse manifestation avec les ballons à la Bastille. Et puis, j’ai participé à différentes médiatisations, des refus de taxi, etc.

E.

Et encore aujourd’hui avec Uber.

S.

Non, ça, ce n’était pas moi.

E.

Mais tu as suivi quand même le dossier d’actualité.

S.

Oui, je suis, mais là, ce n’était pas moi qui ai tourné dans les films. C’est vrai que j’ai toujours eu des chiennes un peu photogéniques et qui aiment bien se faire prendre en photo. [Rire] Donc, ça aide aussi un peu. Donc, voilà, j’essaie de sensibiliser quand je peux auprès de l’ANM, dans les écoles, dans les centres de loisirs, on a fait aussi.

E.

Comme je le disais en introduction, ce sujet un peu du deuil. C’est vrai que quand on a discuté l’autre jour, il y a une phrase qui m’a marquée. Tu m’as dit : « Voilà, moi, j’ai subi deux décès en un an ». Et du coup, on a un peu détricoté ce qu’on va refaire encore aujourd’hui. Je t’ai tout de suite demandé : « Mais on peut en parler ou pas encore ? » Parce que je sais que dans nos auditeurs, il y en a qui ont perdu leur chien, leur chien guide. Il y en a, c’est plus ou moins récent et ce n’est pas forcément facile tout de suite d’en parler. Je pense notamment à Doriane de l’épisode 39, avec qui j’avais eu l’occasion de faire il y a plus d’un an et demi maintenant, quasiment deux ans, un épisode sur le fait d’avoir justement son chien guide retraité et son nouveau chien guide. Et qui, depuis, a perdu sa belle Fénice, son étoile, comme elle le dit, qui est toujours très émue d’en parler. Ça fait partie des sujets un peu délicats. De ton côté, deux décès en un an, comment on en arrive à ce triste résultat ? Comment émotionnellement on s’en sort ? Est-ce que tu peux nous raconter un peu tout ça ? Comment ça a commencé déjà ?

S.

Déjà, heureusement, ça fait un an. Il y a de l’eau qui a passé sous les ponts depuis. J’ai été six mois sans chien, donc c’est ça qui a été dur. Et depuis, j’ai eu Shiva. Et donc, du coup, j’ai de nouveau un chien à la maison. Donc, ça me permet de ne pas trop penser à la perte de mes deux autres chiens. Donc, c’est pour ça que j’arrive maintenant à en parler, parce que j’ai réussi à faire mon deuil. J’expliquerai plus tard comment. Mais c’est vrai que ça a été dur deux en un an, parce que ce n’était pas prévu.

E.

Oui, ce n’était pas deux, d’une longue maladie. C’était assez soudain.

S.

Ce qui était prévu, c’est la première, Voyelle, parce que nous avions décidé de la garder à la retraite avec nous, puisque quand elle est arrivée dans notre maison, mon garçon, il avait deux ans et ma fille avait neuf mois. Ils ont connu le chien pratiquement depuis le début. Voyelle, c’est le premier mot que ma fille a dit. Elle disait Voyenne avec un N, mais c’est l’un des premiers mots qu’elle a dit. Et donc, c’était un chien très proche d’eux. Et avec qui… c’était leur compagnon de jeunesse. Et d’ailleurs, mon fils, il a fait un jour un atelier de peinture. Il y avait une photo, il a pris la photo, il a peint la photo, il a peint le portrait. Et ce portrait, il l’a encadré Quand il a déménagé dans son appartement à lui, il a emmené le portrait de Voyelle et il l’a même fait encadrer par un encadreur avec un beau bois et tout. Elle trône dans sa chambre. C’était vraiment un lien très fort.

E.

Voyelle est arrivée dans ta vie. Ça fait déjà longtemps que tu te dirigeais avec la canne ?

S.

Oui, c’était ma première chienne. Elle est arrivée plus tard que prévu. J’ai eu le chien plus tard que prévu parce que j’ai fait la demande en 2004. J’ai eu ma fille en 2005. Ils ont laissé passer l’arrivée du bébé. C’est pour ça que la chienne est arrivée en 2006. Mais quand elle est arrivée en 2006, je l’ai rencontrée en avril et on a eu le droit d’essayer de vivre avec elle pendant un week-end. Et mon fils, c’est la première chose qu’il a dit à l’éducatrice quand elle est repartie : « Moi, c’est Voyelle que je veux ».

Et elle a dit : « On va essayer ».

Et c’est vrai qu’elle nous a vraiment tous charmés parce qu’elle était joueuse, elle était gaie, tout ça. Et donc, elle est vraiment restée dans notre vie. Et moi, quand l’école m’a dit : « Il faut la mettre à la retraite », déjà, ça a été assez violent. Je n’étais pas prête à la mettre à la retraite. Mais quand ils m’ont dit : « Il faut la mettre à la retraite, qu’est-ce que vous voulez faire ? »

J’ai dit : « Moi, j’aimerais bien la garder parce que les enfants y sont attachés et tout ». Et donc, on a décidé de la garder.

Elle est partie à la retraite à 10 ans et demi. Isba est arrivée à ce moment-là. On a eu deux chiens. En 2015, on a eu deux chiens. Pendant six ans, on a eu ces deux chiens, l’une à la retraite, qui s’est très bien habituée à sa retraite. C’est vrai que quand je l’avais en laisse juste à la canne, elle guidait encore un peu. Quand elle voyait des voitures garées sur le trottoir, elle freinait. Et pendant quatre ans, elle était en super forme. Les deux dernières années ont été plus compliquées parce qu’elle a eu pas mal de maladies en plus, etc. Mais on a tenu jusqu’au bout parce qu’on a adopté le chien, elle venait de Coubert. Donc, Coubert m’a cédé la propriété du chien. Donc, j’ai signé tous les papiers et j’ai adopté le chien. Et on s’est engagés évidemment à la garder jusqu’au bout. Donc, je m’attendais à ce qu’un jour, on en parlait, on se disait : « Quand elle partira, qu’est-ce qu’on fera ? » Mais c’est vrai que c’est dur de penser : elle va partir, elle va partir. Et puis, on a un peu prolongé quand même sa vie, avec des médicaments, des traitements, des machins.

Et c’est vrai que ça a été super dur. On s’est dit : quand est-ce qu’on va décider ? C’est ça qui est le plus dur. Moi, je me disais à l’époque : « Si je décide de la laisser partir, c’est comme si j’euthanasiais mon chien. Et ai-je le droit de décider de la fin de la vie de mon chien ? » J’ai eu des gros doutes.

Le vétérinaire m’avait dit : « Vous le saurez. Vous le saurez quand ce sera le moment. » Parce que le chien, il y a trois conditions : le chien ne veut plus manger, le chien n’a plus d’interactions sociales et il y avait un troisième, je ne me souviens plus lequel. Bon, ce n’est pas grave.

Comme Isba venait de l’école de Paris, l’école de Paris m’a suivie dans la fin de vie de Voyelle. Laurence, de l’école de Paris, m’appelait régulièrement pour savoir comment ça allait. C’est vrai que plusieurs fois, j’ai cru que c’était la fin parce qu’une fois, j’ai eu un accident où elle a fait dans sa place. Donc, j’étais toute seule, je ne pouvais pas la porter pour aller la laver dans la baignoire. Je me souviens, j’étais en réunion de bureau à ANM, je sentais l’odeur de l’accident et je disais : « il y a mon chien qui a un problème, mais je ne peux rien faire ».

Et j’ai attendu que ma fille rentre. Et puis, on l’a portée dans son tapis jusque dans la baignoire, on l’a lavée dans la baignoire et après, on est allées acheter des couches avec Thérèse, la personne qui a été famille d’accueil d’Isba, qui n’habite pas loin, qui m’a emmenée acheter des couches chez Truffaut. Et après, il y avait la grosse histoire d’essayer de lui mettre les couches. Et là, je me suis retrouvée 15 ans en arrière quand mes enfants étaient bébés et qu’il fallait leur mettre les couches, mais le problème du chien, c’est qu’il y a la queue. Donc, comment faire pour mettre la couche avec la queue ? Surtout quand le chien est couché et qu’on n’arrive pas à le soulever. Bref. Et puis, finalement, elle s’est remise parce que le véto, il mettait un médicament pour que les problèmes intestinaux s’améliorent. Et donc, elle a tenu encore cinq mois.

Le dernier jour, j’étais au téléphone avec Laurence qui me demandait des nouvelles. Et puis, tout d’un coup, on était en train de manger. Mon compagnon me dit : « je crois qu’elle a fait sous elle ». Je dis à Laurence : « Je crois qu’elle a fait sous elle. » Elle m’a dit : « Arrêtez tout, vous ne pouvez pas continuer ». Et moi, je n’arrivais pas à arrêter parce que la chienne, dès que je venais, elle était gaie, elle était heureuse. Elle remuait la queue, même si elle avait mal, elle a toujours été super gaie. J’ai dis : « Mais je ne peux pas interrompre sa vie. Elle remue la queue, elle est contente de nous voir ».

C’est vrai que c’était tellement dur à gérer. Il fallait la porter. Elle faisait dans l’ascenseur, donc j’étais mal à l’aise vis-à-vis de mes colocataires. Et puis là, je ne pouvais vraiment plus. Ce n’était plus possible. Elle souffrait vraiment trop. Et donc, on a pris la décision. Ma fille, je l’ai prévenue. Je lui ai dit : « On est obligés de la laisser partir ».

Donc, le véto m’a demandé… J’ai dû insister auprès du véto. Il m’a dit : « Vous voulez le faire maintenant ?» J’ai dit : « Non, j’attends ma fille ».

Ma fille est revenue, elle lui a dit au revoir et puis on y est allés tous les deux. C’était horrible comme sentiment parce qu’on se dit : « Ça y est, on va à l’abattoir ». Parce que la chienne marchait encore. Voilà.

E.

C’est sûr que vous avez quand même partagé six ans et demi de retraite. C’est ce que tu disais. C’est ça aussi qui fait que vous avez partagé beaucoup de moments.

Comment on est dans cette période de retraite ? Est-ce qu’on se dit que c’est peut-être son dernier jour, c’est demain, ou au contraire, on n’y pense pas ? Dans quel état d’esprit tu étais ?

S.

Je n’y ai pas pensé du tout. Sauf à la fin, quand Laurence m’a dit : « Vous ne pouvez plus continuer comme ça ». C’est vrai que mon compagnon, il me demandait : « Qu’est-ce qu’on fait ? Quand il faudra, quand ce sera l’heure qu’elle parte, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on va l’enterrer quelque part ? »

Et moi, je ne voulais pas y penser. Je disais : « Non, je n’en parle pas ». C’est vrai que j’ai pris la décision au dernier moment. On l’a emmenée chez le vétérinaire, on l’a accompagnée, on lui a fait des câlins, puis il l’a endormie. Puis après, on n’est pas restés jusqu’à la deuxième piqûre, on est repartis. On ne pouvait pas. On ne pouvait pas. Et donc on est repartis, on était très tristes, on a signé les papiers avant. Et puis on a décidé qu’elle parte avec d’autres chiens. On n’a pas voulu garder une urne et tout. Moi, ça ne m’intéressait pas. Je ne m’identifiais pas à un chien dans une urne. Je préférais garder les moments. Je l’ai enregistrée pas mal. On a des vidéos, tout ça. Je préfère garder ça qu’une urne. Donc, on l’a laissée partir comme ça. Et du coup, j’ai fait mon deuil en écrivant une chanson.

Je ne compose jamais les mélodies. En général, quand j’écris des textes, je prends une mélodie qui existe et je mets des paroles dessus.

[On entend la chanson en arrière-plan]

Et par contre, si, pour Voyelle, ça a été différent, j’ai composé la mélodie, j’ai composé les paroles. Je me souviens, c’est quand je me balade avec le chien, j’étais dans les transports, il y avait un texte qui me venait, je l’écrivais et je l’ai composé comme ça. Et puis, je l’ai enregistré et on l’a publié dans la revue « en avant ». À l’époque, on l’a publié avec l’aide de Jean-Pierre. Ça m’a permis de faire mon deuil.

[En arrière-plan le texte de la chanson

« tu étais joueuse et rapide, de suite tu nous as charmés.

Avec ta balle tu jouais, c’était ta spécialité.

Et mon fils a déclaré, c’est Voyelle que je voudrais.

Sandrine lui a rétorqué : on va essayer.

Voyelle est l’un des premiers mots, Que ma fille a prononcé.

Tu étais de la famille, faisais toutes les activités.

À l’école, garçons et filles, adoraient te caresser.

Plus d’une fois, tu as chipé les crêpes ou madeleines du goûter.

Et le dimanche en forêt, tous les chiens tu devançais.

Cali, utop ou Cyrano, tes copains chez les jouanneau.

Voyelle, ma gazelle, c’est ainsi que je t’appelais.

Quand nous cheminions toutes les deux, tu me guidais en remuant la queue.

Voyelle, ma toute belle. Non jamais je ne t’oublierai.

Tu resteras tout au fond de mon cœur.

Toi qui nous a donné tant de bonheur. »

E.

Dans la revue de l’ANM, du coup, sur laquelle tu prêtes régulièrement ta voix.

S.

Voilà. Oui. Et donc voilà, le deuil s’est fait comme ça. Et donc j’ai réécouté très souvent la chanson pour faire mon deuil. Et puis, ce qui était bien, c’est que la Isba, elle a dû partager avec un chien pendant six ans. Et puis, la dernière on ne s’est consacrés que à elle. On avait plus de temps pour elle et tout, et c’était très chouette. Mais on ne s’attendait pas du tout à ce qu’elle parte.

E.

Parce que tu disais, Voyelle, du coup, huit ans et demi de guidage avec toi, une retraite à 10 ans et quelques, six ans et demi de vie de retraitée, peut-être pas jusqu’à son dernier souffle, mais en tout cas, on sent bien que cette éventualité, pour ne pas y penser, tu n’avais pas forcément envisagé la fin, la suite. C’est peut-être un moyen de protection qui est le plus noble. Au final, après 16 ans de vie quand même, ce qui est honorable pour les chiens.

S.

Oui, pour un labrador / golden.

E.

