Après Marie VDM et Charlotte et Tom, je continue les rencontres cette fois-ci en face à face avec Marie Pattes à modeler, du nom de son compte Instagram. On se connait depuis quelques années, et après s’être croisées masquées pour une détente en juin, on s’est retrouvées chez elle pour qu’elle nous partage son aventure auprès des chiens guides d’aveugles de Paris

Retrouvez ci-dessous une retranscription raccourcie et illustrée de l’épisode :

Tout d’abord, est-ce que tu peux te présenter ?

Je m’appelle Marie, j’ai 36 ans et je suis institutrice en classe de CP dans une Ă©cole du XVème arrondissement de Paris depuis 9 ans. Après un an Ă  enseigner en double niveau, j’ai en effet pu rĂ©aliser mon rĂŞve d’enseigner en CP pour enseigner la lecture et l’écriture aux enfants. Voici d’ailleurs un super dessin rĂ©alisĂ© par un parent d’Ă©lève.

Du coup, est-ce que tu peux nous raconter comment et quand les chiens guides d’aveugles sont rentrés dans ta vie ?

Alors ça remonte Ă  loin, j’avais un chien quand j’étais petite et j’adore les animaux. Quand j’étais adolescente, un ami de mes parents Ă©tait famille d’accueil pour Handichien (chien d’assistance pour personne en situation de handicap), et quand j’ai cherchĂ© Ă  avoir un chien Ă  Paris sans le laisser toute la journĂ©e seul, j’y ai repensĂ©. Cependant, Handichien n’a pas de familles d’accueil Ă  Paris, mais j’ai dĂ©couvert que les chiens guides de Paris en cherchaient. Au dĂ©part, je pensais ĂŞtre famille relais, et non famille d’accueil, car je n’imaginais pas du tout emmener le futur chien guide en classe, mais plutĂ´t l’avoir pendant les vacances scolaires. Mais lors de la rĂ©union d’information pour les familles d’accueil et relais fin 2016, on nous a parlĂ© d’une personne qui Ă©tait famille d’accueil et instituteur. Après avoir demandĂ© d’entrer en contact avec lui, on a pu Ă©changer sur son expĂ©rience d’instituteur et famille d’accueil. J’ai tout de suite rĂ©flĂ©chi Ă  ce que ça pourrait apporter Ă  mes Ă©lèves, et j’étais super motivĂ©e !

Après avoir monté un dossier pédagogique et avoir eu l’accord de tous mes collègues de l’école et des parents d’élèves, j’ai reçu un mail de l’école des chiens guides de Paris qui me proposait de me confier un chiot. Voilà comment Mara est arrivée dans ma vie, et je me suis fait complètement avoir par ce chiot si mignon. Elle a fait quelques bêtises et surtout elle n’était pas propre ! Elle ne faisait ses besoins que sur sa couverture, malgré de longues sorties, elle se retenait… Un jour elle a eu le déclic et je l’ai félicitée en étant, bien sûr, tout à fait ridicule, et à partir de ce moment-là, elle n’a plus fait à l’intérieur.

En classe, les élèves étaient assez curieux au début, et c’est devenu un élément de la classe, en appliquant les conseils de l’instituteur famille d’accueil, ça s’est bien passé. En janvier 2018, on m’a annoncé qu’elle allait rentrer en éducation, et puis elle a été remise pendant l’été 2018 auprès de sa maîtresse qu’elle guide au quotidien. Très vite, je suis entrée en contact par les réseaux sociaux avec sa maîtresse Bernadette que tu avais repérée sur un groupe Facebook. J’ai d’ailleurs revu Mara avec beaucoup d’émotions, après quelques mois pour que leur binôme soit bien construit, et avec Bernadette on est tombées dans les bras l’une de l’autre. Quand on est allées ensuite en forêt et que j’ai vu Mara guider Bernadette, j’étais au paradis ! Mara guide depuis 2 ans maintenant, j’ai des nouvelles souvent, et Bernadette m’a même fait l’honneur de venir toute une journée en classe avec Mara, c’était exceptionnel, pour mes élèves, de voir Mara guider Bernadette.

Mara, alors chien guide d’aveugle de Bernadette, et Nollie, Ă©lève chien guide de Marie, toutes les deux en classe pour une journĂ©e exceptionnelle.

Cependant, je ne savais pas si je voulais reprendre un élève car je suis assez sensible, et c’était dur de la voir partir…. Je n’ai pas arrêté de changer d’avis pour finalement revenir sur le choix de renouveler l’expérience de famille d’accueil. En mars 2018, j’ai donc accueilli Nollie, ma deuxième élève chien guide, avec sa truffe rose bonbon. Au bout de deux semaines, elle avait peur de tout, une petite très très sensible avec qui j’ai dû travailler beaucoup pour aller au-delà de ses sensibilités.

Et puis elle n’a jamais eu de chance aussi, donc je l’ai désensibilisée notamment suite à la chute d’un petit caddie de supermarché que j’ai dû emprunter pour travailler à la maison. Après sa stérilisation, qui a dû aider, elle acceptait enfin le caddie, j’ai même pris une photo ! Elle est finalement entrée en éducation en mai 2019, et l’école m’a proposé de reprendre un chiot à la rentrée de septembre 2019.

