Dans cet Ă©pisode, je vous prĂ©sente Cindy qui est guidĂ©e par Gap de l’école des chiens guides de Paris. Aveugle de naissance, Cindy a toujours su qu’elle serait un jour accompagnĂ©e d’un chien guide qui ne serait pas un labrador. Mais quelles sont les caractĂ©ristiques du border collie en tant que chien guide ? Après de nombreuses annĂ©es guidĂ©e par Gap, Cindy revient sur toutes leurs aventures et leur connexion très forte. Elle nous raconte aussi comment certains avantages du border collie pour elle pourraient ĂŞtre des inconvĂ©nients pour d’autres bĂ©nĂ©ficiaires.
Retrouvez ci-dessous une retranscription synthétique avec pleins de photos :
Est-ce que tu peux te présenter rapidement ?
Je m’appelle Cindy j’ai 36 ans, j’habite Ă ChambĂ©ry depuis 11 ans. Alors niveau boulot actuellement je n’en ai pas au vrai sens du terme, c’est Ă dire que je ne suis pas salariĂ©e mais Ă dĂ©faut je passe beaucoup de temps Ă faire du bĂ©nĂ©volat, autant au niveau associatif. C’est-Ă -dire donner des cours de nouvelles technologies aux personnes dĂ©ficientes visuelles, et aussi beaucoup dans les commissions d’accessibilitĂ© sur ChambĂ©ry, et un petit peu plus globalement sur plusieurs communes autour de ChambĂ©ry et Ă©galement Grand ChambĂ©ry.
Comment as-tu découvert les chiens guides d’aveugles et comment ton premier chien est rentré dans ta vie ?
Alors officiellement mes parents ont su quand j’avais 6 mois que j’étais aveugle. Je ne suis pas dans le noir complet, bien que maintenant je m’en rapproche de plus en plus. Mais quand j’Ă©tais petite et adolescente, je voyais, alors, j’ai jamais vu les couleurs, mais j’arrivais Ă voir la diffĂ©rence entre le clair et le foncĂ©. Du cĂ´tĂ© de la canne blanche, j’ai toujours dĂ©testĂ© cet outil, bien que ce soit le le signe de la libertĂ©. En fait, je suis tombĂ©e sur une dame qui n’Ă©tait pas du tout pĂ©dagogue et en fait elle m’a dĂ©goĂ»tĂ©e. Mais après au lycĂ©e, je n’ai pas eu le choix, parce que lĂ pour le coup, c’Ă©tait un Ă©tablissement beaucoup plus grand donc j’ai dĂ» la prendre, mais c’est vrai que c’Ă©tait vraiment Ă contre cĹ“ur.
Du cĂ´tĂ© des chiens guides, très jeune, je savais dĂ©jĂ que j’aurai un chien guide plus tard. Dès 11-12 ans, je savais dĂ©jĂ qu’il y aura un chien qui ferait partie de ma vie le plus tĂ´t possible. J’ai eu l’occasion de rencontrer Mira (ex-Fondation FrĂ©dĂ©ric Gaillanne), ils m’avaient dit qu’il remettait des chiens Ă des adolescents. Je trouvais ça gĂ©nial, mais pas tout de suite. Disons que le chien n’aurait pas travaillĂ© comme il l’aurait fallu et je pense qu’au moment oĂą rĂ©ellement j’en aurais eu besoin, c’est-Ă -dire au lycĂ©e, il aurait peut-ĂŞtre pas Ă©tĂ© Ă la hauteur parce qu’il n’aurait pas assez de travaillĂ©.
Retrouvez l’épisode 28 sur la Fondation Frédéric Gaillanne avec Bérénice et son chien guide Opium.