Oui, ça représente C’est pour ça que je te demandais un peu comment tu appréhendais, parce qu’est-ce qu’on se dit à partir de 12, de 13, de 14 ans ? Moi, je te dis ça parce que j’ai partagé, pas du tout avec mon chien guide, mais avec la minette que j’avais chez mes parents, que j’ai eue en quatrième et qui est partie à Noël il y a deux ans. J’ai partagé une bonne tranche de vie vu qu’elle a vécu 17 ans. Et c’est vrai que dans les moments où j’étais dans des études un peu prenantes, je me disais peut-être que la prochaine fois que je reviens, elle n’est pas là, etc. Et c’est pour ça que je me demandais un peu comment tu l’avais appréhendé ou pas avec ce rôle un peu particulier du chien guide qui est tout le temps à tes côtés.

S.

C’est vrai que l’avantage, c’est le seul avantage du confinement, c’est vrai qu’elle restait à la maison la journée. Mon fils était au collège à côté, donc il revenait des fois, mais il n’avait pas toujours envie de la sortir. Et comme on a été confinés, on est beaucoup restés avec elle. Et après le confinement, comme on s’est tous mis en télétravail, c’est vrai qu’il y avait pratiquement toujours quelqu’un à la maison avec elle. Donc, on a vraiment pu en profiter jusqu’au bout grâce à ça. Grâce ou à cause, je ne sais pas comment dire.

E.

Oui, la situation, en tout cas, vous a permis de le faire et c’est peut-être aussi ça qui fait… Je ne sais pas si ça rend plus rude les choses, mais que vous étiez encore plus les uns avec les autres.

S.

Non, non. Après, il y a eu… Quand est-ce qu’on a eu le confinement ? Oui, si, on était encore en confinement. Plus ou moins en 2021. Oui, ce n’était pas fini.

E.

Après, le couvre-feu, c’est pour ça.

S.

C’est pour ça que pour la deuxième, je ne voulais pas la garder à la retraite parce que je n’avais pas envie de revivre ça si vite. Donc, on avait tout planifié. Mon oncle rêvait de prendre Isba en retraite. Donc, j’avais fait ma demande de renouvellement en mars 2022. Et Laurence m’avait dit à l’époque : « Oui, on la mettra à la retraite à 10 ans. Je pense que pour vous, on pourra planifier un chien pour 2023 ». Et c’est vrai que jusqu’à l’été 2022, Isba était en super forme. C’était un jeune chien, un jeune de neuf ans, un chien de neuf ans. Et on est partis encore en vacances avec elle en été. Elle allait très bien. Mon oncle me disait tout le temps : « Alors, quand est-ce que tu auras le nouveau chien »? Je disais : « Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité, etc. » Il attendait avec impatience de pouvoir prendre Isba. Et puis, en septembre, elle a eu le ventre qui grossissait comme un ballon de baudruche.

E.

Et elle te guidait encore ?

S.

Oui, elle me guidait encore. On est allé à la journée portes ouvertes de la Fondation Frédéric Gaillanne. Et en allant là-bas, sur le quai du métro, elle s’est couchée. Elle n’avançait plus. J’étais avec Stéphane Rossetti de l’ANM, on est allés tous les deux là-bas. Quand on est arrivés là, elle était toute lente, elle n’avançait plus. Et puis, pendant les journées portes ouvertes, elle jouait un petit peu, mais ce n’était pas la grosse forme. Elle qui s’énervait toujours après les chats, elle n’a même pas réagi aux chats de la Fondation Frédéric Gaillanne. Il y a un vétérinaire qui l’a auscultée, qui a dit : « Il y a des trucs pas très chouettes dans ce ventre, il faut que vous la fassiez examiner ». Et donc, quand je suis rentrée, elle ne m’a même pas guidée. C’est Stéphane qui m’a guidée jusqu’au train et tout ça, parce que la chienne n’était vraiment pas bien. Et j’ai demandé à mon compagnon de venir me chercher à la gare. Et deux jours après, on a fait l’échographie et c’est là qu’ils nous ont… Moi, je me souviens, je donnais une formation pour mon boulot. C’est mon compagnon qui était en télétravail aussi, qui a reçu l’appel du vétérinaire. Il m’a laissée tranquille. Une fois que la formation était terminée, il m’a dit : « Assieds-toi. Isba a un cancer de la rate. Il y a des métastases, il n’y a plus rien à faire. Donc, la nouvelle, elle est arrivée assez soudainement parce qu’un mois avant, en vacances, elle était à fond. Donc, j’ai prévenu Thérèse. Je l’ai appelée tout de suite puisque c’est elle qui l’avait éduquée en tant que famille d’accueil. Je lui ai dit : « Tu ne sais pas ? Isba a un cancer, elle n’a plus que trois semaines à vivre. Elle aussi, elle était… Voilà. Et puis, alors que je ne voulais pas la garder en retraite, j’ai dû l’accompagner pendant ces trois semaines et ça a été vraiment très dur.

Mais heureusement, l’école était là. Je les remercie beaucoup. Thérèse était là, elle était super aussi. Ma famille était là, donc tout le monde était là. S’ils n’avaient pas été là, ça aurait été différent. Mais tout le monde était vraiment là et c’était super. Mais c’est vrai que c’était très dur pour moi, après, au boulot, d’accepter cette maladie soudaine et ce départ très, très rapide, finalement. Il ne s’était pas trompé, le vétérinaire.

Un jour avant, Thérèse me l’a gardée, elle allait assez bien. C’est-à-dire que quand elle me l’a ramenée le soir, parce que je devais donner une formation, la chienne, elle m’a presque sauté dessus de joie et tout. Et puis, le lendemain, impossible de la lever. Elle s’est couchée devant l’ascenseur, elle ne voulait plus. Donc, j’ai appelé l’école, j’ai dit : « J’ai un problème, la chienne, je ne peux pas gérer ». Ils sont venus, ils ont dit : « On va l’emmener faire ses besoins ». Et là, elle n’a pas voulu descendre, ils l’ont portée. Ils m’ont dit : « Désolés, il faut qu’On aille chez le vétérinaire. Ils l’ont portée jusque chez le vétérinaire. Mon compagnon nous a rejoint. Ils avaient créé un groupe WhatsApp « Isba », Thérèse, l’école et tout ça. Ils se sont donné des nouvelles. Et Thérèse a dit : « Est-ce que j’ai le droit de venir ? » J’ai dit : « Bien sûr. » L’école, ils ont dit : « Est-ce que j’ai le droit de rester ?» J’ai dit : « Oui, bien sûr. » On était tous les cinq autour d’ISBA. Il y avait même l’assistante du vétérinaire dont les enfants sont allés à l’école avec les miens. Qui me connaissait bien et qui m’a dit : « Je veux m’occuper personnellement de toi et d’Isba».

Nous étions là tous les six. Et c’est vrai qu’on nous avait dit, si les gencives sont colorées, ça veut dire qu’il y a une hémorragie et qu’il n’y a plus rien à faire. Comme moi, je ne vois rien et que mon compagnon est daltonien, il ne l’aurait pas vu forcément. Mais apparemment, l’école m’a confirmé, tous ceux qui étaient là, qu’il n’y avait plus rien à faire parce que c’était l’hémorragie. En plus, la chienne, quand on allait chez le vétérinaire, elle freinait des quatre pattes, elle tirait, elle ne voulait jamais y aller. Et là, elle est rentrée sans problème, complètement amorphe et tout. On voyait vraiment que c’était la fin. On l’a tous accompagnée ensemble. C’est ça que j’ai trouvé beau. Le soutien de l’école, de Thérèse, de mon compagnon, de l’assistante vétérinaire. Et puis eux, ils ont voulu rester jusqu’au bout, mais nous, comme pour Voyelle, on n’a pas pu rester. On l’a laissée s’endormir, on est partis.

Et donc, ça a été vraiment très dur parce que je me suis retrouvée à la canne du jour au lendemain. Mais c’était surtout qu’on a perdu Isba dont on a profité toute seule qu’un an, puisqu’elle est morte pratiquement un an après Voyelle.

E.

Oui, un an après Voyelle, alors que ce n’était pas prévu.

S.

C’était prévu qu’elle parte à la retraite. Là, pareil, j’ai fait mon deuil aussi. Mon deuil, ça a été déjà d’accepter la canne, ça n’a pas été très simple. Même si j’ai pas mal utilisé la canne, puisque dès que j’ai appris sa maladie, elle a arrêté de guider et j’ai repris la canne. J’utilisais la canne aussi quand j’emmenais Voyelle, donc j’utilisais encore la canne. Mais du jour au lendemain, tout refaire avec les gens qui ont un regard un peu bizarre sur les gens qui ont une canne et tout, tout ça n’a pas été facile. Et donc, pour faire mon deuil, pareil, j’ai décidé de composer une chanson. J’ai composé la musique, j’ai composé le piano, j’ai fait une voix, deux voix. Comme elle aimait beaucoup être avec nous à la chorale, j’ai décidé de faire un chœur de trois voix. Et voilà. Donc, j’ai fait ma deuxième chanson pour Isba. Et donc, pour faire mon deuil, je me répète la chanson régulièrement.

[La chanson d’Isba en arrière-plan

« Bye bye Isba. Cette chanson est pour toi. (Cette chanson Isba, elle est pour toi).

[Fin de l’exrait]

E.

Tu m’as envoyé ces deux chansons. Avec ton autorisation, on les aura passées, celles de Voyelle, juste un peu avant. C’est vrai que je n’ai pas eu l’occasion de les écouter encore, parce que tu me les as envoyées juste avant l’enregistrement. Je voulais d’abord avoir l’histoire de ces chansons, mais de se retrouver en effet un an presque jour pour jour, parce que début octobre 2021 et mi-octobre 2022, d’être dans le même cabinet vétérinaire en plus. C’est ce que je te disais en tout début, c’est deux décès en un an. On ne s’attend pas à ça.

S.

Non. Voyelle, je m’y attendais parce qu’elle avait 16 ans quand même, mais Isba, elle avait neuf ans. On avait planifié la retraite et tout et on ne s’y attendait pas du tout. Je pense que c’est dur quand il y a une maladie subite et rapide. Ça a été très rapide. C’est ça qui est dur à accepter.

E.

D’autant plus qu’avec l’expérience que tu avais fait de la fin de vie de Voyelle, c’était quelque chose que tu ne voulais plus assumer.

S.

Oui, pas tout de suite. Je voulais laisser passer quelques années. La différence aussi avec la perte de Voyelle et d’Isba, c’est que quand Voyelle est partie, j’avais encore Isba. Donc, il y avait encore un chien à la maison. Et quand Isba est partie, je n’avais plus de chien. Et là, ça a fait un sacré vide. Donc, c’est pour ça, j’appelais l’école : « Si vous avez un chien, si vous voulez que je garde un chien, n’importe lequel, il n’y a pas de problème. Au moins, ça me changera les idées et tout ». Et c’est vrai que la semaine juste après, ou peut-être même le jour de la fin d’Isba, je ne sais plus. Ils m’ont dit : « Est-ce que vous seriez prête à faire des essais de chiens ? » Et j’ai dit : Oui. Mais eux, ils m’ont demandé ça avec prudence. Ils se sont dit que ça serait peut-être trop tôt de lui demander ça. J’ai dit : « Non, au contraire. Oui, bien sûr ».

E.

Avec beaucoup de tact.

S.

Oui, franchement, ils ont été supers. Tous ! Les deux personnes de l’école, tout le monde a été super. Et donc oui, j’ai voulu faire les tests et je crois que c’était deux, trois semaines après, j’ai rencontré Shiva et une autre chienne.

On a fait deux rencontres et voilà. J’ai choisi Shiva. Et dès que j’ai pu, je l’ai prise en week-end pour avoir un chien de nouveau à la maison. C’était super important. Et c’est vrai que dès que tu croises un chien, quand tu n’en as plus, tu es super contente, tu caresses les chiens.

Quand on se retrouvait à l’ANM, je caressais les chiens des autres. C’est super important.

E.

Oui, et en même temps, ça faisait des années que tu étais accompagnée d’un chien guide.

S.

Oui, entre 2006 et 2022, j’ai toujours eu un chien à la maison. Donc c’est vrai que ça faisait drôle.

E.

Avant, tu étais à la canne, parce que de ton côté, tu es dans le noir complet.

S.

Oui.

E.

Mais non, au sens propre comme au figuré au début de l’enregistrement, parce qu’on enregistre avec la vidéo, je t’ai dit : « Est-ce que la webcam marche ? Parce que je ne te vois pas. » Et tu m’as dit : « Peut-être que j’allume la lumière. »

[Rire]

S.

C’est ça.

E.

Ça fait partie des choses où c’est toujours la réalité en face. Et donc là, tu as repris la canne avec l’espoir d’avoir à nouveau un chien, comme tu le disais. Et puis, Shiva est arrivée un petit peu comme un… Est-ce qu’elle est arrivée comme un pansement ou le deuil était déjà fait ?

S.

Je pense que le deuil était déjà fait parce que je pense avoir fait mon deuil quand j’ai terminé la chanson. Et la chanson, je l’ai terminée le 15 janvier 2023. Et j’étais super contente de l’avoir finie, d’avoir finalisé ce projet. Et je l’ai fait écouter à plein de gens. Et là, c’était ma façon à moi de faire mon deuil et j’étais vraiment prête à accueillir un nouveau chien. C’est vrai qu’on a tendance un peu à comparer de temps en temps, mais c’est vrai que les trois sont différentes. Je les prends comme ce qu’elles sont. Donc, j’ai pu accueillir Shiva, surtout que je l’ai rencontrée en octobre-novembre et puis on m’a dit : « Elle ne sera pas prête tout de suite. Peut-être en janvier ». Puis en janvier, on m’a dit, non, finalement, comme les éducateurs sont eux-mêmes en formation, ça va prendre plus de temps, donc ce sera qu’en avril. Je me suis dit : « Mais je ne tiendrai jamais en avril, c’est dix fois trop long ! » C’est pour ça que j’ai négocié très vite à pouvoir la prendre le week-end. À partir de février, comme je travaillais à Montparnasse, j’ai accepté, ça a été très dur, d’aller la chercher tous les week-ends à Versailles, puisqu’elle vient de Buc. Et Donc, j’ai fait le trajet Montparnasse-Buc tous les week-ends. Je l’ai ramenée le lundi matin à Buc. À Versailles, heureusement, ils venaient la chercher.

E.

Oui, c’est ce que j’allais dire. Je l’ai fait en transports en commun une fois. Ça se fait, mais ce n’est pas le plus évident.

S.