Je suis allée chercher ma troisième élève, ma petite Pyla qui est aujourd’hui à mes côtés. Encore une expérience différente, elles ont vraiment toutes leur personnalité, mais Pyla n’avait aucune sensibilité par rapport à Nollie. Il y a quand même toujours des choses à travailler. Avec le confinement, elle s’est un peu ennuyée alors que je faisais classe depuis la maison, elle avait quand même ses détentes, pendant lesquelles on retrouvait Nollie, qui n’est finalement pas devenue chien guide d’aveugle, mais a été réformée.

En effet, pendant son éducation, l’école a découvert que Nollie avait un problème cardiaque et ils l’ont donc réformée, c’est à dire qu’elle n’est pas devenue chien guide mais a été adoptée par une famille d’adoption pour la vie en tant que chien de compagnie. J’avais peur de la réforme avant, mais finalement je n’étais pas inquiète, et j’avais aussi déjà Pyla, donc je n’ai pas pu la reprendre (ni même l’adopter car je n’aurais plus pu l’emmener à l’école). J’ai donc appelée en larmes des amis qui sont famille relais, et là mon amie Frédérique m’a répondu simplement “on va l’adopter nous”, c’était justement dans leur projet d’adopter un chien. Elle vit donc à dix minutes de chez moi, est pourrie gâtée et je la vois tous les week-ends !

D’ailleurs, on n’a pas parlé du lien entre nous, on s’est croisées sur les réseaux sociaux au tout début il me semble, non ?

Alors je t’ai contactée début janvier 2019, quand j’ai appris que Mara allait entrer en éducation, je voulais avoir des témoignages d’autres familles d’accueil qui ont vécu cela, pour savoir comment ils l’avaient vécu et je voulais créer un groupe de familles d’accueil et relais, ce que nous avons fait ensemble. Et puis tu as eu Nollie un mois et demi pendant les vacances d’été, alors que j’étais à l’autre bout du monde, en voyage, c’était vraiment super d’avoir des photos de Nollie assez souvent.

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu aimerais nous partager, qui te tient à coeur ?

Pour en revenir Ă  la classe et Ă  ce que ça apporte Ă  mes Ă©lèves, ce n’est pas seulement le plaisir d’avoir un chien dans la classe, mais aussi le fait de participer Ă  l’éducation d’un futur chien guide. C’est aussi l’occasion de leur montrer qu’on peut agir et faire des choses bien, Ă  notre niveau, qu’on peut faire du bĂ©nĂ©volat dans une association. Et puis cela nous permet de parler d’inclusion, de tolĂ©rance et d’acceptation notamment. On a aussi fait un affichage sur la dĂ©ficience visuelle par exemple. Cette annĂ©e, on a fait des affiches pour raconter un peu aux autres classes comment ça se passait avec Pyla, avec des photos d’elle. 

Pour finir, quel est ton plus grand moment de honte ou d’embarras avec tes élèves chiens guides ?

La reine de l’embarras, sans hésitation c’était Mara. Elle avait sa petite personnalité, et en plus c’était ma première élève, et en passant au bois de Boulogne devant un pique-nique une fois, Mara qui adore les enfants s’est mise à courir derrière le petit garçon avec son sandwich, alors que la petite soeur hurlait de terreur dans les bras de sa mère. Et quand ce petit garçon a réussi à s’arrêter, Mara s’est assise devant lui, il lui a jeté loin le sandwich, elle s’est jetée dessus donc je lui ai immédiatement retiré. Une fois le calme revenu du côté des enfants, j’ai proposé à la maman de faire coucher Mara pour que les enfants la caressent pour qu’ils n’aient plus peur. Le petit garçon s’est approché courageusement mais Mara a dû sentir qu’il avait peur, et elle a aboyé d’un grand Wouf, ce qui n’a pas arrangé les choses avec le petit garçon… Chaque semaine j’ai eu peur de les recroiser, et j’ai été depuis très vigilante sur les piques-niques !

Et pour contrebalancer, quel est le plus grands moment de fierté avec elles ?

Le plus grand moment de fierté, c’est quand j’ai vu mon élève chien guide, Mara, guider sa maîtresse, ou quand Nollie après des semaines de travail n’a plus peur du caddie. Mais surtout lors de la journée portes ouvertes l’an dernier, tu m’as aidé à réaliser une photo avec mes trois élèves puisque Bernadette est venue avec Mara, Nollie était en éducation, et Pyla était avec moi depuis 5 jours seulement. Elles m’ont rendue très fière, toutes les trois à leur façon. Être famille d’accueil ça rend fier, de ses élèves, de ce qu’ils accomplissent, et de soi de les avoir mené jusque là en participant à une bonne action.

Merci à Marie pour cet échange toujours aussi passionnant, malgré les heures que nous avons passées et que nous passerons encore à parler de ces chiens guides !

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