Pendant les rĂ©visions du bac de français en première, je ne sais pas pourquoi le chien guide est revenu Ă moi, mais comme une Ă©vidence et je me suis dit, maintenant c’est bon, je fais ma demande de chien guide. C’Ă©tait en 2002, je suis allĂ© sur Internet, j’ai recherchĂ© un petit peu les adresses des Ă©coles de chiens guides, donc j’Ă©tais Ă OrlĂ©ans Ă l’Ă©poque. Je ne savais pas du tout vers qui me tourner. Et en fait, j’ai envoyĂ© des mails Ă plusieurs Ă©coles de l’Ă©poque : Ă Paul Corteville, Ă Paris et j’avais envoyĂ© aussi Ă Angers. Angers m’a renvoyĂ© un dossier de demande, Lille m’a dit qu’ils Ă©taient trop loin et Paris m’a donnĂ© un rendez-vous un mois plus tard, alors j’y suis allĂ©e avec ma mère. J’ai toujours dit que le labrador, ça n’a jamais Ă©tĂ© ma race de chien de prĂ©dilection. J’avais 17 ans Ă l’Ă©poque et je savais que l’attente serait longue. Un an plus tard, j’ai un coup de fil de l’Ă©cole au sujet d’un club canin de d’OrlĂ©ans qui souhaite parrainer un chien guide, alors j’y suis allĂ©e et mĂŞme repartie avec plein de cadeaux pour mon futur chien guide. Mais c’est qu’un an plus tard que j’ai rencontrĂ© Tara, une belle golden retriever qui est devenue ma première chien guide d’aveugle en juillet 2004, en mĂŞme temps que j’ai pris quelques cours de locomotion. Puis au final, elle s’est avĂ©rĂ©e ĂŞtre un petit peu lente pour moi, en fait mon rythme de marche a changĂ©, tout a Ă©voluĂ©. Et puis malheureusement elle est dĂ©cĂ©dĂ©e Ă 4 ans et demi de la leptospirose.
J’ai ensuite Ă©tĂ© guidĂ©e par Amande, une flatcoat noire, Ă l’opposĂ© de Tara ! Une pile, vraiment Ă©nergique, dynamique, c’Ă©tait vraiment très, très speed. Au guidage, c’était une petite fusĂ©e avec un caractère quand mĂŞme assez compliqué… Il s’avère qu’elle est tombĂ©e malade par la suite, mais en fait dans tous les cas, elle aurait dĂ» ĂŞtre mise Ă la retraite plus tĂ´t que prĂ©vu. Pendant les derniers mois de sa vie, j’ai eu 2 chiens parce que j’ai eu mon 3ème chien entre-temps. En fait, il y avait une portĂ©e de border collie qui Ă©tait nĂ©e Ă l’Ă©cole, et j’ai failli ĂŞtre famille d’accueil d’un des chiots, mais cela n’aurait pas forcĂ©ment Ă©tĂ© de mon futur chien guide, et ça c’était trop lourd. Les chiots ont grandi, j’ai pu en croiser quelques-uns lors d’une journĂ©e portes ouvertes vers leurs 6 mois. Plusieurs sont rentrĂ©s en Ă©ducation, et j’ai pu faire des essais avec Gotan qui finalement avait des apprĂ©hensions avec les enfants, et Galac avec qui ça ne matchait pas. Finalement entre temps, trois autres de la portĂ©e sont rentrĂ©s en Ă©ducation, dont GamĂ© avec qui je n’avais pas du tout de feeling, Galan et Gap, que j’avais vraiment trouvĂ© trop mignon et que j’ai recroisĂ© Ă la porte ouverte. J’ai beaucoup hĂ©sitĂ© mais mon coeur penchait sans le savoir pour Gap. Vraiment, j’ai pas peur de le dire, c’est le chien de ma vie, ça c’est sĂ»r. Vraiment des chiens guides j’en aurais vraiment d’autres dans ma vie, notamment parce qu’il sera bientĂ´t Ă la retraite, mais Gap, sera toujours sur le podium.
Les avantages du border collie pour moi, c’est-Ă -dire que c’est des avantages pour moi mais pourraient ĂŞtre des inconvĂ©nients pour quelqu’un d’autre. Le border collie honnĂŞtement, je suis contente de ne pas avoir une vie de bureau du matin au soir parce que vraiment il a besoin de bouger. Il a besoin de se dĂ©penser, de rĂ©flĂ©chir, il est actif quoi vraiment, mĂŞme s’il sait se poser. Je fais tout avec lui, du paddle, du canicross au sujet duquel j’ai eu un article… D’ailleurs c’est pour ça qu’on se connaĂ®t aussi car on doit courir la prochaine Wamiz Run ensemble en mars 2022 !
Découvrez mon article sur ma précédente Wamiz que j’ai couru à trois aussi !
D’ailleurs, est-ce qu’il y a quelque chose que tu as appris ou découvert avec les chiens guides ?