Comme je travaillais à Montparnasse, le trajet était moins long. Il était coupé en deux, puisque j’allais jusqu’à Montparnasse et après, j’allais à Luc. Mais j’ai aussi subi des problèmes de transport parce qu’il y a eu des problèmes électriques, il y a eu des manifestations. Je me souviens, un jour, je suis restée coincée une heure dans le train avec ma petite Shiva. Mais le fait d’avoir ça qui était dur et tout, ça m’a vraiment permis de me dire : Ça y est, il faut travailler dur pour avoir le chien. Et j’ai travaillé dur pour avoir le chien, parce que pendant plusieurs mois, entre février et avril, presque tous les week-ends, sauf un ou deux, je suis allée chercher le chien à Buc.

E.

À Versailles.

S.

Oui, à Versailles. J’ai fait beaucoup de transport., mais je me suis dit : « C’est la somme à payer pour avoir un nouveau chien. » Et je ne le regrette pas. Et ça m’a permis de finir mon deuil, de m’habituer à Shiva et de l’accueillir dans notre foyer.

E.

Donc, Shiva, est-ce que tu as déjà pensé ? Question un peu bizarre, mais à la fin, à la suite, j’imagine que ça t’a peut-être traversé l’esprit ?

S.

Oui, j’y ai pensé et j’espère qu’il n’y aura pas de mauvaises surprises ou elle sera malade très tôt. J’espère qu’elle sera chien guide longtemps. Et je pense que si les conditions le permettent, je demanderai à l’avoir en retraite. Parce qu’il y aura assez de temps qui se sera écoulé entre les pertes de Voyelle et Isba.

E.

Oui, la décision que tu avais prise pour Isba, c’était surtout conséquent à la perte de Voyelle, pour le coup.

S.

Oui, parce que c’était trop frais. Mais ce n’est pas évident. Je ne le souhaite à personne. Le pire, c’est de prendre la décision. C’est le plus dur.

E.

La décision de ne pas garder en retraite ?

S.

Non, de laisser partir le chien. Une fois que le chien, il est avec toi, pour Isba, ce n’était vraiment plus possible. Je ne pouvais vraiment plus m’en occuper. On voyait vraiment qu’elle souffrait. C’est vraiment très dur de prendre cette décision-là.

E.

Oui, tu disais que pour Voyelle, vous aviez essayé de repousser, repousser, repousser parce que vous aviez des espoirs sur les traitements. Ce que donnait le vétérinaire, ça faisait effet dans le positif. Donc, c’est que ça allait mieux. Et ce qui est le plus compliqué, peut-être, c’est qu’une fois qu’on a mis en place plusieurs traitements, pourquoi on dirait non et on arrêterait tout ? Peut-être que…

S.

Après, on s’est peut-être trop acharnés. On aurait peut-être dû arrêter plus tôt, je ne sais pas, mais moi, je n’ai pas réussi à me résoudre à le faire plus tôt. C’est vrai qu’elle a eu beaucoup de traitements, ça avait un certain coût parce qu’il y avait des… Elle avait des problèmes de reins, elle avait des problèmes digestifs, mais je ne regrette pas. Franchement, on a profité de ce chien jusqu’au bout et même si à la fin, on ne pouvait plus la lâcher en liberté, etc. C’était vraiment chouette.

E.

Et après, tu disais que de toute façon, Voyelle avait aussi une place un peu particulière. Déjà, c’était ton premier chien guide et je sais que par expérience et par toutes vos interviews, et on peut le comprendre, ils ont toujours une place particulière parce qu’en général, ils vous ont aidés à aller plus loin que la canne ne le fait.

S.

À gagner en autonomie, comme disait la pub de la FFAC.

E.

Exactement. Et puis, comme tu le disais, elle est arrivée vraiment dans une période où tu étais jeune, où vous étiez jeunes parents, tu étais jeune maman. Elle n’a été pas uniquement ton chien guide, elle a aussi été le chien de famille de tes enfants.

S.

C’est ça. Et elle m’a permis vraiment d’être autonome. C’est vrai que les parents, ils disaient : « On oublie que tu es aveugle avec le chien. » Parce que c’est vrai qu’il m’est arrivé plusieurs fois de me retrouver avec trois, quatre enfants. J’emmenais tout ce monde à l’école et je n’avais pas à me demander avec la canne. Je vais rentrer dans 15 obstacles, me payer les gens et tout parce que le chien, il faisait le boulot. Donc, je pouvais me concentrer sur autre chose. C’est ça qui est super.

E.

Oui, et de fait, elle avait une place particulière aussi auprès de tes enfants. Et ça, c’est important aussi dans la place qu’ont ces chiens-là. On n’y pense pas forcément. Ça reste un chien guide, c’est le vôtre, mais à la fois, c’est tout un chien de famille. Ce n’est pas déconnectable l’un de l’autre. C’est ce que me disait… J’en ai parlé avec Nour-Eddine dans l’épisode 22, parce qu’on avait vraiment abordé le sujet, justement, si ça vous intéresse, je vous encourage à aller l’écouter, du fait d’être papa de jeunes enfants avec un chien. Comment on gère ? Comment on gère le chien, comment on gère les enfants ? Comment on emmène ? On avait largement abordé le fait de comment on emmène justement ces jeunes enfants à l’école tout en ayant le chien d’un côté, etc. Et ça permet une liberté et surtout une autonomie, comme tu le disais. Aujourd’hui, tes enfants sont grands et ils ont aussi pu exprimer, j’imagine… Je ne sais pas, est-ce que ça a créé aussi beaucoup de deuil au sein de la famille ?

S.

Ils ne l’ont pas dit forcément. Ils ne l’ont pas trop partagé.

E.

Ils ont été assez pudiques sur leur manière de faire le deuil aussi parce que ce n’est pas facile pour les compagnons de vie aussi.

S.

Je pense que mon fils, quand même, il a été triste qu’on prenne la décision du départ de Voyelle alors qu’il était déjà en province pour ses études et qu’on n’ait pas attendu qu’il rentre pour la laisser partir. C’est vrai qu’il ne l’a pas vue une dernière fois. Mais Ce n’était plus possible, c’était vraiment plus gérable. Pour Isba, il savait qu’elle était très malade et donc il est revenu un week-end pour lui faire des câlins et tout ça. Et après, il savait que c’était une question de jours.

E.

Oui, donc il a pu le faire pour Isba et pour Voyelle, il le regrette, mais en même temps, comme tu le dis et tu nous l’as raconté, la porter, la baigner, c’était plus envisageable pour toi.

S.

Je ne pouvais pas la porter une canne dans une main et un chien dans l’autre, ce n’est pas possible. Je ne pouvais pas la porter d’une main, ce n’était vraiment pas gérable. Surtout qu’on a des marches pour sortir de chez nous, on a cinq marches. Donc, un chien qui ne peut plus descendre les marches, ce n’était vraiment pas gérable. Mais c’est vrai qu’on a été jusqu’au bout.

E.

Et l’arrivée de Shiva auprès de tes enfants ?

S.

Écoute, elle est tellement gentille, calme et de bonne humeur. Ça nous fait drôle par rapport aux autres chiennes, parce que les autres, elles aboyaient. Elles aboyaient, elles s’exprimaient, elles grognaient. Isba nous sautait dessus. Et elle, c’est une calme. On ne l’entend jamais. Elle aboie jamais, sauf quand elle a été dans l’eau et qu’elle a bien nagé dans l’eau, elle fait… Je ne sais pas, elle fait des petits bruits. Mais sinon, on ne l’entend pas. Et c’est vrai que j’ai vu pas mal de gens qui ne sont pas très chiens et elle a charmé tout le monde. Même les gens dans la famille qui ne sont pas très chiens. Même mes parents, ils sont chiens, mes parents, mais tout le monde a été conquis par Shiva.

E.

Et fort de ton expérience, est-ce qu’il y a quelque chose que tu as appris ou que tu as découvert dans toute cette aventure avec les chiens guides que tu n’avais pas forcément envisagé avant d’accueillir Voyelle ?

S.

Avant d’accueillir Voyelle, j’ai mis du temps à me décider à avoir un chien. Je ne voulais pas parce qu’on était dans un appartement petit et tout ça. Et ce que j’ai appris, c’est ce qu’apporte un chien guide. Ça apporte tellement de liberté, tellement d’autonomie. C’est vrai que c’est dur de s’en passer quand on ne l’a plus et que le chien part, ou qu’il n’est pas là. Mais c’est vrai qu’on ne dépend vraiment plus de personne. C’est ça que j’ai appris. Parce que j’ai toujours eu des chiens. Mes parents ont eu des chiens, mais c’est vrai que ce n’est quand même pas la même relation. Déjà, le chien est éduqué alors que les chiens de mes parents ne l’étaient pas forcément. Ils mangeaient à table et tout ça. Et c’est vrai que j’ai été assez stricte. J’essaie de respecter les recommandations de l’école. Je suis assez stricte dans le fait de donner à manger à table ou pas. Et c’est ça que j’ai appris, c’est comment maintenir l’éducation. Et c’est vrai que j’ai eu un chat entre temps, avant d’avoir des chiens guides. Et finalement, ce que ça m’a appris, c’est que je préfère les chiens.

[Rires]

E.

Ce n’est pas la même chose. C’est vrai que moi, j’étais plutôt team chat, comme je te le partageais avec Volvic, la minette que j’avais chez mes parents, mais parce que mes parents, et ceux qui me connaissent le savent bien, m’ont toujours dit : « Grandis, grandis et tu auras des chiens plus tard. » Ils ne voulaient pas prendre cette responsabilité et c’est tout à leur honneur d’avoir fait ce choix-là par rapport à la vie qu’on menait tous ensemble. Mais ce n’est pas la même relation. On n’interagit pas de la même manière.

S.

C’est clair.

E.

Je m’oriente vers les questions de fin que je pose à mes invités. Je me demandais s’il y a un moment où tu as été bluffée par l’une ou les trois d’entre elles et qui reste un souvenir marquant pour toi.

S.

Oui, j’en ai trouvé pour deux des trois. Les trois avaient ou ont une bonne mémoire des lieux. Je me souviens, Voyelle, je devais faire une intervention au Palais des Congrès pour Microsoft et il fallait aller sur la scène, se positionner devant un micro et parler. On lui a appris une fois le chemin ou deux. Et puis, elle maîtrisait le truc sans problème et elle m’emmenait comme ça sans problème jusque-là. Et ça, son adaptation, c’était chouette. Isba, comme elle était un peu têtue, j’ai toujours un peu eu du mal à être bluffée. Mais ce qui m’a toujours bluffée, c’est son attachement, la façon dont elle était toujours câline avec nous. Voilà, sa gentillesse à Isba. Pour ce qui est de Shiva, j’ai été bluffée aussi parce qu’on est allées à un endroit la semaine dernière qu’elle n’avait vu qu’une fois pour faire réparer une plage braille. Et on descend la rue et le GPS me dit : « Votre destination est sur votre droite. » Je n’ai rien dit au chien. Elle a tourné la tête, elle s’est dirigée vers la porte et elle s’est arrêtée devant la porte. Je suppose que c’est parce que la dernière fois où on y était allées, elle a croisé le chien d’une personne qui travaillait là.

Peut-être que c’est ça qu’elle s’est dit : « Ah, j’ai des souvenirs là-bas, j’ai croisé un chien que je connais. » Mais je n’en suis pas sûre. Mais c’est vrai qu’elle se rappelle quand même facilement des endroits où elle a été une ou deux fois. Elle m’y amène direct.

E.

Ils ont une sacrée mémoire des lieux. Et c’est vrai que ça, c’est quelque chose Même moi, tu vois, quand je les prends en relais, quand j’étais à Paris, il y a des grilles quand même, plusieurs grilles qui se ressemblent autour des résidences. Ou alors quelques-uns se faisaient avoir par les différentes grilles.

S.

Des fois, ils se trompent.

E.

Oui, mais c’est normal. Une grille, une grille quand on l’a vue qu’une seule fois. Mais bien souvent, ils avaient quand même bien repéré l’enchaînement des différentes grilles et laquelle était la bonne. C’est assez bluffant, en effet. Justement, j’enchaîne sur les lieux. Est-ce qu’il y a un ou des lieux exceptionnels que tu as été via les chiens guides, peut-être avec l’ANM ou la FFAC ?

S.

Je n’ai pas trop trouvé dans la question et donc je me suis dit peut-être quand nous avons fait tous ces congrès du mouvement Chien Guide, puisque nous avons pu aller à Toulouse. Alors Toulouse, ça reste un mauvais souvenir pour moi parce que c’était l’année où Voyelle est partie à la retraite et comme elle guidait moins, je ne l’ai pas emmenée à Toulouse. Et ce qui a été très dur, c’est que tout le monde était là avec son chien et tout. Et à la fin, ils ont dit : « On voudrait faire des photos des maîtres avec les chiens. » Et donc, c’est les maîtres avec les chiens qui sont allés sur la photo. Et puis, ceux qui n’avaient pas de chien, ils sont restés sur la touche un petit peu. Donc ça, ça a été dur. Mais par contre, je me souviens, on était dans le stade où il y a le rugby et tout ça. Il y a une chorale d’hommes qui a chanté, les chanteurs de Tarbes. Et ça, ça m’a pris aux tripes. J’étais sans chien, c’est vrai que j’étais triste de ne pas avoir Voyelle, donc j’étais encore plus émue. Mais cette chorale d’hommes qui chantait dans ce stade, avec l’acoustique qu’il y avait, ça m’a impressionnée. Et après tous les autres congrès qu’on a faits à Limoges, à Angers, à Lyon, c’était chouette. Et puis, le lieu que j’ai beaucoup aimé aussi, c’est la fameuse journée de 2012, où on s’est tous retrouvés à la Bastille avec les ballons. On a avait fait un lâcher de ballons. Ça, c’était vraiment génial.

E.

Ça devait être impressionnant.

S.

Ouais, c’était chouette.

E.

Cette ambiance un peu fête, un peu fédérateur.

S.

Oui, super ambiance. Il y avait 150 chiens et ils étaient tous calmes. Il n’y a pas eu de problème. C’est ça qui était impressionnant.

E.

