Dans cet épisode, je vous présente Timothée qui est guidé par Japlou de l’école des chiens guides de l’Ouest. Malvoyant de naissance, quelques accidents le rendent complètement aveugle à ses 19 ans. Très jeune, il exprime le souhait d’avoir un chien guide d’aveugle, mais comment accueillir un chien guide à l’orée de sa majorité ? Et comment poursuivre tous ses projets ? Devenu athlète handisport en athlétisme, Timothée revient sur ses premiers pas auprès de Baltik, son premier chien guide d’aveugle qui l’a accompagné dès le lycée. Il nous raconte aussi comment son chien guide actuel Japlou a pris le relais, et ses prochains projets avec notamment les JO Paralympiques de Tokyo cet été 2021 !
Retrouvez ci-dessous une retranscription synthétique avec plein de photos :
Est-ce que tu peux te présenter rapidement ?
Je m’appelle Timothée Adophe, j’ai 31 ans, je suis athlète paralympique sprinter du 100m au 400m, je fais aussi de la musique depuis que je suis adolescent, je suis entrepreneur et je prépare un one man show, donc je suis sur plusieurs domaines. Je participe encore, malgré la covid, à des compétitions en tant que sportif de haut niveau, et je suis guidé sur la piste par un des athlètes valides avec qui je travaille de manière tout à fait synchronisée : au final on fait souvent le parallèle avec une chorégraphie au final.
Info pour vous : j’ai écrit à mon petit niveau un article sur comment courir un canicross à trois avec un maître et son chien guide suite à ma participation à trois aux Wamiz Run 2018 et 2019
Afin de comprendre, quand et comment as-tu pris contact avec les chiens guides ?
Je suis né avec une malvoyance forte à l’œil gauche et les yeux très fragiles, on m’opère très jeune mais ce n’est pas un succès. A trois ans, j’échappe à la surveillance de mes proches et descends les escaliers jusqu’à me prendre une porte vitrée à l’œil droit qui me provoque un décollement de la rétine et me rendra aveugle de cet œil. À six ans, je prends un coup de pied à l’œil gauche qui entraîne un ulcère à la cornée et qui ne s’opère pas dans les années 90. À 19 ans, un nouveau coup dans un mouvement de foule provoque un autre décollement de la rétine gauche, ce qui me rend complètement aveugle.
Très jeune j’ai voulu avoir un chien guide, car je n’acceptais pas du tout la canne blanche, je trouvais ça moche. Quand on m’a dit Ă mes 10 ans qu’il fallait ĂŞtre autonome Ă la canne pour avoir un chien guide, je m’y suis mis immĂ©diatement, ça a Ă©tĂ© un vrai dĂ©clic. Sauf que les Ă©coles de chiens guides françaises ne les remettent pas aux mineurs (en dehors de la Fondation FrĂ©dĂ©ric Gaillanne), mais j’ai tentĂ© Ă mes 17 ans en faisant ma demande oĂą je faisais mes Ă©tudes Ă Angers auprès de l’école des chiens guides de l’Ouest. Ma demande a Ă©tĂ© acceptĂ©e, et j’ai rencontrĂ© Baltik, un grand golden blanc, en juin 2007 qui m’a accompagnĂ© au lycĂ©e en classe et Ă l’internat.
Baltik s’est beaucoup adaptĂ© Ă mes Ă©tudes d’abord d’informatique, puis Ă ma reprise de l’athlĂ©tisme avec ma sĂ©lection pour les JO de Londres. Il m’accompagnait toujours au stade dans les gradins, pas forcĂ©ment Ă l’étranger car c’est compliquĂ© de savoir comment cela va s’organiser sur place (comme avec Japlou aujourd’hui), surtout s’il y a des quarantaines pour les animaux. Dans ces cas-lĂ , je l’ai souvent confiĂ© Ă sa famille d’accueil qui Ă©tait ravie de le retrouver.
Baltik était très volontaire et adorait guider, mais dès ses 8 ans j’ai senti qu’il commençait à se fatiguer, j’ai souhaité le mettre à la retraite dès 2015 pour qu’il passe le relais symboliquement à Japlou. J’ai pu le garder avec Japlou, mais ayant rejoint entre-temps l’INSEP, il est alors retourné au calme chez mes parents qui sont devenu sa famille de retraite.
Depuis 2016, je suis guidĂ© par Japlou qui est un golden croisĂ© berger allemand, c’est un bon gabarit de 38 kg avec le poil et les couleurs du berger allemand, mais la tĂŞte et les oreilles du golden. Je l’avais dĂ©jĂ croisĂ© Ă l’occasion Ă l’école, et j’avais eu un bon feeling donc j’étais content. Sauf que je suis reparti du dĂ©but, car on avait en fait beaucoup d’automatismes avec Baltik, dont je n’avais mĂŞme pas conscience pendant notre aventure.
Entre temps, Baltik est décédé en 2017 d’un pneumothorax foudroyant, et ça a été assez traumatisant pour moi, car je n’ai pas pu lui dire au revoir tellement c’est arrivé vite… Timothée lui a d’ailleurs écrit quelques mots qui ne pourront résumer leurs années à deux.
Pour ramener un compagnon à Japlou notamment, j’ai pris Newt un chien guide réformé de l’école d’Angers toujours, un berger allemand proche de l’homme mais qui avait une forte attirance pour les autres animaux, ce qui ne lui a pas permis de devenir chien guide. J’ai aussi eu mon fils !
D’ailleurs, est-ce qu’il y a quelque chose que tu as découvert avec les chiens guides ?
Oui, la relation qu’on a avec le chien qui est juste magique quand on arrive Ă vraiment tisser des liens, qu’on se comprend en un geste mĂŞme si c’est pas un humain. Il se passe beaucoup de choses dans la relation avec un chien guide, et tant qu’on ne le vit pas on ne s’en rend pas compte. On a l’idĂ©e que la relation va ĂŞtre très forte, mais au final c’est très impressionnant, mĂŞme si on en prend conscience seulement quand ils partent…
Est-ce qu’il y a un moment où tu as été bluffé par Baltik ou Japlou ?
Avec Baltik, une fois je me suis fait agressé avec un ami, et j’ai eu l’occasion de partir en courant sur un trajet qu’on ne connaissait absolument pas. Mais Baltik a tout à fait compris avec un sang-froid incroyable, et m’a guidé dans ma course sur tout le trajet, passant sous des échafaudages et évitant tous les obstacles.
Une autre fois plus drôle avec Baltik, on était chez mes parents pour fêter mon premier appartement dont les clés étaient restées sur la table basse. Au moment de partir elles avaient disparues, jusqu’à ce que je blague et les demande à Baltik qui les avait enterrées dans le jardin !
Avec Japlou, j’avais dit à voix haute que je devais aller à la pharmacie, et il s’y est arrêté alors même que je ne lui avais pas demandé, et que je n’y allais jamais !
Pour finir, quel est ton pire et ton meilleur moment avec tes chiens guides ?
Le pire était le départ de Baltik, et aussi à nos débuts lorsqu’on a failli être renversés par une voiture sur un passage piéton. Les meilleurs sont lors des remises, et aussi lorsque Japlou et Newt ont accueilli mon fils !
Merci beaucoup à Timothée de m’avoir consacré du moment dans son emploi du temps de sportif de haut niveau, bonne continuation avec Japlou et bonne chance pour les JO !
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