Tout simplement je n’imaginais pas pouvoir ĂŞtre aussi libre, aussi autonome et pouvoir faire autant de choses seul en fait juste avec mon chien. Je pense que je me suis mis pas mal de limites Ă cause de la canne. Mais vraiment je pense que je suis allĂ©e vraiment au-delĂ de tout ce que j’espĂ©rais, pouvoir mĂŞme partir en vadrouille seule magique, quand on ne voit pas et qu’on a des yeux Ă 4 pattes qui sont lĂ pour veiller sur nous. C’est vraiment magique ! C’est ça la plus grosse leçon que j’ai tirĂ©e de ma dĂ©marche, c’est une libertĂ© folle !
Est-ce que tu as été bluffé par l’un d’entre eux ?
ForcĂ©ment des moments, il y en a eu beaucoup, mais vraiment lĂ oĂą je me suis dit “waouh”, c’Ă©tait avec Gap, il y a quelques annĂ©es. J’ai rejoint en fait mes parents qui Ă©taient partis faire les marchĂ©s de NoĂ«l en camping-car dont celui de Strasbourg. Après s’être garĂ©, je pense qu’on a dĂ» marcher 20 bonnes minutes Ă pied avant de pouvoir arriver au marchĂ© de NoĂ«l. Et puis au moment de repartir, on sort un petit peu du marchĂ©, et puis mes parents ne savaient plus trop par oĂą on Ă©tait arrivĂ©s. Gap est parti Ă droite alors que mon père pensait que c’était Ă gauche, mais j’ai choisi de faire confiance Ă mon chien, et il nous a ramenĂ© jusqu’au camping-car en 20 minutes, et lĂ j’ai fait “waouh” !
As-tu fait une rencontre exceptionnelle grâce aux chiens guides ?
Grâce Ă l’Ă©cole de chiens guides, c’est vrai que j’ai fait quand mĂŞme beaucoup de belles rencontres. Bah dĂ©jĂ , j’ai pu participer Ă un spot national de la FĂ©dĂ©ration des Ecoles de Chiens Guides, et au moment de ma remise de Gap il y avait France 2 qui voulait faire un petit reportage, j’ai eu l’opportunitĂ© de passer dans le 13h de France 2, ce qui n’est quand mĂŞme pas donnĂ© Ă tout le monde. En effet, c’Ă©tait très drĂ´le parce que donc fallait faire comme si c’Ă©tait la première fois que que je rencontrais le chien, et en fait bah Gap il me connaissait donc forcĂ©ment quand je suis arrivĂ©e, il Ă©tait trop content, il m’a sautĂ©e dessus et tout enfin, on voyait qu’il me connaissait, mais bon c’Ă©tait rigolo quand mĂŞme !
Pour finir, quel est ton pire et ton meilleur moment avec les chiens guides ?
Les pires moments je vais en citer 2 : le premier, c’est avec Tara, je marchais dans la rue en 2005, donc il y avait encore quelques cabines tĂ©lĂ©phoniques et puis je sais pas, il y a eu un bruit qui en tout cas a fait se retourner la chienne et en fait pile Ă ce moment-lĂ , il y avait la cabine tĂ©lĂ©phonique qu’elle a pris en pleine tĂŞte, et en fait c’Ă©tait trop la honte d’avoir le chien qui se paye un obstacle ! Et le second c’est avec Gap, alors lĂ vraiment c’Ă©tait vraiment la honte, enfin maintenant j’en rigole. Gap adore la voiture et un jour j’attendais quelqu’un qui devait venir me chercher en voiture. Et j’entends une voiture qui ralentit près de moi, qui s’arrĂŞte donc j’y vais, j’ouvre la porte, et Gap saute dans la voiture donc devant au pied. Je commence Ă m’asseoir et en fait, je me rends compte que ce n’est pas du tout la voiture de mon ami… VoilĂ , je suis montĂ©e dans la voiture d’un parfait inconnu !
Les meilleurs moments c’est quand certaines personnes qui ont peur des chiens me disent que Gap leur inspire confiance. Il est tellement doux, il a un regard gentil et il est toujours mesurĂ© dans ses gestes, j’ai vraiment rĂ©ussi Ă rĂ©concilier plusieurs personnes comme ça Ă aimer les chiens !
Merci Ă Cindy pour son temps, en espĂ©rant qu’on puisse enfin courir un canicross ensemble en 2022 !