Shiva se serait fondue dans le … Ça fait un des mots aussi que tu as dit pour Shiva. Se serait bien fondue, en tout cas, dans le décor. Et pour finir, je pose une dernière question qui a un sens un peu particulier étant donnée la thématique, le zoom de l’épisode que nous avons fait aujourd’hui. Je demande toujours quel est ton pire et ton meilleur moment avec les chiens guides, en commençant par le pire pour terminer par le meilleur.

S.

J’ai écrit le pire pour les trois. Je ne sais pas dans quel sens tu veux le faire. L’un des pires moments pour Voyelle, c’est que comme elle a commencé à vieillir, un jour, on s’est baladés au bois de Vincennes et puis elle a disparu. Et pendant deux heures, on l’a cherchée. Et j’ai cru qu’on l’avait perdue. Et ça a été horrible. Mon compagnon est parti, il l’a cherchée, il l’a cherchée. Moi, je sifflais, je sifflais et elle n’entendait pas. On a appelé l’école et il y a des gens de l’école qui sont venus, qui ont aidé à chercher. Et puis, à la fin, ils ont dit : « Désolés, on ne trouve pas. » Et donc on a dit : « On va rentrer à la maison et on va mettre une affiche : cherche chien, désespérément. » Et on était en train de rentrer, parce qu’à l’époque, on n’avait pas de voiture, donc on se dirigeait vers les autolibs pour rentrer et tout d’un coup, appel de l’école : « On a retrouvé votre chien. » C’est un passant qui l’a trouvée du côté des autolib’ parce qu’elle a dû se souvenir qu’on prenait autolib’ pour rentrer et elle était là. Et depuis, on ne l’a plus lâchée. Mais ça, ça a été le pire des moments. On s’est dit : « Ça y est, on a perdu le chien, on la retrouvera jamais. »

E.

Elle était à la retraite, déjà ?

S.

Oui. Et on avait envoyé Isba, on lui avait dit : « Va chercher le chien. » Mais Isba ne la cherchait pas. Donc ça, c’était le pire avec Voyelle. Avec Isba, les pires des moments, c’est quand elle faisait sa tête de pioche et qu’on tournait en rond pendant des heures. Des heures, j’exagère, mais que je lui dis : « cherche le métro, cherche tel endroit, » et qu’elle ne le trouvait pas. Ça, c’était horrible.

E.

Un peu têtue, quoi.

S.

Oui, et pour Shiva, je n’en ai pas encore parce que ça ne fait pas assez longtemps que je l’ai. Pour l’instant, ça va. Et les meilleurs moments quand même, c’était quand même au moment des détentes.

Je me souviens, Voyelle, elle n’était pas très câline. Elle était assez indépendante comme chien. Et un jour, on s’est baignés en Bretagne, à Brest, avec les combines et tout, il faisait froid. Et à la fin de la baignade, je me suis allongée sur la plage. Voyelle est venue à côté de moi et elle le faisait jamais. Elle s’est allongée à côté de moi et elle a posé sa tête sur ma poitrine et elle a fait un câlin comme ça. Et ça, c’était un super moment auquel je penserais tout le temps en pensant à Voyelle.

Et Isba, l’un des meilleurs moments, c’était pareil, c’était en détente. En vacances, on était au Portugal. On n’avait jamais eu l’occasion de vraiment se baigner avec elle parce qu’on avait toujours voyelle, et tout ça. Et cette année-là, on s’est baignés plusieurs fois dans des lacs et tout. Et elle a nagé avec nous. Et on s’accrochait au chien qui nous tirait, qui nous remorquait et qui nageait avec nous. Et ça, c’était vraiment un super moment parce qu’il y avait une certaine complicité entre nous et le chien. C’était super.

Et pour les deux, les meilleurs moments aussi, c’est qu’on s’est pas mal baladés en montagne. Et un jour, Voyelle était quand même déjà assez âgée et on est allés sur un col où il y avait de la neige. On a lâché les chiens dans la neige et elles se sont roulées dans la neige. E.

[Rire]

Et ça, c’était vraiment un truc super de voir ces deux chiennes ravies d’être dans la neige.

Et le meilleur moment pour Shiva, quand même, c’est que c’est un chien qui réagit au quart de tour Quand elle voit qu’on s’en va, elle vient en contact, elle est là avec son nez, puis elle donne un petit coup de nez, elle vient dire: Ça y est, on y va ? Chouette. Et elle est toujours prête à partir, prête à faire des choses. On a toujours l’impression qu’elle comprend ce qu’on veut faire.

E.

Et puis, Shiva, comme tu le précisais, c’est quand même le début de votre aventure ensemble. On te la souhaite longue.

S.

Oui.

E.

Et puis, jusqu’au bout, mais dans le bon sens des choses, puisque comme tu le disais, a priori, du temps se sera passé, je te le souhaite. Et sa retraite heureuse et longue terminera forcément quelque part, mais elle passera du temps avec vous. Il n’est plus question de dire à l’oncle de venir la chercher.

S.

C’est sûr.

E.

Ça, c’est quelque chose auquel tu tiens et je pense qu’on peut te souhaiter que le meilleur pour la suite. Que ce processus de deuil, on l’a bien vu, ta manière a été l’écriture, l’hommage en musique, en chanson. Et surtout, à l’arrivée de Shiva, même si ton deuil était déjà, comme tu le disais, bien avancé, en tout cas avant son arrivée, ça permet de penser à autre chose, de continuer à bouger, de laisser un peu la canne au placard.

S.

Alors pas de continuer à bouger, mais de rebouger. Parce que c’est vrai que tout le temps où j’étais à la canne, c’est vrai que je bougeais beaucoup moins.

E.

Il y avait quand même une différence.

S.

Oui, je bougeais parce qu’il faut bouger, mais non, je bougeais beaucoup moins.

E.

En tout cas, merci beaucoup de m’avoir raconté ton histoire. Ces dures épreuves de la vie.

S.

En tout cas, nous, je ne fais plus mon deuil, mais c’est vrai que Voyelle et Isba vivent toujours un peu à travers nous, à travers nos souvenirs. C’est vrai qu’on dit : « Tiens, elle faisait comme ci, elle faisait comme ça, elle était si, elle était ça. » Et avec Thérèse, on s’est fait quelques virées au bois. Un peu après le départ d’Isba, on est retournées à la grande piscine, comme on l’appelle. C’est un endroit où il y a plein d’eau et les chiens, Isba adorait plonger après les bâtons, là en faisant des plongeons assez artistiques. Et toutes les deux, on est allées là et on est allées symboliquement jeter quelque chose dans l’eau en souvenir d’Isba.

E.

C’est sûr qu’ils vivent toujours, mais il faut en parler.

S.

Et réécouter les chansons.

E.

Et réécouter les chansons. Promis, je les aurais diffusées quand on arrivera à ce stade de l’épisode. Merci beaucoup Sylvie pour ces mots, ces émotions, ces moments de vie qui sont loin d’être faciles.

S.

Merci aussi de m’avoir invitée.

E.

Et voilà, c’est la fin de cet épisode. J’espère qu’il vous aura donné les clés pour espérer un deuil apaisé, voire chanté. Si vous avez apprécié cet épisode où Sylvie aborde aussi la retraite de son chien guide à ses côtés, je vous conseille d’écouter l’épisode 39 avec Doriane, qui raconte comment vivre avec ses deux chiens, l’un à la retraite et l’autre en activité. De mon côté, je vous dis à bientôt pour le prochain épisode sur l’univers méconnu des chiens guides d’aveugles et vous laisse en compagnie de l’hommage à Isba, chanté par Sylvie.

Texte de l’hommage à Isba

Tu fus ma seconde guide, Voyelle, tu remplaças.

En juillet 2015, chez nous, tu arrivas.

On t’appelait Boulette, Bibi, Babou, Baba,

des surnoms qu’avaient trouvé Benno, Thérèse ou Laetitia.

Tu étais très câline, la solitude, tu n’aimais pas.

Dès que tu nous voyais, tu nous sautais dans les bras.

Tu étais tellement douce, notre peluche on t’appela.

Jamais tu ne nous mordis, gentille, tu restas.

Tu n’étais pas très joueuse, mais les balles, tu adorais.

Dans ta gueule, très souvent, tu en avais deux ou trois.

Tu voulais toujours être en tête, la cheffe tu jouais,

et tu partais devant, laissant les autres chiens derrière toi.

En détente, toute excitée, tu démarrais à fond les ballons !

Et de toi, Thérèse disait que tu étais comme un bouchon.

Un bouchon de champagne qui ne demande qu’à sauter,

une fois que dans la campagne ou les bois tu étais lâchée.

À part les balles, tu aimais courir et sauter dans l’eau,

que ce soient des flaques de boue ou de jolis cours d’eau.

À plus d’un chien, tu as montré comment il devait plonger.

Élégante, tu sautais chercher les bâtons au fond du ruisseau.

Lorsqu’il fallait guider, tu n’étais pas très motivée.

Tu n’en faisais qu’à ta tête, vers la gauche, tu me tirais.

Cependant, quand tu le voulais, vite, on pouvait foncer.

Mais souvent, il me fallait tout de même t’encourager.

Ma boulette, tu n’en faisais qu’à ta tête.

Toujours guillerette, quand tu trouvais des balles dans les bois.

Parmi mes activités, celle que tu préférais,

c’était m’accompagner à la chorale pour chanter.

Tu ne manquais jamais d’aller tous les saluer

et de satisfaction dans notre cercle tu te roulais.

Avec Voyelle, tu ne t’es jamais trop disputée.

Tu as donné de la gaieté à sa vie de retraitée.

Voyelle t’a expliqué comment il fallait aboyer,

après toutes les personnes qui venaient dans notre foyer.

Ma douce, ma belle Isba, nous penserons toujours à toi,

car tu savais nous charmer, à toi, on ne pouvait qu’être attachés.

Cette chanson Isba, je l’ai écrite pour toi,

en souvenir de toi, pour te dire que je ne t’oublie pas.

Tu n’avais que neuf ans, on avait tout planifié.

Pour ta prochaine retraite, dans la famille, tu devais rester.

Mon oncle était tout prêt à t’accueillir dans son foyer.

Malheureusement, la maladie ne l’a pas autorisé.

Très câline, mais un peu coquine,

tu partais devant, laissant les autres chiens derrière toi.

Tu es partie trop tôt à cause de ce méchant cancer.

Quand le véto a dit, il n’y a plus rien à faire.

Nous te regretterons notre petite boulette.

Jamais plus tu ne viendras pour nous faire la fête.

Alors nous te chantons cette chanson Isba,

pour toi qui, malgré tout, as su guider mes pas.

Nous ne t’oublierons pas, Boulette, Babou, Baba.

En souvenir de toi, nous te disons : Bye bye, Isba.

Cette chanson, Isba, elle est pour toi.

Toi, qui pendant sept ans as guidé mes pas.

En souvenir de toi, ma belle Isba.

chantons à plusieurs voix, bye, bye, Isba.

Bye bye, Isba.

[En fin de chanson, l’aboiement d’Isba]

ients visuels sont accompagnés d’un chien guide ? Alors pour mieux comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi pour découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, je vous partage deux fois par mois mes échanges avec un invité issu de cet univers, maître de chien guide, bénévole et tant d’autres. Pour en savoir encore plus, n’oubliez pas de vous inscrire à ma newsletter mensuelle pour découvrir les coulisses du podcast, les actualités des Chiens Guides et bien sûr, des nouvelles de mes invités. Petit warning pour cet épisode, puisqu’on est à bord avec mon invité, le sujet du deuil, qui peut être encore délicat pour certains d’entre Alors n’hésitez pas à prendre votre temps. Quand on s’engage en effet, dans les démarches pour avoir un chien guide, on sait malheureusement qu’il ne nous guidera pas jusqu’au bout de notre vie.

E.
Malgré son espérance de vie plus courte, imaginer la fin est souvent inconcevable. Alors, comment faire son deuil Sylvie a dû y faire face dernièrement et à deux reprises dans la même année. Alors comment vous dire que notre échange a été douloureux, mais nécessaire ? Et que je remercie encore Sylvie de partager tout cela grâce à ta nouvelle chaîne guide à ses côtés. Et maintenant, place à l’épisode. Bonjour Sylvie.

S.
Bonjour Esther. Gertel.

E.
Merci d’avoir accepté mon invitation dans mon podcast futur Shein Guide. Est-ce que pour commencer, tu pourrais te présenter, s’il te plaît ?

S.
Bien sûr. Je m’appelle Sylvie, j’ai 53 ans. Je vis avec mon conjoint qui est allemand et nous avons J’ai deux enfants qui sont déjà très grands, puisque j’ai un gars qui vit déjà de façon autonome, elle fait ses études à Blois. Et j’ai une fille qui est encore à la maison, mais qui vient de rentrer à l’université aussi. Je suis consultante en accessibilité numérique depuis 25 ans et je vis sur Paris.

E.
Oui, donc là, l’accessibilité numérique, je sais que moi, c’est un de mes défis dans l’enregistrement. Le fait qu’on puisse s’enregistrer. En plus, là, on vient de changer de logiciel. Je viens de changer de logiciel en ligne, ça va. On se disait, là, on a fait un petit test juste avant, c’était correct pour toi, le fait de se connecter, tout, c’était fluide ?

S.
C’était correct pour moi parce que j’ai un peu l’habitude des logiciels que je ne connais pas, mais ça peut peut-être poser des problèmes aux gens qui ne parlent pas l’anglais, par exemple, ou qui n’ont pas l’habitude de trifouiller dans des fenêtres surgissantes de Google, pas de Google de Chrome. C’est vrai que ça demande un peu de manipulations. Je ne sais pas si tout le monde y arrive. Je ne suis pas un bon exemple là-dessus, parce que je suis toujours en train de me débrouiller.

E.
Oui, et puis comme tu le remarquais, je mets en fin de mail pour la connexion, je vous mets aussi les petits raccourcis qui permettent justement d’autoriser micro, caméra, toutes ces petites choses comme ça. Et tu me disais qu’aujourd’hui, tu es accompagné d’un chien-gui, puisque c’est pour ça qu’on se parle. Ce n’est pas ton premier. Et justement, aujourd’hui, on va aborder un sujet un peu particulier, puisqu’on On va aborder le deuil, la perte de l’animal. Ça fait longtemps que j’ai envie d’aborder cette question qui est très délicate quand même. Je voulais le faire. Ça fait partie des grandes questions qu’on se pose quand on dépose un dossier pour être maître de chien guide, pour être guidé par un chien guide. Comment on aborde tout ça ? C’est ce que je voulais voir avec toi aujourd’hui, mais avant tout, est-ce que tu pourrais me donner trois mots pour te désigner et trois mots pour décrire les différents chiens que tu as eus à tes côtés C’est mon troisième chien guide, ma troisième chien guide, puisque je n’ai eu que des chiennes, pour le coup.

S.
Pour me décrire, j’ai un peu réfléchi, mais j’en lance trois, puisque c’est le défi. Donc, j’ai mis engagé, perfectionniste et communicative. Voilà pour moi. Et donc, pour mes trois chiens, pour mes trois chiennes, la première s’appelait Voyelle. Et donc, j’ai choisi les mots Gazelle, parce que je l’ai appelée souvent ma Gazelle, parce qu’on On allait assez vite toutes les deux. Morphale, parce que la bradeur Golden, ça mange quand même. Puis, elle a piqué plusieurs fois des choses, le plat de poulet qui était sur la table, sur la paillasse. Et puis, quand on avait deux tournées, elle est allée manger le poulet ou alors elle a fait tomber le plat et ça a tout cassé, elle s’est fait peur. Et joueuse, parce que quand même, elle aimait bien jouer. Pour ma seconde guide qui s’appelait Isba, j’ai choisi le mot caline, parce que c’était une Golden qui faisait que des câlins, elle aimait pas être seule et elle adorait caliner tout le monde. Têtue, parce que un Golden, c’est têtue et quand elle avait décidé de ne pas faire quelque chose, elle ne le faisait pas. Et drôle, parce que quand même, c’était notre petit clown.

S.
Elle était quand même très marrante. Et pour la troisième, l’actuelle, C’est un peu compliqué parce que je ne l’ai que depuis six mois. Donc, je la connais, mais on n’a pas fait autant de route qu’avec Voyelle et Isma. J’ai mis danseuse parce que quand elle le fait ses besoins, elle tourne, elle tourne, elle tourne. J’appelle ça la danse de chiva. J’ai mis douce parce que c’est vraiment un chien très doux, sauf quand elle voit un chien au parc ou en liberté quelque part où elle tire comme une tarée, elle a son quart d’heure américain, mais bon. Et j’ai mis calme parce que c’est comme un chien, même si elle n’a que deux ans et demi, c’est un chien quand même très calme.

E.
Et ce que tu me disais quand on a échangé, puisque je te suis aussi, puisque tu es engagée au sein de l’ANM, tu ne nous as pas dit un petit peu tes cartes côté ANM, Association nationale des maîtres de Chiennes Guides, qui en plus soutient le podcast.

S.
Qu’est-ce que je fais pour l’ANM ? Aujourd’hui, je suis trésorière de l’association. Quatre, cinq ans déjà, je ne sais plus. Avant, j’étais vice-président, j’étais secrétaire, vice-secrétaire. Maintenant, je suis trésorière et je suis engagée au sein de l’ANM activement depuis 2012, parce que j’ai eu des refus d’accès et je me suis dit: Le meilleur moyen de soutenir l’ANM, c’est de s’engager au sein du conseil d’administration.

E.
Donc, ça rejoint ce que tu disais, ton premier mot, engagée.

S.
Oui, c’est ça. C’est ça. Je suis aussi active pour la FFAC, puisque je les aide dans la protection des données. J’ai fait longtemps aussi. Depuis 2008, je les ai aussi aidés. Ça s’appelait la campagne Gagner en autonomie. Avec Voyelle, nous avons illustré la campagne Gagner en autonomie en faisant des photos avec un photographe. Donc, Il nous a pris en photo sur toutes les coutures avec les enfants qui étaient tout petits à l’époque, les compagnons et tout ça. Et ça illustrait le site. Et on était même dans des messages publicitaires qui sont passés à la radio et à la télé. C’était Voyelle et Sylvie qui se faisaient guider et qui se faisaient refuser. Je ne sais plus ce que c’étaient les messages publicitaires. Mais ce qui m’avait attristé à l’époque, c’est qu’ils ont pris des acteurs pour jouer Sylvie. Je trouvais qu’elle avait une voix de péta, c’est que… Excusez-moi l’expression. Et le chien, dans la pub, le premier chien qu’ils avaient mis dans Dans les essais de pub, il avait une voix de caniche pas sympa. Après, ils ont changé, ils ont mis une voix de… Ce n’était pas du tout la voix de voyelle.

S.
Donc c’est dommage, je me suis dit: J’aurais bien joué la voyelle et la Sylvie dans la pub. Mais bon, ça, ce n’est pas grave. Et puis après, j’ai participé à diverses campagnes. J’étais évidemment au défilé de 2012, la fameuse manifestation avec les ballons à la Bastille. Et puis, j’ai participé à différentes médiatisations, les refus de taxi, etc.

E.
Et encore aujourd’hui avec Uber.

S.
Non, ça, ce n’était pas moi.

E.
Mais tu as suivi quand même le dossier d’actualité.

S.
Oui, je suis, mais là, ce n’était pas moi qui ai tourné dans les films. C’est vrai que j’ai toujours eu des chiennes un peu photogéniques et qui aiment bien se faire prendre en photo. Donc, ça aide aussi un peu. Donc, voilà, c’est là. Donc, j’essaie de sensibiliser quand je peux auprès de l’AMN, dans les écoles, dans les centres de loisirs, on a fait aussi.

E.
Comme je le disais en introduction, ce sujet un peu du deuil. C’est vrai que quand on a discuté l’autre jour, il y a une phrase qui m’a marquée. Tu m’as dit: Moi, j’ai subi deux décès en un an. Et du coup, on a un peu détricoté ce qu’on va refaire encore aujourd’hui. Je t’ai tout de suite demandé: Mais on peut en parler ou pas encore ? Parce que je sais que dans nos auditeurs, il y en a qui ont perdu leur chien, leur chien guide. Il y en a assez plus ou moins récent et ce n’est pas forcément facile C’est utile tout de suite d’en parler. Je pense notamment à Doriane de l’épisode 39, avec qui j’avais eu l’occasion de faire il y a plus d’un an et demi maintenant, quasiment deux ans, un épisode sur le fait d’avoir justement son chien guide retraité et son nouveau chien guide. Qui, depuis, a perdu sa belle Fénice, son étoile, comme elle le dit, qui est toujours très émue d’en parler. Ça fait partie des sujets un peu délicats. De ton côté, deux décès en un an, comment on en arrive à ce triste résultat ? Comment émotionnellement on s’en sort ?

E.
Est-ce que tu peux nous raconter un peu tout ça ? Comment ça a commencé déjà ?

S.
Déjà, heureusement, ça fait un an. Il y a de l’eau qui a passé sous les ponts depuis. J’ai été six mois sans chien, donc c’est ça qui a été dur. Et depuis, j’ai eu le chiva. Et donc, du coup, j’ai de nouveau un chien à la maison. Donc, ça me permet de ne pas trop penser à la perte de mes deux autres chiens. Donc, c’est pour ça que j’arrive maintenant à en parler, parce que j’ai réussi à faire mon deuil. J’expliquerai plus tard comment. Mais c’est vrai que ça a été dur deux en un an, parce que ce n’était pas prévu.

E.
Oui, ce n’était pas deux, d’une longue maladie. C’était assez soudain.

S.
Ce qui était prévu, c’est la première, Voyelle, parce que nous avions décidé de la garder à la retraite avec nous, puisque quand elle est arrivée dans notre maison, mon garçon, il avait deux ans et ma fille, il y avait neuf mois Ils ont connu le chien pratiquement depuis le début. Voyelle, c’est le premier mot que ma fille a dit. Elle disait Voyenne avec un N, mais c’est l’un des premiers mots qu’elle a dit. Et donc, c’était un chien très proche d’eux. Et avec qui c’était leur compagnon de jeunesse. Et d’ailleurs, mon fils, il a fait un jour un atelier de peinture. Il y avait une photo, il a pris la photo, il a peint la photo, il a peint le portrait. Et ce portrait, il l’a encadré Quand il a déménagé dans son appartement à lui, il a emmené le portrait de Voyelle et il l’a même fait encadrer par un encadreur avec un beau bois et tout. Elle trône dans sa chambre. C’était vraiment un lien très fort.

E.
Vous voyez, elle est arrivée dans ta vie. Ça fait déjà longtemps que tu te dirigeais avec la canne ?

S.
Oui, c’était ma première chienne. Elle arrivait plus tard que prévu. J’ai eu le chien plus tard que prévu parce que j’ai fait la demande en 2004. J’ai eu ma fille en en 2005. Ils ont laissé passer l’arrivée du bébé. C’est pour ça que la chienne est arrivée en 2006. Mais quand elle est arrivée en 2006, je l’ai rencontrée en avril et on a eu le droit d’essayer de vivre avec elle pendant un week-end. Et mon fils, c’est la première chose qu’il a dit à l’éducatrice quand elle est repartie: Moi, c’est voyelle que je veux. Et elle a dit: On va essayer. Et c’est vrai qu’elle nous a vraiment tous charmés parce qu’elle était joueuse, elle était gay, tout ça. Et donc, elle est vraiment restée dans notre vie. Et moi, quand l’école m’a dit: Il faut la mettre à la retraite, déjà, ça a été assez violent. Je n’étais pas prête à la mettre à la retraite. Mais quand ils m’ont dit: Il faut la mettre à la retraite, qu’est-ce que vous voulez faire ? Je dis: Moi, j’aimerais bien la garder parce que les enfants, ils sont attachés et tout. Et donc, on a décidé de la garder.

S.
Elle est partie à la retraite à 10 ans et demi. Isba est arrivé à ce moment-là. On a eu deux chiens. En 2015, on a eu deux chiens. Pendant six ans, on a eu ces deux chiens, l’une à qui était très bien habituée à sa retraite. C’est vrai que quand je l’avais en laisse juste à la canne, elle guidait encore un peu. Quand elle voyait des voitures garées sur le trottoir, elle freinait. Et pendant quatre ans, elle était en super forme. Les deux dernières années ont été plus compliquées parce qu’elle a eu pas mal de maladies en plus, etc. Mais on a tenu jusqu’au bout parce qu’on a adopté le chien, elle venait de Koubert. Donc, Koubert m’a cédé la propriété du chien. Donc, j’ai signé tous les papiers et et j’ai adopté le chien. Et on s’est engagé évidemment à la garder jusqu’au bout. Donc, je m’attendais à ce qu’un jour, on en parlait, on se disait: Quand elle partira, qu’est-ce qu’on fera ? Mais c’est vrai que c’est dur de penser: Elle va partir, elle va partir. Et puis, on a un peu prolongé quand même sa vie, avec des médicaments, des traitements, des machins.

S.
Et c’est vrai que ça a été super dur. On s’est dit: Quand est-ce qu’on va décider ? C’est ça qui est le plus dur. Moi, je me disais à l’époque: Si je décide de la laisser partir, c’est comme si j’euthanasiais mon chien. Et ai-je le droit de décider de la fin de la vie de mon chien ? J’ai eu des gros doutes. Le vétérinaire m’avait dit: Vous le saurez. Vous le saurez quand ce sera le moment. Parce que le chien, il y a trois conditions: le chien ne veut plus manger, le chien n’a plus d’interaction sociale et il y avait un troisième, je ne me souviens plus lequel. Bon, ce n’est pas grave. Comme Isba venait de l’école de Paris, l’école de Paris m’a suivie dans la fin de midi. Laurence, de l’école de Paris, m’appelait régulièrement pour savoir comment ça allait. C’est vrai que plusieurs fois, j’ai cru que c’était la fin parce qu’une fois, j’ai eu un accident où elle a fait dans sa place. Donc, j’étais toute seule, je pouvais pas la porter pour aller la laver dans la baignoire. Je me souviens, j’étais en réunion de bureau à ENM, je sentais l’odeur de l’accident et je disais: Il y a mon chien qui a un problème, mais je peux rien faire.

S.
Et j’ai attendu que ma fille, elle rentre. Et puis, on l’a portée dans son tapis jusque dans la baignoire, on l’a lavé dans la baignoire et après, on est allé acheter des couches avec Thérèse, la personne qui a été famille d’accueil d’ISBA, qui n’habite pas loin, qui m’a emmené acheter des couches chez Truffaut. Et après, il y avait la grosse histoire d’essayer d’y mettre les couches. Là, je me suis retrouvée 15 ans en arrière quand mes enfants étaient bébés et qu’il fallait leur mettre les couches, mais le problème du chien, c’est qu’il y a la queue. Donc, comment faire pour mettre la couche avec la queue ? Surtout quand le chien est couché et qu’on n’arrive pas à le soulever. Bref. Et puis, finalement, elle s’est remise parce que le véto, il mettait un médicament pour que les problèmes intestinaux s’améliorent. Et donc, elle a tenu encore cinq mois. Le dernier jour, j’étais au téléphone avec Laurence qui me demandait des nouvelles. Et puis, tout d’un coup, on était en train de manger. Mon compagnon me dit: Je crois qu’elle a fait sous elle. Je dis à Florence: Je crois qu’elle a fait sous elle. Elle m’a dit: Arrêtez tout, vous ne pouvez pas continuer.

S.
Et moi, je n’arrivais pas à arrêter parce que la chienne, dès que je venais, elle était gaie, elle était heureuse. Elle remue la queue, même si elle avait mal, elle a toujours été super, super gaie. Je dis: Je ne peux pas interrompre sa vie. Elle remue la queue, elle est contente de nous voir. C’est vrai que c’était tellement dur à gérer. Il fallait la porter. Elle faisait dans l’ascenseur, donc j’étais mal à l’aise vis-à-vis de mes colocataires. Et puis là, je pouvais vraiment plus. Ce n’était plus possible. Il y a souffré vraiment trop. Et donc, on a pris la décision. Ma fille, je l’ai prévenue. Je lui ai dit: On est obligé de la laisser partir. Donc, le véto m’a demandé. J’ai dû insister auprès du véto. Il me dit: Vous voulez le faire maintenant ? Je dis: Non, j’attends ma fille. Ma fille est revenue, elle lui a dit au revoir et puis on y est allé tous les deux. C’était horrible comme sentiment parce qu’on se dit: Ça y est, on va à l’abattoir. Parce que la chienne marchait encore ?

E.
C’est sûr que vous avez quand même partagé six ans et demi de retraite. C’est ce que tu disais. C’est ça aussi qui fait que vous avez partagé beaucoup de Comment on est dans cette période de retraite ? Est-ce qu’on se dit peut-être son dernier jour, c’est demain ou au contraire, on n’y pense pas ? Dans quel état d’esprit tu étais ?

S.
Je n’y ai pas pensé du tout. Sauf à la fin, quand Laurence m’a dit: Vous ne pouvez plus continuer comme ça. Je dis: Bon, je n’ai pas… C’est avec mon compagnon, il me demandait: Qu’est-ce qu’on fait ? Quand il faudra, ce sera l’heure qu’elle parte, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on va l’enterrer quelque part ? Et moi, je ne voulais pas y penser. Je dis: Non, je n’en parle pas. C’est vrai que j’ai pris la décision au dernier moment. On l’a emmené chez le vétérinaire, on l’a accompagné, on lui a fait des câlins, puis il a endormi. Puis après, on n’est pas resté jusqu’à la deuxième piqûre, on est reparti. On ne pouvait pas. On ne pouvait pas. Et donc on est partis, on était très tristes, on a signé les papiers avant. Et puis on a décidé qu’elle parte avec d’autres chiens. On n’a pas voulu garder une urne et tout. Moi, ça ne m’intéressait pas. Je ne m’identifiais pas à un chien dans une urne. Je préférais garder les moments. Je l’ai enregistré pas mal. On a des vidéos, tout ça. Je préfère garder ça qu’une urne. Donc, on l’a laissé partir comme ça. Et du coup, j’ai fait mon deuil en écrivant une chanson.

S.
Je ne compose jamais les mélodies. En général, quand j’écris des textes, je prends une mélodie qui existe et je mets des paroles dessus. Et par contre, si pour Voyelle, ça a été différent, j’ai composé la mélodie, j’ai composé les paroles. Je me souviens, c’est quand je me balade avec le chien, j’étais dans les transports, il y avait un texte qui me venait, je l’écrivais et je l’ai composé ça. Et puis, je l’ai enregistré et on l’a publié dans la revue en avant. À l’époque, on l’a publié avec l’aide de Jean-Pierre. Ça m’a permis de faire mon défi. Ma fille a prononcé. Tu étais de la famille, faisait toutes les activités. À l’école, garçons et filles, adorait te caresser. Plus d’une fois, tu as chipé les crêpes au matin du goûter. Et le dimanche en forêt, tous les chiens te devançaient. Cali utop ou Cyrano, tes copains chez les joinaux. Voyelle, ma gazelle, c’est ainsi que je t’appelais. Quand nous cheminions toutes les deux, tu me guidais en remuant la queue. Voyais-le, ma toute belle. Non jamais je ne t’oublierai. Tu resteras tout au fond de mon cœur. Toi qui nous a donné tant de bonheur.

E.
Dans la revue de l’ANM, du coup, sur laquelle tu prêtes régulièrement ta voix. Voilà. Oui.

S.
Et donc voilà, le deuil s’est fait comme ça. Et donc j’ai réécouté très souvent la chanson pour faire mon deuil. Et puis, ce qui était bien, c’est que la pauvreté, elle a dû partager avec un chien pendant six ans. Et puis, la dernière on ne s’est consacré que à elle. On avait plus de temps pour elle et tout, et c’était très chouette. Mais on ne s’attendait pas du tout à ce qu’elle parte.

E.
Parce que tu disais, vous voyez elle, du coup, huit ans et demi de guidage avec toi, une retraite à 10 ans et quelques, six ans et demi de vie de retraité, peut-être pas jusqu’à son dernier souffle, mais en tout cas, on sent bien que cette éventualité, pour ne pas y penser, tu n’avais pas forcément envisagé la fin, la suite. C’est peut-être un moyen de protection qui est le plus noble. Au final, après 16 ans de vie quand même, ce qui est honorable pour les chiens.

S.
Pour l’avoir dans le latin.

E.
Oui, ça représente C’est pour ça que je te demandais un peu comment t’appréhender, parce qu’est-ce qu’on se dit à partir de 12, de 13, de 14 ans ? Moi, je te dis ça parce que j’ai partagé, pas du tout avec mon chien guide, mais avec la minette que j’avais chez mes parents, que j’ai eue en qui est partie à Noël il y a deux ans. J’ai partagé une bonne tranche de vie vu qu’elle a vécu 17 ans. Et c’est vrai que dans les moments où j’étais dans des études un peu prenantes, je me disais peut-être que la prochaine fois que je reviens, elle n’est pas là, etc. Et c’est pour ça que je me demandais un peu comment tu l’avais appréhendée ou pas avec ce rôle un peu particulier du chien de guide qui est tout le temps à tes côtés.

S.
C’est vrai que l’avantage, c’est le seul avantage du confinement, c’est vrai qu’elle restait à la maison la journée. Mon fils était au collège à côté, donc il revenait des fois, mais il n’avait pas toujours envie de la sortir. Et comme on a été confiné, on est beaucoup resté avec elle. Et après le confinement, comme on s’est tous mis en télétravail, c’est vrai qu’il y avait pratiquement toujours quelqu’un à la maison avec elle. Donc, on a vraiment pu en profiter jusqu’au bout grâce à ça. Grâce ou à cause, je ne sais pas comment dire.

E.
Oui, la situation, en tout cas, vous a permis de le faire et c’est peut-être aussi ça qui fait… Je ne sais pas si ça rend plus rude les choses, mais que vous étiez encore plus les uns avec les autres.

S.
Non, non. Après, il y a eu… Quand est-ce qu’on a eu le confinement ? Oui, si, on était encore en confinement. Plus ou moins en 2021. Oui, ce n’était pas fini.

E.
Après, le couvre-feu, c’est pour ça.

S.
C’est pour ça que Paula deuxième, je ne voulais pas la garder à la retraite parce que je n’avais pas envie de revivre ça si vite. Donc, on avait tout planifié. Mon oncle rêvait de prendre Isba en retraite. Donc, j’avais fait ma demande de renouvellement en mars 2022. Et Laurence m’avait dit à l’époque: Oui, on la mettra à la retraite à 10 ans. Je pense que pour vous, on pourra planifier un chien pour 2023. Et c’est vrai que jusqu’à l’été 2022, Isba était en super forme. C’était un jeune chien, un jeune neuf ans, un chien de neuf ans. Et on est partis encore en vacances avec elle en été. Elle allait très bien. Mon oncle me disait tout le temps: Alors, quand est-ce que tu auras le nouveau chien ? Je dis: Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité, etc. Il attendait avec impatience de pouvoir prendre Isba. Et puis, en septembre, elle a eu le ventre qui grossissait comme un ballon de baudruche.

E.
Et elle te guidait encore ?

S.
Oui, elle me guidait encore. On est allé à la journée portes ouvertes de la Fondation Frédéric Gaillanne. Et en allant là-bas, sur le quai du métro, elle s’est couchée. Elle n’avançait J’étais avec Stéphane Rossetti de l’AENEP, on est allé tous les deux là-bas. Quand on est arrivé là, elle était toute lente, elle n’avançait plus. Et puis, pendant les journées portes ouvertes, elle jouait un petit peu, mais ce n’était pas la grosse forme. Elle qui s’énervait toujours après les chats, elle n’a même pas réagi aux chats de la Fondation Frédéricailanne. Il y a un vétérinaire qui l’a auscultée, qui a dit: Il y a des trucs pas très chouettes dans ce ventre, il faut que vous la fassiez examiner. Et donc, quand je suis rentrée, elle ne m’a même pas guidée. C’est Stéphane qui m’a guidée jusqu’au train et tout ça, parce que la chienne n’était vraiment pas bien. Et j’ai demandé à un compagnon de me venir me chercher à la gare. Et deux jours après, on a fait l’échographie et c’est là qu’ils nous ont… Moi, je me souviens, je donnais une formation pour mon boulot. C’est mon compagnon qui est entré le travailler aussi, qui a eu reçu l’appel du vétérinaire.

S.
Il m’a laissé tranquille. Une fois que la formation était terminée, il m’a dit: Assieds-toi. Il se bat un cancer de la rate. Il y a des métastases, il n’y a plus rien à faire. Donc, la nouvelle, elle est arrivée assez soudainement parce qu’un mois avant, en vacances, elle était à fond. Donc, j’ai prévenu Thérèse. Je l’ai appelée tout de suite puisque c’est elle qui l’avait éduquée en tant que famille d’accueil. Je dis: Tu ne sais pas ? Je dis: Elle a un cancer, elle n’a plus que trois semaines à vivre. Elle aussi, elle était… Voilà. Et puis, alors que je ne voulais pas la garder en retraite, j’ai dû l’accompagner pendant ces trois semaines et ça a été vraiment très dur. Mais heureusement, l’école était là. Je Je lui ai dit: Merci beaucoup. Thérèse était là, elle était super aussi. Ma famille était là, donc tout le monde était là. Si ça n’avait pas été là, ça aurait été différent. Mais tout le monde était vraiment là et c’était super. Mais c’est vrai que c’était très dur pour moi, après, au boulot, d’accepter cette maladie soudaine et ce départ très, très rapide, finalement. Il ne s’était pas trompé, le vétérinaire.

S.
Un jour avant, Thérèse me l’a gardée, elle allait assez bien. C’est-à-dire que quand elle me l’a ramenée le soir, parce que je devais donner une formation, la chienne, elle m’a presque sauté dessus de joie et tout. Et puis, le lendemain, impossible de la lever. Elle s’est couchée devant l’ascenseur, elle ne voulait plus. Donc, j’ai appelé l’école, j’ai dit: J’ai un problème, la chienne, je ne peux pas gérer. Ils sont venus, ils ont dit: On va l’emmener faire ses besoins. Et là, elle n’a pas voulu descendre, ils l’ont porté. Ils m’ont dit: Désolée, il ne faut pas. On aille chez le vétérinaire. Ils l’ont portée jusque chez le vétérinaire. Mon compagnon nous a rejoint. Ils avaient créé un groupe WhatsApp ISBA, Thérèse, l’école et tout ça. Ils se sont donné des nouvelles. Et Thérèse a dit: Est-ce que j’ai le droit de venir ? J’ai dit: Bien sûr. L’école, ils ont dit: Est-ce que j’ai le droit de rester ? J’ai dit: Oui, bien sûr. On était tous les cinq autour de l’ISBA. Il y avait même l’assistante du vétérinaire dont les enfants allaient à l’école avec les miens. Ils me connaissaient bien et qui m’a dit: Je veux m’occuper personnellement de toi et d’ISBA.

S.
Nous étions là tous les six. Et c’est vrai qu’on nous avait Si les gencives sont colorées, ça veut dire qu’il y a une hémorragie et qu’il n’y a plus rien à faire. Comme moi, je ne vois rien et que mon compagnon est daltonien, il ne l’aurait pas vu forcément. Mais apparemment, l’école m’a confirmé, tous ceux qui étaient là, qu’il n’y avait plus rien à faire parce que c’était Il y avait l’hémorragie. En plus, la chienne, quand on allait chez le vétérinaire, elle frêlait les quatre pattes, elle tirait, elle ne voulait jamais y aller. Et là, elle est rentrée sans problème, complètement amorphe et tout. On voyait vraiment que c’était la fin. On l’a tous accompagné ensemble. C’est ça que j’ai trouvé le soutien de l’école, de Thérèse, de nos compagnons, de l’assistante vétérinaire. Et puis eux, ils ont voulu rester jusqu’au bout, mais nous, comme pour Voyelle, on n’a pas pu rester. On l’a laissée s’endormir, on est parties. Et donc, ça a été vraiment très dur parce que je me suis retrouvée à la Cannes du jour au lendemain. Mais c’était surtout qu’on a perdu Isma dont on a profité toute seule qu’un an, puisqu’elle est morte pratiquement un an après Voyelle.

S.
Oui, un an après Voyelle, alors que ce n’était pas prévu. C’était prévu qu’elle parte à de la retraite. Là, pareil, j’ai fait mon deuil aussi. Mon deuil, ça a été déjà d’accepter la canne, ça n’a pas été très simple. Même si j’ai pas mal utilisé la canne, puisque dès que j’ai appris sa maladie, elle a arrêté de buber et j’ai repris la canne. J’utilisais la canne aussi quand j’emmenais Voyette, donc je me dévoyais, donc j’utilisais encore la canne. Mais du jour au lendemain, tout refaire avec les gens qui ont un regard un peu bizarre sur les gens qui ont une canne et tout, pour ça n’a pas été facile. Et donc, pour faire mon deuil, pareil, j’ai décidé de composer une chanson. J’ai composé la musique, j’ai composé le piano, j’ai fait une voix, deux voix. Comme elle aimait beaucoup être avec nous à la chorale, j’ai décidé de faire un cœur de trois voix. Et voilà. Donc, j’ai fait ma deuxième chanson pour Isba. Et donc, pour faire mon deuil, je me répète la chanson régulièrement. Cette chanson, Isba, cette chancelle, et pour cette chanson, Tu m’as envoyé ces deux chansons.

E.
Avec ton autorisation, on les aura passées, celles de Voyelle, juste un peu avant. C’est vrai que je n’ai pas eu l’occasion de les écouter encore, parce que tu me les as envoyées juste avant l’enregistrement. Je voulais d’abord avoir l’histoire de ces chansons, mais de se retrouver en effet un an presque jour pour jour, parce que début octobre 2021 et mi-octobre 2022, d’être dans le même cabinet vétérinaire en plus. C’est ce que je te disais en tout début, c’est deux décès en un an. On ne s’attend pas à ça.

S.
Non. Voyelle, je m’y attendais parce qu’elle avait 16 ans quand même, mais Isba, elle avait neuf ans. On avait planifié la retraite et tout et on ne s’y attendait pas du tout. Je pense que c’est dur quand il y a une maladie subite et rapide. Ça a été très rapide. C’est ça qui est dur à accepter.

E.
D’autant plus qu’avec l’expérience que tu avais fait de la fin de vie de Voyelle, c’était quelque chose que tu ne voulais plus assumer.

S.
Oui, pas tout de suite. Je voulais laisser passer quelques années. La différence aussi avec la perte de Voyelle et d’Isba, c’est que quand Voyelle est partie, j’avais encore Isba. Donc, il y avait encore un chien à la maison. Et quand Isba est partie, je n’avais plus de chien. Et là, ça a fait un sacré vide. Donc, c’est pour ça, j’appelais l’école: Si vous avez un chien, si vous voulez que je garde un chien, n’importe lequel, il n’y a pas de problème. Au moins, ça me changera les idées et tout. Et c’est vrai que la semaine juste après, ou peut-être même le jour de la fin de ce mois, je ne sais plus. Ils m’ont dit: Est-ce que vous seriez prêtes à faire des essais de chien ? Et j’ai dit: Oui. Mais eux, ils m’ont demandé ça avec prudence. Ils se sont dit: Ça serait peut-être trop tôt de lui demander ça. Je dis: Non, au contraire. Oui, bien sûr. Avec beaucoup de tact. Oui, franchement, ils ont été super. Tous, les deux personnes de l’école, tout le monde a été super. Et donc oui, j’ai voulu faire les tests et je crois que c’était deux, trois semaines après, j’ai rencontré Chiva et une autre chienne.

S.
On a fait deux rencontres et voilà. J’ai choisi Chiva. Et dès que j’ai choisi Chiba. Et dès que je l’ai pris en week-end pour avoir un chien de nouveau à la maison. C’était super important. Et c’est vrai que dès que tu croises un chien, quand on n’a plus, tu es super contente, tu caresses les chiens. Quand on se retrouvait à l’ANM, je caressais les chiens des autres. C’est super important.

E.
Oui, et en même temps, ça faisait des années que tu étais accompagnée d’un chien guide.

S.
Oui, entre 2006 et 2022, j’ai toujours eu un chien à la maison. Donc c’est vrai que ça faisait drôle.

E.
Avant, tu étais à la canne, parce que de ton côté, tu es dans le noir complet. Oui. Mais non, au sens propre qu’on va figurer au début de l’enregistrement, parce qu’on enregistre avec la vidéo, je t’ai dit: Est-ce que la webcam marche ? Parce que je ne te vois pas. Et tu m’as dit: Peut-être que j’allume la lumière. C’est ça. Ça fait partie des choses où c’est toujours la réalité en face. Et donc là, tu as repris la canne avec l’espoir d’avoir à nouveau un chien, comme tu le disais. Et puis, Chiva est arrivé un petit peu comme un… Est-ce qu’elle est arrivée comme un pansement ou le deuil était déjà fait ?

S.
Je pense que le deuil était déjà fait parce que je pense avoir fait mon deuil quand j’ai terminé la chanson. Et la chanson, je l’ai terminée le 15 janvier 2023. Et j’étais super contente de l’avoir fini, d’avoir finalisé ce projet. Et je l’ai fait écouter à plein de gens. Et là, c’était ma façon à moi de faire mon deuil et j’étais vraiment prête à accueillir un nouveau chien. C’est vrai qu’on a tendance un peu à comparer de temps en temps, mais c’est vrai que les trois sont différentes. Je les prends comme ce qu’elles sont. Donc, j’ai pu accueillir Chiva, surtout que je l’ai rencontré en octobre, novembre et puis on m’a dit: Elle ne sera pas prête tout de suite. Peut-être un Puis en janvier, on m’a dit: Non, finalement, comme les éducateurs sont eux-mêmes en formation, ça va prendre plus de temps, donc ce sera qu’en avril. Je me suis dit: Mais je ne tiendrai jamais en avril, ce n’est pas trop long. C’est pour ça que j’ai négocié très vite à pouvoir la prendre le week-end. À partir de février, comme je travaillais à Montparnasse, j’ai accepté, ça a été très dur, d’aller la chercher tous les week-ends à Versailles, puisqu’elle vient de Buc.

S.
Donc, j’ai fait le trajet Montparnasse-Buc tous les week-ends. Je l’ai ramenée le lundi matin à Buc. À Versailles, heureusement, il venait la chercher. Oui, c’est ce que j’allais dire.

E.
Je l’ai fait en transparent en commun une fois. Ça se fait, mais ce n’est pas le plus évident.

S.
Comme je travaillais à Montparnasse, le trajet était moins long. Il était coupé en deux, puisque j’allais jusqu’à Montparnasse et après, j’allais à Luc. Mais j’ai aussi subi des problèmes de transport parce qu’il y a eu des problèmes électriques, il y a eu des manifestations. Je me souviens, un jour, je suis restée coincée une heure dans le train avec ma petite Chiva. Mais le fait d’avoir ça qui était dur et tout, ça m’a vraiment permis de me dire: Ça y est, il faut travailler dur pour avoir le chien. Et j’ai travaillé dur pour avoir le chien, parce que pendant plusieurs mois, entre février et avril, presque tous les week-ends, sauf un ou deux, je suis allée chercher le chien à Luc. À Versailles. J’ai fait beaucoup de transport. À Versailles. Je suis allé chercher le chien, j’ai fait beaucoup de transport, mais je me suis dit: C’est la somme à payer pour avoir un nouveau chien. Et je ne le regrette pas. Et ça m’a permis une nuit de finir mon deuil, de m’habituer à Chiva et de l’accueillir dans notre foyer.

E.
Donc, Chiva, est-ce que tu as déjà pensé ? Question un peu bizarre, mais à la fin, à la suite, tu imagines que ça s’est peut-être traversé l’esprit ?

S.
Oui, j’ai pensé et j’espère qu’il n’y aura pas de mauvaises surprises ou elle sera malade très tôt. J’espère qu’elle sera chien guide longtemps. Et je pense que si les conditions le permettent, je demanderai à la voir en retraite. Parce qu’il y aura assez de temps qui se sera écoulé entre les pertes de Voyelles et Isba.

E.
Oui, la décision que tu avais prise pour Isba, c’était surtout conséquent à la perte de Voyelles, pour le coup.

S.
Oui, parce que c’était trop frais. Mais ce n’est pas évident. Je ne vous le souhaite à personne. Le pire, c’est de prendre la décision. C’est le plus dur.

E.
La décision de ne pas garder en retraite ?

S.
Non, de laisser partir le chien. Une fois que le chien, il est avec toi, pour Isba, ce n’était vraiment plus possible. Je ne pouvais vraiment plus m’en occuper. On voyait vraiment qu’elle souffrait. C’est vraiment très dur de prendre cette décision-là.

E.
Mais tu disais que pour Voyelle, vous aviez essayé de repousser, repousser, repousser parce que vous aviez des espoirs sur les traitements. Parce que donner le vétérinaire, ça faisait effet dans le positif. Donc, c’est que ça allait mieux. Et ce qui est le plus compliqué, peut-être, c’est qu’une fois qu’on a mis en place plusieurs traitements, pourquoi on dirait non et on arrêterait tout ?

S.
Après, on s’est peut-être trop acharné. On aurait peut-être dû arrêter plus tôt, je ne sais pas, mais moi, je n’ai pas réussi à me résoudre à le faire plus tôt. C’est vrai qu’elle a eu beaucoup de traitements, ça avait un certain coup parce qu’il y avait des Elle avait des problèmes d’or, elle avait des problèmes de digestif, mais je ne regrette pas. Franchement, on a profité de ce chien jusqu’au bout et même si à la fin, on ne pouvait plus la lâcher en liberté, etc. C’était vraiment chouette.

E.
Et après, tu disais que de toute façon, elle aussi une place un peu particulière. Déjà, c’était ton premier chien guide et je sais que par expérience et par toutes vos interviews, et on peut le comprendre, ils ont toujours une place particulière parce qu’en général, ils vous ont aidé à aller plus loin que la canne ne le fait.

S.
À gagner en autonomie, comme disait la pub de la FFAC.

E.
Exactement. Et puis, comme tu le disais, elle est arrivée vraiment dans une période où tu étais jeune, vous étiez jeunes parents, tu étais jeune maman. Elle n’a été pas uniquement ton chien guide, elle a aussi été le chien de famille de tes enfants.

S.
C’est ça. Et elle m’a permis vraiment d’être autonome. C’est vrai que les parents, ils disaient: On oublie que tu es aveugle avec le chien. Parce que c’est vrai qu’il m’est arrivé plusieurs fois de me retrouver avec trois, quatre enfants. J’ai emmené tout ce monde à l’école et je n’avais pas à me demander avec la canne. Je fais rentrer dans de 15 obstacles, payer les gens et tout parce que le chien, il faisait le boulot. Donc, je pouvais me concentrer sur autre chose. C’est ça qui est super.

E.
Oui, et de fait, elle avait une place particulière aussi auprès de tes enfants. Et ça, c’est important aussi dans la place qu’ont ces chiens-là. On n’y pense pas forcément. Ça reste un chien guide, c’est le vôtre, mais à la fois, c’est tout un chien de famille. Ce n’est pas déconnectable l’un de l’autre. C’est ce que me disait… Je n’en ai pas parlé avec Nourdine dans l’épisode 22, parce qu’on avait vraiment abordé le sujet, justement, si ça vous intéresse, je vous encourage à aller l’écouter, du fait d’être papa de jeunes enfants avec un chien. Comment on gère ? Comment on gère le chien, comment on gère les enfants ? Comment on emmène ? On avait largement abordé le fait de comment on emmène justement ces jeunes enfants à l’école tout en ayant le chien d’un côté, etc. Et ça permet une liberté et surtout une autonomie, comme tu le disais. Aujourd’hui, tes enfants sont grands et ils ont aussi pu exprimer, j’imagine… Je ne sais pas, est-ce que ça a créé aussi beaucoup de deuil au sein de la famille ?

S.
Ils ne l’ont pas dit forcément. Ils ne l’ont pas trop partagé.

E.
Ils ont été assez pudiques sur leur manière de faire le deuil aussi parce que ce n’est pas facile pour les compagnons de vie aussi.

S.
Je pense que mon fils, quand même, il a été triste qu’on prenne la décision du départ de Voyelles alors qu’il était déjà en province pour ses études et qu’on n’ait pas attendu qu’il rentre pour la laisser partir. C’est vrai qu’il l’a pas vue une dernière fois. Ce n’était plus possible, c’était vraiment plus gérable. Pour Ispa, il savait qu’elle était très malade et donc il est revenu un week-end pour lui faire des câlins et tout ça. Et après, il savait que c’était une question de jour.

E.
Oui, donc il a pu le faire pour Isba et pour Voyelle, il le regrette, mais en même temps, comme tu le dis et tu nous l’as raconté, la porter, la baigner, c’était plus envisageable pour toi.

S.
Je ne pouvais pas la porter une canne dans une main et un chien dans l’autre, ce n’est pas possible. Je ne pouvais pas la porter d’une main, ce n’était vraiment pas gérable. Surtout qu’on a des marches pour sortir de chez nous, on a cinq marches. Donc, un chien qui ne peut plus descendre les marches, ce n’était vraiment pas gérable. Mais c’est vrai qu’on a été jusqu’au bout.

E.
Et l’arrivée de Chiva auprès de tes enfants ?

S.
Elle est tellement gentille, calme et de bonne humeur. Ça nous fait drôle par rapport aux autres chiennes, parce que les autres, elles aboyaient. Elles aboyaient, elles s’exprimaient, elles groignaient. Chiva nous sautait dessus. Et elle, c’est le calme. On l’entend jamais. Elle aboie jamais, sauf quand elle qu’elle a été dans l’eau et qu’elle a bien nagé dans l’eau, elle fait… Je ne sais pas, elle fait des petits bruits. Mais sinon, on ne l’entend pas. Et c’est vrai que j’ai vu pas mal de gens qui ne sont pas très chiens et elle a charmé tout le monde. Même les gens dans la famille qui ne sont pas très chiens. Même mes parents, ils sont chiens, mes parents, mais tout le monde a été conquis par Chiba.

E.
Et fort de ton expérience, est-ce qu’il y a quelque chose que tu as appris ou que tu as découvert dans toute cette aventure Avec les chiennes guides que tu n’avais pas forcément envisagé avant d’accueillir Voyelles ?

S.
Avant d’accueillir Voyelles, j’ai mis du temps à me décider à avoir un chien. Je ne voulais pas parce qu’on était dans un appartement petit et tout ça. Et ce que j’ai appris, c’est ce qu’apporte un chien guide. Ça apporte tellement de liberté, tellement d’autonomie. C’est vrai que c’est dur de s’en passer quand on ne l’a plus et que le chien part, ou qu’il n’est pas là. Mais c’est vrai qu’on ne dépend vraiment plus de personne. C’est ça que j’ai appris. Parce que j’ai J’ai toujours eu des chiens. Mes parents ont eu des chiens, mais c’est vrai que ce n’est quand même pas la même relation. Déjà, le chien est éduqué alors que le chien de mes parents ne le fait pas forcément. Il mangeait à table et tout ça. Et c’est vrai que j’ai été assez stricte. J’essaie de respecter mes recommandations de l’école. Je suis assez stricte dans le fait de donner à manger à table ou pas. Et c’est ça que j’ai appris, c’est comment maintenir l’éducation. Et c’est vrai que j’ai eu un chat entre temps, avant d’avoir des chiens guides. Et finalement, ce que ça m’a appris, c’est que je préfère les chiens.

E.
Ce n’est pas la même chose. C’est vrai que moi, j’étais plutôt team chat, comme je te le partageais avec Volvic, la minette que j’avais chez mes parents, mais parce que mes parents, et ceux qui me connaissent le savent bien, m’ont toujours dit: Grandis, grandis et tu auras des chiens plus tard. Ils ne voulaient pas prendre cette responsabilité et c’est tout à leur honneur d’avoir fait ce choix-là par rapport à la vie qu’on menait tous ensemble. Mais ce n’est pas la même relation. On n’interagit pas de la même manière.

S.
C’est clair.

E.
Je m’oriente vers les questions de fin que je pose à mes invités. Je me demandais s’il y a un moment où tu as été bluffée par l’une ou les trois d’entre elles et qui reste un souvenir marquant pour toi.

S.
Oui, j’en ai trouvé pour deux des trois. Les trois avaient ou ont une bonne mémoire des lieux. Je me souviens, vous voyez, je devais faire une intervention au Palais des Congrès pour Microsoft et il fallait aller sur la se positionner devant un micro et parler. On lui a appris une fois le chemin ou deux. Et puis, elle maîtrisait le truc sans problème et elle m’emmenait comme ça sans problème jusque-là. Et ça, sans l’adaptation, c’était chouette. Isba, comme elle était un peu tétue, j’ai toujours un peu du mal à être bluffée. Mais ce qui m’a toujours bluffée, c’est son attachement, la façon dont elle était toujours caline avec nous. Voilà, sa gentillesse à Isba. Pour ce qui est de chiva, j’ai été bluffée aussi parce qu’on est allé à un endroit la semaine dernière qu’elle n’avait vu qu’une fois pour faire réparer une plage braille. Et on descend la rue et le GPS me dit: Votre destination est sur votre droite. Je n’ai rien dit au chien. Elle a tourné la tête, elle s’est dirigée vers la porte et elle s’est arrêtée devant la porte. Je suppose que c’est parce que la dernière fois où on y était allé, elle a croisé le chien d’une personne qui travaillait là.

S.
Peut-être que c’est ça qui dit: J’ai des souvenirs là-bas, j’ai croisé un chien que je connais. Mais je n’en suis pas sûre. Mais c’est vrai qu’elle se rappelle quand même facilement des endroits où elle a été une ou deux fois. Elle me l’amène direct.

E.
Ils ont une sacrée mémoire des lieux. Et c’est vrai que ça, c’est quelque chose Même moi, tu vois, quand je les prends en relais, quand j’étais à Paris, il y a des grilles quand même, plusieurs grilles qui se ressemblent autour des résidences. Ou alors quelques-uns se faisaient avoir par les différents grilles.

S.
Des fois, ils se trompent.

E.
Oui, mais c’est normal. Une grille, une grille quand on l’a vue qu’une seule fois. Mais bien souvent, ils avaient quand même bien repéré l’enchaînement des différentes grilles et laquelle était la bonne. C’est assez bluffant, en effet. Justement, j’enchaîne sur les lieux. Est-ce qu’il y a un ou des lieux exceptionnels que tu as été via les chiens guides, peut-être avec l’ANM ou la FFAC ?

S.
Je n’ai pas trop trouvé dans la question et donc je me suis dit peut-être quand nous avons fait tous ces congrès du mouvement Chien Guide, puisque nous avons pu aller à Toulouse. Alors Toulouse, ça reste un mauvais souvenir pour moi parce que c’était l’année où elle est partie à la retraite et comme elle guidait moins, je ne l’ai pas emmenée à Toulouse. Et ce qui a été très dur, c’est que tout le monde était là avec son chien et tout. Et à la fin, ils ont dit: On voudrait faire des photos à des maîtres avec les chiens. Et donc, c’est les maîtres avec les chiens qui sont allés sur la photo. Et puis, ceux qui n’avaient pas de chien, ils sont restés sur la touche un petit peu. Donc ça, ça a été dur. Mais par contre, je me souviens, on était dans le stade où il y a le rugby et tout ça. Il y a une chorale d’hommes qui a chanté, les chanteurs de Tarbes. Et ça, ça m’a pris aux tripes. J’étais sans chien, c’est vrai que j’étais triste de ne pas avoir voyais, donc j’étais encore plus émue. Mais cette chorale d’hommes qui chantait dans ce stade, avec l’acoustique qu’il y avait, ça m’a impressionné.

S.
Et après tous les autres congrès qu’on a fait à Limoges, à Angers, à Lyon, c’était chouette. Et puis, le lieu que j’ai beaucoup aimé aussi, c’est la fameuse journée de 2012, on s’est tous retrouvés à la Bastille avec les ballons. On a allé faire un lâcher de ballons. Ça, c’était vraiment génial.

E.
Ça doit être impressionnant un peu. C’était chouette. Cette ambiance un peu fête, un peu fédérate Il y avait 150 chiens et ils étaient tous calmes.

S.
Il n’y a pas eu de problème. C’est ça qui était impressionnant.

E.
Ça fait un démo aussi que tu as dit pour Chiva. Ce serait bien fondu, en tout cas, dans le décor. Et pour finir, je pose une dernière question qui a un sens un peu particulier étant donné la thématique, le zoom de l’épisode que nous avons fait aujourd’hui. Je demande toujours quel est ton pire et ton meilleur moment avec Léa Schengen, en commençant par le pire pour terminer par le meilleur.

S.
J’ai écrit le pire pour les trois. Je ne sais pas dans quel sens tu veux le faire. L’un des pires moments pour Voyelle, c’est que comme elle a commencé à vieillir, un jour, on s’est baladées au bois de Vincennes et puis elle a disparu. Et pendant deux heures, on l’a cherché. Et j’ai cru qu’on l’avait perdu. Et ça a été horrible. Mon compagnon est parti, il l’a cherché, il l’a cherché. Moi, je sifflais, je sifflais et Gaëlle n’entendait pas. On a appelé l’école et il y a des gens de l’école qui sont venus, qui ont aidé à chercher. Et puis, à la fin, ils ont dit: Désolée, on ne trouve pas. Et donc on a dit: On va rentrer à la maison et on va mettre une affiche: Cherche le chien, désespérément. Et on était en train de rentrer, parce qu’à l’époque, on n’avait pas de voiture, donc on se dirigeait vers les autolibs pour rentrer et tout d’un coup, appel de l’école: On a retrouvé votre chien. C’est un passant qui l’a trouvée du côté des autolib’ parce qu’elle a dû se souvenir qu’on prenait autolib’ pour rentrer et elle était là. Et depuis, on l’a plus lâché.

S.
Mais ça, ça a été le pire des moments. On s’est dit: Ça y est, on a perdu le chien, on la retrouvera jamais.

E.
Elle était à la retraite, déjà ?

S.
Oui. Et on avait envoyé Isba, on lui avait dit: Va chercher le chien. Il ne la cherchait pas. Donc ça, c’était le pire avec Voyenne. Avec Isba, les pires des moments, c’est quand elle sa tête de pioche et qu’on tourne en rond pendant des heures. Des heures, j’exagère, mais que je lui dis: Cherche le métro, cherche tel endroit, et qu’elle ne le trouvait pas. Ça, c’était horrible.

E.
Un peu tétue, quoi.

S.
Oui, et pour Chiva, je n’en ai pas encore parce que ça ne fait pas assez longtemps que je l’ai. Pour l’instant, ça va. Et les meilleurs moments quand même, c’était quand même au moment des détente. Je me souviens, vous voyez, elle n’était pas très caline. Elle était assez indépendante comme chien. Et un jour, on s’est baigné en Bretagne, à Brest, avec les combinesines et tout, il faisait froid. Et à la fin de la baignade, je me suis allongée sur la plage. Vous voyez, elle est venue à côté de moi et elle le faisait jamais. Elle s’est allongée à côté de moi et elle a posé sa tête sur ma poitrine et elle a fait un câlin comme ça. Et ça, c’était un super moment auquel je penserais tout le temps en pensant à Voyou. Et Isba, l’un des meilleurs moments, c’était pareil, c’était en détente. En vacances, on était au Portugal. On n’avait jamais eu l’occasion de vraiment se baigner avec elle parce qu’on avait toujours voyé, et tout ça. Et cette année-là, on s’est baigné plusieurs fois dans des lacs et tout. Et elle a nagé avec nous. Et on s’accrochait au chien qui nous tirait, qui nous remorquait et qui nageait avec nous.

S.
Et ça, c’était vraiment un super moment parce qu’il y avait une certaine complicité entre nous et le chien. C’était super. Et pour les deux, les meilleurs moments aussi, c’est qu’on s’est pas mal baladés en montagne. Et un jour, Voyal était quand même déjà assez âgé et on est allé sur un col où il y avait de la neige. On a lâché les chiens dans la neige et elles se sont roulées dans la neige.

E.
Et ça, c’était vraiment un truc super de voir ces deux chiennes ravies d’être dans la neige.

S.
Et le meilleur moment pour Chiva, quand même, c’est que c’est un chien qui réagit au quart de tour Quand elle voit qu’on s’en va, elle vient en contact, elle est là avec son nez, puis elle donne un petit coup de nez, elle vient dire: Ça y est, on y va ? Chouette. Et elle est toujours prête à partir, prête à faire des choses. On a toujours l’impression qu’elle comprend ce qu’on veut faire.

E.
Et puis, Chiva, comme tu le précisais, c’est quand même le début de votre aventure ensemble. On te la souhaite longue. Oui. Jouaillit. Et puis, jusqu’au bout, mais dans le bon sens des choses, puisque comme tu le disais, a priori, du temps se sera passé, je te le souhaite. Et sa retraite heureuse et longue terminera forcément quelque part, mais elle porcera du temps avec vous. Il n’est plus question de dire à l’oncle de venir la chercher.

S.
C’est sûr.

E.
Ça, c’est quelque chose auquel tu tiens et je pense qu’on peut te souhaiter que le meilleur pour la suite. Que ce processus de deuil, on l’a bien vu, ta manière a été l’écriture, l’hommage en musique, en chanson. Et surtout, à l’arrivée de Chiva, même si ton deuil était déjà, comme tu le disais, bien avancé, en tout cas avant son arrivée, ça permet de penser à autre chose, de continuer à bouger, de laisser un peu la canne au placard.

S.
Alors pas de continuer à bouger, mais de rebouger. Parce que c’est vrai que tout le temps où j’étais à la canne, c’est vrai que je bougeais beaucoup moins.

E.
Il y avait quand même une différence.

S.
Oui, je bougeais parce qu’il faut bouger, mais non, je bougeais beaucoup moins.

E.
En tout cas, merci beaucoup de m’avoir raconté ton histoire. Ces dures épreuves de la vie.

S.
En tout cas, nous, je ne fais plus mon deuil, mais c’est vrai que vous voyez, les sebas vivent toujours un peu à travers nous, à travers nos souvenirs. C’est vrai qu’on dit: Tiens, elle faisait comme ci, elle faisait comme ça, elle était si, elle était ça. Et avec Thérèse, on s’est fait quelques pirées au bois. Un peu après le départ d’Isba, on est retournées à la grande piscine, comme on l’appelle. C’est un endroit où il y a plein d’eau et les chiens, Chiva, adoraient plonger après les bâtons-là en faisant des plongeons assez artistiques. Et toutes les deux, on est allées là et on est allées symboliquement jeter quelque chose dans l’eau en souvenir d’histoire.

E.
C’est sûr qu’ils vivent toujours, mais il faut en parler.

S.
Et réécouter les chansons.

E.
Et réécouter les chansons. Promis, je les aurais diffusées quand on arrivera à ce stade de l’épisode. Merci beaucoup Sylvie pour ces mots, ces émotions, ces moments de vie qui sont loin d’être faciles.

S.
Merci aussi de m’avoir invitée.

E.
Et voilà, c’est la fin de cet épisode. J’espère qu’il vous aura donné les clés pour espérer un deuil apaisé, voire chanté. Si vous avez apprécié cet épisode où Sylvie aborde aussi la retraite de son chien de guide à ses côtés, je vous conseille d’écouter l’épisode 39 avec Doriane, qui raconte comment vivre avec ses deux chiens, l’un à la retraite et l’autre en activité. De mon côté, je vous dis à bientôt pour le prochain épisode sur l’univers méconnu des chiens de guides d’aveugles et vous laisse en compagnie de l’hommage à Isba, chanté par Sylvie.

S.
Tu fuis ma seconde guide, voyais-le, tu remplaça. En juillet 2015, chez nous, tu arrivas. On t’appelait Boulette, Bibi, Babou, Baba, des surnoms qu’avaient trouvé Beno, Thérèse ou Laetitia. Tu étais très caline. La solitude, tu n’aimais pas. Dès que tu nous voyais, tu nous sautais dans les bras. Tu étais tellement douce, notre peluche on t’appela. Jamais tu ne nous mordis. Gentille, tu restas. Tu n’étais pas très joueuse, mais les bals, tu adorais. Dans ta gueule, très souvent, tu en avais deux ou trois. Tu voulais toujours être en tête, la chef, tu jouais et tu partais devant, laissant les autres chiens derrière toi. En détente, tout excitée, tu démarrais à fond les ballons. Et de toi, Thérèse disait que tu étais comme un bouchon. Un bouchon de champagne qui ne demande qu’à sauter une fois que dans la campagne où les bois tu étais lâché. À part les bals, tu aimais courir et sauter dans l’eau, que ce soit des flaques de boue ou de jolis cours d’eau. À plus d’un chien, tu as montré comment il devait plonger. Élégante, tu sautais chercher les bateaux au fond du ruisseau. Lorsqu’il fallait guider, tu n’étais pas très motivé.

S.
Tu n’en faisais qu’à ta tête. Vers la gauche, tu me tirais. Cependant, quand tu le voulais, vite, on pouvait foncer. Mais souvent, il me fallait tout de même t’encourager. Ma boulette, tu n’en faisais qu’à ta tête. Toujours guirette, quand tu trouvais des bals dans les bois. Parmi mes activités, celles que tu préférais, c’était m’accompagner à la chorale pour chanter. Tu ne manquait jamais d’aller tous les saluer et de satisfaction dans notre cercle, tu te roulais. Avec Voyelle, tu ne t’es jamais trop disputée. Tu as donné de la gaieté à sa vie de retraité. Voyelle t’a expliqué comment il fallait aboyer après toutes les personnes qui venaient dans notre foyer. Ma douce, ma belle Isba, nous penserons toujours à toi, car tu savais nous charmer. À toi, on ne qu’être attaché. Cette chanson Isba, je l’ai écrite pour toi, en souvenir de toi, pour te dire que je ne t’oublie pas. Tu n’avais que neuf ans, on avait tout planifié. Pour ta prochaine retraite, dans la famille, tu devais rester. Mon oncle était tout prêt à t’accueillir dans son foyer. Malheureusement, la maladie ne l’a pas autorisé. Très câline, mais un peu coquine, tu partais devant, laissant les autres chiens derrière toi.

S.
Tu es partie trop tôt à cause de ce méchant cancer. Quand le véto a dit, il n’y a plus rien à faire. Nous te regretterons notre petite boulette. Jamais plus tu ne viendras pour nous faire la fête. Alors nous te chantons cette chanson Isba, pour toi qui, malgré tout, as su guider mes corps. Nous ne t’oublierons pas, Boulette, Babou, Baba. En souvenir de toi, nous te disons: Bye bye, Isba. Cette chanson, cette chanson. C’est pour toi.

E.
Cette chanson, elle est pour cette chanson C’est pour toi, qui pendant sept ans.

S.
Et nous chante à guider mes pas. En souvenir de toi, ma belle histoire. Ma belle histoire.

E.
Cette jour est pour toi, chantons à plusieurs vous.

S.
Et te lise, bye, bye, Bye bye, histoire.

E.
Bye bye, histoire.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *